COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 56B
1re chambre 2e section
ARRET N°
PAR DEFAUT
DU 28 NOVEMBRE 2023
N° RG 22/06613 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VP4E
AFFAIRE :
S.A.S. LOCAM-LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS
C/
M. [R] [K]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Août 2022 par le tribunal de proximité de PUTEAUX
N° RG : 11-22-000244
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 28/11/23
à :
Me Chantal DE CARFORT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. LOCAM-LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS
Ayant son siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 – N° du dossier 25522 –
Représentant : Maître Evelyne BOCCALINI, Plaidant, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : 129
APPELANTE
****************
Monsieur [R] [K]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Assigné par Procès-Verbal de recherches infructueuses (article 659 du code de procédure civile)
INTIME DEFAILLANT
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Octobre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne THIVELLIER, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Sur requête de la société Locam, une ordonnance d’injonction de payer en date du 16 décembre 2021 rendue par le tribunal de proximité de Puteaux a condamné M. [R] [K] à lui payer la somme de 9 013,20 euros à titre principal avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2020, 1 euro au titre de la clause pénale et 40 euros au titre de l’indemnité forfaitaire, au titre d’un contrat de location de site web.
Par courrier déposé au greffe le 14 mars 2022, M. [K] a fait opposition à l’ordonnance d’injonction de payer.
A 1’audience du tribunal de proximité de Puteaux du 24 mai 2022, la société Locam, représentée par son conseil, a demandé, sous le bénéfice de1’exécution provisoire, de :
– juger M. [K] tant irrecevable que mal fondé en ses demandes,
– condamner M. [K] au paiement de la somme de 9 914,52 euros avec intérêts égal au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage à compter du 24 avril 2020,
– ordonner la restitution par M. [K] du matériel objet du contrat et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
– ordonner l’anatocisme des intérêts,
– condamner M. [K] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de la présente instance et de la procédure d’injonction de payer.
Par jugement contradictoire du 23 août 2022, le tribunal de proximité de Puteaux a :
– déclaré recevable l’opposition formée par M. [K] à l’encontre de l’ordonnance d’injonction de payer du 16 décembre 2021 du tribunal de proximité de Puteaux,
– déclaré non avenue l’ordonnance d’injonction de payer du 16 décembre 2021 du tribunal de proximité de Puteaux,
Statuant à nouveau,
– débouté la société Locam ses demandes,
– condamné la société Locam aux entiers dépens,
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Par déclaration reçue au greffe le 2 novembre 2022, la société Locam a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 1er février 2023, elle demande à la cour de :
– la juger recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
– infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
– condamner M. [K] à lui payer la somme de 9 914,52 euros et ce, avec intérêt égal au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (article L. 441-10 du code de commerce) à compter de la date de la mise en demeure, à savoir le 24 avril 2020,
– ordonner la restitution par M. [K] du matériel objet du contrat et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
– ordonner l’anatocisme des intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
– condamner M. [K] au paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [K] aux entiers dépens de la présente instance et ceux de la procédure d’injonction de payer.
M. [K] n’a pas constitué avocat. Par acte d’huissier de justice délivré le 2 janvier 2023, la déclaration d’appel lui a été signifiée selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile. Par acte d’huissier de justice en date du 6 février 2023, les conclusions de l’appelante lui ont été signifiées par remise à l’Etude.
L’arrêt sera donc rendu par défaut en application de l’article 473 alinéa 2 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 7 septembre 2023.
Par message RPVA du 26 octobre 2023, la cour a invité l’avocat de l’appelant à lui indiquer si la pièce n°13 (‘extrait liste Anssi’) a effectivement été communiquée à l’intimé avant la clôture et le cas échéant à lui en justifier, et à faire toutes observations qu’il estimerait utiles sur ce point, et ce avant le 10 novembre. En effet, il a été relevé que ses conclusions figurant dans son dossier de plaidoirie comportent 12 pages et une pièce n° 13 alors que celles transmises à la cour le 1er février 2013 et signifiées à l’intimé défaillant ne comptent que 11 pages et 12 pièces.
Aucune note en délibéré n’est parvenue à la cour dans le délai requis.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il convient de rappeler, qu’en application de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Il n’est alors fait droit à la demande que dans la mesure où elle est régulière, recevable et bien fondée.
Sur la demande en paiement
Le premier juge a débouté la société Locam de sa demande en paiement faute de pouvoir s’assurer que M. [K], qui contestait l’avoir signé et précisait ne pas savoir lire même s’il reconnaissait avoir réglé les loyers pendant un an, était bien le signataire du contrat de location versé aux débats, dans la mesure où la demanderesse n’avait pas produit le fichier de preuve disposant du sceau d’horodatage, et plus généralement du fait que l’ensemble des informations requises par le règlement européen du 23 juillet 2014 ne figurait pas sur le certificat de signature électronique.
Au soutien de son appel, la société Locam fait valoir qu’elle produit le contrat en format électronique qui comporte la signature électronique de M. [K] ainsi qu’il en résulte de son extraction informatique et qu’il en est de même pour le procès-verbal de réception.
Elle indique que la signature du contrat est attestée par Almerys qui figure sur la liste nationale de confiance éditée par l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information et qui est ainsi un prestataire de services de certification électronique habilité au sens du décret du 28 septembre 2017, de sorte que la signature du contrat certifiée par cet organisme est présumée fiable.
Elle ajoute que le tribunal n’avait pas soumis aux parties la question de la validité du certificat électronique du contrat en dépit des dispositions de l’article 16 du code de procédure civile et que si tel avait été le cas, elle aurait immédiatement remis une clé USB avec les fichiers contenant la signature électronique.
Sur ce,
En application de l’article 287 alinéa 2 du code de procédure civile, si la dénégation ou le refus de reconnaissance porte sur un écrit ou une signature électroniques, le juge vérifie si les conditions, mises par les articles 1366 et 1367 du code civil à la validité de l’écrit ou de la signature électroniques, sont satisfaites.
Selon l’article 1366 du code civil, l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.
Il résulte de l’article 1367 du même code, que lorsque la signature est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.
L’article 1er du décret 2017-1416 du 28 septembre 2017 énonce que la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en oeuvre une signature électronique qualifiée, et que constitue une signature électronique qualifiée une signature électronique avancée, conforme à l’article 26 du règlement n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et créée à l’aide d’un dispositif de création de signature électronique qualifié répondant aux exigences de l’article 29 dudit règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l’article 28 de ce règlement.
L’article 26 de ce règlement européen précise qu’une signature électronique avancée satisfait aux exigences suivantes :
a) être liée au signataire de manière univoque;
b) permettre d’identifier le signataire;
c) avoir été créée à l’aide de données de création de signature électronique que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif; et
d) être liée aux données associées à cette signature de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable.
En l’espèce, M. [K] avait, devant le premier juge, contesté avoir signé le contrat versé aux débats par la société Locam, de sorte que la question de la validité de la signature électronique était dans les débats et qu’il ne saurait donc être reproché au premier juge un manquement au respect du contradictoire quant à la question de la validité du certificat électronique du contrat.
Lorsque le prêteur se prévaut, à l’encontre de celui qui dénie sa signature, de la présomption de fiabilité attachée à la signature électronique en application de l’article’1367 du code civil, il appartient au juge de vérifier si la signature électronique est bien qualifiée, ce qui suppose en premier lieu qu’elle réponde aux exigences d’une signature avancée au sens du règlement européen susvisé et par conséquent qu’elle soit liée au signataire de manière univoque et permette de l’identifier. À défaut, la signature invoquée ne constitue pas une preuve de l’engagement de celui auquel on l’oppose.
La société Locam verse aux débats un contrat de location de site Web, payable en 48 loyers de 310,80 euros, non signé manuscritement, mentionnant M. [R] [K] en tant que locataire. Concernant la date et la signature de ce contrat, il est uniquement indiqué : le 31 mai 2018 à [Localité 7].
Aussi, la mention d’une signature électronique ne figure pas sur le contrat dont le numéro n’est pas renseigné.
La société Locam produit un document intitulé dossier de preuve émanant de la société Almerys en sa qualité de prestataire de service de gestion de preuve, sans justifier de ce qu’elle figure sur la liste nationale de confiance éditée par l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, mentionnant que ‘le document enregistré sous le numéro de transaction: 6c284b563dfa471ba11215bc80d26b49 a fait l’objet d’une signature électronique de LOCAM et de M [K] [R] né(e) le 07/09/1970 identifié(e) par le numéro de téléphone: [XXXXXXXX01] et son adresse courriel: [Courriel 6]’.
Pour autant, le contrat produit ne porte pas mention du numéro de transaction susvisé permettant de s’assurer que ce dossier de preuve concerne effectivement le contrat litigieux.
Par ailleurs, ce fichier de preuve ne précise pas la date et l’heure à laquelle le contrat aurait été signé par M. [K] ni les modalités selon lesquelles ce dernier se serait identifié pour procéder à cette signature, la seule mention de son numéro de téléphone et de son adresse mail étant insuffisante à l’établir. Enfin, ce document ne précise pas ses date et heure de création et ne certifie pas une absence de modification du document depuis sa signature, ce que la capture d’écran produite relatives aux informations détaillées sur les certificats ne permet pas davantage d’établir.
Ainsi, la société Locam ne démontre pas que la signature électronique qu’elle invoque est liée à M. [K] de manière univoque et qu’elle permet de l’identifier. Elle ne démontre pas davantage que cette signature a été créée à l’aide de données de création de signature électronique que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif; ni qu’elle est liée aux données associées de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable.
Dans ces conditions, faute d’identification du signataire du contrat, la société Locam ne rapporte pas la preuve de l’engagement contractuel de M. [K].
Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société Locam de l’ensemble de ses demandes.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société Locam, qui succombe, doit être condamnée aux dépens de la procédure d’appel, les dispositions du jugement contesté relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles étant, par ailleurs, confirmées.
Il convient ainsi de rejeter sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Déboute la société Locam de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Locam aux dépens d’appel.
– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,