L’opposition à une injonction de payer

·

·

L’opposition à une injonction de payer

L’article 1353 du code civil dispose que : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »

L’article L110-3 du code de commerce dispose qu’à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi.

L’article L123-23 du même code dispose que : « La comptabilité régulièrement tenue peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce.

Si elle a été irrégulièrement tenue, elle ne peut être invoquée par son auteur à son profit’ »

La SAS Financière d’Elaboration et Techniques Agro Alimentaires (FINELTAA) a obtenu une ordonnance d’injonction de payer contre la SARL H.D. International pour un montant de 15 703,22 euros, en raison d’impayés. La SARL H.D. International a formé opposition, et le tribunal de commerce de Rouen a rendu un jugement le 20 mars 2023, déboutant FINELTAA de sa demande de paiement pour les factures impayées et les pénalités, tout en condamnant FINELTAA à verser 1 000 euros à H.D. International pour les frais de justice. FINELTAA a interjeté appel de ce jugement. Dans ses conclusions, FINELTAA demande l’infirmation du jugement et la reconnaissance de sa créance, tandis que H.D. International souhaite la confirmation du jugement initial et la condamnation de FINELTAA à des frais supplémentaires.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

19 septembre 2024
Cour d’appel de Rouen
RG
23/01261
N° RG 23/01261 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JKYA

COUR D’APPEL DE ROUEN

CH. CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2022000694

Tribunal de commerce de Rouen du 20 mars 2023

APPELANTE :

S.A.S. FINANCIERE D’ELABORATION ET TECHNIQUES AGRO ALIMENTAIRES

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Franck GOMOND de la SELARL GOMOND AVOCATS D AFFAIRES, avocat au barreau de ROUEN et assistée par Me Marion RICOEUR de l’AARPI ACHILLÉE AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidante, substituée par Me Thibault BRENTI de la SELAS SELAS JABERSON, avocat au barreau de MARSEILLE.

INTIMEE :

S.A.R.L. H.D. INTERNATIONAL

[Adresse 1]

[Localité 2] FRANCE

représentée et assistée par Me Nadège YONAN-MERCADIER, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Marie-hélène BOUILLET-GUILLAUME, avocat au barreau de ROUEN.

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 29 mai 2024 sans opposition des avocats devant M. URBANO, conseiller, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme FOUCHER-GROS, présidente

M. URBANO, conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme RIFFAULT, greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 29 mai 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 19 septembre 2024.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 19 septembre 2024, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par M. URBANO, conseiller pour la présidente empêchée et par Mme RIFFAULT, greffière.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La SAS Financière d’Elaboration et Techniques Agro Alimentaires (FINELTAA) exploite des abattoirs en Seine-Maritime et fournit de la viande à la SARL H.D. International.

Alléguant l’existence d’impayés, la FINELTAA a sollicité et obtenu du président du tribunal de commerce de Rouen une ordonnance d’injonction de payer le 13 décembre 2021 à l’encontre de la SARL H.D. International pour la somme de 15 703,22 euros.

La SARL H.D. International a formé opposition à cette ordonnance le 2 février 2022 et par jugement du 20 mars 2023, le tribunal de commerce de Rouen a :

– débouté la société FINELTAA de sa demande de condamner la société HD International au paiement des sommes de 12 853,66 euros au titre des factures impayées ainsi que de 1 400 euros au titre de la pénalité forfaitaire de 40 euros par facture impayée ou tardivement réglée,

– débouté la société HD International dans sa demande de condamner la société FINELTAA à payer la somme de 1 500 euros au titre de la violation de l’accord d’échelonnement.

– condamné la société FINELTAA à payer la somme de 1 000 euros à la société HD International au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamné la société FINELTAA aux dépens, dont distraction au profit de Maître Yonan-Mercadier pour ceux dont elle aurait fait l’avance sans avoir requis provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et dont les frais de greffe liquidés à la somme de 89,18 euros.

La société Financière d’Elaboration et Techniques Agro-Alimentaires (FINELTAA) a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 7 avril 2023.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 21 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Financière d’Elaboration et Techniques Agro-Alimentaires (FINELTAA) qui demande à la cour de :

– recevoir la société FINELTAA en ses écritures et les dire bien fondées,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– débouté la société FINELTAA de sa demande de condamner la société HD International au paiement des sommes de 12 853,66 euros au titre des factures impayées outre les intérêts et 1 400 euros au titre des pénalités forfaitaire de retard de 40 euros par facture impayée ou tardivement réglée,

– condamné la société FINELTAA à payer la somme de 1 000 euros à la société à HD International au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné la société FINELTAA aux dépens dont distraction au profit de Maître Yonan Mercadier pour ceux dont elle aurait fait l’avance sans avoir requis provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et dont les frais de greffe liquidés à la somme de 89,18 euros,

Statuant à nouveau

– juger que la société FINELTAA justifie d’une créance sur la société HDI d’un montant de 12.853,66 € ;

– juger que tout retard dans le paiement des factures entraîne de plein droit, une indemnité forfaitaire d’un montant de 40 euros,

En conséquence,

– condamner la société HDI à payer à la société Fineltaa les sommes suivantes :

*12 853,66 euros TTC au titre des factures impayées,

*1 400 euros au titre de la pénalité forfaitaire de 40 euros par facture impayée ou tardivement réglée,

– condamner la société HDI à rembourser à FINELTAA la somme de 1 000 euros qu’elle a réglée en exécution de la décision de 1e instance,

– dire que les condamnations porteront intérêts à trois fois le taux légal compter de la date d’échéance des factures impayées,

– débouter la société HDI de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la société HDI à payer à la société FINELTAA la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de 1’instance et d’appel, outre les dépens à venir et ceux établis comme suit :

*frais d’huissier : 71,98 euros,

*frais de greffe (procédure d’injonction de payer) : 203,22 euros,

*frais de greffe suite opposition : 89,40 euros,

*timbre d’appel : 250 euros.

Vu les conclusions du 21 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la HD International qui demande à la cour de :

– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Rouen en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

– condamner la société Financière d’Elaboration et Techniques Agro-Alimentaires FINELTAA à payer à la somme de 2000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Financière d’Elaboration et Techniques Agro-Alimentaires FINELTAA aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Yonan-Mercadier pour ceux dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Exposé des moyens :

La FINELTAA soutient que :

– la SARL H.D. International a reconnu une dette de 2646,36 euros en première instance qu’elle a réglée ;

– sa comptabilité est régulièrement tenue et peut justifier la réalité de la créance qu’elle allègue ; entre le 18 juin 2019 et le 30 juin 2023, la FINELTAA a procédé à 72 livraisons au profit de la SARL H.D. International qui ont donné lieu à l’édition de 72 factures pour un total de 155 693,70 euros TTC et sa comptabilité a enregistré des paiements pour 142 840,04 euros soit un solde débiteur de 12 853,66 euros ; l’expert-comptable atteste de la bonne tenue de la comptabilité ;

– les paiements effectués par la SARL H.D. International ont été imputés conformément aux règles du code civil sur les dettes les plus anciennes ;

– les comptes tenus par la SARL H.D. International, qui ne sont pas publiés, ne correspondent pas à ceux de la FINELTAA, ainsi 47 factures émises par la FINELTAA auxquelles sont annexées des bons de livraison signés par la SARL H.D. International n’y figurent pas ; la comptabilité de la SARL H.D. International n’est pas régulièrement tenue et ne peut avoir aucune valeur probatoire à son bénéfice ;

– chacune des 72 factures a fait l’objet d’un bon de livraison signé par la SARL H.D. International ;

– elle n’a consenti aucun accord de paiement à la SARL H.D. International et, en toute hypothèse, la SARL H.D. International n’a pas respecté ce prétendu accord ;

– les signatures figurant sur les bons de livraison sont toutes similaires et émanent de la SARL H.D. International ;

– ses conditions générales de vente précisent bien l’existence de pénalités en cas de retard de paiement qui doit intervenir dans les 20 jours de la livraison.

La SARL H.D. International soutient que :

– elle a constaté des anomalies imputables à la FINELTAA (poids réel des marchandises livrées inférieur au poids facturé, livraison de bêtes tuées plus de 15 jours auparavant) ;

– à la suite de difficultés financières apparues courant 2020, la SARL H.D. International a obtenu un accord de règlement avec la FINELTAA qui n’a pas été respecté par cette dernière qui lui a fait délivrer une sommation le 18 novembre 2021 ;

– sa comptabilité fait apparaitre un total de dette à l’égard de la FINELTAA de 74 563,89 euros et des paiements de 71 917,55 euros, soit un solde débiteur pour elle de 2 646,34 euros qui a été réglé en cours de première instance ;

– elle a réglé toutes les factures émises par la FINELTAA ;

– les signatures figurant sur les pièces produites par la FINELTAA et notamment les bons de livraison à l’appui de sa demande en paiement ne sont confirmées par aucun cachet de la SARL H.D. International et aucune mention ne permet de confirmer l’identité du signataire ; la SARL H.D. International conteste la réception des marchandises facturées par la FINELTAA et déclare ne pas reconnaître la signature qui lui est opposée.

Réponse de la cour :

L’article 1353 du code civil dispose que : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »
L’article L110-3 du code de commerce dispose qu’à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi.
L’article L123-23 du même code dispose que : « La comptabilité régulièrement tenue peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce.
Si elle a été irrégulièrement tenue, elle ne peut être invoquée par son auteur à son profit’ »

A l’appui de sa demande en paiement, la FINELTAA verse aux débats :

– l’intégralité des factures émises par elle à l’attention de la SARL H.D. International allant du 9 mai 2019 au 28 février 2020, ces factures comportant une signature que la FINELTAA attribue à la SARL H.D. International et qui vaudrait, selon elle, bon de livraison ;

– les quatre dernières factures n°737 449 du 20 février 2020, n°737 859 du 24 février 2020, n°737 765 du 25 février 2020 et n°738 109 du 28 février 2020 dont la FINELTAA déclare qu’elles demeurent partiellement impayées, ces factures comportant une signature que la FINELTAA attribue à la SARL H.D. International et qui vaudrait, selon elle, bon de livraison ;

– un extrait de son compte client au nom de la SARL H.D. International arrêté au 21 juin 2022 comportant l’intégralité des factures ci-dessus ainsi que l’indication des sommes versées par la SARL H.D. International ;

– les comptes annuels de la FINELTAA 2021 et 2023 certifiés par le commissaire aux comptes.

Pour s’opposer à la demande formée par la FINELTAA, la SARL H.D. International affirme ne pas reconnaître la signature figurant sur les bons de livraison produits par la FINELTAA et elle conteste les livraisons alléguées par cette dernière.

Cependant, la FINELTAA verse également aux débats les statuts de la SARL H.D. International remis au greffe du tribunal de commerce de Bobigny les 4 juillet 2008, 13 novembre 2008 et 17 septembre 2012 comportant la signature du gérant de cette personne morale et la cour constate que cette signature comporte de très grandes ressemblances avec celles figurant sur les quatre dernières factures émises par la FINELTAA. Par ailleurs, la SARL H.D. International produit un chèque émis par elle le 3 juin 2022 au bénéfice de la FINELTAA et il ressort de la comparaison de la signature qui figure sur ce chèque avec celles des quatre dernières factures de la FINELTAA qu’il s’agit de la même personne qui a signé les bons de livraison n°737 449 du 20 février 2020, n°737 859 du 24 février 2020, n°737 765 du 25 février 2020 et n°738 109 du 28 février 2020.

Dès lors que certaines des factures émises par la FINELTAA et comportant la même signature que sur les quatre dernières factures ci-dessus n’ont pas été enregistrées dans la comptabilité de la SARL H.D. International, les pièces comptables produites par cette dernière ne sauraient avoir une quelconque valeur probante. En revanche, les pièces comptables, régulièrement tenues, produites par la FINELTAA qui reprennent complètement les factures contresignées par la SARL H.D. International doivent être considérées comme probantes.

La comptabilité de la FINELTAA faisant apparaître un solde débiteur au nom de la SARL H.D. International de 12 853,66 euros, cette somme est bien due par la SARL H.D. International.

Les quatre dernières factures contresignées par la SARL H.D. International comportent l’indication de pénalités en cas de retard de 3 fois le taux d’intérêt légal et de 40 euros à titre d’indemnité forfaitaire. Toutefois, les pièces produites par la FINELTAA ne permettent pas, sauf pour les quatre dernières factures, de déterminer quelles factures ont été réglées en retard et quelles factures seraient susceptibles d’ouvrir droit à indemnité forfaitaire.

Par ailleurs, il n’existe aucun élément permettant d’affirmer que les parties se sont accordées sur un quelconque échelonnement de dette et que cet accord a été méconnu.

Le jugement entrepris sera infirmé sauf en ce qu’il a débouté la société HD International dans sa demande de condamner la société FINELTAA à payer la somme de 1 500 euros au titre de la violation de l’accord d’échelonnement et :

– la SARL H.D. International sera reçue en son opposition à l’encontre de l’ordonnance d’injonction de payer du 13 décembre 2021 rendue par le président du tribunal de commerce de Rouen et le présent arrêt sera substitué à cette ordonnance ;

– la SARL H.D. International sera condamnée à payer à la FINELTAA la somme de

12 853,66 euros au titre des factures impayées avec intérêts égaux à trois fois le taux légal compter de la date d’échéance des factures impayées ainsi que 160 euros au titre de la pénalité forfaitaire de 40 euros par facture impayée ou tardivement réglée.

Le présent arrêt infirmatif constitue un titre permettant à la FINELTAA de recouvrer les sommes au paiement desquelles elle a été condamnée en première instance et qu’elle a réglées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Rouen du 20 mars 2023 sauf en ce qu’il a débouté la société HD International dans sa demande de condamner la société FINELTAA à payer la somme de 1 500 euros au titre de la violation de l’accord d’échelonnement ;

Statuant à nouveau :

Reçoit la SARL H.D. International en son opposition à l’encontre de l’ordonnance d’injonction de payer du 13 décembre 2021 rendue par le président du tribunal de commerce de Rouen et substitue à ladite ordonnance le présent arrêt ;

Condamne la SARL H.D. International à payer à la FINELTAA la somme de 12 853,66 euros au titre des factures impayées avec intérêts égaux à trois fois le taux légal compter de la date d’échéance des factures impayées ainsi que 160 euros au titre de la pénalité forfaitaire de 40 euros par facture impayée ou tardivement réglée ;

Y ajoutant :

Condamne la SARL H.D. International aux dépens de première instance comprenant les frais de la procédure d’injonction de payer et de la procédure d’appel ;

Condamne la SARL H.D. International à payer à la FINELTAA la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière, Le conseiller pour la présidente empêchée,


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x