PS/JD
Numéro 22/3626
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 13/10/2022
Dossier : N° RG 20/01757 – N° Portalis DBVV-V-B7E-HTM6
Nature affaire :
Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Affaire :
[R] [F]
C/
S.A. [Localité 3] OLYMPIQUE PAYS BASQUE (B.O.P.B.)
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 13 Octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 01 Juin 2022, devant :
Madame SORONDO, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame BARRERE, faisant fonction de greffière.
Madame CAUTRES-LACHAUD, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame SORONDO et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame CAUTRES-LACHAUD, Président
Madame SORONDO, Conseiller
Madame NICOLAS, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [R] [F]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Maître LABES de la SELARL ABL ASSOCIES, avocat au barreau de PAU et par Maître DUBOIS de la SCP DUBOIS DUDOGNON VILLETTE, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMEE :
S.A. [Localité 3] OLYMPIQUE PAYS BASQUE (B.O.P.B.)
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Maître COULEAU de la SELARL GUIGNARD & COULEAU, avocat au barreau de BORDEAUX et par Maître BELLEGARDE, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 03 JUILLET 2020
rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE
RG numéro : 18/00283
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [M] [V], alors salarié de la SASP [Localité 3] Olympique Pays Basque (ci-après BOPB) en qualité d’entraîneur de rugby, a adressé le 28 mai 2018 à M. [R] [F] le mail suivant, par ailleurs également adressé à M. [S] [X], alors président du conseil d’administration de société BOPB :
«’Objet : contrat
Salut [R],
Désolé pour le retard mais comme tu sais il y a beaucoup de mouvement dernièrement.
En attendant la procédure pour sortir de cette sanction de rétrogradation on doit finir de nous préparer pour la reprise le prochain 4 juin.
Je mets en copie le président [U] [X] car il m’a demandé de te contacter et de te parler de cette option.
Aujourd’hui le club et moi personnellement voudrions te proposer de nous rejoindre comme entraîneur responsable des avants pour les 2 prochaines saisons.
On pense que tu as le profil dont on a besoin.
Pour ce poste le club peut proposer 6.000 € brut par mois.
On peut aussi parler des primes de résultat évidemment.
Dis nous si tu penses et si ça t’intéresserait d’avancer.
Si tout rentre dans l’ordre cette semaine la reprise sera le lundi 4/6’»
Par mail du 29 mai 2018, M. [R] [F] a répondu comme suit à M. [V] «’Je te confirme mon accord par rapport à ta proposition de contrat de deux saisons sportives pour rejoindre le staff du BO en tant qu’entraîneur des avants.
Voici mes coordonnées pour que ton juriste puisse préparer mon contrat de travail : (suivent les date et lieu de naissance, nationalité et adresse de M. [F]).
Merci de m’envoyer le contrat LNR et de me fixer le RDV pour signature.’»
Par mails des 22 juin, 27 juin et 7 juillet 2018, M. [F] a sollicité puis relancé M. [A] [W], nommé entre-temps président du conseil d’administration de la société BOPB en remplacement de M. [X], en vue de fixer un rendez-vous de signature d’un contrat de travail.
Par mail du 9 juillet 2018, M. [W] a écrit à M. [F] «’mon club n’a jamais eu l’intention de vous proposer le moindre contrat’»
M. [F], qui était alors salarié par contrat à durée déterminée de la société Us [Localité 4] Rugby Landes en qualité d’entraîneur, a convenu avec cette dernière suivant acte en date du 31 juillet 2018 de la résiliation anticipée au 16 juillet 2018 de ce contrat.
Le 11 décembre 2018, M. [F] a saisi la juridiction prud’homale.
Par jugement du 3 juillet 2020, le conseil de prud’hommes de Bayonne a :
– débouté M. [F] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la société [Localité 3] olympique Pays basque de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,
– dit que chaque partie supporte la charge de ses propres dépens.
Le 4 août 2020, M. [F] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 8 avril 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, M. [R] [F] demande à la cour de :
– faire droit à son appel,
– réformer le jugement entrepris,
– dire et juger que l’offre de contrat de travail qui lui a été faite était valide en la forme et dûment acceptée par celui-ci, lequel en avait la capacité juridique,
– dire et juger abusive la rupture de son contrat de travail et imputable à l’employeur,
– condamner la société [Localité 3] olympique Pays basque à lui verser les sommes suivantes :
. 144.000 € à titre d’indemnités pour rupture abusive et anticipée du contrat de travail,
. 50.000 € à titre d’indemnités pour préjudice moral et atteinte à la réputation,
– condamner la société [Localité 3] olympique Pays basque à verser la somme 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société [Localité 3] olympique Pays basque aux entiers dépens d’instance et d’appel.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 13 avril 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la société [Localité 3] olympique Pays basque demande à la cour de’:
– la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
– y faisant droit,
– constater que M. [V], salarié, n’avait pas le pouvoir de rédiger une offre de contrat de travail en son nom ;
– constater que le mail invoqué par M. [R] [F] ne répond pas aux conditions posées pour être qualifié d’offre de contrat de travail ;
– constater que M. [R] [F], au jour de l’offre de contrat de travail invoqué, étant valablement lié par contrat de travail d’entraîneur de rugby professionnel, ne pouvait se libérer de son engagement contractuel auprès de l’US [Localité 4] pour accepter la supposée offre de contrat de travail qu’il invoque ;
– constater que M. [R] [F] n’a pas mis en ‘uvre formellement la clause de rupture anticipée unilatérale du contrat de travail le liant à l’US [Localité 4] au jour de l’offre de contrat de travail ;
– en conséquence,
– rejeter toutes les prétentions formulées par M. [R] [F].
L’ordonnance de clôture est intervenue le 2 mai 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes de M. [F]
L’acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation constitue une offre de contrat de travail.
L’offre doit émaner de l’employeur, et s’agissant d’une personne morale, de son représentant légal ou d’une personne qui a reçu de celui-ci une délégation de pouvoir pour procéder à l’embauche de salariés. M. [F] invoque la théorie du mandat apparent. A cet égard, le mandant peut être engagé sur le fondement du mandat apparent, même en l’absence d’une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autoriseraient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs.
En l’espèce, il résulte des termes du mail que M. [V] s’est présenté comme contactant M. [F] à la demande de M. [X], président du conseil d’administration de la société BOPB («’il m’a demandé de te contacter et de te parler de cette option’») et que ce dernier a également été destinataire du mail du 28 mai 2018. Si certes M. [V] a écrit «’ le club et moi personnellement voudrions te proposer de nous rejoindre comme entraîneur responsable des avants pour les 2 prochaines saisons’», il ne s’est en revanche pas dit mandaté pour contracter. Par ailleurs, M. [F] argue de la qualité de directeur sportif du BOPB de M. [V] alors qu’il est justifié qu’il en était l’entraîneur, ce qu’il n’ignorait pas, étant observé d’une part qu’étant alors lui-même entraîneur d’une équipe alors en Pro D2, il connaissait le milieu du rugby professionnel, d’autre part que sa désignation par son prénom et l’emploi du tutoiement laissent à penser qu’ils avaient déjà échangé. Il invoque par ailleurs un mail adressé le 22 mai 2018 par M. [V] à Mme [P] [E], qu’il qualifie de «’team manager’» du BOPB, et à M. [X], et la réponse de Mme [E] par mail du même jour. Cependant, à défaut de justifier avoir été destinataire de ces mails, leur contenu est indifférent puisqu’il n’a pu influer sur son opinion. De même, il invoque une attestation de M. [B] [O], chef d’entreprise domicilié à [Localité 5] et ancien président du conseil d’administration du BOPB, lequel n’indique pas avoir été en rapport avec M. [F], de sorte que la croyance de ce dernier n’a pas non plus pu être déterminée par des informations reçues de ce dernier. Etant lui-même entraîneur d’une équipe de Pro D2, il savait qu’il n’entre pas dans les tâches normales d’un entraîneur de conclure un contrat de travail, et le contenu du mail du 28 mai 2018 analysé ci-dessus et sa transmission au président du conseil d’administration de la société BOPB, dans des circonstances appelant à la vigilance, puisqu’il justifie que M. [T] [D], directeur général de la société BOPB depuis 20 ans, était décédé le 30 mars 2018, et indique qu’il savait qu’il n’avait pas été remplacé, sont insuffisants à caractériser l’existence d’un mandat apparent.
Dès lors, M. [F] n’établit pas l’existence d’une offre de contrat de travail valable et doit être débouté de ses demandes. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle de la société BOPB
Celui qui agit en justice de façon abusive commet une faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle.
Il appartient à la société BOPB de caractériser l’abus commis. Elle invoque le caractère excessif des prétentions de M. [F], et la réponse donnée par M. [A] [W], devenu président du conseil d’administration du BOPB entre le 28 mai et le 9 juillet 2018, à M. [F]. Ces éléments n’établissent pas l’abus allégué, de sorte que la demande d’indemnisation de ce chef doit être rejetée. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les autres demandes
M. [F], qui succombe, sera condamné aux dépens d’appel. Les circonstances de l’espèce justifient en revanche de rejeter les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Bayonne du 3 juillet 2020 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [R] [F] aux dépens d’appel,
Rejette les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,