Logement de fonction : l’occupation sans droit ni titre

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Logement de fonction : l’occupation sans droit ni titre
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Nos Conseils:

– Il est important de vérifier la recevabilité de l’action en se référant aux dispositions légales compétentes, telles que l’article L 2313-4-3 du code de l’organisation judiciaire, pour s’assurer que le juge compétent est saisi de manière adéquate.

– En cas d’occupation sans droit ni titre d’un logement de fonction suite à la rupture d’un contrat de travail, il est recommandé de négocier des délais raisonnables pour quitter les lieux, en prenant en compte les circonstances particulières du salarié, comme une inaptitude au travail.

– Lorsqu’une indemnité d’occupation est due pour le maintien dans le logement au-delà du délai imparti, il est essentiel de tenir compte des conditions d’occupation, telles que l’état du logement, pour déterminer un montant juste et équitable.

Résumé de l’affaire

Monsieur [D] [T] a été engagé en tant que boulanger par la société BOULANGERIE PATISSERIE THEROUIN en 2013, avec un logement de fonction mis à sa disposition en 2019. Suite à un licenciement pour inaptitude en 2023, il refuse de quitter le logement de fonction, ce qui pousse la société ATOUT SUCRE à demander son expulsion devant le juge des contentieux de la protection de CHARTRES. Monsieur [D] [T] demande des délais pour quitter les lieux, arguant que le logement est insalubre et qu’il n’a plus accès à l’électricité. L’affaire a été mise en délibéré pour le 28 mai 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

28 mai 2024
Tribunal judiciaire de Chartres
RG n°
24/00267
N° RG 24/00267 – N° Portalis DBXV-W-B7I-GIE2

Minute : JCP

Copie exécutoire délivrée
le :
à :
SELARL CABINET JURIDIQUE CHARTRAIN, avocats au barreau de CHARTRES, vestiaire : T 15

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à :
[D] [T]

Préf28

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE CHARTRES

Juge des Contentieux de la Protection

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

contradictoire

DU 28 Mai 2024

DEMANDEUR(S) :

S.A.R.L. ATOUT SUCRE (RCS C HARTRES n°837 708 718)
dont le siège social est sis [Adresse 2]
agissant poursuites et diligences de ses représentant légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée Maître Vanessa BARTEAU de la SELARL CABINET JURIDIQUE CHARTRAIN, avocats au barreau de CHARTRES, vestiaire : T 15

D’une part,

DÉFENDEUR(S) :

Monsieur [D] [T]
né le 29 Janvier 1967 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 1]
comparant en personne

D’autre part,

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Juge des contentieux de la protection : Isabelle DELORME, Magistrat à titre temporaire statuant en matière de référé

Greffier: Karine SZEREDA

DÉBATS :

L’affaire a été plaidée à l’audience publique du 16 Avril 2024 et mise en délibéré au 28 Mai 2024 date à laquelle la présente décision est rendue par mise à disposition au greffe.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [D] [T] a été engagé en tant que boulanger par la société BOULANGERIE PATISSERIE THEROUIN selon contrat de travail en date du 1er juin 2013.

Par avenant en date du 21 novembre 2019, l’employeur a mis à sa disposition un logement de fonction situé [Adresse 1]), au titre d’un avantage en nature, évalué à la somme mensuelle de 390€.

Le contrat de travail de Monsieur [D] [T] a été transféré après cession du fonds de commerce de la société BOULANGERIE PATISSERIE THEROUIN à la société ATOUT SUCRE le 1er juin 2021.

Monsieur [D] [T] a été licenciée le 10 août 2023 suite un avis d’inaptitude de la Médecine du Travail en date du 17 juillet 2023, tout reclassement à un autre poste s’avérant impossible.

La lettre de licenciement mentionnait la nécessité de libérer le logement de fonction, Monsieur [D] [T] s’est cependant maintenu dans les lieux.

La société ATOUT SUCRE l’a mis en demeure d’avoir a quitté les lieux par lettre recommandée avec avis de réception du 11 octobre 2023, puis l’a assigné par acte de commissaire de justice du 14 février 2024, devant le juge des contentieux de la protection de CHARTRES, statuant en référé, pour voir constater qu’il est occupant sans droit ni titre, et voir ordonner son expulsion.

la société ATOUT SUCRE sollicite donc
– de voir constater l’acquisition des effets de la clause résolutoire ;
– d’ordonner l’expulsion de Monsieur [D] [T] et de tous occupants de son chef, en application de l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution ; sous astreinte d’un montant de 50€ par jour de retard jusqu’à complète libération des lieux,
– et de le voir condamner au paiement :
– d’une indemnité d’occupation mensuelle d’un montant de 390 € du 10 août 2023 jusqu’au jour de la libération effective du logement,
– à la somme de 500 ,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile
– en sus des dépens.

Monsieur le Préfet d’Eure et Loir a été avisé de la présente affaire par voie dématérialisée le 19 février 2024.

A l’audience du 16 avril 2024, Monsieur [D] [T] régulièrement cité à personne, a comparu, sollicitant un renvoi auquel s’est opposée la société ATOUT SUCRE expliquant que le principe du contradictoire a été respecté puisque les pièces ont été délivrées en même temps assignation.

Monsieur [D] [T] n’a pas contesté avoir eu le temps de préparer sa défense depuis le 14 février 2024.

L’affaire a donc été retenue.

La société ATOUT SUCRE, représenté par son conseil, reprend les termes de son assignation. Elle expose que l’avantage en nature, que représentait la mise à disposition du logement de fonction, dont bénéficiait Monsieur [D] [T] a pris fin avec la rupture du contrat de travail et qu’il est désormais occupant sans droit ni titre et se maintient dans les lieux malgré ses engagements de déménager.

Monsieur [D] [T] indique que le logement est insalubre, qu’il n’a plus accès à l’électricité et demande des délais pour quitter les lieux.

A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 28 mai 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est rappelé que l’article 2 alinéa 2- 3° de la loi de 1989 dans sa version issue de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023, précise que les dispositions de son titre Ier ne s’applique pas « au logement attribué ou loué en raison de l’exercice d’une fonction de l’occupation d’un emploi » à l’exception des dispositions des articles 3-1 en portant notamment obligation à la délivrance d’un logement décent

I SUR LA RECEVABILILTE DE L’ACTION :

L’article L 2313-4-3 du code de l’organisation judiciaire mentionne, que « Le juge des contentieux de la protection connaît des actions tendant à l’expulsion des personnes qui occupent aux fins d’habitation des immeubles bâtis sans droit ni titre ».

Par ailleurs, en application des dispositions des articles 834 et 835 du Code de procédure civile, “ dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend; “Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.”

L’action est donc recevable.

II- SUR L’OCCUPATION SANS DROIT NI TITRE ET L’OCTROI DE DELAIS :

Le logement de fonction est un accessoire au contrat de travail, attribué au titre d’un avantage en nature et prend fin en même temps que la rupture du contrat.

Dès lors, le salarié ne dispose d’aucun droit au maintien dans son logement lorsqu’il est licencié.

Il est tenu de libérer les lieux à l’expiration du contrat de travail en l’absence de préavis, sans cependant que cette obligation ne dégénère en abus de droit.

En l’espèce, le licenciement de Monsieur [D] [T] est intervenu le 10 août 2023 suite à un avis d’inaptitude à son poste de boulanger émis par la Médecine du Travail.

L’employeur précise lui avoir laissé un délai de deux mois pour se reloger et qu’il est maintenant nécessaire qu’il puisse reprendre les lieux.

Monsieur [D] [T] ne conteste pas continuer à occuper le logement expliquant avoir effectué des démarches auprès d’un bailleur social, qui n’ont pas encore abouti à une solution de relogement.

Il y a donc lieu de constater que Monsieur [D] [T] occupe le logement sans droit ni titre depuis le 11 août 2023, date de la notification de la rupture de son contrat de travail étant précisé que le préavis de deux mois n’a pu être effectué en raison de son état de santé.

Néanmoins, eu égard à l’inaptitude reconnue par la Médecine du travail et donc au fait qu’il soit toujours sans emploi du fait de l’absence de reclassement possible, il convient de faire droit à la demande de délais, tout en tenant compte des délais de fait dont il a déjà bénéficié.

Il est accordé un délai de trois mois à Monsieur [D] [T] à compter de la présente ordonnance pour quitter le logement, passé ce délai il convient d’ordonner son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef à défaut de départ volontaire après commandement de quitter les lieux, et ce avec le concours de la force publique si besoin est et l’assistance d’un serrurier.

III. SUR L’INDEMANITE D’OCCUPATION :

Le maintien dans le logement de fonction au-delà du temps imparti pour le libérer, à savoir en l’espèce au-delà de la date de la notification du licenciement soit le 11 août 2023 à laquelle s’ajoutent les deux mois octroyés par l’employeur, à savoir au-delà du 11 octobre 2023, ne peut se faire sans contrepartie.

Monsieur [D] [T] sera condamné à payer à son ex-employeur une indemnité d’occupation à compter du 12 octobre 2023.

Cette indemnité d’occupation peut être fixée en tenant compte de l’avantage en nature dont le salarié bénéficiait avant la rupture du contrat de travail comme le demande la société ATOUT SUCRE, qui sollicite un montant mensuel de 390€ par mois correspondant à l’avantage en nature tel qu’il avait été évalué.

Toutefois, Monsieur [D] [T] indique que le logement est insalubre et sans électricité.

De telles conditions justifient, que l’indemnité d’occupation soit ramenée à un montant en relation avec les conditions d’occupation.

Il convient de fixer l’indemnité d’occupation provisionnelle due à compter du 12 octobre 2023 et jusqu’à la libération effectives des lieux à la somme de 250€ par mois et de condamner Monsieur [D] [T] à son paiement.

IV SUR LA DEMANDE D’ASTREINTE :

Il n’apparaît pas nécessaire d’assortir l’obligation de quitter les lieux d’une astreinte.

En effet, la condamnation au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation, de nature à réparer le préjudice subi par le bailleur satisfait déjà l’objectif assigné à l’astreinte en cette matière par l’article L. 421-2 du code des procédures civiles d’exécution.

V. SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :

Sur les dépens

L’article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Il sera rappelé que les dépens sont les frais de justice. Il s’agit notamment de la rémunération des techniciens, l’indemnisation des témoins et les émoluments des officiers publics ou ministériels.

En l’espèce, Monsieur [D] [T], parties perdantes, supportera la charge des dépens.

Sur la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

L’article 700 prévoit que la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès peut être condamnée à payer à l’autre partie au paiement d’une somme destinée à compenser les frais exposés pour le procès et non compris dans les dépens.

Dans ce cadre, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique des parties.

Compte tenu de la situation économique de Monsieur [D] [T] rappelé ci-dessus, il sera en paiement de la somme de 300€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

Il convient de rappeler que la présente instance est soumise aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile aux termes duquel les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS,

Nous, juge des contentieux de la protection, statuant en référé, publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

RENVOYONS les parties à mieux se pourvoir au fond,

Cependant, dès à présent, vu l’urgence et l’absence de contestations sérieuses,

DECLARONS l’action de la société ATOUT SUCRE recevable ;

CONSTATONS que Monsieur [D] [T] s’est trouvé occupant sans droit ni titre du logement de fonction situé [Adresse 3] (28 300) depuis le 12 octobre 2023, date d’expiration du délai d’occupation de deux mois accordé par l’employeur à l’issue de la fin du contrat de travail qui a pris effet le 11 août 2023 ;

ORDONNONS la libération des lieux par Monsieur [D] [T] ainsi que de tous les occupants de son chef à compter du 29 août 2024 et la remise des clés après établissement d’un état des lieux de sortie ;

ORDONNONS si besoin à compter du 29 août 2024 et après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux, l’expulsion des lieux de Monsieur [D] [T] ainsi que de tous les occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d’un serrurier le cas échéant, conformément aux dispositions de l’article L412-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution,

DISONS n’y avoir lieu à condamnation d’une astreinte ;

CONDAMNONS Monsieur [D] [T] à verser à la société ATOUT SUCRE à titre provisionnel une indemnité d’occupation due du 12 octobre 2023 jusqu’au départ effectif des lieux, par remise des clés, procès-verbal d’expulsion ou de reprise, fixée au montant de 250€ (deux cents cinquante euros) par mois ;

CONDAMNONS Monsieur [D] [T] aux dépens;

CONDAMNONS Monsieur [D] [T] à payer à la société ATOUT SUCRE la somme de 300€ (trois cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

RAPPELLONS que la présente ordonnance est de plein droit exécutoire à titre provisoire ;

DISONS que la présente décision sera notifiée par le greffe à la préfecture d’Eure et Loir en application de l’article R.412-2 du code des procédures civiles d’exécution ;

Ainsi ordonnée et prononcée le 28 Mai 2024.

LE GREFFIERLE JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION

Karine SZEREDAIsabelle DELORME


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