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N° RG 20/01136
N° Portalis DBVX-V-B7E-M3QH
Décision du Tribunal de Commerce de LYON au fond du 28 janvier 2020
RG : 2018j1203
S.A.R.L. PATADOME ENTREPRISE
C/
Société GIFI FORMATION
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRÊT DU 02 FÉVRIER 2023
APPELANTE :
S.A.R.L. PATADOME ENTREPRISE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée et plaidant par Me Bruno METRAL de la SELARL BALAS METRAL & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 773
INTIMÉE :
GIFI FORMATION prise en la personne légal domicilié audit siège en cette qualité
[Adresse 5]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938, postulant et plaidant par Me Michaël MALKA-SEBBAN, avocat au barreau de TOULOUSE
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 16 Novembre 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Décembre 2022
Date de mise à disposition : 02 Février 2023
Audience tenue par Aurore JULLIEN, présidente, et Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
– Patricia GONZALEZ, présidente
– Aurore JULLIEN, conseillère
– Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
En 2017, la SARL Gifi Formation, filiale du groupe Gifi, spécialisée dans la formation du personnel des sociétés du groupe ayant pour activité la distribution de produits à petits prix pour la maison et la famille est entrée en discussion avec la SARL Patadome Entreprise ayant pour activité la formation continue pour adultes.
Par courriel du 29 décembre 2017, la société Patadome Entreprise a transmis à la société Gifi Formation une offre présentée dans un document de 28 pages relative à une formation à distance en ‘management, communication et développement personnel’ ayant notamment pour objectif de former le personnel à l’utilisation de nouvelles bornes interactives mises en place dans les magasins Gifi. Il était précisé que l’accès à la formation se ferait au moyen d’une plateforme virtuelle accessible via internet intitulée ‘plateforme LMS’ (Learning Management System).
Le 15 janvier 2018, la société Gifi Formation a conclu avec la société Patadome Entreprise un ‘contrat de prestation de formation’ portant sur la formation à distance de 480 vendeurs sur une durée d’un mois du 2 au 30 avril 2018 pour le prix de 95.080 euros HT soit 114.096 euros TTC et faisant expressément renvoi, pour le détail de la prestation, à l’offre précitée qui y était annexée.
La plateforme numérique LMS s’étant avérée incompatible avec les contraintes techniques relatives au flux informatique des magasins, la société Patadome Entreprise a proposé courant janvier 2018 une solution alternative d’accès à sa formation par un système de clés USB et de webcams.
Par courriel du 26 janvier 2018, la société Gifi Formation a fait part à la société Patadome Entreprise de son mécontentement quant au non respect des engagements contractuels relatifs aux modalités d’accès à la formation.
Le 17 février 2018, Mme [Z], représentante de la société Gifi Formation a informé téléphoniquement la société Patadome Entreprise de la décision de la direction réseau d’interrompre le contrat.
Par courrier du 23 février 2018, la société Patadome Entreprise a répondu à la société Gifi Formation dans les termes suivants : « cette décision brutale nous affecte considérablement pour de nombreuses raisons et même si nous l’acceptons, nous sommes soucieux de trouver avec vous une suite équitable au contrat qui vient d’être interrompu » et a formulé des propositions de poursuites d’activité.
Par courrier recommandé du 1er mars 2018, la société Gifi Formation n’a pas donné suite à ces propositions et a formellement résilié le contrat de prestation de formation pour inexécution par la société Patadome Entreprise de ses obligations au regard notamment de l’article 2.2 (‘utiliser notre plateforme LMS 360 e-learning’) et 2.3 (‘modalités d’évaluation’) de l’annexe à la convention.
Par courrier recommandé réceptionné le 14 mars 2018, la société Patadome Entreprise a contesté les manquements reprochés et s’est montrée ouverte à la recherche d’une solution amiable au litige.
Par acte d’huissier du 13 juillet 2018, la société Patadome Entreprise a assigné la société Gifi Formation devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins de voir constater que la résiliation du contrat est imputable à la société Gifi Formation et condamner celle-ci au paiement des prestations réalisées et de dommages et intérêts.
Par jugement contradictoire du 28 janvier 2020, le tribunal de commerce de Lyon a :
dit que le contrat de prestation de formation en date du 15 janvier 2018 a été conventionnellement résilié par les parties,
dit que la résiliation du contrat de prestation de formation en date du 15 janvier 2018 est intervenue aux torts exclusifs de la société Patadome Entreprise,
débouté la société Patadome Entreprise de sa demande de paiement à hauteur de 70.908 euros TTC au titre du contrat et de sa demande d’octroi de dommages et intérêts au titre de la responsabilité civile du défendeur,
débouté la société Gifi Formation de sa demande de remboursement des sommes payées pour 21.080,40 euros TTC assortie des intérêts de retard au taux légal,
débouté la société Gifi Formation de ses demandes d’indemnisation au titre du préjudice matériel et d’image,
débouté les parties de l’ensemble de leurs autres demandes,
condamné la société Patadome Entreprise au versement de 1.000 euros à la société Gifi Formation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné la société Patadome Entreprise aux entiers dépens.
Par acte du 12 février 2020, la société Patadome Entreprise a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 27 octobre 2020, la société Patadome Entreprise demande à la cour, sur le fondement des articles 1193, 1194, 1212 et 1226 du code civil de :
constater que la résiliation du contrat est imputable à la société Gifi Formation,
constater que la résiliation du contrat n’a été précédée d’aucune mise en demeure,
condamner la société Gifi Formation au paiement des prestations réalisées dûment facturées pour la somme de 70.908 euros TTC,
condamner la société Gifi Formation au paiement d’une somme :
de 7.200 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de marge brute sur la rupture abusive du contrat,
de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice d’image,
de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice moral,
débouter la société Gifi Formation de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
condamner la société Gifi Formation au paiement d’une somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
et aux entiers dépens, en ce compris les dépens de première instance.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 11 janvier 2021 la société Gifi Formation demande à la cour sur le fondement des articles 1193, 1224 et suivants et 1231 et suivants du code civil, de :
confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes d’indemnisation au titre du préjudice matériel et d’image,
statuant à nouveau,
constater que le contrat conclu entre les parties a été mal exécuté dès l’origine par la société Patadome Entreprise,
en conséquence,
condamner la société Patadome Entreprise à lui payer la somme de 21.080,40 euros TTC, assortie des intérêts de retard au taux légal en vigueur, au titre des sommes réglées par la société Gifi Formation en pure perte et sans aucune utilité,
condamner la société Patadome Entreprise à lui payer à titre de dommages et intérêts les sommes de
‘ 50.000 euros en réparation du préjudice matériel subi,
‘ 10.000 euros en réparation du préjudice d’image,
condamner la société Patadome Entreprise à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
et aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Laffly & Associés – Lexavoué, avocats au barreau de Lyon.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 1er avril 2021, les débats étant fixés au 7 décembre 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger» lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
Par ailleurs, la cour observe qu’il n’a pas été interjeté appel principal de la disposition du jugement déféré ayant débouté la société Gifi Formation de sa demande de remboursement des sommes payées pour 21.080,40 euros TTC assortie des intérêts de retard au taux légal. Il n’a pas davantage été interjeté appel incident de cette disposition, puisque la société Patadome Entreprise sollicite la confirmation du jugement, sauf en ce qu’il l’a débouté de ses demandes d’indemnisation au titre du préjudice matériel et d’image. En conséquence, la cour n’est pas saisie de cette disposition du jugement.
Sur la résolution du contrat
La société Patadome Entreprise soutient que le contrat a été rompu de manière unilatérale par la société Gifi formation, sans mise en demeure et de manière prématurée au motif que :
contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, son courrier du 23 février 2018 ne s’analyse pas en une résiliation amiable du contrat, dès lors que dans ce courrier elle n’a pas accepté la résiliation mais plutôt ouvert une discussion en vue d’une issue amiable en réponse à une décision unilatérale de la société Gifi Formation,
la société Gifi Formation n’a pas donné suite à cette proposition de règlement amiable et a formellement mis fin au contrat par son courrier du 1er mars 2018,
par courrier du 14 mars 2018, elle a contesté les conditions de résiliation de la société Gifi Formation,
la résiliation du contrat n’est donc imputable qu’à la société Gifi Formation,
la société Gifi Formation ne lui a pas adressé de mise en demeure préalable, en violation de l’article 1226 du code civil alors qu’il n’y avait pas d’urgence, la date de livraison n’étant pas atteinte, il était encore possible de revenir à la solution initiale et revenir sur la solution évolutive
la rupture présente un caractère prématuré, alors qu’aucune faute en cours d’exécution du contrat n’est invoquée au soutien de cette résiliation et le motif de résiliation invoqué, à savoir la lourdeur de la solution alternative proposée s’agissant des moyens techniques permettant la mise en ‘uvre de la formation était rectifiable dans le délai contractuel, de sorte que la rupture avant la livraison prévue au 2 avril 2018 est injustifiée, l’obligation de délivrance étant une obligation de résultat qui s’apprécie à la livraison ou à la réception, qui sont des actes contractuels validant la bonne exécution de l’obligation.
La société Patadome Entreprise expose également que contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, elle n’a pas manqué à ses obligations contractuelles et n’a commis aucune faute dans l’exécution du contrat. A ce titre elle fait valoir que :
d’une part la société Gifi Formation a voulu réduire le débit internet mis à la disposition de la société Patadome Entreprise pour préserver le flux d’autres transmissions informatiques dans les magasins et ne peut lui imputer la responsabilité de l’insuffisance du débit internet de son propre réseau dont elle ne lui avait jamais fait part,
d’autre part la société Gifi Formation n’a pris conscience que postérieurement à la signature du contrat de la nécessité d’avoir une formation accessible depuis le domicile des salariés donc hors réseau, condition nouvelle dont elle a fait part à la société Patadome Entreprise après la conclusion du contrat,
la société Gifi Formation a validé la solution alternative (clés USB) préconisée par la société Patadome Entreprise pour faire face à ces impératifs, comme cela ressort des courriels échangés entre les parties entre le 1er et le 10 février 2018,
la société Patadome Entreprise a pris à sa charge le surcoût engendré par la mise en ‘uvre de la ‘solution USB’,
les différents échanges entre les parties montrent que 15 jours avant la résiliation du contrat, la solution alternative de recourir à une clef USB comme solution technique évitant les flux internet n’était pas remise en cause,
la décision de rompre le contrat n’a pas été prise par la société Gifi Formation en raison de la mauvaise exécution du contrat mais par la Direction réseau du Groupe Gifi pour des raisons propres au groupe,
la convention, si elle ne fait pas expressément référence à des ‘webcams’, évoque incontestablement la captation du participant à l’article 1.2.3.1,
les motifs invoqués par la société Gifi Formation ne caractérisent aucune faute de la part de la société Patadome Entreprise,
la société Gifi Formation ne peut lui reprocher de ne pas avoir établi un cahier des charges et d’avoir manqué à son obligation de conseil, alors qu’elle a satisfait à cette obligation en proposant une solution alternative répondant aux mêmes finalités et caractéristiques pour un coût identique.
En réponse, la société Gifi Formation soutient que la société Patadome Entreprise qui l’a démarché activement pour lui vendre son offre « eVideos’» a manqué à son devoir de conseil alors que :
il lui appartenait de se renseigner préalablement sur ses besoins et de l’informer des contraintes techniques de l’installation proposée,
il est de jurisprudence constante que le prestataire de services, notamment informatiques, doit informer son client des contraintes techniques de l’installation proposée,
elle aurait dû l’inviter à établir un cahier des charges pour exprimer ses besoins,
la solution logiciel délivrée par la société Patadome Entreprise était une solution standard et non une solution adaptée à ses contraintes spécifiques,
ce n’est pas elle qui a décidé de réduire le débit internet mis à la disposition de la société Patadome Entreprise, à l’inverse c’est la solution logicielle de la société Patadome Entreprise qui aurait eu pour conséquence de ralentir le flux informatique des magasins en raison de la lourdeur de ses fichiers,
la société Patadome Entreprise ne s’est pas préoccupée dans la phase précontractuelle de la compatibilité technique de sa solution logicielle avec ses infrastructures et ne s’est souciée de ses besoins concrets qu’après la signature du contrat,
contrairement à ce qu’affirme la société Patadome Entreprise, elle n’a pas accepté la solution sur clés USB, elle l’a même refusée comme le montre son courriel du 26 janvier 2018,
dans son courrier du 23 février 2018, la société Patadome Entreprise a accepté la résiliation du contrat, elle ne peut donc lui en imputer les torts,
en tout état de cause, la résiliation du contrat est intervenue aux torts exclusifs de la société Patadome Entreprise puisque la prestation n’était ni opérationnelle ni fonctionnelle en raison de la lourdeur des supports incompatibles avec la plateforme LMS,
la société Patadome Entreprise n’a contesté la résiliation du contrat qu’à partir du moment où elle lui a opposé son refus de régler les factures,
conformément à l’article 1226 du code civil qui prévoit qu’en cas d’urgence le créancier peut se dispenser d’adresser une mise en demeure, elle était fondée en l’espèce, au vu du contexte, de ne pas adresser de mise en demeure préalable à la société Patadome Entreprise.
Conformément à l’article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire, soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur, ou d’une décision de justice.
Par ailleurs, selon l’article 1126 du même code, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution.
Enfin, conformément à l’article 1228, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.
En l’espèce, il est constant que par suite de la régularisation entre la société Patadome Entreprise et la société Gifi Formation le 15 janvier 2018 du contrat de prestation de formation, il est apparu impossible techniquement de mettre à disposition les modules de formation via la plate forme LMS 360 eLearning comme stipulé contractuellement, de sorte que l’appelante a proposé la mise en place d’une solution alternative consistant en l’utilisation de clefs USB comme support de diffusion des modules auprès des salariés bénéficiaires de la formation.
Il ressort également des déclarations concordantes des parties et des pièces versées au débat que’:
le 17 février 2018, Mme [Z], représentante de la société Gifi Formation a informé téléphoniquement la société Patadome Entreprise de la décision de la direction réseau d’interrompre le contrat,
selon courrier du 23 février 2018, la société Patadome Entreprise a fait part de son acceptation dans les termes suivants’: «’cette décision brutale nous affecte considérablement pour de nombreuses raisons et, même si nous l’acceptons, nous sommes soucieux de trouver avec vous une suite équitable au contrat qui vient d’être interrompu’», et a proposé trois scénarios de poursuites d’activité comme suit’: «’arrêt simple du contrat’», «’arrêt du contrat avec ouverture sur d’autres projets pour 2018’» ou «’différé du contrat d’ici au 31 décembre 2018’», chaque scénario étant accompagné d’une proposition financière relativement au solde économique du contrat initial,
selon courrier recommandé avec accusé de réception du 1er mars 2018, la société Gifi Formation a accusé réception du courrier de la société Patadome Entreprise du 23 février 2018 et a contesté tout caractère brutal de la rupture en ces termes’: «’la décision de stopper la relation n’a pas été brutale puisque de nombreux échanges ont eu lieu afin de trouver des solutions alternatives acceptables pour nos deux sociétés. Compte tenu du volume de participants et des contraintes techniques identifiées à postériori, il est vite apparu que la formation telle que conçue initialement n’était plus réalisable. En conséquence, il a été décidé de résilier de façon anticipée le contrat pour inexécution de vos obligations au regard notamment de l’article 2.2 et 2.3 de l’annexe à la convention. La résiliation prendra effet à compter de la date de réception des présentes »,
selon courrier recommandé avec accusé de réception présentée le 14 mars 2018, la société Patadome Entreprise a accusé réception du courrier de la société Gifi Formation du 1er mars 2018 et contesté les conditions de la résiliation en ces termes’: «’cette brusque rupture unilatérale nous est très préjudiciable et a des répercussions sur nos engagements à l’égard de nos partenaires. Par une lettre du 23 février, nous vous avions précisé les conditions de sortie qui nous semblaient acceptables. Nous comptons sur vous pour nous proposer, dans les meilleurs délais, une solution convenable sur les conséquences de cette résiliation. Nous pouvons si vous le souhaitez, engager des pourparlers par l’intermédiaire de nos conseils ».
Or, il résulte des pièces de la procédure que dès le 26 janvier 2018, soit quelques jours après la signature du contrat intervenue le 15 janvier 2018, la société Gifi Formation faisait état de problématiques techniques liées à l’impossibilité de réaliser la formation prévue au contrat par l’utilisation de la plate forme LMS 360 eLearning via son réseau internet et indiquait que la solution alternative technique proposée par l’appelante consistant à l’utilisation de clefs USB n’était pas conforme à l’offre contractuelle.
En outre, contrairement à ce que soutient l’appelante, l’examen des échanges de correspondance entre les parties entre le 1er et le 10 février 2018 ne permet pas de démontrer une validation par la société Gifi Formation de la solution technique alternative de recours à un support de clés USB, alors que’:
le courriel de Mme [Z], responsable développement RH de la société Gifi du 31 janvier 2018 se borne à réclamer à l’appelante «’le détail du contenu de la clé et du scénario fonctionnel’» afin de «’pouvoir avancer dans la validation de l’utilisation de cet outil’»,
le courriel du 2 février de M. [Z], E-Formateur au sein de la société Gifi adressé à l’appelante, qui attire l’attention de la société Patadome Entreprise sur le fait qu’un test de la partie technique de la clef USB prévu mi-mars apparaît trop tardif et qu’il devra être envisagé d’effectuer ce test sans le contenu final réel avec ou sans contenu fictif au plus tard fin février concernant la partie technique, n’emporte aucune validation de la solution technique,
le courriel de transmission par Mme [Z] le 10 février 2018 d’un dossier de présentation des objectifs de la formation et des arguments de vente et celui du 6 février 2018 indiquant avoir transmis la date et les horaires de tournage des vidéos au directeur de réseau et être en attente de validation, s’ils attestent d’une poursuite du travail de concertation en vue de la mise en place de la formation, ne sont pas de nature à établir l’existence d’un choix conjoint entre les parties d’une solution alternative au déroulement de la formation via le réseau internet.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que, si la société Gifi Formation a mis fin au contrat régularisé entre les parties, la société Patadome Entreprise a fait part selon courrier du 23 février 2018, réitéré le 14 mars 2018 de son accord sur le principe de cette rupture, le désaccord portant sur les conséquences de la résolution, de sorte que cette dernière, qui était au demeurant informée depuis le 26 janvier 2018 des réserves émises par la société Gifi Formation quant à la non conformité contractuelle de la solution technique de formation proposée et dont la solution de remplacement n’a jamais été validée, n’est pas fondée à se prévaloir du caractère brutal de la rupture du contrat et ce nonobstant l’absence de mise en demeure préalable, l’appelante ayant été parfaitement alertée de ce que sa contractante souhaitait une exécution du contrat tel que régularisé.
La société Patadome Entreprise ne saurait en outre utilement soutenir que l’impossibilité de mise en place de la solution technique prévue au contrat trouve son origine dans l’insuffisance du débit internet du réseau de la société Gifi, alors qu’elle résulte de l’incompatibilité des fichiers vidéos du module de formation avec ce réseau du fait de leur taille, comme le reconnaît expressément le gérant de la société appelante dans un courriel du 29 janvier 2018 adressé à l’intimée dans les terme suivants’: «’la lourdeur des fichiers utilisés dans notre module est très importante. Notre développeur après avoir bien étudié les risques liés au contexte géographique particulier des magasins Gifi, assure que le transfert de fichiers vidéos qui implique un haut débit régulier fait encourir un risque trop important de perte de connexion ou de longueur d’accès en cours de parcours. Donc nous avons travaillé avec lui pour faire émerger une solution offline qui répond à la problématique du contexte particulier Gifi associé à notre offre particulière’».
Elle n’est pas davantage fondée à se prévaloir du caractère prématuré de la rupture tiré de ce que l’appréciation de la bonne exécution du contrat devait s’opérer le 2 avril 2018, date de la première formation prévue, alors que contrairement à ce qu’elle soutient, le contrat litigieux n’est pas un contrat de vente emportant obligation de délivrer la chose objet du contrat, mais un contrat de prestation de service.
Ainsi, il appartenait à la société Patadome Entreprise, en sa qualité de prestataire de service, tenue d’une obligation de conseil, de s’assurer, préalablement à la régularisation du contrat, de la compatibilité technique de son logiciel de formation avec la puissance de débit du réseau internet de la société Gifi, ce qu’elle ne conteste pas s’être abstenu de faire, et ce que confirment les nombreux échanges de correspondances entre les parties, de sorte qu’elle n’a pas été en mesure de mettre en ‘uvre une action de formation conforme aux prévisions du contrat, par mise à disposition des modules via la plateforme internet LMS 360 eLearning.
Dans ces conditions, la société Patadome Entreprise qui s’est abstenu de recueillir les besoins de l’intimée et de s’enquérir des contraintes techniques de son débit internet avant de lui proposer une solution de formation sous forme de eLearning, a manqué a son obligation de conseil, rendant impossible la mise en place de la prestation selon les modalités contractuellement acceptées, lequel manquement, par sa gravité, s’agissant d’une modalité essentielle du contrat, justifie sa résolution aux torts de l’appelante, qui ne saurait s’exonérer en se prévalant d’une proposition technique alternative répondant à des modalités totalement différentes que la société Gifi Formation qui a choisi une solution de formation «’online’» et non «’offline’» n’était en aucune façon tenue d’accepter. Il convient donc de constater que le contrat a été résolu unilatéralement par la société Gifi Formation aux torts exclusifs de la société Patadome Entreprise. Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.
Sur les conséquences de la résolution du contrat
La société Patadome Entreprise soutient que conformément à l’article 1226 du code civil, la résiliation unilatérale s’opère aux risques de celui qui y procède et n’opère que pour l’avenir de sorte que la résiliation de la convention aux torts de la société Gifi Formation impose à celle-ci de supporter les conséquences dommageables de la résiliation, notamment la prise en charge du travail réalisé et facturé ainsi que la perte de marge brute résultant de l’arrêt anticipé du contrat,
A ce titre, elle expose que :
elle a émis trois factures dont seule la première a été réglée et reste donc créancière de 70.908 euros TTC, elle justifie avoir réglé ses sous-traitants (les sociétés Analogu Production, Raid et Axopen) pour la somme totale de 53.630 euros TTC et les trois factures correspondent à des travaux réalisés,
la réalisation du contrat jusqu’à son terme aurait généré 40% de profit sur le solde de la facturation à émettre de 18.823 euros HT, de sorte qu’elle est fondée à réclamer la somme de 7.529 euros HT à la société Gifi Formation à titre de dommage et intérêts pour perte de marge brute en application des articles 1193 et 1194 du code civil,
la résiliation brutale et unilatérale du contrat lui cause nécessairement un préjudice, aggravé par l’urgence imposée par la société Gifi formation dès lors qu’elle a été contrainte de mobiliser tous ses moyens sur cette commande au détriment d’autres marchés qu’elle aurait pu souscrire, qu’elle a du imposer cette urgence aux sous-traitants et que cette situation lui cause un préjudice d’image évalué à 10.000 euros et un préjudice moral de 5.000 euros.
En réponse, la société Gifi Formation soutient que :
la résolution du contrat à exécution successive pour absence d’exécution ou exécution imparfaite dès l’origine entraîne l’anéantissement rétroactif du contrat et en l’espèce la formation n’a jamais été dispensée aux 480 participants dans les conditions prévues au contrat,
les factures dont la société Patadome Entreprise demande le remboursement sont toutes postérieures au 22 janvier 2018, date à compter de laquelle la société Patadome Entreprise s’est aperçue que la prestation contractualisée n’était pas réalisable, de sorte qu’elle a donc choisi de maintenir ses commandes auprès de ses sous-traitants à ses risques et périls,
ces factures sont en outre postérieures au 17 février 2018, date à laquelle elle a signifié par téléphone à la société Patadome Entreprise la résiliation du contrat,
la solution logicielle qu’elle a fait développer par ses sous-traitants pourra resservir à la société Patadome Entreprise,
la société Patadome Entreprise ne justifie pas avoir réglé ces factures,
l’appelante ne justifie pas de l’écriture à 100 % des scénarios et des storyboards,
le tribunal en décidant qu’elle ne faisait pas la preuve que les scripts ne lui ont pas été fournis à renversé la charge de la preuve.
La société Gifi Formation soutient également que :
c’est à tort que le tribunal l’a déboutée de sa demande de remboursement de la somme de 17.567 euros HT soit 21.080,40 euros TTC qu’elle avait déjà versée,
elle subit en outre un préjudice matériel considérable tenant à la perte de temps du fait de l’incurie de l’appelante, à la non réalisation de cette formation, à la perte de chance d’améliorer la productivité de son personnel et au temps perdu par la société et ses préposés ainsi qu’un préjudice d’image, auprès de son mandant, même si les deux sociétés font partie du même groupe.
En réponse, la société Patadome Entreprise expose :
que la société Gifi Formation n’a jamais fait état d’un quelconque préjudice avant le début de la procédure,
qu’en revanche la société Gifi Formation a reconnu dans sa lettre officialisant la résiliation qu’une partie des prestations étaient dues,
il est surprenant que la société GIFI se prévale d’un préjudice du fait de la non réalisation d’une prestation qu’elle a elle-même choisi de résilier,
que par ailleurs la société Gifi Formation ne justifie pas des préjudices matériel et d’image qu’elle allègue, les échanges entre les parties n’ayant jamais été publiques.
Conformément à l’article 1229 du code civil, la résolution met fin au contrat.
La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l’assignation en justice.
Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.
Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.
Par ailleurs, en application de l’article 1231 du même code, à moins que l’inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s’exécuter dans un délai raisonnable.
En l’espèce, c’est par des motifs exacts que la cour adopte que les premiers juges ont retenus que la société Patadome Entreprise aux torts de laquelle le contrat est résolu, ne peut se prévaloir ni du paiement de la facture de prestation de 70.908 euros TTC, ni de l’octroi de dommages et intérêts.
La société Gifi Formation qui se prévaut sans offre de preuve d’un préjudice d’image auprès de la société Gifi, société mère du groupe auquel elle appartient et d’un préjudice matériel résultant d’une perte de temps et d’une perte de chance d’améliorer la productivité de son personnel, doit être déboutée de ses demandes et le jugement déféré doit être confirmé sur ce point.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Partie perdante, l’appelante doit supporter les dépens de première instance et d’appel comme les frais irrépétibles qu’elle a exposés et verser à l’intimée des indemnités de procédure, celle allouée en première instance étant confirmée et une indemnité complémentaire étant ajoutée pour l’instance d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l’appel,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a dit que le contrat de prestation de formation en date du 15 janvier 2018 a été conventionnellement résilié par les parties et que la résiliation du contrat de prestation de formation en date du 15 janvier 2018 est intervenue aux torts exclusifs de la société Patadome Entreprise,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Constate que le contrat a été résolu unilatéralement par la société Gifi Formation aux torts exclusifs de la société Patadome Entreprise,
Condamne la société Patadome Entreprise à verser à la société Gifi Formation une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel,
Condamne la société Patadome Entreprise aux dépens d’appel, ces derniers avec droit de recouvrement.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT