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Nos Conseils:
– Veillez à interjeter l’appel dans les délais légaux et à le motiver de manière adéquate pour garantir sa recevabilité. |
→ Résumé de l’affaireMonsieur [E] [G], né le 25 septembre 1984 à [Localité 3], a été hospitalisé en soins psychiatriques le 28 avril 2024 au centre hospitalier [6] à [Localité 5] sur décision du directeur de l’établissement, à la demande de sa conjointe, Madame [F] [G]. Le juge des libertés et de la détention de Pontoise a ordonné le maintien de cette mesure le 2 mai 2024, suite à un appel interjeté par Monsieur [E] [G]. Lors de l’audience du 10 mai 2024, des irrégularités ont été soulevées concernant la procédure, notamment l’absence de caractérisation du risque d’atteinte à l’intégrité du patient et le retard de notification de la décision. Monsieur [E] [G] a affirmé ne pas se sentir persécuté et a exprimé son désir d’être hospitalisé en libre. L’affaire a été mise en délibéré.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE VERSAILLES
Chambre civile 1-7
Code nac : 14C
N°
N° RG 24/02750 – N° Portalis DBV3-V-B7I-WQCJ
( Décret n°2011-846 du 18 juillet 2011, Article L3211-12-4 du Code de la Santé publique)
Copies délivrées le :
à :
M. [G]
Me LANDAIS
Hop. DE [Localité 5]
Mme [G]
Min. Public
ORDONNANCE
Le 10 Mai 2024
prononcé par mise à disposition au greffe,
Nous Madame Juliette LANÇON, conseiller à la cour d’appel de Versailles, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président pour statuer en matière d’hospitalisation sous contrainte (décret n°2011-846 du 18 juillet 2011), assistée de Madame Rosanna VALETTE greffier, avons rendu l’ordonnance suivante :
ENTRE :
Monsieur [E] [G]
actuellement hospitalisé à l’hôpital de [Localité 5]
comparant, assisté par Me Vanessa LANDAIS de la SELARL CABINET LANDAIS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 648
APPELANT
ET :
LE DIRECTEUR DE L’HOPITAL DE [Localité 5]
non représenté
Madame [F] [G], tiers
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
non comparante, non représentée
INTIMEES
ET COMME PARTIE JOINTE :
LE PROCUREUR GENERAL DE LA COUR D’APPEL DE VERSAILLES
pris en la personne de madame Corinne MOREAU avocat général, non présente
A l’audience publique du 10 Mai 2024 où nous étions Madame Juliette LANÇON, conseiller, assistée de Madame Rosanna VALETTE, greffier, avons indiqué que notre ordonnance serait rendue ce jour;
Monsieur [E] [G], né le 25 septembre 1984 à [Localité 3] fait l’objet depuis le 28 avril 2024 d’une mesure de soins psychiatriques, sous la forme d’une hospitalisation complète, au centre hospitalier [6] à [Localité 5], sur décision du directeur d’établissement, en application des dispositions de l’article L. 3212-3 du code de la santé publique, en urgence et à la demande d’un tiers, en la personne de Madame [F] [G], sa conjointe.
Le 30 avril 2024, Monsieur le directeur du centre hospitalier [6] a saisi le juge des libertés et de la détention afin qu’il soit saisi conformément aux dispositions des articles L. 3211-12-1 et suivants du code de la santé publique.
Par ordonnance du 2 mai 2024, le juge des libertés et de la détention de Pontoise a ordonné le maintien de la mesure de soins psychiatriques sous forme d’hospitalisation complète.
Appel a été interjeté le 3 mai 2024 par Monsieur [E] [G].
Monsieur [E] [G], l’établissement [6] et Madame [F] [G] ont été convoqués en vue de l’audience.
Le procureur général représenté par Corinne MOREAU, avocate générale, a visé cette procédure par écrit le 6 mai 2024, avis versé aux débats.
L’audience s’est tenue le 10 mai 2024 en audience publique.
A l’audience, bien que régulièrement convoqués, le centre hospitalier [6] et Madame [F] [G] n’ont pas comparu.
Le conseil de Monsieur [E] [G] a soulevé des irrégularités relatives à l’absence de caractérisation du risque d’atteinte à l’intégrité du malade, l’absence de motivation des actes administratifs et le retard de la notification de la décision d’admission. Elle a indiqué que le juge des libertés et de la détention avait statué dans un délai très bref puisque Monsieur [E] [G] a été hospitalisé le 28 avril 2024 à minuit, la décision judiciaire étant du 30 avril 2024.
Monsieur [E] [G] a été entendu en dernier et a dit qu’il avait été terrorisé par les 6 sapeurs-pompiers d’1m90 qui étaient intervenus à son domicile, qu’il avait hurlé « au secours », que c’était ça qu’ils appelaient des troubles du comportement, qu’il ne se sentait persécuté par personne, qu’il aimait tous les êtres humains, qu’il était plutôt habité par l’amour, qu’il était chrétien protestant, qu’il aimait même ses ennemis, que ce n’était pas l’hospitalisation qui était pénible mais la contrainte, qu’en dépit du fait que les soins lui faisaient du bien, il voulait être hospitalisé en libre, que ses troubles psychologiques étaient dus à une persécution, qu’il avait dénoncé un harcèlement moral et une fraude fiscale contre son employeur, qu’il faisait l’objet de mesures de rétorsion, qu’il était ingénieur logiciel travaillant à distance pour la société Capteev, qu’il ne retenait aucun grief contre son épouse, qu’elle avait bien fait de l’hospitaliser, que les soins lui avaient permis de retrouver ses facultés mentales et que la cour était témoin qu’il s’exprimait comme un homme avec un esprit sain.
L’affaire a été mise en délibéré.
Sur la recevabilité de l’appel
L’appel a été interjeté dans les délais légaux et il est motivé. Il doit être déclaré recevable.
Sur les irrégularités soulevées
Il convient de préciser que Monsieur [E] [G] a été hospitalisé le 28 avril 2024 à minuit, qu’il a été vu par un médecin dans les 24 heures de son hospitalisation et par un autre avant le délai de 72 heures, que le juge des libertés et de la détention a été saisi avant l’expiration d’un délai de 8 jours et qu’il a statué dans son délai. Même si le délai entre l’admission et l’ordonnance entreprise est court, il n’est constaté aucune irrégularité.
Sur le défaut de caractérisation du risque d’atteinte grave à l’intégrité du malade
L’article L. 3212-3 du code de la santé publique prévoit qu’en cas d’urgence, lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade, le directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d’un tiers l’admission en soins psychiatriques d’une personne malade au vu d’un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d’un médecin exerçant dans l’établissement. Dans ce cas, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2 sont établis par deux psychiatres distincts.
Le certificat médical initial du 28 avril 2024 du docteur [L] précise que : « patient adressé par les pompiers pour propos incohérents à domicile
A l’entretien, contact correct, logorrhéique avec un discours sous-tendu par des éléments délirants de persécution par son entourage.
Il est très persécuté par cette dernière qu’il dit être atteinte du « délire des sosies de capgras », un délire auquel il adhère totalement.
Il serait aussi persécuté par son employeur qui le « harcèle moralement » et lui aurait demandé de faire de la fraude fiscale.
Il serait en procès avec son oncle qui lui aurait volé son héritage de 500 000 euros.
Il est dans le déni des troubles », le médecin précisant que les troubles rendent impossible le consentement du patient, que son état impose des soins psychiatriques immédiats et qu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade.
L’atteinte à l’intégrité du malade ne s’entend pas seulement d’une atteinte physique comme une tentative de suicide mais le fait d’adhérer totalement à son délire de persécution met le patient en danger, le délire psychiatrique de persécution se définissant comme un symptôme important qui signe la désorganisation d’une personnalité psychotique et la tentative de renouer avec la réalité d’une manière déformée, de persécution, ce qui se définit comme le fait que le patient est convaincu qu’on veut lui nuire physiquement, moralement, familialement. Le patient verse aux débats les conclusions de son avocat concernant un litige avec son oncle dans le cadre d’une succession, des échanges de mails avec l’inspection du travail et avec un médecin, dans lesquels il dénonce un harcèlement de la part de son employeur pour le premier et des troubles dont souffrirait sa femme. Ces éléments ne permettent pas d’établir que ce qu’il dit est vrai et qu’il n’est pas dans un délire de persécution, comme l’a relevé le médecin rédacteur du certificat médical initial, tout comme les médecins rédacteurs des certificats médicaux postérieurs. Le moyen sera rejeté.
Sur l’illégalité de la décision d’admission en date du 28 avril 2024 et celle de maintien du 30 avril : le défaut de motivation des actes
L’article L. 3211-3 prévoit que toute personne faisant l’objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale est informée :
a) Le plus rapidement possible et d’une manière appropriée à son état, de la décision d’admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;
b) Dès l’admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l’article L. 3211-12-1.
L’article R. 3211-12, 1°, prévoit que, quand l’admission en soins psychiatriques a été effectuée à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent, le juge des libertés et de la détention doit avoir, pour statuer, communication d’une copie de la décision d’admission motivée.
L’article L. 3216-1, alinéa 1er, prévoit que l’irrégularité affectant une décision administrative de soins sans consentement n’entraîne la mainlevée de la mesure que s’il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l’objet.
Il est constant que, pour une juste information du patient, la décision d’admission ou de maintien prise par le directeur d’établissement ne peut se borner à faire référence au certificat médical circonstancié qu’à la condition que ce dernier soit annexé à la décision, le patient doit, pour obtenir la mainlevée de la mesure, démontrer une atteinte à ses droits.
Il y a lieu de constater que la décision d’admission du 28 avril 2024 tout comme celui de maintien du 30 avril 2024 ont été prises au visa du certificat médical dont il a été indiqué la date et l’auteur. Rien ne permet d’établir que ce certificat ait été annexé aux décisions du directeur d’établissement. Néanmoins, la décision d’admission tout comme celle de maintien de Monsieur [E] [G] ont été notifiées à ce dernier, qui a fait des commentaires sur le formulaire de notification. Il a reçu les 29 et 30 avril 2024 une information complète sur sa situation juridique, sur ses droits et les voies de recours qui lui étaient offertes. Il n’est donc pas démontré d’atteinte aux droits de Monsieur [E] [G] et ce moyen sera rejeté.
Sur la violation de l’article L. 3211-3 du Code de la santé publique
L’article L. 3211-3 du code de la santé publique dispose que « lorsqu’une personne atteinte de troubles mentaux fait l’objet de soins psychiatriques en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre ou est transportée en vue de ces soins, les restrictions à l’exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en ‘uvre du traitement requis. En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée.
Avant chaque décision prononçant le maintien des soins en application des articles L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3213-4 ou définissant la forme de la prise en charge en application des articles L. 3211-12-5, L. 3212-4, L. 3213-1 et L. 3213-3, la personne faisant l’objet de soins psychiatriques est, dans la mesure où son état le permet, informée de ce projet de décision et mise à même de faire valoir ses observations, par tout moyen et de manière appropriée à cet état.
En outre, toute personne faisant l’objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale est informée :
a) Le plus rapidement possible et d’une manière appropriée à son état, de la décision d’admission et de chacune des décisions mentionnées au deuxième alinéa du présent article, ainsi que des raisons qui les motivent ;
b) Dès l’admission ou aussitôt que son état le permet et, par la suite, à sa demande et après chacune des décisions mentionnées au même deuxième alinéa, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et des garanties qui lui sont offertes en application de l’article L. 3211-12-1 ».
En l’espèce, la décision d’admission date du 28 avril 2024 et a été notifiée à Monsieur [E] [G] qui l’a signée le 29 avril 2024. Néanmoins, Monsieur [E] [G] a été informé de la décision médicale de maintien du médecin rédacteur du certificat des 24 heures. De plus, compte tenu des troubles présentés par Monsieur [E] [G], qui adhérait complètement à son délire de persécution, aucun grief n’est caractérisé. Le moyen sera rejeté.
Sur le fond
Aux termes du I de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique, « une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 du même code que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1 ».
Le certificat médical initial du 28 avril 2024 et les certificats suivants des 28, 29 et 30 avril 2024 détaillent avec précision les troubles dont souffre Monsieur [E] [G]. Le certificat du 6 mai 2024 du docteur [I] indique : « patient âgé de 39 ans, non connu du secteur. Il nous a été adressé par les urgences de l’hôpital [4] en SPDTU où il s’est présenté accompagné par les pompiers suite à un trouble du comportement au domicile signalé par sa conjointe dans un contexte délirant.
A l’entretien ce jour patient calme, de contact familier, logorrhéique. Il tient un discours accéléré avec des propos délirants à thématique de persécution centré sur sa femme.
Le patient n’a aucune conscience de ses troubles auxquels il adhère totalement sans aucune critique.
Il refuse les soins et l’hospitalisation ».
Il conclut que les soins psychiatriques doivent être maintenus à temps complet.
Cet avis médical est suffisamment précis pour justifier les restrictions à l’exercice des libertés individuelles de Monsieur [E] [G], qui demeurent adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en ‘uvre du traitement requis, l’intéressé se trouvant dans l’impossibilité de consentir aux soins en raison des troubles décrits, son état nécessitant des soins assortis d’une surveillance constante. L’ordonnance sera donc confirmée en ce qu’elle a maintenu Monsieur [E] [G] hospitalisation complète.
Statuant par ordonnance réputée contradictoire,
Déclarons l’appel de Monsieur [E] [G] recevable,
Confirmons l’ordonnance entreprise,
Y ajoutant,
Rejetons les moyens d’irrégularité soulevés,
Laissons les dépens à la charge du Trésor public.
Prononcé par mise à disposition de notre ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Rosanna VALETTE, greffier, Juliette LANÇON, conseiller,