L’usage sérieux d’une marque face à une demande de déchéance
L’usage sérieux d’une marque face à une demande de déchéance
Ce point juridique est utile ?

Sous peine de déchéance, une marque doit faire l’objet d’un usage sérieux et utilisée publiquement et vers l’extérieur. L’exigence d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes.

Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque.

Rappel sur la déchéance de marque communautaire

L’article 18 du Règlement (UE) n°2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne, applicable à la date de la demande de déchéance, dispose qu’est constitutif d’un usage sérieux l’usage de la marque de l’Union européenne sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée, que la marque soit ou non enregistrée sous la forme utilisée au nom du titulaire.


L’article 58 a) du même règlement dispose que le titulaire de la marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon :

a) si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage. […]

Il est ainsi constant qu’une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque.

La condition relative à l’usage sérieux

De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée dans le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur (arrêt du tribunal du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER), T-418/03, point 54 ; arrêt du 15 septembre 2011, Centrotherm Systemtechnik GmbH / OHMI, T-434/09, point 25).

Bien que la notion d’usage sérieux s’oppose à tout usage minimal, insuffisant pour considérer qu’une marque est réellement et effectivement utilisée sur un marché déterminé, il n’en reste pas moins que l’exigence d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes (arrêt du tribunal du 23 février 2006, Il Ponte Finanziaria/OHMI – Marine Enterprise Projects (BAINBRIDGE), T-194/03, Rec. p. II-445, point 32 ; arrêt du 15 septembre 2011, Centrotherm Systemtechnik GmbH / OHMI, T-434/09, point 26).

L’usage sérieux d’une marque doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné (arrêt LA MER, précité, point 59 ; arrêt du 15 septembre 2011, Centrotherm Systemtechnik GmbH / OHMI, T-434/09, point 30).


Le territoire pertinent pour l’appréciation de l’usage sérieux d’une marque de l’Union européenne, en vu de maintenir ou de créer des parts de marché dans la Communauté européenne pour les produits ou les services désignés par cette marque, est l’Union européenne (CJUE du 19 décembre 2012, aff. C-149/11, Leno Merken). Il n’est en outre pas exigé que la marque soit présente sur une partie substantielle du territoire de protection.

Exemple de marque exploitée


En l’espèce, la demande reconventionnelle en déchéance de la marque litigieuse pour les “services de divertissement sous forme de compétitions et de présentations de camions monstres” en classe 41, a été introduite par conclusions du 17 octobre 2022 par les sociétés défenderesses et M. [H]. La période quinquennale à prendre en considération au titre des preuves d’usage sérieux est donc celle courant du 17 octobre 2017 au 17 octobre 2022.

Il est vrai qu’il ressort des pièces produites que ce n’est pas tant le divertissement qui est désigné sous le signe “El TORO LOCO”, plus communément cité sous le signe “Monster Jam”, que l’un des camions monstres emblématiques du spectacle.

Il ressort des pièces que ce camion figure, avec d’autres tels que, par exemple, “GRAVE DIGGER”, “MONSTER MUTT” ou “BLUE THUNDER”, au coeur du service de divertissement.

Ils constituent ainsi un élément de ralliement du public qui vient les voir s’affronter ou réaliser des figures acrobatiques et autres cascades. Personnifiés comme des personnages récurrents à part entière, associés à des pilotes, les camions, dont “El TORO LOCO”, sont mis en lumière dans les différentes courses et défis faisant partie du spectacle.

Or, le camion “El TORO LOCO”, créé en 2001, intervient depuis cette date de manière très régulière, devant le public.


Il y a lieu, dès lors, de considérer que la démonstration d’un usage de la marque pour désigner, comme c’est le cas en l’espèce, un personnage récurrent dans le cadre du divertissement est une référence claire au service de divertissement lui-même et vaut usage de la marque enregistrée dans la classe 41, ce d’autant plus qu’en l’espèce, la marque est enregistrée expressément pour les ”présentations de camions monstres”.


Les demandeurs ne contestent pas les preuves d’usage rapportées dans leur temporalité ou leur localisation. Il importe toutefois de relever, afin d’écarter le moyen tiré de la déchéance des droits sur la marque, que durant cette période, la société demanderesse justifie de l’organisation de plusieurs spectacles et compétitions mettant en scène le camion sous le signe “El TORO LOCO”, témoignant de la réalité de l’usage du signe dans le cadre d’une exploitation commerciale effective au sein de l’Union Européenne, dans quatorze villes différentes, en ce compris en France.


A titre d’exemple, il peut être cité :

– La présence du camion sous le signe “El TORO LOCO” lors d’un événement à Stockholm le 18 novembre 2017 et à Göteborg le 15 juin 2019;

  • La présence du camion sous le signe“EL TORO LOCO” jusqu’en finale lors d’une compétition à [Localité 8] le 12 mai 2018;
  • La présence du camion sous le signe “EL TORO LOCO” lors d’un événement à Rotterdam le 30 juin 2018 où le camion sous le signe “EL TORO LOCO”, les performances du camion ayant été enregistrées sur une vidéo Youtube publiée accessible en France en juillet 2018;
  • La participation de ce camion-monstre sous le signe “EL TORO LOCO” dans un événement du 22 septembre 2018 à [Localité 7] en Pologne;
  • Sa participation à [Localité 9], en 2018, réunissant 25.000 spectateurs,
  • Le programme d’un événement à Anvers les 7 et 8 septembre 2019 fait mention de la présence du camion sous le signe “El TORO LOCO”;
    Des compétitions de Monster Jam apparaissent avoir été annulées en 2020 et 2021 du fait de la pandémie de Covid 19, sans qu’il soit possible de confirmer l’intervention du camion sous le signe “EL TORO LOCO”. D’autres ont eu lieu, notamment à [Localité 8], en 2021 et 2022.

La société Feld Motor Sports autorise également la rediffusion de ses compétitions, en particulier pour les spectacles américains, ce qui participe à l’exploitation de son service de divertissement, notamment sur la chaîne française “Automoto”. Le camion “El TORO LOCO” n’apparait pas expressément sur la liste du programme télévisé qui ne mentionne que les évènements “Monster Jam” mais des diffusions Youtube de la chaîne “Automoto la chaîne” mettent en scène le camion “El TORO LOCO” entre 2016 et 2020.


La marque “EL TORO LOCO” étant une marque verbale, il convient de rappeler que les variations dans la présentation du signe ne suffisent pas à altérer le caractère distinctif de la marque.


Dès lors, il y a lieu de considérer que les éléments de preuve produits par la demanderesse permettent d’établir, pendant la période de référence, que la marque de l’Union européenne “EL TORO LOCO” a été utilisée dans le cadre de divers compétitions et spectacles mettant en scène des camions monstres, auxquelles participe le camion “EL TORO LOCO”. Ainsi, la présence du camion et l’usage du signe litigieux dans le cadre des spectacles de divertissement permet d’établir l’usage sérieux de la marque verbale de l’Union européenne en classe 41.


En considération de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de rejeter la demande des défendeurs en déchéance de la marque de l’Union européenne “El TORO LOCO” n° 006995898 pour défaut d’exploitation de la marque pour les “services de divertissement sous forme de compétitions et de présentations de camions monstres” en classe 41.




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