Location de site internet : décision du 24 mai 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/01272

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Location de site internet : décision du 24 mai 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/01272

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 24 MAI 2022

N° RG 20/01272 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LP3I

S.A.S. FLAT LEASE GROUP

c/

S.A.R.L. B J B SERVICES

S.E.L.A.R.L. EKIP

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 février 2020 (R.G. 2018F00910) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 03 mars 2020

APPELANTE :

S.A.S. FLAT LEASE GROUP, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]

représentée par Maître Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.A.R.L. B J B SERVICES, en liquidation judiciaire, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 3]

représentée par Maître Annabel BONNARIC, avocat au barreau de BORDEAUX

INTERVENANTE :

S.E.L.A.R.L. EKIP’, prise en la personne de son représentant légal Maître [R] [B], ès qualité de liquidateur de la SARL BJB SERVICES, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]/FRANCE

représentée par Maître Annabel BONNARIC, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 05 avril 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie PIGNON, Président chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie PIGNON, Présidente,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 22 septembre 2011, la société BJB Services a signé un contrat de licence portant sur l’exploitation d’un site internet avec la société Futur digital. La société Futur digital a cédé les droits du site à la société Flat lease group, cessionnaire. Le contrat de licence a pris effet le 1er novembre 2011 et est arrivé à terme le 31 octobre 2015.

Par courrier recommandé du 2 juin 2015, la société BJB Services a informé la société Flat lease group de sa volonté de résilier le contrat de location au terme des 48 mois. La société Flat lease group a pris acte de la demande et a répondu que la résiliation ne peut être effective qu’après restitution du site internet.

La société Flat lease group a facturé, au terme du contrat le 1er novembre 2015, des indemnités de jouissance pour non restitution du site à la société BJB Services.

Par courriers de mise en demeure des 26 avril et 25 juillet 2017, la société Flat lease group a réclamé à la société BJB Services la restitution du site et le règlement des indemnités d’utilisation pour un montant de 4 464 euros.

Par ordonnance du 27 juillet 2018, le tribunal de commerce de Bordeaux a, après demande de la société Flat lease group, autorisé une saisie de créances à titre conservatoire pour la somme de 4 752 euros entre les mains des établissements bancaires détenant des fonds de la société BJB Services.

Par acte d’huissier du 7 septembre 2018, après dénonciation du procès-verbal à la société BJB Services le 17 août 2018, la société Flat lease group a assigné ladite société en paiement devant le tribunal de commerce de Bordeaux.

Par jugement contradictoire du 3 février 2020, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

– débouté la société Flat lease group de l’ensemble de ses demandes indemnitaires,

– débouté la société Flat lease group de ses autres demandes,

– condamné Ia société Flat lease group à rembourser la somme de 288 euros à la société BJB Services au titre des 2 échéances prélevées après le terme du contrat, cette somme sera assortie des intérêts au taux légal,

– débouté la société BJB Services de sa demande de dommages et intérêts,

– condamné la société Flat lease group à payer à la société BJB Services la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

– condamné la société Flat lease group aux dépens.

Par déclaration du 3 mars 2020, la société Flat lease group a interjeté appel de cette décision à l’encontre de l’ensemble des chefs qu’elle a expressément énumérés, intimant la société BJB Services.

Par jugement du 22 avril 2020, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société JBJ Services et a désigné la Selarl Ekip en qualité de liquidateur.

Par acte d’huissier du 8 juin 2020, la société Flat lease group a assigné la Selarl Ekip désigné en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BJB Services.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 15 octobre 2020, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société Flat lease group demande à la cour de :

– à titre principal,

– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté la société Flat lease group de l’ensemble de ses demandes,

– infirmer de surcroît le jugement en ce qu’il avait condamné la société Flat lease group à rembourser la somme de 288 euros à la société BJB Services au titre des 2 échéances prélevées après le terme du contrat, cette somme sera assortie des intérêts au taux légal,

– infirmer enfin le jugement en ce qu’il a condamné la société Flat lease group à payer à la société BJB Services la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance,

– en conséquence,

– fixer au passif de la société BJB Services la condamnation à verser à la société Flat lease group la somme principale de 5.040 euros, augmentée des indemnités mensuelles jusqu’à parfaite restitution/désinstallation des éléments du site, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, soit le 5 janvier 2017, avec capitalisation jusqu’à parfait paiement par application de l’article 1343-2 nouveau du Code civil,

– constater qu’à juin 2018, la société BJB Services faisait toujours référence au site internet propriété de Flat lease group dans toutes ses correspondances,

– fixer au passif de la société BJB Services la condamnation à verser à la société Flat lease group la somme de 4 608 euros, arrêtée à juin 2018, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, soit le 5 janvier 2017, avec capitalisation jusqu’à parfait paiement par application de l’article 1343-2 nouveau du code civil,

– assortir la présente décision d’une astreinte pour inexécution à hauteur de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, en application des dispositions de l’article L. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution,

– confirmer au surplus le jugement entrepris,

– donc débouter la société Ekip en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société BJB Services de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– en tout état de cause,

– fixer au passif de la société BJB Services la condamnation à verser à la société Flat lease group une indemnité de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– fixer au passif de la société BJB Services la condamnation au paiement des frais occasionnés par la saisie conservatoire, conformément aux dispositions de l’article L. 512-2 du code de procédure civile d’exécution,

– fixer au passif de la société BJB Services la condamnation aux entiers dépens.

La société appelante soutient qu’elle est demeurée propriétaire des droits du site mais également de ses accessoires, que la société intimée n’a pas procédé à la restitution et/ou n’a pas justifié de la pleine désinstallation du site, objet du contrat, alors qu’il lui appartenait de s’assurer de la bonne restitution/ désinstallation du site, objet du contrat, que l’intimée a continué de bénéficier de l’usufruit du site postérieurement à son terme, de sorte qu’elle demeure a minima redevable des indemnités facturées jusqu’à cette date, soit de la somme de 4.608 euros.

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 26 août 2020, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la Selarl Ekip en qualité de liquidateur de la société BJB Services demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Flat lease group de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions existant ou à venir,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Flat lease group à restituer les deux mensualités prélevées en trop, soit la somme de 288 euros, assorti des intérêts au taux légal,

– et statuant à nouveau :

– faire interdiction à la société Flat lease group d’adresser des courriers et courriels de relance à la société BJB Services concernant le contrat résilié, ce sous astreinte de 50 euros par jour à compter de la signification de la décision à intervenir,

– condamner la société Flat lease group à verser à la société BJB Services la somme de 1 500 euros pour procédure abusive et 1.000 euros au titre du préjudice subi du fait de la saisie-conservatoire.

– condamner la société Flat lease group à verser à la société BJB Services la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Flat lease group au paiement des entiers dépens de l’instance.

La SELARL Ekip fait valoir que le contrat de location de site internet a pris fin le 31 octobre 2015, qu’aucune prestation concernant le site internet n’était fournie à la société BJB Services depuis le mois de juillet 2015, que suite à un litige opposant les sociétés Futur Digital et Flat Lease Group,

le contrat les deux sociétés avait été rompus et la société Futur Digital a cessé de ce fait les prestations qu’elle réalisait au titre du contrat de location de site internet.

Elle précise qu’elle n’a jamais eu en sa possession ou sous sa maîtrise les codes et administrateurs et de gestion, et qu’elle était dans l’incapacité de procéder à une désinstallation matérielle.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 mars 2022 et le dossier a été fixée à l’audience du 5 avril 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

Le contrat de licence d’exploitation de site internet prévoit au titre des prestations fournies par la société Futur Digital la création d’un site internet, la gestion de nom de domaine, l’adresse e-mail, l’hébergement, le référencement sur les principaux moteurs de recherche et un module de statistiques.

L’article 17 ‘Restitution du site internet’ prévoit : ‘A l’expiration du contrat pour quelque cause que ce soit, le client doit restituer immédiatement et à ses frais le site internet ainsi que sa documentation.

Cette restitution consistera notamment dans la désinstallation des fichiers sources du site internet de tous les matériels sur lesquels ils étaient fixés ainsi qu’à détruire l’ensemble des copies de sauvegarde et documentation reproduites…

En cas de retard dans la restitution ou la désinstallation du site internet, le client doit de plein droit au cessionnaire une indemnité de jouissance égale au 1/30 de la dernière échéance mensuelle HT par jour de retard.’

La société Flat Lease Group, dans son courrier du 18 juin 2015 accusant réception de la résiliation du contrat, indique à la société BJB que la résiliation ne sera effective ‘après restitution des codes administrateurs et de gestion.’

Or le contrat de licence d’exploitation, au titre des prestations fournies, ne prévoit pas la remise des codes administrateurs et de gestion à la société locataire.

Par aileurs, la société Futur Digital, fournisseur du site internet, atteste qu’aucun fichier source de quelque nature que ce soit n’a été installé sur un serveur appartenant à la société BJB Services, le gérant de la société Futur Digital précisant dans son attestation : ‘..l’hébergement implique de facto la mise à disposition sur nos serveurs d’un espace de stockage des fichiers sources de son site internet »les fichiers sources du site internet sont la propriété de FUTUR DIGITAL’Par la présente nous attestons n’avoir jamais remis ces fichiers à la SARL BJB SERVICE’

Nous certifions que les code d’accès au serveur permettant de gérer les fichiers sources du site internet sont conservés par FUTUR DIGITAL. A cet égard, nous ne les avons jamais remis à la SARL BJB Services’.

Dans plusieurs courriers ultérieurs la société Flat Lease Group sollicite ‘la restitution du site internet’ ou des ‘codes administrateurs et du nom de domaine’, ou encore du ‘nom du domaine’, sans jamais lister précisément les éléments dont la restitution est demandée, alors qu’elle ne pouvait ignorer, en sa qualité de cessionnaire du contrat de licence d’exploitation, que les codes restaient en possession de la société Futur Digital, rendant impossible la désinstallation des fichiers sources par la société locataire, qui n’en disposait pas.

Si, comme le soutient l’appelante, la société locataire est considérée comme l’éditrice du site, elle n’en assurait pas les prestations techniques, précisément confiées à la société Futur Digital, et ne saurait en conséquence être tenue de restituter des éléments qui n’ont jamais été en sa possession, en vertu même du contrat litigieux.

Enfin, le fait que le nom du site internet figure encore sur les documents de la société BJB trois ans après la résiliation n’équivaut pas à la démonstration de l’utilisation effective et contemporaine du site, la société appelante ne produisant sur ce point aucun élément de nature à démontrer une quelconque activité du site internet de la société BJB postérieurement à la résiliation.

Il en résulte que c’est à juste titre que les premiers juges ont débouté la société Flat Lease Group de ses prétentions, et le jugement déféré sera confirmé.

Il sera en outre fait interdiction à la société Flat Lease Group d’adresser des courriers et courriels de relance à la société BJB Services concernant le contrat résilié, ce sous astreinte de 50 euros par jour à compter de la signification de la présente décision.

L’exercice d’une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l’octroi de dommages intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

La preuve d’un tel comportement n’étant pas rapportée en l’espèce, la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée.

De la même façon, il n’est pas démontré l’existence d’un préjudice résultant de l’exercice de la saisie conservatoire diligentée à la demande de la société Flat Lease Group, de sorte que la demande de dommages et intérêts de ce chef sera également rejetée.

Compte tenu de la décision intervenue, les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de la société Flat Lease Group.

Il est équitable d’allouer à la Selarl Ekip en qualité de liquidateur de la société BJB Services la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, que la société Flat Lease Group sera condamnée à lui payer.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 3 février 2020 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Fait interdiction à la société Flat Lease Group d’adresser des courriers et courriels de relance à la société BJB Services concernant le contrat résilié, ce sous astreinte de 50 euros par jour à compter de la signification de la présente décision ;

Déboute la Selarl Ekip en qualité de liquidateur de la société BJB Services de ses demandes de dommages et intérêts ;

Condamne société Flat Lease Group à payer à la Selarl Ekip en qualité de liquidateur de la société BJB Services la somme de 2.000 euros en application, en cause d’appel, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne société Flat Lease Group aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pignon, présidente, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 


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