Lutte contre les contenus illicites : l’obligation de rendre compte des plateformes 
Lutte contre les contenus illicites : l’obligation de rendre compte des plateformes 
Ce point juridique est utile ?

Les plateformes en ligne (Twitter et autres) qui ne justifient pas de leur action en matière de lutte contre les contenus illicites s’exposent à une condamnation.

Dispositif spécifique de l’article 6.-I. 7 de la LCEN

Le dispositif spécifique de l’article 6.-I. 7, de la loi pour la confiance dans l’économie numérique pose le principe de l’intérêt général attaché à la répression de l’apologie des crimes contre l’humanité, de la provocation à la commission d’actes de terrorisme et de leur apologie, de l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap ainsi que de la pornographie enfantine, de l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine.

Pour ces infractions définies, pèsent sur les hébergeurs des obligations renforcées, à savoir l’obligation de concourir à la lutte contre celles-ci, l’obligation d’informer les autorités publiques et l’obligation de publicité des moyens mis à disposition ; le non-

respect éventuel de ces dispositions est de nature à engager la responsabilité civile d’un hébergeur.

Suivi de l’obligation de signalement

La communication des mesures prises par les hébergeurs peut être obtenue judiciairement sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile. Elle est de nature à permettre d’établir si, conformément aux dispositions de la LCEN, l’hébergeur concourt à la lutte contre ces infractions, et en particulier si elle informe promptement les autorités publiques compétentes de toutes activités illicites au sens de l’article 6.-I. 7 qui lui seraient signalées et qu’exerceraient les destinataires de ses services, et si elle remplit son obligation de rendre publics les moyens qu’elle consacre à la lutte contre ces activités illicites.

Le cas de Twitter

La demande de communication faite à l’hébergeur peut par exemple porter sur tout document administratif, contractuel, technique, ou commercial relatif aux moyens matériels et humains mis en œuvre dans le cadre du service Twitter pour lutter contre les infractions en cause ; le nombre, la localisation, la nationalité, la langue des personnes affectées au traitement des signalements provenant des utilisateurs de la plate-forme française de ses services de communication au public en ligne ; le nombre de signalements provenant des utilisateurs de la plate-forme française de ses services, en matière d’apologie des crimes contre l’humanité et d’incitation à la haine raciale, les critères et le nombre des retraits subséquents ; le nombre d’informations transmises aux autorités publiques compétentes, en particulier au parquet, en application de l’article 6.-I. 7 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) au titre de l’apologie des crimes contre l’humanité et de l’incitation à la haine raciale.

Pour rappel, l’article 6-I. 7 de la loi pour la confiance dans l’économique numérique du 21 juin 2004 dispose notamment :

– que les personnes mentionnées aux 1 et 2 [fournisseurs d’accès et hébergeurs] ne sont pas soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu’elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ;

– que, compte tenu de l’intérêt général attaché à la répression de l’apologie des crimes contre l’humanité, de la provocation à la commission d’actes de terrorisme et de leur apologie, de l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap ainsi que de la pornographie enfantine, de l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine, les personnes mentionnées ci-dessus doivent concourir à la lutte contre la diffusion des infractions visées aux cinquième, septième et huitième alinéas de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et aux articles 222-33, 225-4-1, 225-5, 225-6, 227-23 et 227-24 et 421-2-5 du code pénal ;

– qu’à ce titre, elles doivent mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de données et ont également l’obligation, d’une part, d’informer promptement les autorités publiques compétentes de toutes activités illicites mentionnées à l’alinéa précédent qui leur seraient signalées et qu’exerceraient les destinataires de leurs services, et, d’autre part, de rendre publics les moyens qu’elles consacrent à la lutte contre ces activités illicites.

Efficacité de l’article 145 du code de procédure civile

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L’article 145 suppose l’existence d’un motif légitime, c’est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

De plus, si la partie demanderesse dispose d’ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d’instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée. Enfin, ni l’urgence ni l’absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d’application de ce texte.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRET DU 20 JANVIER 2022

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/14325 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEFL5

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 06 Juillet 2021 en état de référé (article 487 code de procédure civile)- Tribunal judiciaire de PARIS – RG n° 20/53181

APPELANTE

Société TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY anciennement dénommée Société TWITTER INTERNATIONAL COMPANY Société de droit irlandais agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal ou statutaire domicilié en cette qualité audit siège

[…]

Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN – DE MARIA

– GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018 Assistée par Me Karim BEYLOUNI, avocat au barreau de PARIS,

INTIMEES

Association L’UNION DES ETUDIANTS JUIFS DE FRANCE (UEJF) représentée par sa présidente, Noémie Madar

[…]

Représentée et assistée par Me Stéphane LILTI, avocat au barreau de PARIS, toque : E2129

Association H HOMOPHOBIE représentée par son représentant légal, Z A

[…]

Représentée et assistée par Me Stéphane LILTI, avocat au barreau de PARIS, toque : E2129

Association H I représentée par son président B C

[…]

Représentée par Me Stéphane LILTI, avocat au barreau de PARIS, toque : E2129 Assistée par Me Ivan TEREL substituant Me Patrick KLUGMAN avocat au barreau de PARIS,

Association J’ACCUSE ! ….. ACTION INTERNATIONALE POUR LA JUSTICE (X) représentée par son président, D E

[…]

Représentée par Me Stéphane LILTI, avocat au barreau de PARIS, toque : E2129 Assistée par Me Ilana SOSKIN, avocat au barreau de PARIS,

Association LE MOUVEMENT CONTRE LE I ET POUR L’AMITIE ENTRE LES PEUPLES (MRAP) représentée par son représentant légal F G

[…]

Représentée par Me Stéphane LILTI, avocat au barreau de PARIS, toque : E2129 Assistée par Me Jean-Louis LAGARDE avocat au barreau de PARIS,

Association LA LIGUE INITERNATIONALE CONTRE LE I ET L’ANTISEMITISME (Y) représentée par son président, […]

[…]

Représentée par Me Stéphane LILTI, avocat au barreau de PARIS, toque : E2129 Assistée par Me Alain JAKUBOWICZ, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 Décembre 2021, en audience publique, rapport ayant été fait par Thomas RONDEAU, Conseiller et Michèle CHOPIN, Conseillère conformément aux articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre Thomas RONDEAU, Conseiller Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Lauranne VOLPI

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Lauranne

VOLPI, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Exposé du litige

Twitter est un réseau social édité et hébergé par la société de droit irlandais Twitter International Company et avec une exploitation en France par la SAS Twitter France.

Les associations UEJF, H Homophobie, H I, X, MRAP et Y (ci-après

“les associations”) sont des associations qui luttent contre le I, l’antisémitisme et l’homophobie.

Les associations reprochent aux sociétés Twitter International Company et Twitter France de ne pas supprimer systématiquement et rapidement les messages racistes, antisémites ou homophobes qui sont publiés et signalés sur Twitter.

Elles s’appuient sur plusieurs enquêtes et constats d’huissier réalisés en 2019 et 2020 qui prouveraient, selon elles, que seulement 9 à 28 % des messages haineux publiés sur le réseau Twitter sont supprimés dans les 48 heures.

Le 26 mai 2021, les associations UEJF, H Homophobie, H I et X ont assigné les sociétés Twitter International Company et Twitter France devant le tribunal judiciaire de Paris. Elles lui ont demandé de désigner un expert avec pour mission essentielle de :

– se faire remettre tout document administratif, contractuel, technique, ou commercial relatif aux moyens matériels et humains mis en œuvre dans le cadre du service Twitter pour lutter contre la diffusion des infractions d’apologie de crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle, l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine ;

– se faire communiquer les informations suivantes assorties des justificatifs permettant d’en apprécier la véracité :

• le nombre, la localisation, la nationalité, la langue et le profil des personnes affectées au traitement des signalements provenant des utilisateurs de la plate-forme française de ses services de communication au public en ligne ;

• le nombre de signalements provenant des utilisateurs de la plate-forme française de ses services, en matière d’apologie des crimes contre l’humanité et d’Incitation à la haine raciale ;

• les critères et le nombre des retraits subséquents :

• le nombre d’informations transmises aux autorités publiques compétentes, en particulier au parquet, en application de l’article 6-1.7 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) au cours des trois dernières années au titre de l’apologie des crimes contre l’humanité et de l’incitation à la haine raciale ;

– entendre tout technicien ou sachant par tout moyen de communication ;

– fournir au tribunal toute indication de fait ou circonstance de nature à établir la nature et l’étendue des responsabilités encourues dans le cadre de l’action en responsabilité civile que les associations entendent engager contre les sociétés Twitter International Company et Twitter France.

Le 26 mai 2021, les associations MRAP et Y ont demandé au tribunal de :

– les dire recevables et fondées en leur intervention volontaire en référé ;

– ordonner la désignation d’un expert.

En défense, les sociétés Twitter International Company et Twitter France ont demandé au tribunal de : à titre liminaire :

– juger irrecevables les demandes et prétentions des associations en ce qu’elles visent la société Twitter France ;

– juger que l’assignation délivrée par les associations ne contient pas de copie de leur requête ;

 – annuler l’assignation délivrée par les associations ; à titre subsidiaire :

– juger que la mesure d’expertise sollicitée par les associations est dépourvue de motif légitime ;

– par conséquent, rejeter la demande d’expertise sollicitée par les associations ;

– en tout état de cause, condamner les associations à payer aux sociétés Twitter France et Twitter International Company la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Le 6 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Paris, statuant en état de référé a :

– déclaré recevable les interventions volontaires du MRAP et de la Y ;

– rejeté l’exception de nullité ;

– déclaré irrecevables les demandes en ce qu’elles sont formées à l’encontre de la société Twitter France et mis hors de cause cette dernière ;

– ordonné à la société Twitter International Company de communiquer aux associations dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, sur la période écoulée entre la date de délivrance de l’assignation soit le 18 mai 2020 et celle du prononcé de la présente ordonnance :

• tout document administratif, contractuel, technique, ou commercial relatif aux moyens matériels et humains mis en œuvre dans le cadre du service Twitter pour lutter contre la diffusion des infractions d’apologie de crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle, l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine ;

• le nombre, la localisation, la nationalité, la langue des personnes affectées au traitement des signalements provenant des utilisateurs de la plate-forme française de ses services de communication au public en ligne ;

• le nombre de signalements provenant des utilisateurs de la plate-forme française de ses services, en matière d’apologie des crimes contre l’humanité et d’incitation à la haine raciale, les critères et le nombre des retraits subséquents ;

• le nombre d’informations transmises aux autorités publiques compétentes, en particulier au parquet, en application de l’article 6.-I. 7 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) au titre de l’apologie des crimes contre l’humanité et de l’incitation à la haine raciale ;

– dit n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;

– condamné la société Twitter International Company à payer aux associations la somme de 1.000 euros chacune distinctement au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

S’agissant de la société Twitter France, le premier juge a retenu qu’elle avait pour seule activité la commercialisation du réseau Twitter en France et qu’elle n’avait aucun rôle dans la modération des messages publiés sur le réseau. S’agissant de la mesure d’instruction, il a jugé que les associations disposaient bien d’un motif légitime pour obtenir des éléments sur la manière dont la société Twitter International Company respecte son obligation légale de lutter contre la diffusion de messages haineux sur son réseau.

Par déclaration en date du 22 juillet 2021, la société Twitter International Company a fait appel de cette décision, critiquant le jugement en ce qu’il a :

– rejeté l’exception de nullité ;

– ordonné à la société Twitter International Company de communiquer aux associations dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, sur la période écoulée entre la date de délivrance de l’assignation soit le 18 mai 2020 et celle du

prononcé de la présente ordonnance les documents et informations demandés ;

– condamné la société Twitter International Company à payer aux associations la somme de 1.000 euros chacun distinctement au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions remises le 16 novembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Twitter International Company demande à la cour, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004, de :

– juger que les mesures ordonnées aux termes du jugement du 6 juillet 2021 ne reposent sur aucun fait précis, objectif et vérifiable rendant vraisemblables les affirmations des demanderesses ;

– juger que les mesures ordonnées sont dépourvues de toute utilité au regard du litige au fond invoqué par le jugement du 6 juillet 2021 sur le fondement de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 ;

– juger que les mesures ordonnées ne sont pas légalement admissibles ; par conséquent,

– infirmer le jugement rendu le 6 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a ordonné à la société Twitter International Company de communiquer aux association dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, sur la période écoulée entre la date de délivrance de l’assignation soit le 18 mai 2020 et celle du prononcé de la présente ordonnance :

• tout document administratif, contractuel, technique, ou commercial relatif aux moyens matériels et humains mis en œuvre dans le cadre du service Twitter pour lutter contre la diffusion des infractions d’apologie de crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle, l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine ;

• le nombre, la localisation, la nationalité, la langue des personnes affectées au traitement des signalements provenant des utilisateurs de la plate-forme française de ses services de communication au public en ligne ;

• le nombre de signalements provenant des utilisateurs de la plate-forme française de ses services, en matière d’apologie des crimes contre l’humanité et d’incitation à la haine raciale, les critères et le nombre des retraits subséquents ;

• le nombre d’informations transmises aux autorités publiques compétentes, en particulier au parquet, en application de l’article 6-1.7 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) au titre de l’apologie des crimes contre l’humanité et de l’incitation à la haine raciale ;

– débouter les associations de l’ensemble de leurs prétentions ;

– condamner solidairement les associations à payer à la société Twitter International Company la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

La société Twitter International Company expose en résumé ce qui suit :

– une mesure sollicitée au visa de l’article 145 du code de procédure civile doit reposer sur des faits précis, objectifs et vérifiables ; or, en l’espèce, la demande des associations repose sur des enquêtes qu’elles auraient menées à propos de la modération sur le réseau Twitter

 ; ces enquêtes permettent seulement d’établir qu’il existe des contenus haineux sur le réseau Twitter, ce que personne ne conteste et non que le système de modération serait défaillant ; la liberté d’expression étant un droit fondamental, seul un juge et non une association peut déterminer si un contenu est haineux et si un hébergeur a commis une faute en refusant de supprimer ce contenu ; en outre, le caractère raciste de certains des messages dénoncés par l’UEJF dans les différents constats d’huissier qu’elle produit est très discutable ; par ailleurs, l’étude menée par l’INACH (produite par l’association J’Accuse) retient que la société Twitter International Company analyse 84 % des messages signalés en moins de 24 heures ;

– une mesure sollicitée au visa de l’article 145 doit reposer sur un motif légitime c’est à dire être pertinente et utile au regard d’un futur litige ; les associations prétendent agir contre la société Twitter International Company sur le fondement des articles 6-I 3 et 6-I 7 de la LCEN, texte lui imposant d’agir promptement pour retirer les contenus manifestement illicite, de mettre en place un dispositif permettant aux usagers de signaler les messages haineux, de rendre public les moyens qu’elle consacre à la haine en ligne ;

– s’agissant de l’obligation de supprimer les messages, connaître les procédures et moyens employés par la société Twitter International Company ne permet absolument pas de savoir si cette obligation est remplie ; les documents sollicités par les associations ne leur permettront pas d’engager la responsabilité de la société Twitter International Company sur ce fondement ; toutes les considérations relatives au taux de messages signalés supprimés ne sont pas pertinentes et n’établissent en rien la responsabilité de la société Twitter International Company ;

– s’agissant de l’obligation de mettre en place un dispositif permettant aux usagers de signaler les messages haineux, cette obligation est incontestablement remplie ;

– s’agissant de l’obligation de rendre publics les moyens qu’elle consacre à la haine en ligne, elle n’est nullement précisée par les textes ; par ailleurs, la société Twitter International Company publie chaque année un rapport sur le signalement de contenus haineux sur sa plate-forme ;

– les dispositions précitées de la LCEN sont en outre sanctionnées pénalement ; par conséquent, la mesure demandée contrevient au droit fondamental de la société Twitter International Company de ne pas s’auto-incriminer.

Par conclusions remises le 7 octobre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, les six associations (UEJF, J’accuse

– X, H Homophobie, H I, Y et MRAP) demandent à la cour de :

– les déclarer recevables et bien fondées en leurs conclusions ;

– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

– condamner la société Twitter International Company à payer à chacune des associations la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Les associations exposent en résumé ce qui suit :

– elles envisagent d’agir sur le fondement de l’article 6-I 7 de la LCEN ;

– cette action n’est pas manifestement vouée à l’échec, puisque les enquêtes produites par les associations prouvent que la société Twitter International Company supprime une faible proportion des messages haineux publiés sur son réseau ;

– les associations ne s’appuient pas uniquement sur des enquêtes qu’elles ont conduites

mais également sur des enquêtes indépendantes et des articles de presse qui établissent que la société Twitter International Company ne respecte pas son obligation de modération ;

– les pièces dont les associations demandent la communication visent uniquement à déterminer quels procédures et moyens sont employés par la société Twitter International Company pour remplir son obligation légale de modération ;

– elles sont donc pertinentes au regard de l’action judiciaire envisagée par les associations contre la société Twitter International Company et permettront notamment de déterminer les modalités du contrôle a priori que la société Twitter International Company prétend exercer sur son réseau, le nombre et la qualification des personnes affectées au traitement des signalements et le nombre de signalement aux autorités publiques ;

– la société Twitter International Company ayant l’obligation légale de rendre publics les moyens qu’elles consacrent à la lutte contre la haine en libre, la mesure est légalement admissible.

Par avis remis le 16 novembre 2021, le procureur général près la cour d’appel de Paris indique être d’avis qu’il plaise à la cour de confirmer le jugement rendu le 6 juillet 2021 en tout son dispositif.

Le ministère public expose en résumé ce qui suit :

– le motif légitime des associations à agir sur le fondement des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile et à obtenir la communication des données, détenues par la seule société appelante, est établi ;

– la communication des données est en outre circonscrite dans le temps et précisément définie ;

– les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation en matière de mesures ordonnées sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

Par conclusions remises le 8 décembre 2021 en cours de délibéré, l’appelante demande à la cour de prendre acte de ce que sa dénomination est désormais Twitter International Unlimited Company.

SUR CE LA COUR

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L’article 145 suppose l’existence d’un motif légitime, c’est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

De plus, si la partie demanderesse dispose d’ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d’instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.

Enfin, ni l’urgence ni l’absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d’application de ce texte.

En l’espèce, il sera d’abord observé que le jugement entrepris n’est pas remis en cause en ce qu’il a mis hors de cause la société Twitter France, pas plus en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande d’expertise.

La cour statuera donc dans les limites de sa saisine, l’appelante contestant la décision en ce qu’elle a ordonné la communication de documents et de données, les intimées soutenant au contraire la confirmation de la décision sur ce point, les parties formant en outre des demandes relatives aux frais et dépens.

En outre, la cour tranchera le litige au regard des écritures des parties et des pièces versées en cause d’appel, étant observé que certaines pièces de première instance, parfois évoquées dans les écritures d’appel des parties, n’ont pas été à nouveau communiquées en cause d’appel avant l’ordonnance de clôture.

Il faut aussi rappeler liminairement que les intimées forment une demande sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, précisant dans leurs écritures que l’action qu’elle envisage contre l’appelante serait fondée sur les dispositions de l’article 6-I. 7 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique.

L’article 6-I. 7 de la loi pour la confiance dans l’économique numérique du 21 juin 2004 dispose notamment :

– que les personnes mentionnées aux 1 et 2 [fournisseurs d’accès et hébergeurs] ne sont pas soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu’elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ;

– que, compte tenu de l’intérêt général attaché à la répression de l’apologie des crimes contre l’humanité, de la provocation à la commission d’actes de terrorisme et de leur apologie, de l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap ainsi que de la pornographie enfantine, de l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine, les personnes mentionnées ci-dessus doivent concourir à la lutte contre la diffusion des infractions visées aux cinquième, septième et huitième alinéas de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et aux articles 222-33, 225-4-1, 225-5, 225-6, 227-23 et 227-24 et 421-2-5 du code pénal ;

– qu’à ce titre, elles doivent mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de données et ont également l’obligation, d’une part, d’informer promptement les autorités publiques compétentes de toutes activités illicites mentionnées à l’alinéa précédent qui leur seraient signalées et qu’exerceraient les destinataires de leurs services, et, d’autre part, de rendre publics les moyens qu’elles consacrent à la lutte contre ces activités illicites.

L’objet du procès à venir, est-il encore précisé par les intimées, serait d’obtenir une indemnisation au regard de l’article 1240 du code civil, à raison du supposé non-respect par la société appelante de ses obligations issues de l’article 6-I. 7 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, ce qui serait de nature à engager sa responsabilité civile.

S’agissant d’abord du motif légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile, il sera relevé :

– que les associations doivent justifier d’éléments de fait suffisants rendant crédibles les allégations selon lesquelles le réseau social Twitter ne respecterait pas son obligation de

concourir à la lutte contre les contenus haineux ;

– qu’il ne saurait pour autant être exigé des intimées qu’elles démontrent le non-respect de cette obligation par Twitter, la mesure d’instruction étant légitime à partir du moment où les éléments factuels produits sont suffisamment plausibles ;

– qu’est notamment versée aux débats (pièce 5) une étude intitulée “La haine en ligne se propage pendant le confinement”, qui se présente comme une enquête et un “testing” menés par l’Union des étudiants juifs de France et H I, et un procès-verbal de constat d’huissier de justice du 26 mai 2020 accompagnant ce rapport, qui porte sur la période du 17 mars au 5 mai 2020 ;

– que, selon l’étude, sur un total de 1.110 tweets considérés par les associations comme manifestement haineux, seuls 126 messages ont été supprimés par Twitter, soit une proportion de 11,4 % ; que le constat d’huissier de justice porte sur 66 messages, comme il est relevé par l’appelante, celle-ci faisant état dans ses écritures “qu’au moins 12 n’ont rien d’illicite ou n’en ont pas l’évidence”, étant observé que le contenu des autres messages n’a à tout le moins pas fait l’objet d’observations par l’appelante ;

– qu’un second procès-verbal de constat du 30 novembre 2020 (pièce 12) est aussi versé aux débats ;

– que, selon cet acte, l’huissier de justice instrumentaire indique que “des procès-verbaux de constat ont été dressés par acte de mon ministère les 18, 19, 20 et 24 septembre 2020 puis les 25, 26, 27 septembre et 3 octobre 2020, ayant pour objet de faire procéder à un

“testing” sur le réseau social Twitter, en signalant des tweets injurieux à caractère raciste, antisémite et homophobe et faire constater le délai de suppression desdits tweets à J+1, J+2 et J+7”, “qu’à J + 7 plusieurs tweets signalés n’ont pas été supprimés”, “que l’association requérante souhaite faire constater si depuis la suppression de ces derniers est intervenue” ;

– que l’huissier relève alors un certain nombre de messages du réseau social non supprimés (par exemple à la date du 24 septembre 2020 “youpin de merde tout est ta faute”, “Bon je m’en vais niquer un youtre à toute”, “Bah tu veux que je te dise quoi gros réponds lui c pas moi qui t’as allumé sale feuj”) ;

– que des attestations de membres des associations sont également versées aux débats ;

– que Mme J K (pièce 6) indique avoir signalé des messages et avoir personnellement constaté qu’après 3 à 5 jours, “l’écrasante majorité d’entre eux” étaient toujours en ligne, étant joints à l’attestation des exemples de messages avec des termes incontestablement offensants (“sale juif”, “voleur de juif de merde”, “sale youpin”, “sale feuj”) ;

– que M. L M (pièce 7) atteste que sur les 16 messages qu’il a signalés, la majorité d’entre eux était restée en ligne ; que les messages qu’il a signalés comportent pour la plupart les expressions “sale noir”, “sale arabe” ;

– que, selon M. N O (pièce 8), les 38 tweets qu’il a signalés sont pour leur écrasante majorité restés en ligne, étant observé que les messages en annexe comportent pour la plupart l’expression “sale juif” ou font référence à Adolf Hitler en terme offensants ;

– que Mme P Q (pièce 9) expose avoir signalé notamment 4 tweets et indique que l’écrasante majorité des messages sont restés en ligne, toujours après un délai de 3 à 5 jours (l’annexe de l’attestation comportant quatre messages avec les termes “sale PD”, “sale arabe”, “sale arabe de merde”, “sale raciste”) ;

– qu’est aussi produit un article de presse, qui fait état que Twitter serait “le plus mauvais

élève de lutte contre la haine en ligne” (Le Figaro du 3 juillet 2020, pièce 11, opération de contrôle réalisée par l’organisme Scan, qui a relevé que Twitter n’aurait retiré que 9 % de contenus haineux).

Dans ces conditions, les associations intimées, contrairement à ce que fait valoir l’appelante, disposent d’un certain nombre d’éléments factuels rendant crédibles la circonstance que Twitter ne supprimerait pas de manière efficiente les contenus haineux, étant observé :

– que, d’une part, l’étude produite, les procès-verbaux, les attestations ou encore la référence à l’étude Scan établissent la crédibilité de cette affirmation, qui, au stade du référé-probatoire, n’a pas à être démontrée, de sorte que les développements de l’appelante sur la vision parcellaire et biaisée des documents ou sur le caractère non vérifiable de certains faits (étude Scan) n’empêchent pas d’établir la légitimité de la mesure ;

– que, d’autre part, les termes relevés ci-avant suffisent pour établir suffisamment le caractère délictuel de certains propos (“sale juif’, “sale arabe”) comme pouvant relever de l’injure aggravée au sens de la loi du 29 juillet 1881.

La demande des associations est aussi de nature à améliorer leur situation probatoire dans le cadre d’une éventuelle action en justice contre la société Twitter International Company, étant observé :

– qu’il est demandé au gestionnaire du réseau social les éléments suivants : tout document administratif, contractuel, technique, ou commercial relatif aux moyens matériels et humains mis en œuvre dans le cadre du service Twitter pour lutter contre les infractions en cause ; le nombre, la localisation, la nationalité, la langue des personnes affectées au traitement des signalements provenant des utilisateurs de la plate-forme française de ses services de communication au public en ligne ; le nombre de signalements provenant des utilisateurs de la plate-forme française de ses services, en matière d’apologie des crimes contre l’humanité et d’incitation à la haine raciale, les critères et le nombre des retraits subséquents ; le nombre d’informations transmises aux autorités publiques compétentes, en particulier au parquet, en application de l’article 6.-I. 7 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) au titre de l’apologie des crimes contre l’humanité et de l’incitation à la haine raciale ;

– que ces éléments sont exactement de nature à permettre d’établir si, conformément aux dispositions susmentionnées de la LCEN, la société appelante concourt à la lutte contre ces infractions, et en particulier si elle informe promptement les autorités publiques compétentes de toutes activités illicites au sens de l’article 6.-I. 7 qui lui seraient signalées et qu’exerceraient les destinataires de ses services, et si elle remplit son obligation de rendre publics les moyens qu’elle consacre à la lutte contre ces activités illicites ;

– que, contrairement à ce que soutient l’appelante, les associations n’ont pas ici à démontrer l’absence de retrait dans un délai prompt d’un contenu manifestement illicite dans les conditions de l’article 6.-I. 5 de la LCEN de sorte que les documents réclamés seraient inutiles ;

– que les intimées fondent bien en effet leur action sur le dispositif spécifique de l’article 6.-I. 7, prévu par le législateur “compte tenu de l’intérêt général attaché à la répression de l’apologie des crimes contre l’humanité, de la provocation à la commission d’actes de terrorisme et de leur apologie, de l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap ainsi que de la pornographie enfantine, de l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine” ;

– que, pour ces infractions définies, pèsent sur les hébergeurs des obligations renforcées, à savoir l’obligation de concourir à la lutte contre celles-ci, l’obligation d’informer les autorités publiques et l’obligation de publicité des moyens mis à disposition ; que le non-

respect éventuel de ces dispositions est de nature à engager la responsabilité civile d’un hébergeur, ce qui justifie les mesures sollicitées ;

– qu’importe également peu, au stade du référé-probatoire, le fait que la loi n’aurait pas défini le contenu précis des obligations à la charge des hébergeurs, comme l’indique en vain Twitter International Company ;

– qu’en effet, d’une part, l’article 6.-I. 7 concerne une liste limitative d’infractions, et est précis, détaillant en fait des obligations à la charge de l’hébergeur comme l’obligation d’information des autorités ; que d’autre part et au surplus, le respect de ses obligations par Twitter, au regard des justificatifs apportés, sera l’objet de l’éventuel procès à venir, le juge des référés, saisi sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, n’ayant ni à se prononcer par anticipation sur la responsabilité civile de Twitter, ni sur l’éventuelle évolution de cette responsabilité compte tenu des évolutions législatives évoquées par l’appelante, étant suffisamment établi que les communications sollicitées concernent bien les conditions dans lesquelles la société appelante lutte contre les infractions en cause, soit l’objet de l’article 6.-I. 7, l’action des associations n’étant pas manifestement vouée à l’échec ;

– que les mesures sollicitées sont également utiles pour les intimées, les rapports dont fait état Twitter pour dire qu’elle remplirait ses obligations de transparence, s’agissant des requêtes en communication de données ou du nombre de retraits de contenus, ou encore du nombre de personnes employées dans le monde pour la modération, ne permettant pas d’établir comment Twitter lutte contre les contenus haineux au sens des infractions listées par le législateur français à l’article 6.-I. 7 ;

– qu’elles sont également proportionnées et nécessaires, au regard des éléments rappelés ci- avant, étant à rappeler que le premier juge a à juste titre limité la durée de la mesure, entre la délivrance de l’assignation soit le 18 mai 2020 et le 6 juillet 2021, date de prononcé de la décision ;

– que les mesures ordonnées visent strictement à déterminer comment Twitter lutte contre les infractions en cause, par la communication des documents de la société et par les informations relatives aux signalements et aux retraits, à établir les moyens qu’elle met en oeuvre à cette fin, ce qui résulte des demandes sur les moyens notamment humains pour ce faire, et à obtenir les données sur les informations transmises aux autorités compétentes conformément aux dispositions de l’article 6.-I. 7.

Enfin, c’est en vain que l’appelante fait aussi état de ce que les mesures ne seraient pas légalement admissibles, au motif qu’elles contreviendraient au droit de ne pas s’auto- incriminer et de bénéficier des garanties propres à la procédure pénale.

Si l’article 6.-V. 1 de la LCEN dispose que le fait de ne pas satisfaire aux obligations de l’article 6.-I. 7 quatrième et cinquième alinéas est sanctionné pénalement, force est aussi de rappeler que les associations recherchent la responsabilité civile de Twitter International Company, que les associations ne sont pas des autorités de poursuite, agissant dans le cadre d’une procédure pénale, et qu’enfin, les communications réclamées ne peuvent être obtenues que de la société appelante, s’agissant de données qui ne peuvent qu’être en possession de la société Twitter, de sorte que la poursuite de la procédure civile nécessite la communication de pièces et données par l’appelante.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, en ce compris le sort des dépens et frais de première instance exactement réglé par le premier juge.

En cause d’appel, la société appelante, ayant pour nouvelle dénomination Twitter International Unlimited Company, succombe en ses prétentions. Elle devra indemniser les associations intimées de leurs frais non répétibles exposés dans les conditions indiquées au

dispositif, et sera condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Condamne la société Twitter International Unlimited Company à verser à l’association Union des étudiants juifs de France, à l’association H Homophobie, à l’association H I, à l’association J’accuse – Action internationale pour la justice, à l’association Ligue internationale contre le I et l’antisémitisme et à l’association Mouvement contre le I et pour l’amitié entre les peuples, et à chacune, la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, à hauteur d’appel ;

Condamne la société Twitter International Unlimited Company aux dépens d’appel ;

La Greffière, La Présidente,


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