Malfaçons : 2 octobre 2018 Cour d’appel de Grenoble RG n° 17/03928
Malfaçons : 2 octobre 2018 Cour d’appel de Grenoble RG n° 17/03928
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2 octobre 2018
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
17/03928

PS

N° RG 17/03928

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL X… ET Y…

la SELAS AGIS

Me Z…

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 02 OCTOBRE 2018

Appel d’une décision (N° RG F 15/00159)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MONTELIMAR

en date du 02 juin 2017 suivant déclaration d’appel du 03 Août 2017

APPELANT :

Maître Salvatore A… es qualités de liquidateur judiciaire de la SAS KAISER

[…]

représenté par Me Josette X… de la SELARL X… ET Y…, avocat au barreau de GRENOBLE, avocat postulant Me Alberto O… P… , avocat au barreau de NICE

INTIMES :

Monsieur Marc B…

de nationalité Française

[…]

représenté par Me Vincent C… de la SELARL C…, avocat au barreau de VALENCE

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE NANCY

[…]

[…]

représentée par Me D… E… de la SELAS AGIS, avocat au barreau de VIENNE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ:

Monsieur Philippe SILVAN, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseiller,

Madame Magali DURAND-MULIN, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 18 Juin 2018,

Mme Valéry CHARBONNIER, a été entendue en son rapport, assistée de Melle Sophie ROCHARD, Greffier conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées.

Me Y… et Me E… ont été entendus en leurs conclusions et Me C… en sa plaidoirie.

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 02 Octobre 2018, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 02 Octobre 2018.

M. Marc B… a été embauché par la société ATCM à compter de septembre 1989. Il travaillait sur un […] .

La société ATCM a été placée en liquidation judiciaire le 24 octobre 2014. Le site de Montélimar a été repris par la SAS Kaiser, par jugement du tribunal de commerce de Romans du 19 novembre 2014.

La SAS Kaiser exploitait également un […] .

En juin 2015, une mouvement de grève a été initié sur le site de Montélimar.

Le 12 juin 2015, 21 salariés anciennement employés par la société ACTM, reprise par la SASKaiser, ont saisi le conseil de prud’hommes de Montélimar d’une demande en paiement de salaires. Ils ont formulé le 4 août 2015, une demande en résiliation de leurs contrats de travail aux torts de l’employeur.

En septembre 2015, les salariés du site de Montélimar ont été convoqués à un entretien préalable à un éventuel licenciement. En octobre 2015, 4 salariés, MM. F…, G…, H… et I…, ont fait l’objet de licenciements pour faute grave.

Par jugement du tribunal de commerce de Briey du 22 février 2016, la SAS Kaiser a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire.

Par jugement du 19octobre 2016 du même tribunal, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire sans poursuite d’activité. Me Salvatore A… a été désigné en qualité de liquidateur.

En novembre 2016, 17 salariés se sont vus notifiés leurs licenciements pour motif économique. Ils ont accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 24 novembre 2016.

Par ordonnance en date du 24 novembre 2015, le conseil de prud’hommes de Montélimar statuant en référé, a condamné la société Kaiser à verser à plusieurs salariés les salaires des mois de septembre et octobre 2015.

Par jugement du 2 juin 2017, le conseil de prud’hommes de Montélimar a :

– donné acte à l’AGS et au CGEA de Nancy de leur intervention en application de l’article L. 625-3 du code de commerce et leur a déclaré le jugement opposable ;

– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, et ce à effet au 24 novembre 2016,

– dit que cette résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse :

En conséquence,

fixé la créance de M. B… à la liquidation judiciaire de la SAS Kaiser représentée par MeA…, ès-qualités :

à la somme de 27500 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

outre 200 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que l’AGS et le CGEA de Nancy devront procéder à l’avance de ces sommes, dans la limite du plafond applicable et sur présentation par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement,

– rejeté toutes les autres demandes,

– ordonné d’office en application de l’article L. 1235-4 du code du travail, en tant que de besoin, le remboursement par l’employeur aux organismes concernés, non intervenus à l’instance, de l’intégralité des indemnités de chômage versées au salarié licencié à concurrence de six mois d’indemnités ;

fixé la moyenne des six derniers mois de salaire net du salarié à 1765 €,

– dit que les dépens seront supportés par la liquidation judiciaire.

Me A…, ès-qualités, a interjeté appel de cette décision le 3 août 2017.

A l’issue des débats et de ses conclusions du 30 mai 2018 soutenues oralement à l’audience, et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, MeA…, ès-qualités, demande à la cour de :

A titre principal : sur la résiliation judiciaire,

– réformer le jugement dont appel qui a prononcé la résiliation judiciaire du contrat,

– débouter le salarié de toutes ses demandes, fins et conclusions à ce titre,

A titre subsidiaire : sur le licenciement économique,

– juger que le licenciement économique est pourvu d’une cause réelle et sérieuse,

– débouter M. B… de ses demandes, fins et conclusions à ce titre,

Encore plus subsidiairement sur l’indemnisation,

limiter à 6 mois de salaires l’indemnisation allouée,

– condamner M. B… aux entiers dépens ainsi qu’à la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le liquidateur fait valoir que la société Kaiser, repreneur de la société ACTM, a été confrontée à plusieurs problèmes lors de la reprise du site de Montélimar. Il invoque les difficultés inhérentes à tout redémarrage d’activités industrielles et ajoute que la société s’est aperçue, après la reprise, que le site de production était plus dégradé que dans la présentation qui lui en avait été faite au moment de l’offre de reprise.

Il soutient que le site de Montélimar était à l’abandon, n’était plus autonome, que l’outil de production était à l’arrêt. Il précise que des problèmes anciens de sécurité et d’absence de maintenance avaient été cachés au repreneur.

Il affirme également qu’une opposition a éclaté entre les salariés et la direction, dès le mois de mai 2015, faisant obstacle aux efforts de production.

Il prétend que la SAS Kaiser a tenté de relancer l’outil de production, sans y parvenir, de sorte que le bilan de l’activité du site de Montélimar était gravement déficitaire. Il expose qu’une coordination entre le site principal situé à Longuyon et l’établissement secondaire de Montélimar s’imposait, ce qui explique les liens ente les sites. Il soutient que le déficit d’exploitation a initialement été assumé par le site de production de Longuyon, mais que cette situation s’est avérée compliquée, en raison de problèmes de trésorerie. Il précise que le site de Montélimar a produit un très faible nombre de véhicules après la reprise et souligne également les défauts de fabrication de ces véhicules. Il affirme que la responsabilité de la production sur le site de Montélimar a été confiée à un responsable, M. I…, qui a échoué dans sa mission.

Le liquidateur, qui conclut au rejet de la demande de résiliation judiciaire, conteste l’absence de fourniture de travail alléguée, opposant que la société Kaiser a tout fait pour maintenir l’emploi et sauvegarder l’outil de travail. Il affirme que les premiers juges ont écarté ce manquement et souligne qu’à partir du 15 janvier 2016, l’ensemble des salariés du site a été mis en activité partielle.

Il invoque également la décision du conseil des prud’hommes de Longwy, qui, par jugement du 23février 2017, a débouté 23 salariés employés par la société Kaiser, sur le site de Longuyon, de leurs demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Le liquidateur fait valoir en outre que M. B… n’a pas exécuté le contrat de bonne foi. Il prétend que, malgré les efforts renouvelés de la SAS Kaiser, les salariés du site de Montélimar ont fait preuve de mauvaise volonté, ces derniers souhaitant faire l’objet d’un licenciement économique et solliciter la résiliation judiciaire. Il leur fait grief d’avoir mal exécuté les tâches confiées, poussant à la rupture du contrat, ce qui les prive de pouvoir reprocher à l’employeur la violation de ses obligations. Il précise que de nombreux salariés ont été absents pour cause de maladie ou congés payés.

Il ajoute que les dirigeants se sont déplacés afin de rencontrer les salariés, mais que ces derniers ont refusé. Il soutient également que la médiatisation de la procédure collective a eu des répercussions négatives sur le crédit de l’entreprise auprès des établissements bancaires.

S’agissant des locaux, il fait valoir que la SAS Kaiser à proposé, en vue de garantir la sécurité des travailleurs, leur déplacement sur le site de la maison-mère, situé à 30 km, dans l’attente de trouver un nouveau local. Il prétend que les problèmes du site étaient pour la plupart préexistants à la reprise et ajoute, s’agissant des conditions de travail et de la sécurité, que le nouvel employeur a amélioré la situation antérieure, notamment au regard du nombre d’accidents du travail. Il précise que la société ignorait que le responsable du site n’avait pas exécuté les instructions reçues, en matière d’hygiène. Il fait grief au jugement de s’être appuyé sur le courrier de l’inspection du travail du 5 juin 2015, sans prendre en considération les réponses apportées par la société Kaiser.

S’agissant des salaires, le liquidateur conteste l’absence de versement. Il admet des retard de paiements, mais fait valoir que ceux-ci ont été circonscrits au deuxième semestre 2015, de faible importance, s’expliquent par les difficultés rencontrées par l’entreprise et ne sont pas imputables à la société Kaiser. Il précise que la date habituelle de paiement des salaires se situait autour du 10 de chaque mois et non pas entre le 1er et le 4 comme le prétendent les salariés. S’agissant du chômage partiel pour les mois de juin à septembre 2016, il soutient qu’il avait été décidé, à la suite d’une réunion avec les instances représentatives du personnel, d’attendre le résultat des recours, avant de régulariser les fiches de paye.

S’agissant du paiement des sommes dues selon la décision de la formation de référé du conseil de prud’hommes, notamment au titre de l’article 700 du code de procédure civile, le liquidateur fait valoir que la SAS Kaiser a adressé des chèques par Chronopost, mais que ceux-ci n’ayant pas été remis immédiatement à l’encaissement, ils ont été bloqués à la demande de l’administrateur judiciaire. Il précise que la SAS Kaiser a régulièrement déposé les déclarations sociales.

Le liquidateur met en exergue l’évolution des demandes de M. B…. Il conteste les manquements invoqués, ceux-ci étant, pour certains, non constitués, et pour d’autres, anciens, préexistants à la reprise, ou régularisés par l’employeur. Il prétend qu’aucun de ces manquements ne rendait impossible le maintien du contrat de travail.

Par ailleurs, le liquidateur soutient avoir correctement exécuté l’obligation de recherches de reclassement, proportionnellement aux moyens dont il disposait et aux délais impartis. Il indique avoir effectué des recherches externes et internes et avoir saisi la commission territoriale de l’emploi, conformément aux dispositions conventionnelles, avant les licenciements. Il conclut enfin, à titre subsidiaire, à la limitation de l’indemnisation allouée.

A l’issue des débats et de ses conclusions du 30 décembre 2017 soutenues oralement à l’audience, et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M.B… demande à la cour de :

A titre principal :

– confirmer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur,

A titre subsidiaire :

– requalifier le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dans tous les cas,

faire droit à son appel incident et fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Kaiser une créance s’élevant à 56000 € à titre de dommages-intérêts consécutifs à la rupture du contrat de travail,

outre 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– mettre les entiers dépens de l’instance à la charge de la liquidation judiciaire de la société Kaiser,

– juger la décision à intervenir opposable aux AGS.

M. B… conclut à la confirmation du jugement, en ce qu’il a prononcé la résiliation de son contrat de travail. Il sollicite en revanche la majoration de l’indemnisation perçue.

Il fait grief à la société Kaiser de ne pas lui avoir pas fourni de travail, notamment à compter d’avril 2015.

M. B… soutient que la société Kaiser a totalement laissé à l’abandon le site de Montélimar, celle-ci remontant le peu de commandes enregistrées vers le siège. Il prétend que les dirigeants ne se déplaçaient pas sur ce site et reproche une absence de communication. Il conteste avoir fait preuve d’une mauvaise attitude. Il prétend que la société Kaiser a fait des déclarations mensongères à la presse et soutient que pendant la période d’observation, la situation s’est dégradée. Il fait également grief à la société Kaiser d’avoir indiqué qu’il n’y avait plus de local à Montélimar susceptible d’accueillir le personnel.

Il indique qu’à la suite de l’audience de conciliation devant le conseil de prud’hommes, l’ensemble des salariés a été convoqué à un entretien préalable à licenciement, ces entretiens ayant débouché sur quatre licenciements pour faute grave.

M. B… reproche à son employeur des retards de versement de salaire, se comparant aux salariés de Longuyon qui étaient payés en début de mois. Il lui fait également grief d’avoir procédé à des retenues sur salaire malgré le refus de chômage partiel opposé par la Direccte. Il indique en outre que la société n’avait formulé aucune garantie sur les déclarations de caisse de retraite.

Par ailleurs, il souligne ses mauvaises conditions de travail et prétend qu’il ne bénéficiait pas d’une inscription auprès de la médecine du travail. Il invoque la violation par son employeur de nombreuses règles, en matière d’hygiène et de sécurité.

Il fait valoir que les manquements de l’employeur, constatés par l’inspecteur du travail, ont placé l’ensemble des salariés dans une situation stressante, ce qui explique la multiplication des arrêts de travail pour maladie. Il indique en outre qu’un salarié s’est suicidé.

Il affirme que les manquements de l’employeur ont été reconnus par les premiers juges, précisant que le grief tiré de l’absence de fourniture de travail pendant 18 mois n’a pas été écarté. Il soutient que les autres griefs suffisaient à justifier la résiliation des contrats aux torts de l’employeur.

À titre subsidiaire, M. B… conteste le licenciement économique prononcé. Il soulève le manquement à l’obligation de reclassement, à défaut de réalisation des démarches imposées par la convention collective, à savoir la saisine de la commission nationale de l’emploi, ainsi que des recherches de reclassement à l’intérieur du groupe. Il prétend notamment que le liquidateur ne justifie pas des recherches effectuées au sein de la société Remake.

Sollicitant une indemnisation supérieure, il souligne son ancienneté au sein de l’entreprise.

A l’issue des débats et de ses conclusions du 20 avril 2018 soutenues oralement à l’audience, et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, l’AGS CGEA de Nancy demande à la cour de :

– réformer le jugement entrepris,

– débouter M. B… de l’intégralité de ses demandes,

– subsidiairement, limiter à 6 mois de salaires l’indemnisation,

– juger en toute hypothèse que la cour ne pourra la condamner directement mais se limiter à lui déclarer opposable la décision à intervenir sur la base des indemnités salariales brutes garanties dans la limite des dispositions des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail,

– dire que les intérêts légaux seront arrêtés au jour du jugement d’ouverture,

– dire que sa garantie est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l’article D. 3253-5 du code du travail,

– juger en tout état de cause qu’elle ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21 et L 3253-17 du code du travail,

– juger que son obligation de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

– dire qu’elle sera mise hors de cause, s’agissant de l’article 700 du code de procédure civile, cette créance n’étant pas salariale,

– condamner M. B… aux entiers dépens.

L’AGS CGE de Nancy conclut à l’infirmation du jugement entrepris. Elle fait valoir que M. B… ne peut reprocher à son ancien employeur de s’être abstenu de lui fournir du travail, alors qu’il n’exécutait pas les tâches confiées ou le faisait de façon négligente. Elle prétend que le conseil de prud’hommes a écarté ce grief. Elle souligne en outre le fait que les salariés du site ont été placés en chômage partiel à compter du 15 janvier 2016.

S’agissant des salaires réglés tardivement, elle soutient que la situation a été régularisée par la société Kaiser.

S’agissant des conditions de travail, elle affirme que la situation était préexistante à la reprise du site, ce qui exclut l’existence d’un manquement de la société Kaiser à ses obligations. Elle fait valoir que la société Kaiser projetait de proposer provisoirement l’installation des salariés sur un site basé à 30 km, dans l’attente de trouver un nouveau local.

À titre subsidiaire, elle soutient que le liquidateur justifie de l’accomplissement de la formalité prévue à l’article 28 de l’accord du 12 juin 1987, à savoir la saisine de la commission territoriale de l’emploi imposée par la convention collective de la métallurgie. Elle affirme également que le liquidateur a rempli son obligation en matière de recherches de reclassement.

À titre infiniment subsidiaire, elle fait valoir que M. B… ne produit aucun élément pour justifier de son préjudice, ni de sa situation, alors que la charge de la preuve lui incombe, pour prétendre à une indemnisation supérieure à six mois de salaire. L’AGS fait valoir enfin qu’elle a déjà procédé à l’avance de sommes pour le compte des salariés.

SUR CE :

Sur la demande de rejet des conclusions et pièces produites

M. B… sollicite le rejet des conclusions et pièces produites par le liquidateur le jour de l’ordonnance de clôture, ou, à titre subsidiaire que soit ordonné un report de l’ordonnance de clôture.

Il est à noter que la demande de rejet n’est pas formulée par voie de conclusions déposées devant la cour, mais une note en réponse complémentaire produite comme pièce. La demande n’est donc pas recevable. En outre, il est à noter que l’argumentation développée par le liquidateur, dans ses conclusions du 30 mai 2018 est en partie identique à celle développée en première instance. Les nouvelles pièces produites n’apportent aucune information décisive pour le sort du litige. Aucune considération, tenant à la complexité des moyens soulevés ni au volume des écritures ou des pièces ne conduit à justifier qu’un temps d’étude spécifique ou de nouvelles répliques auraient été nécessaires. L’ensemble des demandes et moyens présentés par le liquidateur dans ses conclusions du 30 mai 2018 ont été contestés par M. B… et l’ensemble des points litigieux pleinement débattus.

Le moyen tiré de la violation du contradictoire et la demande de M. B… de voir écarter les conclusions et pièces du liquidateur produites le 30 mai 2018 et de report de l’ordonnance de clôture, seront rejetés.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.

Il convient donc d’examiner l’ensemble des manquements invoqués par le salarié à l’appui de sa demande de résiliation judiciaire, à savoir d’une part l’absence de fourniture de travail et l’abandon du site de Montélimar par les dirigeants, d’autre part les mauvaises conditions de travail, d’hygiène et de sécurité et enfin les retenues opérées sur les salaires ainsi que les retards de paiement.

L’évolution des demandes de M. B…, soulignée par le liquidateur, n’a aucune incidence, ce dernier pouvant valablement invoquer devant la cour l’ensemble de ces griefs.

Par ailleurs, le fait que le jugement de départage déféré, non définitif, ne contienne pas d’analyse de du grief tiré de l’absence de fourniture de travail dans sa motivation, est indifférent et ne permet pas d’exclure la matérialité de ce grief, qui sera examinée.

Sur l’absence de fourniture de travail et l’abandon du site de Montélimar par les dirigeants reprochés

L’obligation de fournir du travail est une obligation essentielle. Conformément aux dispositions de l’article 1353 du code civil, celui qui se prétend libéré d’une obligation doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Le liquidateur fait valoir que la SAS Kaiser a découvert, postérieurement à la reprise de la société ACTM, l’étendue des difficultés entravant la reprise de l’activité sur le site de Montélimar. Il affirme notamment qu’elle ignorait, lors de la reprise, qu’un faible nombre de véhicules avaient été immatriculés et facturés en 2014, que le personnel avait été placé en activité partielle et que l’encours de commande au moment de la reprise était particulièrement faible, une commande ayant été annulée. Par ailleurs, le liquidateur soutient que le site de production n’était pas autonome et que l’outil de travail mis à la disposition des salariés était dégradé.

Cependant, le repreneur, à qui il incombe de s’informer sur la situation de l’entreprise, préalablement au rachat, ne peut pas exciper, auprès des salariés, de son ignorance relative à l’encours des commandes ou aux modalités de production, pour s’exonérer de son obligation de fournir du travail.

En outre, le jugement du tribunal de commerce de Romans en date du 19 novembre 2014 vise expressément la vétusté du site de production et la nécessité de prévoir des investissements importants. La SAS Kaiser n’était donc pas dans l’ignorance des conditions difficiles de reprise du site.

Le liquidateur fait valoir que le jugement du tribunal de commerce indique que les investissements n’étaient pas envisageables, dès lors que le site n’était pas la propriété de la société ACTM, mais était loué selon bail commercial. Cependant la société Kaiser ne justifie pas avoir effectué toutes les démarches permettant le maintien, même à titre provisoire, d’un niveau de production suffisant sur le site.

Le liquidateur ne conteste pas que les salariés se sont vus confier peu de tâches depuis la reprise par la SAS Kaiser. Le courriel en date du 8 juin 2015, aux termes duquel M. I… indique faire «un point sur la prod» et qui mentionne que plusieurs véhicules étaient en cours de construction ne permet pas démontrer que les salariés se sont vus fournir un volume de travail normal.

A l’inverse, l’analyse du rapport complémentaire tendant à la conversion de la procédure de redressement en liquidation judiciaire, établi par Me J…, administrateur judiciaire, en date du 29 août 2016, confirme que : « depuis un an il n’y a aucune activité sur le site». L’administrateur indique que la société Kaiser n’exercera plus d’activité sur ce site et mentionne qu’ « il existe à […] aux 18 salariés qui n’ont pas d’activité, pas de site propre et à qui on ne donne aucune information quant à leur avenir.»

Me A…, ès-qualités, fait valoir que les salariés ont fait preuve de mauvaise volonté et ont mal effectué les tâches qui leur ont été confiées. Il produit les comptes-rendus de comités d’entreprise de la société Kaiser en date du 27 juillet et du 21 septembre 2015, qui évoquent des malfaçons. Ainsi, sur le compte rendu en date du 21 septembre 2015, il est indiqué que : « il y a beaucoup d’erreurs de fabrication et de malfaçons (exemple : commande Alencon V1I).» Il produit en outre de nombreuses photos montrant les défaillances de fabrication. Le liquidateur invoque une absence de volonté de travailler de la part des salariés.

Si l’employeur peut, dans le cadre de son pouvoir de direction, sanctionner la mauvaise exécution du travail ou le refus d’exécuter le travail, il ne peut justifier l’absence de fourniture du travail par les manquements des salariés, ni opposer une exception d’inexécution. Ainsi, il ne peut se préavaloir des malfaçons constatées sur les véhicules, ni d’un mauvaise volonté des salariés, ni d’un refus d’utiliser le système informatique de la société Kaiser. De même, la circonstance qu’un salarié devant assurer la coordination entre les sites de Montélimar et de Longuyon ait pu éventuellement être défaillant, ne permet pas d’écarter la responsabilité de l’employeur qui ne fournit pas de travail.

M. B… produit divers articles de presse qui évoquent le désarroi des salariés du site de Montélimar, l’absence d’activité de production ou une activité insuffisante, un manque de communication avec la direction. L’un des articles relate une communication téléphonique avec la directrice générale de la société Kaiser, aux termes de laquelle la dirigeante aurait déclaré qu’elle avait fait une erreur en reprenant la société ACTM et qu’elle voulait délocaliser l’activité du site. Cependant, ces documents ne présentent pas les garanties de neutralité permettant d’établir la volonté de la société Kaiser de priver le site de toute activité. Leur force probante est nulle.

S’agissant en outre de l’absence de passage de dirigeants sur le site ou de l’absence de volonté de dialoguer, celle-ci n’est pas démontrée, les pièces versées aux débats révélant plutôt l’existence du conflit social important entre les deux parties et une crispation des positions de sorte que le dialogue était rendu très difficile. Le liquidateur produit une attestation établie par un directeur commercial qui affirme avoir été mandaté pour renouer un dialogue social et s’être présenté sur les lieux à cet effet le 21 juillet 2015. Cette preuve est suffisante pour établir le passage d’un directeur sur le site. En revanche, les lettres officielles entre avocats produites par le liquidateur ne permettent pas d’établir que les salariés ni leur conseil sont à l’origine de la rupture du dialogue. En effet, ces courriers ont été échangés fin septembre 2016, soit plus d’un an après le début du conflit social et une vingtaine de jours avant la liquidation de la SAS Kaiser. A ce stade, le refus éventuel de dialoguer de la part de l’une ou l’autre des parties n’a pu être à l’origine de la paralysie de l’activité. De même, le compte-rendu du comité d’entreprise en date du 21 septembre 2015, qui évoque un refus des salariés de répondre précisément à des questions («car ils considèrent que la décision de fermer le site a été prise depuis déjà longtemps»), ne permet pas d’imputer l’arrêt du dialogue social aux salariés, de sorte que le liquidateur ne prouve pas la mauvaise foi des salariés dont il se prévaut.

Cependant, dans la mesure où la reprise de la société ACTM s’inscrivait dans le cadre d’une liquidation judiciaire et où, comme exposé précédemment, l’activité était particulièrement faible sur le site de production au moment de la reprise, il convient de tenir compte, pour apprécier l’existence d’un manquement de l’employeur à son obligation de fournir du travail, du laps de temps nécessaire à la mise en place des efforts et investissements visant à la reprise de l’activité.

La reprise du site par la SAS Kaiser est en date du 19 novembre 2014. Un conflit social a éclaté dès le mois de juin 2015. Par ailleurs, la SAS Kaiser a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire le 22 février 2016. L’accroissement du passif de la société au cours de cette période n’est pas contesté. Au regard de la chronologie des événements, du temps nécessaire au développement de l’activité, de la date à laquelle le climat social est devenu hautement conflictuel et des difficultés de mise en place d’un mode de production adapté, lequel était indispensable avant le lancement d’une stratégie commerciale, il appert que la SARL Kaiser n’a pas disposé du temps nécessaire à la mise en place d’une organisation viable et d’une montée en puissance de l’activité.

De surcroît, le liquidateur démontre que la position de la Direccte a évolué relativement à la prise en charge de l’activité partielle. Le refus d’octroi d’aides escomptées a impliqué un changement de planification stratégique pour l’entreprise. L’absence d’autonomie du site, empêchant la réalisation d’un certain nombre de tâches, constitue également un obstacle, au développement rapide de l’activité. Le liquidateur produit en outre un courriel en date du 11 décembre 2015, adressé par le chargé de clientèle entreprise de la banque CIC, à Mme K…, aux termes duquel ce dernier évoque un article de presse en indiquant : «les relations avec le personnel n’ont pas l’air d’être au beau fixe». Même si le chargé de clientèle affirme lire les journaux avec un «filtre», il indique néanmoins attendre le résultat du compte rendu de réunion avec le comité d’entreprise, ce qui prouve que la publicité du conflit social en cours a eu des répercussions sur la relation de la SAS Kaiser avec ses partenaires, en particulier avec l’établissement bancaire, de nature à entraver les démarches visant à la reprise de l’activité.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, Me A…, ès-qualités, justifie d’éléments objectifs pour expliquer que l’absence de reprise d’activité n’est pas entièrement imputable à la SAS Kaiser, celle-ci ayant rencontré des obstacles à la relance de l’activité indépendants de sa volonté. Le désintérêt, l’abandon invoqué par les salariés et l’absence de sincérité initiale du projet de reprise ne sont pas démontrés. Il en résulte que le manquement à l’obligation de fournir du travail n’est que partiellement imputable à l’employeur, qui pas disposé du temps nécessaire et des conditions favorables pour accomplir les démarches et investissements nécessaires pour faire croître l’activité.

Sur les conditions de travail et l’obligation de sécurité de résultat

L’article L. 4121-1 du code du travail dispose notamment que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

M. B… produit un courrier du contrôleur du travail en date du 5 juin 2015, faisant suite à la visite de l’établissement de Montélimar en date du 28 mai 2015, aux termes duquel il est fait état de divers manquements de la société Kaiser concernant les affichages réglementaires, le registre unique du personnel, la médecine du travail, les installations électriques, les vérifications incendie, les appareils de levage, les autorisations de conduite des chariots élévateurs, les vêtements de travail, l’état des sanitaires et des lavabos, l’absence de système de séchage ou d’essuyage dans le vestiaire, ainsi que l’absence de document unique d’évaluation des risques à disposition.

Dans la note sur la situation du site de Montélimar établie par la dirigeante de la société Kaiser, celle-ci reconnaît que les affiches réglementaires n’étaient pas au nom de la société, que le registre du personnel n’était pas consultable sur place lors de la visite de l’inspecteur du travail. Il est donc patent que l’employeur a manqué à ses obligations à ce titre.

Par ailleurs, Mme K… reconnaît la défaillance de la société au regard de l’obligation de suivi médical des salariés : « nous avions oublié les visites médicales.». Le liquidateur produit un courriel du 24 avril 2015, aux termes duquel Mme L…, assistante ressources humaines, relance M. I… pour obtenir des renseignements sur le centre de médecine du travail compétent. M.I… a répondu par courriel du 27 avril 2015. La demande initiale faite par l’assistante n’est pas produite, de sorte que le caractère tardif de la réponse apportée n’est pas démontré. En outre, il incombe à l’employeur de s’assurer du suivi médical des salariés. Le liquidateur ne peut exciper de l’absence de connaissance du nom du centre médical compétent, pour exonérer l’employeur de sa responsabilité en matière de suivi médical. Le manquement est donc établi.

S’agissant des vérifications électriques, ainsi que des vérifications des extincteurs et des appareils de levage, la note révèle que celles-ci n’étaient pas à jour. Il est indiqué par exemple : « Depuis avril 2013 la vérification électrique était périmée, et cela ne gênait personne.» La dirigeante impute le manquement aux salariés : « Le personnel de Montélimar ne nous a jamais fourni les documents, qui évidemment était en leur possession, s’ils ont pu les fournir à l’inspection du travail».

Cependant il incombe à l’employeur de s’assurer de la mise à jour et de la mise à disposition de l’inspection du travail des documents utiles, ainsi que de la réalisation en temps utiles de l’ensemble des vérifications prescrites par la loi et le règlement.

Cette note révèle en outre que les autorisations de conduite des chariots élévateurs n’étaient pas au nom de la nouvelle société.

Il ressort du courrier de l’inspection du travail que quatre toilettes dans l’atelier étaient inutilisables. Il n’est pas contesté que les salariés devaient utiliser les toilettes du local administratif. Le liquidateur, qui fait grief aux salariés de ne pas avoir signalé la situation, produit des échanges de courriels révélant l’existence d’une fuite d’eau. Il prétend que l’employeur pensait la fuite réparée. Aux termes du courriel du 6 mars 2015, M. I… indique «nous allons fermer la vanne après le compteur pour le week-end et lundi on recherche la fuite». Le liquidateur fait valoir que l’employeur n’a jamais été relancé par les salariés à ce sujet. Il produit des échanges de courriels postérieurs, entre M. M… et M. N…, qui évoquent notamment des besoins de produits d’entretien «(pour toilettes et lavabo)» sans préciser que les toilettes sont hors d’usage. Ces courriels sont datés du 8 janvier 2015. Cependant il incombe à l’employeur de s’assurer des bonnes conditions d’hygiène et de sécurité des locaux de travail. La visite de la contrôleuse du travail a eu lieu le 28 mai 2015. Le fait que plusieurs toilettes soient hors d’usage en raison d’une fuite depuis plusieurs semaines caractérise un manquement de l’employeur, peu important que les salariés ne puissent justifier de relances écrites auprès de la direction à ce sujet.

De surcroît, s’agissant du document unique d’évaluation des risques professionnels, le liquidateur conclut que ce document était dans la base informatique, mais la note susvisée permet d’établir que ce document n’était pas à jour : « bien entendu le document unique n’a pas encore été mis à jour».

Comme exposé, le liquidateur, qui prétend que des informations ont été cachées au repreneur au moment du rachat, ne peut se prévaloir de la situation préexistante en matière d’hygiène et de sécurité, ni du projet, non abouti, d’installation provisoire des travailleurs dans un nouveau local. Le premier juge a relevé à bon droit que la vétusté était connue par la société Kaiser lorsqu’elle avait formulé son offre de reprise et que l’employeur ne démontrait pas les efforts fournis. En effet, le liquidateur ne produit aucune pièce démontrant que la SAS Kaiser a immédiatement pris les mesures correctives s’imposant, y compris postérieurement à la visite de l’inspection du travail. La production de tableaux relatifs à la fréquence et à la gravité des accidents du travail, ainsi que les échanges de courriels du 1er septembre 2015, aux termes desquels le contrôleur de sécurité de prévention des risques professionnels indique «compte tenu de vos difficultés actuelles, concernant la mise en place de la démarche de prévention des TMS dans votre établissement, nous reviendrons vers vous en début d’année 2016.» ne permettent pas de combattre les éléments susvisés et ne conduisent pas à une appréciation différente des manquements.

Ce faisant, M. B… rapporte la preuve que la SARL Kaiser a manqué à son obligation en matière d’hygiène et de sécurité.

Sur les retenues et retards de paiement des salaires

M. B… soutient que la société Kaiser a procédé à des retenues sur salaire qui n’ont été régularisés que sous la pression du Tribunal de commerce. Il prétend en outre qu’elle versait systématiquement les salaires avec retard.

M. B… verse aux débats ses bulletins de salaire établissant que l’employeur a opéré des retenues. Il ressort du rapport complémentaire tendant à la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, établi par l’administrateur judiciaire de la société Kaiser, en date du 29 août 2016, que la société Kaiser avait fait appel au chômage partiel tant sur le site de Longuyon que sur le site de Montélimar et avait obtenu, à cet effet, un remboursement de la Direccte de 202748 €. M. B… produit les courriers de la Direccte en date du 28 juin, du 4 et du 12 juillet 2016, établissant que celle-ci avait décidé de ne pas renouveler l’aide accordée. Le rapport évoque l’action engagée par les salariés et précise que : «Ainsi, la société Kaiser aura, en tout état de cause, dans un premier temps, à payer la totalité des salaires de la société sur les deux sites, à compter du mois de juin ce qui aggravera sa situation financière.»

M. B… produit également le rapport sur la situation de la procédure établi par l’administrateur judiciaire de la société Kaiser, en date du 30 août 2016, qui évoque l’absence de régularisation des salaires suite à l’arrêt des mesures de chômage partiel depuis juin 2016, ainsi que des primes de vacances non versées. Ce faisant, il établit l’absence de régularisation des salaires invoqués.

Le liquidateur, qui conteste le caractère systématique des retards de paiements, admet dans ses écritures qu’il « il y a eu effectivement des retards de paiements au cours de la deuxième moitié de l’année 2015.» Il admet notamment que les salaires de septembre et octobre 2015 ont été réglés le 15 janvier 2016, produisant un relevé des virements effectués sur les comptes bancaires qui comporte les mentions : «virement salaires septembre 2015», «virement salaires octobre 2015» et «date d’exécution forcée: 15 janvier 2016»). Pour expliquer ces retards de paiement, il invoque d’une part, les difficultés économiques et de trésorerie de la société Kaiser et d’autre part, les malfaçons qu’il impute aux salariés. Cependant, ces éléments ne sont pas de nature à justifier les retards de paiement. En effet, la résistance opposée par l’employeur caractérise une volonté de différer les paiements. En outre, le code du travail prohibe les sanctions disciplinaires pécuniaires, ce qui exclut la possibilité de se prévaloir des malfaçons pour justifier le retard de paiement de salaire. Par ailleurs, comme l’a relevé à juste titre le premier juge, les considérations relatives à l’assiduité ou aux absences pour maladie, ne peuvent justifier des retards de paiement du salaire.

Les retards paiement du salaire sont donc établis, sans qu’il y ait lieu d’examiner plus avant la date des versements mensuels de la paye ni les autres moyens tendant à démontrer d’éventuels retards supplémentaires. En effet, compte tenu de la tardiveté de la régularisation de la situation par l’employeur, soit quatre mois après l’échéance, du fait que les retards concernaient deux mois de salaire, il est établi que ces retards ont été réitérés et importants. En outre, M. B… justifie que les salariés de la SAS Kaiser avaient à plusieurs reprises, par l’intermédiaire de leur conseil, sollicité le paiement de leurs salaires. Les relances versées aux débats prouvent que l’employeur avait été dûment alerté des plaintes des salariés concernant les retards de versements de salaire.

Il est constant que le retard de paiement du salaire et l’absence de respect des règles relatives à l’hygiène et à la sécurité, caractérisent des manquements de l’employeur à des obligations essentielles du contrat de travail, à savoir la préservation de la santé et de la sécurité du salarié ainsi que sa rémunération.

Le liquidateur prétend que les salariés n’étaient pas en situation de danger, la contrôleuse ayant seulement visé des irrégularités mineures ou le défaut de mise à jour de documents. Il ajoute, s’agissant des infractions aux règles d’hygiène et de sécurité, que celles-ci étaient, pour certaines, anciennes et n’ont pas empêché la poursuite du contrat. Cependant, les manquements relevés, par leur nature et leur multiplicité, placent le salarié en situation de risque pour sa santé et sa sécurité et, partant, revêtent un caractère particulier de gravité.

Au vu de ce qui précède, les manquements graves et réitérés commis par l’employeur touchant à des obligations contractuelles essentielles, ils justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

La résiliation du contrat produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de l’ancienneté de M. B…, s’élevant à 27 ans, du dommage qu’il a subi en raison des manquements de l’employeur et de la période de chômage dont il justifie, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice lié à la perte injustifiée de son emploi en lui allouant la somme de 27500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les éléments présentés par M. B… ne justifiant pas l’octroi de dommages-intérêts d’un montant supérieur.

Le jugement sera donc confirmé, tant en son principe qu’en son quantum. Il y a lieu de confirmer également la date d’effet de la résiliation du contrat, étant précisé qu’aucune contestation particulière ne s’élève sur ce point.

Sur le remboursement des indemnités versées par Pôle emploi

En vertu des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, selon lesquelles le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé, sera fixée au passif de la liquidation de la société Kaiser, une créance au bénéfice de Pôle emploi à ce titre, dans la limite de six mois, cette limite étant justifiée tant au regard du manquement de l’employeur que de la taille de la structure.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La créance du salarié en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sera fixée au passif de la liquidation de la société Kaiser à la somme de 200 € en cause d’appel.

Les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la SAS Kaiser.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

DECLARE l’appel recevable,

DEBOUTE M. B… de sa demande de rejet des pièces et conclusions du liquidateur en date du 30mai 2018 et de report de l’ordonnance de clôture,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DIT que le présent arrêt est opposable à l’AGS représentée par le CGE de Nancy et qu’elle doit sa garantie dans les conditions définies par l’article L. 3253-8 du code du travail dans la limite des plafonds légaux ;

DIT que son obligation de faire l’avance des sommes allouées à M. B… ne pourra s’exécuter que sur justification par le mandataire judiciaire de l’absence de fonds disponibles pour procéder à leur paiement;

DIT que son obligation n’est pas applicable pour les sommes allouées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

FIXE la créance de M. B… au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Kaiser à la somme de 200 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

DIT que les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire de la SASKaiser.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur SILVAN, Président, et par Madame ROCHARD, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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