En vertu de l’article 1411 du code de procédure civile, l’ordonnance portant injonction de payer est non avenue si elle n’a pas été signifiée dans les six mois de sa date.
En l’espèce, c’est à tort que le premier juge a retenu que la preuve de cette signification ne pouvait être rapportée que par la production de l’acte d’huissier, sauf cas de force majeure, alors que le visa de l’acte de signification du 2 avril 2001 par le greffier en chef du tribunal d’instance de Toulon lors de l’apposition de la formule exécutoire fait foi jusqu’à inscription de faux, s’agissant d’un acte authentique. Le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu’il a déclaré caduque l’ordonnance d’injonction de payer. Selon l’article 1416 du même code, l’opposition doit être formée dans le mois qui suit la signification de l’ordonnance. Toutefois, si la signification n’a pas été faite à personne, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponible en tout ou partie les biens du débiteur. |
Résumé de l’affaire : Le 1er mars 2001, la société COFIDIS a obtenu une injonction de payer contre Madame [Z] [B] pour un contrat de crédit. L’ordonnance a été rendue exécutoire le 5 juin 2001, mais les tentatives d’exécution ont échoué. En octobre 2019, COFIDIS a cédé sa créance à INTRUM DEBT FINANCE AG, qui a signifié cette cession à la débitrice en novembre 2020. Madame [B] a formé opposition à l’ordonnance d’injonction de payer le 31 décembre 2020. Le tribunal a déclaré l’ordonnance caduque le 23 janvier 2023, faute de signification dans les six mois. INTRUM a fait appel, soutenant que la signification avait bien eu lieu dans le délai imparti et que l’opposition était irrecevable. Madame [B] a demandé la confirmation du jugement, arguant que le délai pour former opposition avait commencé à courir en décembre 2020. La cour d’appel a finalement infirmé le jugement de première instance, déclarant l’opposition irrecevable et confirmant l’effet de l’ordonnance d’injonction de payer.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 09 OCTOBRE 2024
N° 2024/ 407
N° RG 23/03379
N° Portalis DBVB-V-B7H-BK44Z
Société INTRUM DEBT FINANCE AG
C/
[Z] [B] épouse [N]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Valérie BARDI
Me Corinne CAILLOUET – GANET
Décision déférée à la Cour :
Jugement Tribunal Judiciaire de TOULON en date du 23 Janvier 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/00509.
APPELANTE
Société INTRUM DEBT FINANCE AG
venant aux droits de la Société COFIDIS, suite au contrat de cession de créances signé entre les parties en date du 16 décembre 2019, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 2] (SUISSE)
représentée par Me Valérie BARDI, membre de la SCP BARDI, avocat au barreau de GRASSE
INTIMÉE
Madame [Z] [B] épouse [N]
née le 17 Avril 1969 à [Localité 3] (83), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Corinne CAILLOUET-GANET, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Alice BISIOU, faisant fonction
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2024.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2024, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE
Le 1er mars 2001, la société COFIDIS a obtenu du président du tribunal d’instance de Toulon le prononcé d’une injonction de payer à l’encontre de Madame [Z] [B] sur le fondement d’un contrat de crédit conclu le 20 avril 1998.
Ladite ordonnance a été revêtue de la formule exécutoire le 5 juin 2001, au vu d’une signification en mairie effectuée le 2 avril précédent.
Diverses voies d’exécution forcée ont ensuite été vainement engagées par le créancier.
Le 1er octobre 2019, la société COFIDIS a cédé sa créance à la société de droit suisse INTRUM DEBT FINANCE AG pour un montant nominal de 8.144,31 euros. Cette cession a été signifiée à la débitrice par acte du 18 novembre 2020, contenant itératif commandement de payer aux fins de saisie-vente.
Le 1er décembre 2020, le cessionnaire a dénoncé à Madame [B] épouse [N] un procès-verbal de saisie-attribution sur ses comptes bancaires.
Par déclaration enregistrée le 31 décembre 2020 au greffe du tribunal judiciaire de Toulon, la débitrice a entendu former opposition à l’ordonnance d’injonction de payer.
Suivant jugement rendu le 23 janvier 2023, le tribunal a déclaré ladite ordonnance caduque faute de signification dans les six mois de son prononcé en application de l’article 1411 du code de procédure civile, et dit en conséquence n’y avoir lieu de statuer au fond. Pour se prononcer en ce sens, le premier juge a retenu que la preuve de la signification de l’ordonnance ne pouvait résulter que de la production de l’acte d’huissier, sauf cas de force majeure, et qu’il ne pouvait y être suppléé par le seul visa du greffier en chef au moment de l’apposition de la formule exécutoire.
La société INTRUM DEBT FINANCE a interjeté appel de cette décision le 2 mars 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions notifiées le 12 avril 2023, la société INTRUM DEBT FINANCE AG soutient que la signification de l’ordonnance d’injonction de payer est bien intervenue le 2 avril 2001, soit dans les six mois de son prononcé, ainsi qu’en fait foi le visa de l’acte par le greffier en chef au moment de l’apposition de la formule exécutoire.
Elle considère en revanche que l’opposition est irrecevable en vertu de l’article 1416 du même code, pour avoir été formée après l’expiration du délai d’un mois suivant le premier acte signifié à la personne de la débitrice, constitué par un commandement de payer aux fins de saisie-vente en date du 16 novembre 2017.
Elle ajoute que l’exécution de l’ordonnance pouvait encore être poursuivie à cette date en vertu de l’ancien article 2262 du code civil et de l’article L 111-4 du code des procédures civiles d’exécution.
Elle demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau :
– de déclarer irrecevable l’opposition formée le 31 décembre 2020,
– de dire que l’ordonnance d’injonction de payer conserve son plein effet,
– et de condamner l’intimée aux entiers dépens, ainsi qu’au paiement d’une somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Suivant conclusions en réplique notifiées le 11 juillet 2023, Madame [Z] [B] épouse [N] poursuit à titre principal la confirmation du jugement par adoption de ses motifs.
Subsidiairement, elle fait valoir qu’un commandement de payer aux fins de saisie-vente ne constitue pas une mesure d’exécution forcée, et que le délai pour former opposition a commencé à courir le 1er décembre 2020, date à laquelle lui a été dénoncé un procès-verbal de saisie-attribution sur ses comptes bancaires, de sorte que celle-ci doit être déclarée recevable.
Elle soutient d’autre part que, une demande en justice déclarée caduque ne pouvant produire aucun effet interruptif, l’action en paiement du créancier doit être déclarée forclose en application de l’article L 311-37 (ancien) du code de la consommation.
A titre infiniment subsidiaire, elle conteste la régularité de l’offre de prêt et conclut à la déchéance du droit aux intérêts contractuels.
En tout état de cause, elle réclame paiement d’une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre ses dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 4 juin 2024.
En vertu de l’article 1411 du code de procédure civile, l’ordonnance portant injonction de payer est non avenue si elle n’a pas été signifiée dans les six mois de sa date.
En l’espèce, c’est à tort que le premier juge a retenu que la preuve de cette signification ne pouvait être rapportée que par la production de l’acte d’huissier, sauf cas de force majeure, alors que le visa de l’acte de signification du 2 avril 2001 par le greffier en chef du tribunal d’instance de Toulon lors de l’apposition de la formule exécutoire fait foi jusqu’à inscription de faux, s’agissant d’un acte authentique.
Le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu’il a déclaré caduque l’ordonnance d’injonction de payer.
Selon l’article 1416 du même code, l’opposition doit être formée dans le mois qui suit la signification de l’ordonnance. Toutefois, si la signification n’a pas été faite à personne, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponible en tout ou partie les biens du débiteur.
En l’espèce, il est produit aux débats un commandement de payer aux fins de saisie-vente signifié le 16 novembre 2017 par la société COFIDIS à la personne de Madame [Z] [B]. En outre, l’exécution de l’ordonnance pouvait encore être valablement poursuivie à cette date en vertu des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile. En effet, le délai de dix ans institué par l’article L 111-4 du code des procédures civiles d’exécution (anciennement l’article 3-1 de la loi du 9 juillet 1991) n’est entré en vigueur qu’à compter du 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder celle prévue par la loi antérieure, qui était de trente ans suivant l’ancien article 2262 du code civil.
Le délai pour former opposition a donc expiré le 16 décembre 2017, de sorte que l’opposition enregistrée le 31 décembre 2020 au greffe du tribunal d’instance de Toulon doit être déclarée irrecevable.
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau :
Déclare irrecevable l’opposition formée par Madame [Z] [B] épouse [N] contre l’ordonnance d’injonction de payer prononcée le 1er mars 2001,
Juge que ladite ordonnance conserve son plein et entier effet,
Condamne l’intimée aux entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’au paiement d’une somme de 1.000 euros au profit de l’appelante en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT