L’origine des avoirs étrangers et la justification des transferts de fonds

·

·

L’origine des avoirs étrangers et la justification des transferts de fonds

M. [W] [E] a été soumis à un contrôle fiscal par la 4ème brigade départementale de vérification de [Localité 3]. Le 8 février 2017, l’administration fiscale lui a demandé des informations sur l’origine des fonds de son compte à la BECM Sint Maarten. Ne recevant pas de réponse, une taxation d’office a été effectuée le 28 septembre 2017, portant sur un montant de 28 000 €. Un avis de mise en recouvrement de 16 800 euros a été émis le 30 novembre 2017 au titre des droits de donation. M. [W] [E] a contesté cette rectification par courrier le 19 janvier 2018, mais sa contestation a été rejetée le 26 juillet 2018. Il a ensuite assigné le directeur général des finances publiques devant le tribunal de grande instance de Nice le 12 septembre 2018 pour obtenir la décharge de l’imposition. Le tribunal a confirmé le rejet de la contestation et a débouté M. [W] [E] de ses demandes par jugement du 10 janvier 2020. M. [W] [E] a interjeté appel le 7 février 2020, demandant la réforme du jugement et la décharge de l’imposition. Il a soutenu que les fonds provenaient de revenus déjà imposés et que la somme de 28 000 € était exonérée d’impôt. En réponse, la Direction générale des finances publiques a demandé la confirmation du jugement et a souligné que M. [W] [E] n’avait pas justifié l’origine des fonds. La cour a finalement confirmé le jugement du tribunal de Nice et a condamné M. [W] [E] aux dépens ainsi qu’à verser 3 000 euros à l’administration fiscale.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

16 octobre 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
20/02006
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 16 OCTOBRE 2024

N° 2024/ 205

Rôle N° RG 20/02006 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFSK2

[W] [E]

C/

LE DIRECTEUR GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me SIMON-THIBAUD

Me ROSENFELD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de Nice en date du 10 Janvier 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/04218.

APPELANT

Monsieur [W] [E]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur LE DIRECTEUR GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

domicilié en ses bureaux sis Division des affaires juridiques – Pôle Juridictionnel Judiciaire – [Adresse 2]

représenté par Me Virginie ROSENFELD de la SCP CABINET ROSENFELD & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 04 Juillet 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Elodie BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2024,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et M. Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

 

M. [W] [E] a fait l’objet d’un contrôle fiscal sur pièces par la 4ème brigade départementale de vérification de [Localité 3].

 

L’administration fiscale a, le 8 février 2017, demandé à M. [W] [E] de fournir toutes informations et justifications sur l’origine et les modalités d’acquisition des avoirs figurant sur le compte bancaire ouvert à la BECM Sint Maarten située à [Localité 4]. 

 

En l’absence de réponse de la part de M. [W] [E] à la demande d’information, une taxation d’office a été effectuée le 28 septembre 2017 sur les avoirs de son compte au 27 mai 2013 s’élevant à 28 000 €.

 

Un avis de mise en recouvrement d’un montant de 16 800 euros au titre des droits de donation a, le 30 novembre 2017, été émis par le SIE de [Localité 3]-Est (16 800 = taux de 60% de 28 000 euros qui sont assujettis aux droits de mutation à titre gratuit).

 

M. [W] [E] a, par courrier du 19 janvier 2018, contesté cette rectification, cette contestation a été rejetée le 26 juillet 2018.

 

Par acte du 12 septembre 2018, M. [W] [E] a fait assigner M. le directeur général des finances publiques devant le tribunal de grande instance de Nice pour obtenir la décharge de l’imposition.

 Par jugement en date du 10 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Nice a :

–             confirmé la décision de rejet de la 4ème brigade départementale de vérification en date du 26 Juillet 2018

–             débouté M. [W] [E] de l’ensemble de ses demandes

–             condamné M. [W] [E] aux dépens de l’instance

 

M. [W] [E] a interjeté appel par déclaration du 7 février 2020.

 

Par conclusions notifiées et déposées le 24 février 2020, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [W] [E] demande à la cour de :

–             réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judicaire de Nice du 10 janvier 2020

–             dire et juger que les ressources ayant permis de financer l’acquisition de la propriété partagée à [Localité 4] par l’appelant grâce à un transfert de fonds de son compte Société Générale en France à son compte BECM à [Localité 4], provenant de ses revenus régulièrement déclarés, ne sont pas soumises à l’imposition contestée ;

–             dire et juger que cette propriété partagée, acquise en indivision avec son épouse et revendue 28 000 €, le 24 avril 2012, échappait à toute imposition en raison de son montant, conformément à l’article 150 U II 6° du CGI ;

–             dire et juger que cette somme ayant fait l’objet d’un transfert d’un compte étranger à un autre compte étranger, sans passer par la France, n’est soumise à aucune obligation et ce faisant, accorder à l’appelant la décharge de l’imposition querellée ;

–             condamner l’intimé au paiement de la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

–             le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Badie, Simon-Thibaud & Juston, aux offres de droit, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

 

M. [W] [E] fait valoir que :

–             Le contribuable peut justifier les transferts vers un compte étranger non déclaré en prouvant que les fonds proviennent de revenus déjà imposés en France, comme le démontrent les relevés bancaires, les avis d’imposition et l’absence de remarques lors de contrôles fiscaux antérieurs ;

–             La somme de 28 000 € est exonérée d’impôt, s’agissant d’une cession en indivision, chaque partie indivise est inférieure au seuil de 15 000 € prévu par l’article 150 U II 6° du CGI pour l’exonération des plus-values immobilières ;

–             Les transferts de fonds entre comptes étrangers, sans passer par la France, ne sont pas soumis aux obligations déclaratives des articles 1649 A et 1649 AA du CGI, qui ne concernent que les transferts entre la France et l’étranger.

 

 

Par conclusions en réplique, notifiées et déposées 20 mars 2020, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, la Direction générale des finances publiques demande à la cour de :

–             confirmer le jugement entrepris ;

–             condamner l’appelant à verser à l’administration fiscale 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

–             condamner l’appelant aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Rosenfeld, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

La Direction générale des finances publiques fait valoir que :

–             Le dispositif de régularisation des avoirs étrangers non déclarés, instauré en 2013, permet aux contribuables de régulariser leur situation fiscale en payant les impôts et pénalités dus, tout en leur offrant la possibilité de prouver l’origine légale des fonds,

–             Le contribuable ne contexte ni l’existence du compte, ni l’omission déclarative ;

–             M. [W] [E] n’a pas déclaré le compte à l’étranger avec un solde de 28 000 € et n’a pas fourni de justifications suffisantes sur l’origine et les modalités d’acquisition de ces fonds, comme l’exige l’article L23 C du livre des procédures fiscales. Il n’a pas démontré que les sommes en question provenaient d’une vente dans une résidence hôtelière à temps partagé, il n’a pas donné de preuves concrètes, telles qu’un acte de vente ou des relevés bancaires détaillés ;

–             M. [W] [E] n’a pas répondu dans les délais à une mise en demeure, ce qui l’a placé en situation de taxation d’office.

MOTIFS

 

En application de l’article 755 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige, les avoirs figurant sur un compte ou un contrat d’assurance-vie étranger et dont l’origine et les modalités d’acquisition n’ont pas été justifiées dans le cadre de la procédure prévue à l’article L. 23 C du livre des procédures fiscales sont réputés constituer, jusqu’à preuve contraire, un patrimoine acquis à titre gratuit assujetti, à la date d’expiration des délais prévus au même article L. 23 C, aux droits de mutation à titre gratuit au taux le plus élevé mentionné au tableau III de l’article 777 du présent code.

 

Ces droits sont calculés sur la valeur la plus élevée connue de l’administration des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d’assurance-vie au cours des dix années précédant l’envoi de la demande d’informations ou de justifications prévue à l’article L. 23 C du livre des procédures fiscales, diminuée de la valeur des avoirs dont l’origine et les modalités d’acquisition ont été justifiées.

 

L’article L. 23 du livre des procédures fiscales dispose quant à lui que lorsque l’obligation prévue au deuxième alinéa de l’article 1649 A (obligation déclarative des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger) ou à l’article 1649 AA du code général des impôts (obligation déclarative des contrats de capitalisation ou des placements de même nature) n’a pas été respectée au moins une fois au titre des dix années précédentes, l’administration peut demander, indépendamment d’une procédure d’examen de situation fiscale personnelle, à la personne physique soumise à cette obligation de fournir dans un délai de soixante jours toutes informations ou justifications sur l’origine et les modalités d’acquisition des avoirs figurant sur le compte ou le contrat (L. no 2022-1726 du 30 déc. 2022, art. 90-I)  «de capitalisation ou le placement de même nature».

Lorsque la personne a répondu de façon insuffisante aux demandes d’informations ou de justifications, l’administration lui adresse une mise en demeure d’avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours, en précisant les compléments de réponse qu’elle souhaite.

 

En l’espèce, M. [W] [E] ne conteste ni la détention d’un compte à l’étranger ni l’absence de déclaration de ce compte à l’administration fiscale, ni la somme de 28 000 euros figurant sur ce compte au 23 mai 2013.

 

Comme l’a exactement énoncé le premier juge, M. [W] [E] n’établit pas que les ressources ayant servi à constituer la somme figurant sur le compte litigieux ont déjà été imposées ou ne devraient pas être imposées.

En effet, l’appelant ne produit à l’appui de sa contestation que la preuve d’un virement d’un montant de 19 597,88 euros effectué le 4 avril 2011 à une entité nommée « Babitbay Beach Developpement », alors que le contrat d’achat immobilier est conclu auprès de la société « Dawn Beach Club » sans qu’il soit produit une justification plausible de cette différence de bénéficiaire.

Sa pièce 4 spécialement, montre que le rachat par la société Babitbay Beach Developpement de l’ensemble immobilier dans lequel il a acquis une propriété à temps partagé n’est intervenu qu’en avril 2012, soit bien postérieurement au paiement et aucun élément objectif n’explique de manière satisfaisante cette anticipation par M. [W] [E].

 

Par ailleurs, les montants mentionnés dans les pièces de M. [W] [E] ne correspondent pas aux sommes en question. Il déclare avoir acheté, le 25 mars 2011, la propriété pour 34,627.00 $, dont 6 925,40 $ auraient été payés en espèces. Ces chiffres ne justifient en aucune façon le virement de 19 597,88 euros, ni les 28 000 euros présents sur le compte, ni le lien entre les deux sommes.

 

C’est par conséquent à bon droit et par des motifs que la cour adopte, que le premier juge a débouté M. [W] [E] de ses contestations et demandes.

 

La décision déférée est confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

 

La cour,

 

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Nice du 10 janvier 2020,

 

Condamne M. [W] [E] aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. [W] [E] à payer à la Direction générale des finances publiques la somme de 3 000 euros.

Le Greffier, La Présidente,


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x