Sommaire Contexte de l’affaireEn présence d’un interprète en russe, la procédure s’est déroulée en audience publique, conformément aux articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. La décision initiale de refus d’entrée sur le territoire français a été prise par le Chef du service de la police nationale de [Localité 4] le 6 décembre 2024, suivie d’un placement en zone d’attente. Identification de l’intéresséeL’affaire concerne Madame [V] [I], née le 1er août 1996 en Russie, qui a été placée en zone d’attente après avoir été refusée d’entrée en France pour défaut de visa. Elle est arrivée à [Localité 4] le 6 décembre 2024, accompagnée de son enfant né le 16 août 2024. Demande d’asileMadame [V] [I] a déposé une demande d’asile le 7 décembre 2024, après son placement en zone d’attente. La date de son audition auprès de l’OFPRA n’avait pas encore été fixée au moment de la décision. Arguments de la défenseLe conseil de l’intéressée a soulevé plusieurs points, notamment l’utilisation d’un interprétariat téléphonique, le temps de notification des droits, l’absence d’agrément de l’interprète, et les conditions de placement en zone d’attente. Il a également évoqué l’intérêt supérieur de l’enfant et l’absence de perspectives d’éloignement. Régularité de la procédureLa procédure a été jugée régulière, le recours à l’interprétariat téléphonique étant justifié par l’absence d’un interprète présent. La notification des droits a été effectuée dans les délais, et l’intéressée a pu signer les documents relatifs à ses droits, y compris celui de demander l’asile. Conditions de placement en zone d’attenteLes conditions de maintien en zone d’attente ont été examinées. Bien que des difficultés aient été signalées, il a été établi que les besoins élémentaires de la famille étaient satisfaits. Les allégations concernant des conditions indignes n’ont pas été prouvées. Recevabilité de la requêteLa requête a été déclarée recevable, étant suffisamment motivée sur le fondement des articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers. Les arguments concernant l’absence de perspectives d’éloignement ont été examinés, mais jugés insuffisants pour contester la décision de maintien en zone d’attente. Décision finaleLe tribunal a ordonné le maintien de Madame [V] [I] en zone d’attente pour une durée de huit jours, afin d’assurer l’exécution de la décision administrative de refus d’entrée. La procédure a été déclarée régulière et la requête recevable. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelles sont les conditions de placement en zone d’attente selon le CESEDA ?Le placement en zone d’attente est régi par l’article L341-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Cet article stipule que l’étranger qui arrive en France par voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui n’est pas autorisé à entrer sur le territoire français peut être placé dans une zone d’attente. Cette zone peut être située dans une gare ferroviaire, un port ou un aéroport, et ce, pendant le temps strictement nécessaire à son départ. Il est également précisé que peuvent être placés en zone d’attente les étrangers en transit qui se trouvent dans une gare, un port ou un aéroport, si l’entreprise de transport refuse de les embarquer ou si les autorités du pays de destination leur refusent l’entrée. De plus, l’article L341-1 mentionne que si un groupe d’au moins dix étrangers arrive en France en dehors d’un point de passage frontalier, ils peuvent également être placés en zone d’attente. Quelles sont les garanties procédurales pour les étrangers maintenus en zone d’attente ?Les garanties procédurales pour les étrangers maintenus en zone d’attente sont principalement énoncées dans les articles L342-1 et L342-9 du CESEDA. L’article L342-1 précise que le maintien en zone d’attente au-delà de quatre jours à compter de la décision de placement initiale peut être autorisé par le juge des libertés et de la détention. Cette autorisation ne peut excéder huit jours et doit se faire dans le respect des droits de l’étranger. L’article L342-9, quant à lui, stipule que si des irrégularités dans la procédure sont constatées, le juge des libertés et de la détention ne peut prononcer la mainlevée du maintien en zone d’attente que si ces irrégularités ont porté atteinte aux droits de l’étranger. Ainsi, les droits de l’étranger doivent être respectés tout au long de la procédure, et toute violation substantielle peut entraîner la nullité de la décision de maintien en zone d’attente. Quels sont les recours possibles en cas de non-respect des droits de l’étranger ?En cas de non-respect des droits de l’étranger, plusieurs recours sont possibles. Selon l’article L342-9 du CESEDA, le juge des libertés et de la détention peut être saisi pour examiner les irrégularités de la procédure. Si ces irrégularités ont eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger, le juge peut ordonner la mainlevée du maintien en zone d’attente. De plus, l’étranger a le droit de contester la décision de refus d’entrée sur le territoire français. Cela peut se faire par le biais d’un recours devant le tribunal administratif, qui est compétent pour examiner la légalité des décisions administratives. Il est également possible de déposer une plainte auprès des autorités compétentes si l’étranger estime que ses droits ont été violés durant la procédure de maintien en zone d’attente. Comment la demande d’asile influence-t-elle le maintien en zone d’attente ?La demande d’asile n’empêche pas le maintien en zone d’attente, comme le précise l’article L341-1 et les articles suivants du CESEDA. L’étranger a le droit de déposer une demande d’asile même s’il est maintenu en zone d’attente. Dans le cas présent, l’intéressée a effectivement déposé une demande d’asile le 7 décembre 2024, ce qui a été pris en compte dans la procédure. Il est important de noter que la notification des droits, y compris le droit de demander l’asile, doit être faite à l’étranger dès son placement en zone d’attente. Ainsi, même si l’étranger est maintenu en zone d’attente, il conserve ses droits, y compris celui de demander l’asile, et les autorités doivent veiller à ce que ces droits soient respectés. Quelles sont les implications de l’intérêt supérieur de l’enfant dans le cadre du maintien en zone d’attente ?L’intérêt supérieur de l’enfant est un principe fondamental qui doit être pris en compte dans toutes les décisions affectant des mineurs, comme le stipule l’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant. Cependant, ce principe ne fait pas obstacle au placement en zone d’attente, surtout si l’enfant est accompagné de ses parents. Dans le cas présent, l’intéressée est maintenue en zone d’attente avec son mari et son jeune enfant. Il est essentiel de vérifier les conditions dans lesquelles l’enfant est maintenu en zone d’attente. Les autorités doivent s’assurer que les besoins fondamentaux de l’enfant sont satisfaits, notamment en matière de santé, d’alimentation et de sécurité. Dans cette affaire, il a été constaté que les conditions de maintien en zone d’attente étaient appropriées et que la famille avait accès aux besoins élémentaires. Ainsi, même si l’intérêt supérieur de l’enfant doit être pris en compte, cela ne constitue pas en soi un motif d’annulation du maintien en zone d’attente si les conditions sont jugées acceptables. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE
Vice-président
ORDONNANCE PRISE EN APPLICATION DES DISPOSITIONS DU CODE D’ENTRÉE ET DE SÉJOUR DES ETRANGERS
(1ère demande de maintien en zone d’attente)
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N° du rôle N° RG 24/02779 – N° Portalis DBX4-W-B7I-TSVP
Le 10 Décembre 2024,
Nous, Madame Béatrice DENARNAUD, vice-président désigné par le président du tribunal judiciaire de TOULOUSE, assistée de Madame Virginie BASTIER, Greffier,
Statuant en audience publique ;
Vu les articles L 341-1 et suivants, L 342-1 et suivants et R 342-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;
Vu la décision de Monsieur le Chef du service de la police nationale chargé du contrôle aux frontières de [Localité 4] refusant l’entrée sur le territoire français à un étranger en date du 6 décembre 2024 à 19 heures 50 ;
Vu la décision de Monsieur le Chef du service de la police nationale chargé du contrôle aux frontières de [Localité 4] pronoçant le placement en zone d’attente d’un étranger à qui l’entrée a été refusée en date du 06 décembre 2024 à 20 heures 05 ;
Vu la requête de l’autorité administrative du département reçue le 09 Décembre 2024 à 17 heures 36, concernant :
Madame [V] [I]
née le 1er Août 1996 à [Localité 1] (RUSSIE)
de nationalité Russe
Vu la décision de Monsieur le Chef de service du Contrôle aux Frontières refusant l’entrée sur le territoire français de l’étranger et prononçant son maintien en zone d’attente ;
Vu l’ensemble des pièces de la procédure ;
Le conseil de l’intéressé ayant été avisé de la date et de l’heure de l’audience ;
Attendu que l’intéressé et son conseil ont pu prendre connaissance de la requête et de ses pièces annexes ;
Ouï les observations de l’autorité administrative ayant sollicité le maintien en zone d’attente ;
Ouï les observations de l’intéressée ;
Ouï les observations de son avocat Me Morgane PAJAUD-MENDES, avocat au barreau de TOULOUSE ;
En vertu de l’article L341-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui n’est pas autorisé à entrer sur le territoire français peut être placé dans une zone d’attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international figurant sur une liste définie par voie réglementaire, dans un port ou à proximité du lieu de débarquement ou dans un aéroport, pendant le temps strictement nécessaire à son départ.
Peut également être placé en zone d’attente l’étranger qui se trouve en transit dans une gare, un port ou un aéroport si l’entreprise de transport qui devait l’acheminer dans le pays de destination ultérieure refuse de l’embarquer ou si les autorités du pays de destination lui ont refusé l’entrée et l’ont renvoyé en France.
Il en est de même lorsqu’il est manifeste qu’un étranger appartient à un groupe d’au moins dix étrangers venant d’arriver en France en dehors d’un point de passage frontalier, en un même lieu ou sur un ensemble de lieux distants d’au plus dix kilomètres.
De plus, l’article L342-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose que le maintien en zone d’attente au delà de quatre jours à compter de la décision de placement initiale peut être autorisé, par le le juge des libertés et de la détention statuant sur l’exercice effectif des droits reconnus à l’étranger, pour une durée qui ne peut être supérieure à huit jours.
Enfin, selon l’article L342-9 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, le le juge des libertés et de la détention saisi d’une demande sur ce motif ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du maintien en zone d’attente que lorsque cette irrégularité a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger.
En l’espèce, [V] [I] a été placée en zone d’attente le 6 décembre 2024 à 20 heures, à la suite d’un refus d’entrée sur le territoire national, pour défaut de visa ou d’un permis de séjour valable, l’intéressée ayant cependant présentée un passeport en cours de validité. L’intéressée est accompagnée de son enfant né le 16/08/2024.
En effet, l’intéressée est arrivée à [Localité 4], le 6 décembre 2024 à 19 heures 35, à bord du vol FR1650 en provenance de [Localité 3] (HONGRIE) et lors du contrôle, elle n’a pas été en mesure de présenter un visa ou un permis de séjour valable.
Elle a effectué une demande d’asile le 7 décembre 2024 à 12 heures 20, la date d’audition auprès de l’OFPRA n’ayant pas encore été fixée.
Sur la régularité de la procédure
Le conseil soulève in limine litis le recours à l’interprétariat téléphonique en l’absence de nécessité, un temps de notification des droits trop bref, une absence d’agrément de l’interprète requis par téléphone, un défaut d’application de la directive Retour 2008/115/CE pour l’intéressée, l’intérêt supérieur de l’enfant et les conditions de placement en zone d’attente inappropriées, le statut de demandeur d’asile, l’absence de perspectives d’éloignement et de diligences.
– Sur le recours à l’interprétariat téléphonique et l’absence d’agrément de celui-ci.
Conformément aux dispositions des articles L 141-3 et 743-12 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il ressort de la procédure que le recours à l’interprétariat téléphonique ne peut être justifié que par l’absence d’interprète physiquement présent en dépit des diligences effectuées.
Si la police aux frontières ne justifie des diligences effectuées, il est possible de retenir qu’il était difficile pour les fonctionnaires de police de trouver un interprète en langue russe, le vendredi 6 décembre 2024 à 19 heures 50 heures disponible pour se rendre à l’aéroport de [Localité 4]-[Localité 2], afin d’assurer la traduction des documents afférents au placement en zone d’attente et permettre une notification dans les meilleurs délais.
Ainsi, la notification des droits en rétention a été faite auprès de l’intéressée par téléphone le 6 décembre 2024 à 19 heures 50 heures et 20 heures, par l’intermédiaire de la société Inter Services Migrants Interprétariat, plate forme d’interprétariat agréée à cette fin.
En outre, le nom de l’interprète, Monsieur [Z] [M], figure dans la notification. S’agissant d’une plate-forme supportant l’agrément en tant qu’employeur des interprètes, les coordonnées personnelles de chaque interprète travaillant pour son compte n’ont pas à être divulguées au delà de leur identité, l’agrément de l’interprète étant justifié par son inscription sur la liste des interprètes, et son appartenance à la société inter services migrants.
Au surplus, cette nullité étant soumise à la démonstration d’un grief, l’intéressée n’en démontre aucun, ni ne met en avant une quelconque difficulté dans la compréhension de ses droits ou leur exercice, ayant bénéficié de l’assistance d’un avocat à l’audience et ayant usé de son droit de demander l’asile.
Le moyen sera donc rejeté.
– Sur le temps de notification des mesures et des droits trop bref
Il ressort des pièces du dossier et du simple bon sens que les horaires mentionnés sur chacun des actes correspondent au début de la notification des mesures et droits en zone d’attente, par le biais de l’interprétariat téléphonique, intervenue dans la foulée.
Il faut en outre relever que l’intéressée a bien signé le document faisant mention de l’ensemble de ses droits, y compris celui de présenter une demande d’asile.
En outre, au visa de l’article L .743-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, aucune atteinte aux droits de l’intéressée n’est en l’espèce caractérisée. Aucun grief n’est rapporté alors même que les actes ont été signés par l’intéressée et une demande d’asile déposée. Aucun élément ne permet donc de douter de leur compréhension.
Le moyen a lieu d’être rejeté.
– Sur le défaut d’application de la directive Retour 2008/115/CE aux personnes en provenance d’une frontière intérieure servant de base légale à la décision de refus d’entrée
Il convient de rappeler que le juge administratif est naturellement compétent pour contrôler la légalité de la décision initiale prise par l’administration de refus d’admission sur le territoire français ainsi que de la décision de maintien en zone d’attente, le juge judiciaire étant de fait incompétent.
Ce moyen sera donc rejeté.
– Sur l’intérêt supérieur de l’enfant
Il convient de rappeler que la minorité ne fait pas obstacle au placement en zone d’attente et au maintien, que si l’enfant est accompagné de ses parents, cela n’enlève pas le caractère de vulnérabilité de celui-ci et nécessite de vérifier les conditions dans lesquelles il est maintenu en zone d’attente.
Il convient de relever que madame est maintenue en zone d’attente avec son mari et son jeune enfant, que si elle relève tout comme son mari, des conditions sanitaires difficiles, celles-ci ont été résolues dès lors qu’elles ont été portées à la connaissance des personnels de la zone d’attente.
En outre, si le conseil de l’intéressé évoque l’absence d’eau chaude, de repas chauds et d’accès à l’air libre, aucun élément n’est produit à l’audience pour rapporter la preuve de ces éléments, d’autant que les effectifs de la police aux frontières font état des diligences accomplies pour répondre aux besoins des personnes maintenues.
Il n’apparaît donc pas que des conditions indignes puissent être retenues, la famille ayant accès aux besoins élémentaires, dans le temps court de la première demande de maintien en zone d’attente.
Le moyen sera également rejeté.
– Sur l’état de vulnérabilité tiré de la demande d’asile déposée
Il convient de rappeler que la demande d’asile ne fait pas obstacle au maintien en zone d’attente, dès lors qu’il est notifié à l’étranger dès son placement, la possibilité de déposer une telle demande, demande par ailleurs effectivement déposée par l’intéressé.
Ce moyen sera également rejeté.
Sur la recevabilité de la requête
Le conseil soulève un défaut de motivation de la requête en droit.
Il ressort des éléments de la procédure que la requête est motivée sur le fondement de l’article L341-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile visant le placement en zone d’attente ainsi que la demande de maintien en zone d’attente.
Au surplus, la requête est parfaitement motivée en fait.
Ce moyen sera écarté et la requête déclarée recevable.
Au fond, le conseil de l’intéressée soutient l’absence de perspectives d’éloignement et l’absence de justifications par l’administration des formalités accomplies et des garanties de représentation.
L’administration a justifié de diligences pour assurer le départ de l’intéressé de la zone d’attente, dès lors qu’il a formulé une demande d’asile et que le passage à la borne EURODAC a démontré qu’il avait déposé une demande d’asile le 25 août 2016 en Allemagne et le 2 décembre 2024 en Hongrie.
En outre, si l’intéressée soutient des garanties de représentation par la présence de la sœur de son mari sur le territoire français, elles apparaissent insuffisantes pour retenir des garanties de représentation, les conditions d’hébergement étant invérifiables.
En conséquence, il sera fait droit à la demande de prolongation du placement en zone d’attente pour une durée de 8 jours, mesure indispensable pour assurer l’exécution de la décision administrative de refus d’entrée.
Statuant publiquement et en premier ressort,
DECLARONS la procédure régulière,
DECLARONS recevable la requête aux fins de maintien en zone d’attente
ORDONNONS que Madame [V] [I] soit maintenue en zone d’attente de l’aéroport de [5] ;
Disons que l’application de ces mesures prendra fin au plus tard à l’expiration d’un délai de HUIT JOURS à compter de l’expiration du deuxième délai de 96 heures suivant le contrôle.
Le greffier
Le 10 Décembre 2024 à
Le Vice-président