Logiciels : 15 novembre 2022 Cour d’appel de Metz RG n° 20/01894

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Logiciels : 15 novembre 2022 Cour d’appel de Metz RG n° 20/01894

Arrêt n° 22/00711

15 novembre 2022

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N° RG 20/01894 –

N° Portalis DBVS-V-B7E-FLQA

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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ

23 septembre 2020

19/00664

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Quinze novembre deux mille vingt deux

APPELANTES :

Mme [Y] [B] épouse [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane VUILLAUME, avocat au barreau de METZ

Association Mosellane d’Aide aux Personnes Agées (AMAPA) prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Xavier IOCHUM, avocat au barreau de METZ

INTIMÉES :

Mme [Y] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane VUILLAUME, avocat au barreau de METZ

Association Mosellane d’Aide aux Personnes Agées (AMAPA) prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Xavier IOCHUM, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 septembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Selon contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel, l’Association mosellane d’aide aux personnes âgées (AMAPA) a embauché à compter du 1er octobre 2002 Mme [Y] [B] en qualité d’aide à domicile, à raison de 30 heures par semaine réparties selon emploi du temps organisé et fixé par la responsable de secteur.

La convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile est applicable à la relation de travail.

Mme [Y] [B] épouse [K] a fait l’objet :

– le 1er mars 2018, d’une lettre d’observations pour modification et non-respect du planning d’interventions;

– le 12 avril 2018, d’un avertissement pour des problèmes de comportement et un non-respect à plusieurs reprises du planning tenant à une modification des horaires d’intervention, voire une absence d’intervention chez les bénéficiaires ;

– le 21 juin 2018, d’un second avertissement pour les mêmes motifs.

Mme [K] a été placée en arrêt maladie du 29 juin 2018 au 23 novembre 2018.

Pendant cette période, Mme [K] a été licenciée pour faute grave, par courrier du 23 août 2018.

Faisant grief à son employeur de ne pas lui avoir versé diverses sommes au titre des années 2016 à 2018 et estimant son licenciement abusif, Mme [K] a saisi, le 22 août 2019, la juridiction prud’homale du litige l’opposant à son employeur.

Par jugement contradictoire du 23 septembre 2020, la formation paritaire de la section activités diverses du conseil de prud’hommes de Metz a notamment :

– constaté la prescription pour les demandes antérieures au 1er septembre 2016 ;

– dit que la demande de Mme [K] est recevable ;

– condamné l’AMAPA à payer à Mme [K] les sommes de 485,19 euros brut au titre des intervacations, 48,51 euros brut au titre des congés payés y afférents, 788,57 euros au titre de la retenue illicite sur le salaire du mois de mars 2017, 78,85 euros au titre des congés payés y afférents, 513,60 euros au titre du maintien de salaire des mois de juillet et août 2018, ainsi que 51,36 euros au titre des congés payés y afférents, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter de la demande ;

– condamné l’AMAPA à payer à Mme [K] la somme de 1 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné l’AMAPA à délivrer les bulletins de paie conformes à la décision, et ce sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter du 20è jour suivant la notification du jugement, le conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte ;

– débouté Mme [K] du surplus de ses demandes ;

– débouté l’AMAPA de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné l’AMAPA aux dépens, y compris les éventuels frais d’exécution du jugement.

Mme [K] et l’AMAPA ont chacune interjeté appel par voie électronique respectivement le 21 octobre 2020 et le 22 octobre 2020, soit dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement reçue le 28 septembre 2020 par l’AMAPA et le 29 septembre 2020 par Mme [K].

*

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 avril 2021, l’AMAPA requiert la cour :

– d’infirmer le jugement, en ce qu’il l’a condamnée à payer à Mme [K] les sommes de 485,19 euros brut « au titre des inter-vacations », 48,51 euros brut au titre des congés payés y afférents, 788,57 euros au titre de la retenue illicite du mois de mars 2017, 78,85 euros au titre des congés payés y afférents, ainsi que 1 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de débouter Mme [K] de ses demandes ;

– de confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions ;

– de condamner Mme [K] à lui payer la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

Au soutien de ses prétentions, l’AMAPA fait valoir :

– que les relevés versés aux débats par Mme [K] prennent en compte indûment les temps de déplacement non consécutifs, ainsi que certains premiers et derniers déplacements du jour, étant ajouté que les temps d’intervacations qui y sont mentionnés sont « décorrélés » de la réalité ;

– qu’en décidant de retenir tous les temps d’intervacations mis en compte inférieurs ou égaux à une heure, le conseil de prud’hommes n’a pas recherché si les temps en question étaient effectivement des périodes pendant lesquelles Mme [K] était sous la direction de l’employeur et dans l’incapacité de vaquer à ses occupations personnelles ;

– qu’elle indemnise bien les temps de déplacement, à l’exception des temps de latence éventuels pendant lesquels la salariée n’est pas à la disposition de l’employeur et peut vaquer à ses occupations ;

– que Mme [K] évoque des temps de pause, mais sans justifier pour quelle raison ils devraient être payés comme du temps de travail effectif.

Elle fait valoir, s’agissant des retenues sur salaire qui apparaissent sur des bulletins de paie, qu’elle a accordé des acomptes les mois de juillet 2017, octobre 2017, mai 2018 et août 2018. Elle ajoute qu’au mois de mars 2017, elle a déduit la somme de 788,54 euros net, car celle-ci avait été versée avant même la paie principale.

Elle souligne que le calcul des distances effectué par le logiciel qu’elle utilise est parfaitement objectif.

Elle expose qu’il n’est pas démontré que le fractionnement des congés a été imposé ou demandé par elle.

Elle estime que, s’agissant des dommages-intérêts sollicités, la salariée n’apporte aucun élément justifiant du préjudice allégué.

Elle rappelle que Mme [K] a été licenciée pour faute grave le 23 août 2018 en raison d’absences injustifiées. Elle estime que la réitération de faits de même nature, alors qu’elle avait fait preuve de modération en délivrant d’abord une lettre d’observations puis deux avertissements, outre la situation de dépendance des usagers, justifiait la qualification de faute grave.

*

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 10 novembre 2021, Mme [K] sollicite que la cour :

– Infirme le jugement en ce qu’il a :

* constaté la prescription pour les demandes antérieures au 1er septembre 2016 ;

* condamné l’AMAPA à lui verser les sommes de 485,19 euros brut au titre des intervacations et 48,51 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

* l’a déboutée du surplus de ses demandes de condamnation de l’AMAPA, à savoir les sommes de 1 859,95 euros net d’indemnité de frais de transport pour les déplacements des années 2015 à 2018, 1 688,82 euros brut de rappel de salaire pour les jours ouvrables fériés non payés de la période allant du mois de novembre 2016 au mois d’août 2018, 166,88 euros brut de congés payés sur ce rappel de salaire, 15 000 euros net à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du refus d’application des dispositions du code du travail et de la convention collective, ainsi que résistance abusive réitérée, 2 115,11 euros net en remboursement des retenues de salaire illégitimes, 211,51 euros net de congés payés y afférents, 2 618,20 euros brut d’indemnité compensatrice de préavis, 261,82 euros brut de congés payés y afférents, 5 854,58 euros net d’indemnité de licenciement, ainsi que 17 018,30 euros net de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ces sommes augmentées des intérêts au taux légal à compter de la demande ;

* l’a déboutée de sa demande de condamnation de l’AMAPA à lui accorder un jour supplémentaire de congés payés en application des dispositions sur les jours de fractionnement, et ce pour la période allant du 1er juin 2017 au 31 mai 2018 ;

Statuant à nouveau :

– condamne l’AMAPA à lui payer les sommes suivantes :

* 2 366,93 euros brut à titre de rappel de salaire pour les heures de déplacement non payées des années 2016 à 2018 ;

* 23 669 euros brut au titre des congés payés sur ce rappel de salaire ;

* 1 017,91 euros net à titre d’indemnité de frais de transport pour les déplacements effectués pendant les années 2016 à 2018 ;

* 1 688,82 euros brut au titre du rappel de salaire correspondant aux jours ouvrables fériés non payés de la période allant du mois de novembre 2016 au mois d’août 2018 ;

* 166,88 euros brut au titre des congés payés sur ce rappel de salaire ;

* 15 000 euros net à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du refus d’application des dispositions du code du travail et de la convention collective, ainsi que résistance abusive réitérée ;

* 2 115,11 euros net à titre de remboursement des retenues de salaire illégitimes ;

* 211,51 euros net au titre des congés payés y afférents ;

* 2 618,21 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

* 261,82 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

* 5 854,58 euros net à titre d’indemnité de licenciement ;

* 17 018,30 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

augmentées des intérêts au taux légal à compter de la demande ;

– condamne l’AMAPA à lui accorder un jour de congés payés supplémentaire en application des dispositions sur les jours de fractionnement, et ce pour la période allant du 1er juin 2017 au 31 mai 2018 ;

– confirme le jugement pour le surplus des demandes ;

– déboute l’AMAPA de l’ensemble de ses demandes ;

– condamne l’AMAPA à délivrer sous astreinte définitive les bulletins de paie correspondant à l’arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

– condamne l’AMAPA à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [K] réplique :

– que ses fonctions d’aide à domicile la contraignaient à effectuer avec son véhicule de très nombreux déplacements entre deux séquences consécutives de travail effectif ;

– que les temps d’intervacations figurant sur le bulletin de paie ne correspondent pas à la réalité des heures effectuées lors de ses déplacements ;

– qu’en raison de son licenciement, elle est en droit de solliciter le paiement de ces heures pour la période allant du mois d’août 2016 au mois d’août 2018, ainsi que de ses frais de déplacement ;

– que le délai de prescription ne court qu’à compter de la date d’exigibilité de la créance salariale, de sorte qu’elle peut demander un rappel de salaire pour l’entier mois d’août 2016 ;

– que la distinction opérée par le conseil de prud’hommes entre les temps d’intervacations, ne retenant que ceux inférieurs ou égaux à une heure, est illégale et inutile ;

– que le nombre de kilomètres qu’elle mentionne est conforme à la réalité.

Elle ajoute :

– qu’en application de l’article 24-1 de la convention collective, elle aurait dû bénéficier d’un jour ouvré de congés supplémentaire ;

– qu’il importe peu de déterminer si le fractionnement a été sollicité par son employeur ou par elle, puisqu’en l’absence de document écrit de renonciation, tel qu’exigé par la convention collective, la demande de fractionnement a les mêmes effets, à savoir des jours de congés supplémentaires accordés au salarié.

Elle précise :

– qu’elle ne travaillait jamais les jours fériés qui étaient donc tous chômés ;

– que, depuis le mois de juillet 2015, son employeur a arrêté de rémunérer les jours fériés chômés et de faire figurer la ligne correspondante sur le bulletin de paie ;

– que, malgré plusieurs condamnations, l’AMAPA n’a pas changé sa position.

Elle affirme :

– que son employeur lui a laissé assumer le coût des frais et sujétions générés par son travail ;

– que le refus d’appliquer le code du travail et la convention collective lui ont nécessairement causé un préjudice ;

– que, malgré des condamnations réitérées, l’AMAPA refuse de modifier son attitude.

Elle fait valoir qu’aux mois de mars, juillet et octobre 2017, ainsi qu’aux mois de mai et août 2018, l’employeur a retenu des sommes en net sur ses rémunérations, sans qu’elle ait été informée des motifs réels.

Elle expose, s’agissant du licenciement pour faute grave :

– qu’elle a été licenciée pendant son arrêt de travail pour accident du travail ;

– que les faits des mois de février, mars et mai 2018, déjà sanctionnés préalablement par deux avertissements, ne peuvent pas justifier le licenciement, mais seulement la gravité de la mesure;

– qu’elle conteste la réalité du seul fait au soutien du licenciement, à savoir l’absence de visite au domicile de M. B. le 28 juin 2018 ;

– que l’employeur procédait à des modifications de planning de dernière minute et exigeait des salariés tant une adaptabilité qu’une disponibilité constante ;

– que le planning du mois de juin 2018 a été modifié le 1er juin 2018 et prévoyait une intervention le 28 juin 2018 entre 14 heures et 16 heures au domicile de Mme K. ;

– qu’elle n’a été prévenue d’aucune nouvelle modification, qu’elle s’est présentée au domicile de Mme K. le 28 juin 2018 à 14 heures et que c’est seulement lorsqu’elle a appelé l’AMAPA qu’elle a été avisée qu’elle devait se présenter chez M. B., en remplacement d’une collègue ;

– que le non-respect du planning est donc de la responsabilité de l’employeur qui a été défaillant dans la diffusion de l’information sur les modifications.

Elle ajoute qu’elle avait plus de quinze années d’ancienneté, que son licenciement est intervenu dans des conditions particulièrement vexatoires et que le contexte économique lui empêche de retrouver un emploi de même catégorie.

*

Par ordonnances du 1er décembre 2021, les deux procédures d’appel ont été jointes et la clôture de l’instruction ordonnée.

MOTIVATION

A titre liminaire, la cour constate qu’aucune des deux parties ne sollicite l’infirmation du jugement, s’agissant des sommes allouées par les premiers juges au titre du maintien de salaire des mois de juillet et août 2018, ainsi qu’au titre des congés payés y afférents. Il n’y a donc pas lieu d’examiner ces points.

Sur la prescription

L’article L. 3245-1 du code du travail modifié par la loi du 14 juin 2013 dispose que l’action en paiement du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois dernières années précédant la rupture du contrat.

En cas de rupture du contrat de travail, la distinction opérée par l’article précité entre le délai pour agir (trois ans) et la période couverte par la demande (salaire des trois années avant la rupture) est susceptible de permettre au salarié qui agit dans la troisième année de la prescription de réclamer un rappel de salaire au titre des trois dernières années de la relation de travail.

En l’espèce, l’instance a été introduite le 22 août 2019, mais le contrat de travail a été rompu dès le 24 août 2018, de sorte que seule l’action en paiement de rappels de salaire pour une période antérieure au 24 août 2015 est susceptible de se heurter à la prescription.

Mme [K] ne présente en cause d’appel aucune demande pour une période antérieure à cette date.

En conséquence, il y a lieu d’infirmer le jugement, en ce qu’il a constaté la prescription des demandes antérieures au 1er septembre 2016, et de dire que les demandes de rappel de salaire ne sont pas prescrites.

Sur le rappel de salaire au titre des intervacations

En application de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, la preuve des horaires de travail effectués n’incombe spécialement à aucune des parties. Il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Selon l’article L 3121-1 du même code, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Si, selon l’article L 3121-4, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif, le temps de trajet pour se rendre d’un lieu de travail à un autre constitue en revanche un temps de travail effectif.

Aux termes de l’article 14.2 du titre V de la convention collective applicable à la relation de travail, dans sa rédaction issue de l’avenant n° 36-2017 du 25 octobre 2017 :

« (‘) Les temps de déplacement nécessaires entre deux séquences successives de travail effectif au cours d’une même demi-journée sont considérés comme du temps de travail effectif et rémunérés comme tel, dès lors qu’elles sont consécutives.

Lorsque les séquences successives de travail effectif au cours d’une même demi-journée ne sont pas consécutives, le temps de déplacement entre ces deux séquences est reconstitué et considéré comme du temps de travail effectif et rémunéré comme tel.

L’employeur peut utiliser des outils facilitant la comptabilisation et le contrôle de ces temps de déplacement. Cependant ces outils ne doivent pas empêcher la vérification des temps et kilomètres sur la base du réel effectué.(‘)  »

En l’espèce, Mme [K] produit un décompte mensuel du mois d’août 2016 au mois de juin 2018 de ses heures d’intervacations (pièces n° 7, 9 et 11) dont elle sollicite le paiement.

Pour les années 2016 et 2017, le détail jour par jour et vacation par vacation de son calcul figure dans les annotations portées sur les relevés établis par son employeur et intitulés « Déplacements Salariés » qu’elle verse aux débats en annexe de ses bulletins de paye (pièces n° 8 et 10).

L’AMAPA remet aussi les relevés « Déplacements Salariés ». Il en ressort que, pour les déplacements entre deux vacations consécutives, elle retenait, sauf exceptions, un temps inférieur à la réalité, ce qui s’explique par un courrier rédigé le 14 mars 2019 (pièce n° 4) par le responsable du développement de solutions métiers de la société Cityzen qui a conçu le logiciel Perceval, utilisé par l’employeur pour le calcul des temps de déplacement :

« Le « module de Cartographie » qui est intégré à notre solution métier dénommée « Perceval » s’appuie sur la combinaison des ressources OpenStreetMap (fond de carte et affichage des itinéraires) et d’un algorithme de calcul de trajet fourni par la société Mapotempo mais aussi de notre « intégration » et du « paramétrage » réalisé.

OpenStreetMap est une base de données cartographiques libre fonctionnant sur un système contributif. À ce titre celle-ci dispose de mises à jour régulières et dispose des derniers schémas de circulation.

La société Mapotempo, notre partenaire pour ce module Cartographie, est spécialiste sur les calculs de temps de trajets et l’optimisation de tournées. Leurs algorithmes de calcul des temps de déplacements intègrent des contraintes telles que les limitations de vitesse par type de voie et l’environnement qu’il soit rural ou urbain. Cela permet par exemple de définir la densité moyenne de circulation.

Sur la base de ce partenariat, notre solution logicielle intègre l’estimation des temps de trajets engendrés par les plannings des intervenants. Concrètement il s’agit des déplacements entre chaque prestation réalisée par un de vos salariés.

Il s’agit bien d’une estimation « prévisionnelle », au plus juste de la réalité terrain à partir d’informations connues ou disponibles par notre logiciel à un instant t (collectés via OpenStreetMap).

Dans ce contexte, il faut noter que ces estimations ne tiennent pas compte de certains événements ponctuels tels que des accidents, travaux ou déviation, distance trop longue entre le stationnement chez la personne aidée et l’entrée de son domicile. Toutefois, pour permettre aux salariés d’obtenir des temps de circulation encore plus précis, nous avons prévu et mis à disposition le fait de pouvoir modifier ponctuellement la valeur du trajet sur l’application (cf. table des déplacements). »

Les temps de déplacements rémunérés par l’AMAPA et calculés à partir de ce logiciel, ne sont ainsi qu’une estimation du temps nécessaire pour se rendre d’un lieu de prestation à un autre, qui ne tient pas compte d’un certain nombre d’aléas tels que décrits dans le dernier paragraphe du courrier ci-dessus (travaux, accidents, déviation ‘).

En définitive, pour la période allant du mois d’août 2016 au mois de décembre 2017 il convient de retenir les heures d’intervacations mentionnées par la salariée sur ses décomptes, mais d’en déduire :

– les heures décomptées, alors qu’elles n’ont pas été accomplies entre deux vacations;

– les durées que Mme [K] a retenues entre des vacations qui ne sont pas consécutives et qui ne sont pas sur la même demi-journée, dès lors que la convention collective ne prévoit de reconstitution que pour les vacations non consécutives d’une même demi-journée ;

– certaines durées qu’elle a retenues entre les vacations non consécutives d’une même demi-journée, lorsque ces durées excèdent manifestement ce qu’autorise la convention collective, à savoir un temps de déplacement reconstitué entre deux séquences ;

– les rémunérations déjà versées sur les bulletins de paye à la ligne « Heures Inter Vacation ».

ce qui correspond à :

– 171,75 heures d’intervacations mentionnées par la salariée ;

– 113,25 heures correspondant aux trois premières situations détaillées ci-dessus ;

– 7,5 heures déjà payées ;

soit un solde de 51 heures pour la période allant du 1er août 2016 au 31 décembre 2017.

Pour l’année 2018, les justificatifs produits par la salariée consistent en un tableau (pièce n°11) auxquels sont joints les plannings mensuels avec des annotations intervention par intervention (pièce n° 12).

Ces annotations sont illisibles, de sorte qu’il n’est pas possible de s’assurer de leur cohérence avec le total mensuel mentionné à chaque ligne du tableau.

L’employeur n’a donc pas été mis en mesure de répliquer utilement et la cour ne dispose pas des éléments permettant de vérifier le bien-fondé de la demande qui est donc rejetée au titre de l’année 2018.

En définitive, l’AMAPA est condamnée, au titre des périodes d’intervacations survenues entre le mois d’août 2016 et le mois de décembre 2017, à payer à Mme [K] un solde de 51 heures à rémunérer au taux horaire moyen de 10,03 euros brut, soit la somme de 511,53 euros brut, ainsi que la somme 51,15 euros brut de congés payés y afférents.

Le jugement est donc infirmé, en ce qu’il a condamné l’AMAPA à payer à Mme [K] la somme de 485,19 euros brut au titre des intervacations, outre la somme de 48,51 euros brut de congés payés y afférents.

Sur le rappel de frais kilométriques

L’article 14.3 du titre V de la convention collective applicable, dans sa rédaction issue de l’avenant du 25 octobre 2017, prévoit, s’agissant de l’indemnisation des frais de déplacement, que :

«(‘)  Les frais de déplacement exposés par les salariés entre deux séquences successives de travail effectif au cours d’une même demi-journée sont pris en charge dans les conditions exposées ci-après, dès lors qu’elles sont consécutives.

Lorsque les séquences successives de travail effectif au cours d’une même demi-journée ne sont pas consécutives, les frais de déplacement entre ces deux séquences sont reconstitués et pris en charge dans les conditions exposées ci-après. (…) »

En l’espèce, Mme [K] produit un décompte mensuel des kilomètres dont elle sollicite le paiement avec des annotations vacation par vacation (pièces n° 7 à 12 de la salariée).

Le kilométrage retenu par l’AMAPA pour chaque déplacement de la salariée est indiqué dans les colonnes « Distance (km) » des relevés « Déplacements Salariés » (pièce n° 7 de l’employeur).

Ce kilométrage est objectif et fiable, car il a été évalué à partir d’un logiciel qui a calculé la distance entre les différents lieux de prestation au cours de chaque demi-journée de travail de Mme [K].

En conséquence, faute de preuve, la demande de Mme [K] au titre des frais kilométriques est rejetée.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur le paiement des jours fériés

L’article L. 3134-13 du code du travail donne la liste des jours fériés en Alsace-Moselle qui sont des jours chômés.

L’article L. 3133-3 du même code dispose que le chômage des jours fériés ne peut entraîner aucune perte de salaire pour les salariés totalisant au moins trois mois d’ancienneté dans l’entreprise ou l’établissement.

En l’espèce, il n’est pas établi que les 1er novembre, 11 novembre, 25 décembre et 26 décembre 2016 ont été des jours chômés pour Mme [K] et qu’elle n’en a pas été rémunérée.

Elle était en position d’arrêt maladie les 1er janvier, le 25 décembre et 26 décembre 2017, ainsi que les 1er janvier, 1er mai, 14 juillet et 15 août 2018.

En revanche, l’examen des relevés montre que Mme [K] – qui totalisait plus de trois mois d’ancienneté au sein de l’entreprise – n’a pas travaillé pendant les quinze autres jours fériés dont elle sollicite le paiement, soit le vendredi 14 avril, le lundi 17 avril, le 1er mai, le 8 mai, le jeudi de l’Ascension 25 mai, le lundi de la Pentecôte 5 juin, le 14 juillet, le 15 août, le 1er novembre et le 11 novembre 2017, ainsi que les vendredi 30 mars, lundi 2 avril, 8 mai, jeudi de l’Ascension 10 mai et lundi de la Pentecôte 21 mai 2018.

Les bulletins de paye de Mme [K] ne font apparaître aucune ligne spécifique qui démontrerait que ces quinze jours fériés chômés ont donné lieu à rémunération, en plus des heures effectivement travaillées.

A titre de comparaison, la salariée verse aux débats une fiche de paye du mois de mai 2015 – donc bien antérieure à la période litigieuse – qui contenait une rubrique « Heures jour férié non travaill ».

Dès lors, l’AMAPA doit régler à Mme [K] les quinze jours fériés chômés et non payés.

En conséquence, elle est condamnée à payer à Mme [K] la somme de 1 055,51 euros brut. Il convient d’y ajouter la somme de 105,55 euros brut d’indemnité de congés payés, la rémunération des jours fériés étant incluse dans la base de calcul de cette indemnité.

Le jugement querellé est donc infirmé, en ce qu’il a rejeté les demandes au titre du rappel de jours fériés.

Sur les intérêts

En application de l’article 1344-1 du code civil, les condamnations prononcées ci-dessus sont augmentées des intérêts au taux légal à compter du 26 août 2019, date de réception par l’AMAPA de l’acte introductif d’instance, ce qui valait mise en demeure.

Sur les jours de fractionnement

Aux termes de l’article 24.1 c/ du titre IV de la convention collective, dans sa rédaction modifiée par l’avenant du 27 janvier 2016 :

« La période de prise de congé principal se situe entre le 1er mai et le 31 octobre.

Toutefois, par accord entre l’employeur et le salarié, le congé principal de 20 jours ouvrés peut être fractionné. Dans ce cas, une partie peut être donnée en dehors de la période légale (1er mai-31 octobre) et le salarié bénéficie une seule fois par an :

– d’un jour ouvré supplémentaire pour un fractionnement de 3 à 5 jours ;

– ou de 3 jours ouvrés au-delà de 5 jours.

Lorsque le fractionnement est demandé par le salarié, l’employeur peut subordonner son accord au fait que le salarié renonce au (x) jours de congé(s) supplémentaire(s). La renonciation effective du salarié se fait par écrit dans un document spécifique signé par le salarié distinct de la demande de congés.

Ce dispositif se substitue aux dispositions légales relatives au congé de fractionnement ».

En l’espèce, il n’est pas contesté que Mme [K] a bénéficié, en dehors de la période légale (1er mai au 31 octobre), de quatre jours de congés payés au mois de mars 2018 et de quatre autres jours au mois d’avril 2018, ce qui est d’ailleurs confirmé par le bulletin de paye.

Il n’est pas établi, à supposer que Mme [K] ait sollicité le fractionnement, que la salariée ait renoncé, par un écrit spécifique distinct, à un jour de congés supplémentaire.

Mme [K] doit donc bénéficier, conformément à sa demande, d’un jour de congés supplémentaire.

En conséquence, l’AMAPA est condamnée à accorder à Mme [K] un jour de congés payés supplémentaire au titre du fractionnement.

Sur les retenues de salaire

Sur la retenue du mois de mars 2017

L’AMAPA verse aux débats une ordonnance de référé du 30 mars 2017 dont il ressort qu’elle a notamment été condamnée à payer à Mme [K] la somme de 839,16 euros brut en paiement de jours fériés et chômés, la somme de 83,91 euros de congés payés y afférents, la somme de 100 euros de provision sur dommages-intérêts et la somme de 350 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle justifie, en exécution de l’ordonnance, d’un paiement par chèque débité le 19 avril 2017 à hauteur de 1 138,54 euros au profit d’un compte CARPA.

Le bulletin de salaire du mois de mars 2017 (payable le 10 avril 2017) versé aux débats par Mme [K] (pièce n° 14-4) – dont le contenu diverge de celui produit par l’employeur (2è feuillet de la pièce n° 11) qui n’en conteste toutefois pas l’authenticité – faisait apparaître les éléments de cette condamnation, ce qui était normal puisque ladite condamnation portait rappel de salaire.

L’AMAPA a ensuite retenu, sur le même bulletin, à la ligne « Somme perçue/régularisation », un montant de 788,54 euros correspondant au salaire net pour éviter un double paiement de la condamnation (par chèque, puis par virement de la paie).

Il n’y a donc pas eu retenue illégale par l’employeur.

Sur les autres retenues

L’AMAPA justifie que les autres retenues litigieuses (400 euros au mois de juillet 2017, 180 euros au mois d’octobre 2017, 146,57 euros au mois de mai 2018 et 650 euros au mois d’août 2018) correspondaient au remboursement d’avances effectuées les 18 juillet 2017, 20 octobre 2017, 25 mai 2018 et 30 août 2018.

En conséquence, la demande de remboursement de retenues de salaire illégitimes est rejetée et le jugement infirmé, en ce qu’il a condamné l’AMAPA à verser à Mme [K], au titre de celle du mois de mars 2017, un montant de 788,57 euros, ainsi qu’un montant de 78,85 euros de congés payés y afférents.

Sur les dommages-intérêts

Mme [K] ne justifie d’aucun préjudice qui découlerait du refus de l’employeur d’appliquer la convention collective, et qui n’aurait pas déjà été réparé par les sommes allouées ci-dessus.

La demande de dommages-intérêts présentée par Mme [K] est donc rejetée, et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

Sur le licenciement pour faute grave

Par courrier du 23 août 2018, Mme [K] a été licenciée pour faute grave, dans les termes suivants :

« (‘) Nous avons néanmoins procédé au réexamen de votre dossier et vous informons que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour le motif suivant : absences injustifiées, non-respect de planning, et ce de façon répétitive.

En effet, le 28 Juin 2018, vous ne vous êtes pas présentée chez Mr J.-L B. de 14h à 16h.

Nous vous rappelons que toute absence à l’heure et au jour prévu pour la prise normale du travail (ou la reprise) est une absence injustifiée si vous n’avez pas averti votre employeur d’un éventuel retard ou d’une absence et ne les avez pas motivées. (‘)

Par ailleurs, vous travaillez en équipe et votre absence sans prévenir (ou faire prévenir par une tierce personne) votre responsable téléphoniquement au moins implique la réorganisation de la journée de travail. De plus, vous êtes au contact de personnes qui vous attendent à heure fixe, ce qui nécessite votre remplacement impératif. (‘)

Vous avez d’ailleurs reçu un courrier le 07 Février 2018 vous demandant de prévenir votre responsable immédiatement en cas d’arrêt maladie. Nous vous l’avons également rappelé dans le courrier d’avertissement du 21 Juin 2018.

Par ailleurs, à plusieurs reprises, vous n’avez pas respecté votre planning. Nous vous rappelons que chaque absence ou modification d’horaire doit être connue et validée par votre responsable de Secteur. Les plannings de travail sont établis par votre Responsable, conformément à un plan d’aide arrêté conjointement avec le bénéficiaire et sous l’autorité de l’organisme assurant la prise en charge. Vous devez donc scrupuleusement respecter ces plannings.

Malgré nos nombreux avertissements vous demandant de respecter votre planning, les absences injustifiées ou les modifications de plannings sont récurrents. (‘). »

Après avoir détaillé les faits sanctionnés par les deux avertissements des 12 avril 2018 et 21 juin 2018, puis rappelé la teneur de la lettre d’observations du 1er mars 2018, l’employeur poursuivait :

« (‘) Il s’avère que notre activité auprès des Personnes Agées dépendantes est incompatible avec ce type de comportement qui constitue une faute et démontre un grave manquement de professionnalisme.

Cet état de fait n’est pas acceptable et préjudicie gravement au bon fonctionnement et à l’organisation du SAAD.

Aussi nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave. Cette mesure prendra effet à présentation de courrier sans indemnité de préavis ni de licenciement. (…) »

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

En cas de faute grave, la charge de la preuve repose sur l’employeur qui doit établir à la fois la réalité et la gravité des manquements du salarié.

La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, c’est-à-dire l’imputation au salarié d’un fait ou d’un comportement assez explicite pour être identifiable en tant que tel pouvant donner lieu à une vérification par des éléments objectifs.

En l’espèce, le seul fait précis, non déjà sanctionné, visé par l’employeur dans la lettre de licenciement est le défaut d’intervention de Mme [K] le 28 juin 2018, de 14 heures à 16 heures, chez M. J.-L. B.

L’AMAPA produit, au soutien de la démonstration de la réalité de ce grief qui lui incombe, un planning du mois de juin 2018 (pièce n° 8), mais ce document a manifestement été établi postérieurement au 28 juin 2018, puisqu’il mentionne à cette date « 14:00-16:00 Abs : Absence injustifiée » et qu’il a été édité le 2 octobre 2019.

En revanche, Mme [K] verse aux débats (pièces n° 19 à 21) trois plannings du mois de juin 2018, édités dès les 17 mai 2018, le 30 mai 2018 et le 1er juin 2018.

Le plus récent, celui du 1er juin 2018, mentionnait, pour le créneau horaire litigieux, une intervention non pas chez M. J.-L. B. mais au domicile de Mme M. K.

Ces éléments produits par la salariée sont parfaitement compatibles avec l’affirmation développée dans ses conclusions, selon laquelle le 28 juin 2018 à 14 heures, elle s’est présentée au domicile de Mme M. K. et a sonné « sans résultat ».

L’AMAPA ne justifie ni avoir édité ni avoir adressé à sa salariée un planning rectificatif antérieurement à l’intervention.

En conséquence, faute de preuve, le licenciement est déclaré sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant infirmé sur ce point.

Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 1er avril 2018, dispose que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l’entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par cet article, en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise.

Mme [K] comptait lors de son licenciement plus de 15 ans d’ancienneté dans une entreprise qui employait habituellement au moins 11 salariés, de sorte qu’elle relève du régime d’indemnisation de l’article L.1235-3 al. 2 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause qui prévoit une indemnité minimale de 3 mois de salaire et une indemnité maximale de 13 mois de salaire.

Compte tenu de l’âge de la salariée lors de la rupture de son contrat de travail (53 ans), de son ancienneté (15 ans) et du montant de son salaire mensuel, et alors qu’elle justifie qu’elle percevait encore des allocations de chômage au mois de décembre 2020 et que l’allocation de solidarité spécifique lui a été refusée le 9 août 2021, il convient d’allouer à Mme [K] la somme de 13 000 euros à titre de dommages-intérêts destinés à réparer le préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Sur l’indemnité de licenciement

Il résulte de l’article L. 1234-9 du code du travail que le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement et de l’article R. 1234-2 du même code, en sa version applicable à l’espèce, que l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans et un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans.

Au vu de l’ancienneté de Mme [K], il convient de lui allouer la somme réclamée, non autrement contestée, de 5 854,58 euros au titre de l’indemnité de licenciement.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

Aux termes de l’article L.1234-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l’ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.

Le salarié a droit à un préavis de deux mois s’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus d’au moins deux ans.

En conséquence, il y a lieu d’allouer à Mme [K] la somme réclamée de 2 618,20 euros brut (1 309,10 euros x 2 mois) au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, ainsi que la somme de 261,82 euros brut au titre des congés payés y afférents.

Sur la production sous astreinte d’un bulletin de paie conforme à l’arrêt

En application des articles L. 3243-1 et suivants du code du travail, l’AMAPA est condamnée à remettre à Mme [K] un bulletin de salaire complémentaire conforme au présent arrêt.

Aucun élément particulier du dossier ne laissant craindre que l’AMAPA ne cherche à se soustraire à la bonne exécution de la présente décision, il n’y a pas lieu en l’état d’assortir cette condamnation d’une astreinte.

Le jugement entrepris est infirmé sur ce point.

Sur le remboursement des allocations de chômage

En application de l’article L.1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur – qui emploie habituellement au moins onze salariés – aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées du jour du licenciement au jour de l’arrêt prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort, après en avoir délibéré conformémant à la loi ;

Dit que les demandes de rappel de salaires ne sont pas prescrites ;

Confirme le jugement, en ce qu’il a condamné l’AMAPA à payer à Mme [Y] [B] épouse [K] la somme de 513,60 euros de maintien de salaire pour les mois de juillet-août 2018 et la somme de 51,36 euros de congés payés y afférents à augmenter des intérêts au taux légal à compter de la demande, en ce qu’il a rejeté la demande présentée au titre des frais kilométriques, en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du refus d’application des dispositions du code du travail et de la convention collective avec résistance abusive réitérée, en ce qu’il a rejeté la demande présentée par l’AMAPA sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il a condamné l’AMAPA à payer à Mme [Y] [B] épouse [K] la somme de 1 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il a condamné l’AMAPA aux dépens de première instance ;

Infirme ledit jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne l’AMAPA à payer à Mme [Y] [B] épouse [K] les sommes suivantes :

– la somme de 511,53 euros brut au titre des périodes d’intervacations ;

– la somme de 51,15 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

– la somme de 1 055,51 euros brut au titre des jours fériés chômés ;

– la somme de 105,55 euros brut de congés payés y afférents ;

Dit que les quatre sommes ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter du 26 août 2019 ;

Condamne l’AMAPA à accorder à Mme [Y] [B] épouse [K] un jour de congés payés supplémentaire au titre du fractionnement ;

Rejette la demande de Mme [Y] [B] épouse [K] au titre du remboursement de diverses retenues de salaire ;

Dit que le licenciement de Mme [Y] [B] épouse [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse :

Condamne l’AMAPA à payer à Mme [Y] [B] épouse [K] :

– la somme de 13 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– la somme de 5 854,58 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

– la somme de 2 618,20 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– la somme de 261,82 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

Condamne l’AMAPA à remettre à Mme [Y] [B] épouse [K] un bulletin de salaire complémentaire conforme au présent arrêt ;

Dit n’y avoir lieu d’assortir cette condamnation d’une astreinte ;

Ordonne d’office le remboursement par l’AMAPA aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées du jour du licenciement au jour de l’arrêt prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage ;

Dit que le greffe transmettra copie du présent arrêt à Pôle emploi ;

Condamne l’AMAPA aux dépens d’appel ;

Condamne l’AMAPA à payer à Mme [Y] [B] épouse [K] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d’appel.

Le Greffier La Présidente

 


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