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Une Proposition de loi visant à améliorer la procédure de délivrance de l’agrément permettant aux associations d’exercer les droits de la partie civile en matière de lutte contre la corruption est en cours de discussion au Parlement.
Le dispositif d’agrément des associations de lutte contre la corruption en vue de l’exercice des droits reconnus à la partie civile a été instauré par la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.
Le ministre de la justice, en tant qu’autorité administrative1(*), est chargé d’instruire les demandes d’agrément ou de renouvellement, dans les conditions prévues par le décret d’application n° 2014-327 du 12 mars 2014. Ce dispositif permet aux associations agréées d’engager des poursuites en matière de lutte contre la corruption en déposant une plainte avec constitution de partie civile. Il leur permet de se constituer partie civile dans des procédures en cours, d’accéder ainsi au dossier, de transmettre des documents, des demandes d’actes ou d’audition de témoins au juge d’instruction. Dès lors, les associations agréées en matière de lutte contre la corruption mènent une action majeure pour le bon fonctionnement démocratique de notre pays et à la confiance de nos concitoyens dans nos institutions.
Au regard des différentes procédures engagées par des associations agréées, dont certaines peuvent concerner des membres du Gouvernement, anciens ou actuels, l’exécutif, en tant qu’il est à la fois juge et partie, est placé dans une situation où son objectivité et sa neutralité peuvent être de facto mises en cause : l’existence d’une solidarité gouvernementale ne saurait être totalement écartée. Preuve en est que le Garde des Sceaux en exercice, Éric Dupond-Moretti, a été contraint de se déporter du processus de renouvellement de l’agrément de l’association Anticor au profit du Premier ministre, car ayant été concerné par une procédure initiée par cette association.
Comme l’affirment les membres de l’Observatoire de l’éthique publique dans une tribune parue dans Le Monde le 19 avril 2021, « tant que le primat gouvernemental sur la procédure d’habilitation perdurera, un conflit d’intérêts, avéré ou non, sera toujours suspecté »2(*). Dans le même sens, l’association SHERPA avait elle aussi pointé, dans une publication datée du 11 janvier 2023 faisant suite au renouvellement de son agrément par le Garde des Sceaux le 19 novembre 2022, les « limites » et les « importantes failles » du système d’agrément3(*).
La proposition de loi vise donc à corriger ces failles en améliorant la procédure de délivrance de l’agrément permettant aux associations d’exercer les droits de la partie civile en matière de lutte contre la corruption en mettant un terme à la suspicion latente qui entoure cette procédure, ce qui permettra à l’exécutif de déployer son action sereinement mais aussi de renforcer la confiance de nos concitoyens dans nos institutions. Elle s’inscrit ainsi dans la continuité des recommandations du rapport de la mission d’information flash de l’Assemblée nationale sur la capacité des associations à agir en justice4(*) (publié le 8 décembre 2021).
Son article unique vise à confier à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) la délivrance de l’agrément des associations anti-corruption, afin d’extraire la décision d’octroi de l’agrément du ressort gouvernemental, en la confiant à une autorité administrative indépendante, garantissant ainsi une prise de décision sereine, tout en maintenant l’expertise du ministère de la justice dont les services émettraient un avis sur l’association sollicitante. Si elle le jugeait nécessaire, la HATVP aurait la possibilité de solliciter auprès de la Cour des comptes le contrôle des comptes de l’association faisant une demande d’agrément. Enfin, la durée de l’agrément anti-corruption délivré est fixée à sept années, contre trois actuellement, afin qu’elle soit adaptée au regard du temps judiciaire, en matière de lutte contre la corruption notamment.
Comme le pointe le rapport précité, le choix de la HATVP est justifié tant au regard de son champ de compétence que de son expérience. En effet, en application de l’article 20 de la loi de 2013 relative à la transparence de la vie publique, la HATVP peut d’ores et déjà délivrer un agrément permettant à des associations « se proposant, par leurs statuts, de lutter contre la corruption » de la saisir, par exemple sur des cas d’atteinte à la probité, de situation de conflit d’intérêts, de non-respect des obligations de déclarations ou encore de règles dites de « pantouflage », c’est-à-dire de prise illégale d’intérêts. La HATVP, si on lui en donne les moyens, dispose donc de l’expertise nécessaire pour délivrer l’agrément des associations de lutte contre la corruption en vue de l’exercice des droits reconnus à la partie civile.
* 1 Décision n°2013-679 DC du 4 décembre 2013 du Conseil constitutionnel : https://www.conseil- constitutionnel.fr/decision/2013/2013679DC.htm
* 2 https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/19/anticor-tant-que-le-primat-gouvernemental-sur-la-procedure-d-habilitation-perdurera-un-conflit-d-interets-avere-ou-non-sera-toujours- suspecte_6077304_3232.html
* 3 https://www.asso-sherpa.org/agrement-anti-corruption-a-loccasion-de-son-renouvellement- sherpa-revient-sur-les-limites-du-dispositif
* 4 https://www2.assemblee-nationale.fr/15/commissions-permanentes/commission-des-lois/ missions-flash/capacite-des-associations-a-agir-en-justice