Location de site internet : décision du 16 novembre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/08471

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Location de site internet : décision du 16 novembre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/08471

N° RG 19/08471 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MXUW

Décision du Tribunal de Commerce de ST ETIENNE du 25 octobre 2019

RG : 2017j731

S.A.R.L. STUDIO DES GOURMETS

C/

S.A.R.L. COMETIK

S.A.S. LOCAM

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 16 Novembre 2023

APPELANTE :

S.A.R.L. STUDIO DES GOURMETS immatriculée au Registre du Commerce de NANTERRE sous le numéro 814 144 119, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547, postulant et par Me Marie-Lise CHAREL de la SELAFA FIDUCIAL SOFIRAL, avocat au barreau de LYON

INTIMEES :

S.A.R.L. COMETIK au capital de 450.000 €, immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE, sous le n°484 598 180, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Isabelle GRANGE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, toque : 51, postulant et par Me Éric DELFLY, associé de la SELARL VIVALDI Avocats, avocat au barreau de LILLE

S.A.S. LOCAM au capital de 11 520 000 €, immatriculée au RCS de SAINT ETIENNE sous Ie numéro B 310 880 315, agissant poursuites et diligences par son dirigeant domicilié es qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 04 Mai 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 Septembre 2023

Date de mise à disposition : 16 Novembre 2023

Audience présidée par Viviane LE GALL, magistrate rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Patricia GONZALEZ, présidente

– Aurore JULLIEN, conseillère

– Viviane LE GALL, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 7 octobre 2016, la société Studio des Gourmets, exploitant une activité de traiteur pour particuliers, a signé avec la société Cometik un bon de commande pour la réalisation d’un site internet avec licence d’exploitation du site et location de site web, financé par la société Location Automobiles Matériels (Locam).

Le contrat a été conclu moyennant un loyer mensuel de 240 euros TTC, pour une durée de quarante-huit mois.

Le 20 janvier 2017, la société Studio des Gourmets a signé un procès-verbal de réception et de conformité du site internet.

La société Studio des Gourmets n’ayant honoré aucune des échéances du contrat de location, la société Locam l’a mise en demeure, par lettre recommandée du 5 juillet 2017, de régler les échéances impayées dans un délai de huit jours, à défaut de quoi le contrat serait résilié et les loyers à échoir deviendraient immédiatement exigibles ainsi que la clause pénale de 10 %.

Par acte d’huissier du 9 août 2017, la société Locam a assigné la société Studio des Gourmets en paiement. Celle-ci a appelé en cause la société Cometik.

Par jugement contradictoire du 25 octobre 2019, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :

– constaté l’interdépendance et l’indivisibilité des contrats liant d’une part la société Studio des Gourmets et la société Cometik et d’autre part la société Studio des Gourmets et la société Locam,

– constaté que la société Cometik a failli dans la parfaite exécution de son obligation de délivrance conforme,

– dit que cette mauvaise exécution n’est pas suffisante pour remettre en cause la validité du procès-verbal de réception et la bonne formation du contrat,

– débouté la société Studio des Gourmets de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat de licence d’exploitation du site internet,

– débouté la société Studio des Gourmets de sa demande tendant à voir prononcer la caducité du contrat de location,

– condamné la société Studio des Gourmets à verser à la société Locam la somme de 12.672 euros, y incluse la clause pénale de 10%, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 juillet 2017,

– condamné la société Studio des Gourmets à payer la somme de 250 euros à la société Locam au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Cométik à payer la somme de 3.000 euros à la société Studio des Gourmets au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens sont à la charge de la société Studio des Gourmets,

– rejeté la demande d’exécution provisoire du jugement,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La société Studio des Gourmets a interjeté appel par acte du 11 décembre 2019 à l’encontre de la société Locam et par acte du 24 janvier 2020 à l’encontre de la société Cometik. Les procédures ont été jointes par ordonnance du 22 septembre 2020.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 2 mars 2021, fondées sur les articles 1103, 1217 et suivants et 1320 du code civil, la société Studio des Gourmets demande à la cour de :

– dire son appel régularisé à l’encontre du jugement déféré, recevable et bien fondé,

– confirmer le jugement sur le point relatif à l’indivisibilité et l’interdépendance contractuelle,

– infirmer le jugement dont appel et statuer à nouveau de la manière suivante :

– constater que la société Cometik n’a jamais délivré un site internet conforme à ses attentes,

– constater que la société Cometik a commis des manquements graves aux motifs desquels elle est fondée à solliciter la résolution de l’ensemble contractuel,

en conséquence,

– prononcer la résolution de l’ensemble contractuel,

– débouter les sociétés Cometik et Locam de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

et,

– condamner solidairement la société Cometik et la société Locam à lui payer la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la première instance et de l’appel.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 7 avril 2021 fondées sur les articles 1103 et suivants et 1231-1 du code civil, la société Locam demande à la cour de :

– juger non fondé l’appel de la société Studio des Gourmets,

– la débouter de toutes ses demandes,

– juger fondé l’appel incident de la société Cometik,

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à tout le moins celles lui profitant,

– condamner la société Studio des Gourmets à lui régler une nouvelle indemnité de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la même en tous les dépens d’instance et d’appel.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 25 novembre 2020 fondées sur les articles 1103 et 1104 du code civil, la société Cometik demande à la cour de :

sur l’appel principal de la société Le Studio des Gourmets,

– rejeter l’appel principal formé par la société Le Studio des Gourmets contre le jugement déféré,

– débouter la société Le Studio des Gourmets de l’ensemble de ses demandes,

sur son appel incident,

– la recevoir en son appel incident contre le jugement déféré, en ce qu’il :

a constaté qu’elle a failli dans la parfaite exécution de son obligation de délivrance conforme,

l’a condamnée à payer à la société Studio des Gourmets la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

y faisant droit,

– infirmer le jugement entrepris,

le réformant,

– juger qu’elle a rempli ses obligations contractuelles,

– débouter la société Le Studio des Gourmets de toutes ses demandes,

– condamner la société Le Studio des Gourmets à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens de l’instance.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 4 mai 2021, les débats étant fixés au 27 septembre 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de préciser que n’est pas dévolu à la cour d’appel le chef du jugement ayant constaté l’interdépendance et l’indivisibilité des contrats conclus entre les trois parties. Cet élément est donc acquis.

Sur l’irrecevabilité des conclusions de la société Cometik

Il convient de relever que la société Cometik ne s’est pas acquittée du paiement du timbre fiscal prévu à l’article 1635 bis P du code général des impôts, alors qu’elle a été invitée à régulariser la situation, à peine d’irrecevabilité de sa défense, par deux avis du greffe en date des 7 août et 19 septembre 2023.

En conséquence, conformément à l’article 963 du code de procédure civile, ses conclusions d’appel sont déclarées irrecevables.

Sur la demande de résolution de l’ensemble contractuel

La société Studio des Gourmets fait valoir que :

– elle n’a pas régularisé le document intitulé ‘cahier des charges’ qui a manifestement été élaboré par la société seule Cometik et qui contient des erreurs grossières ;

– la société Cometik a réalisé un site internet qui ne correspondait pas à ses attentes qu’elle avait pourtant portées à la connaissance de celle-là à plusieurs reprises ; le site livré était inutilisable, incohérent et mensonger ; la fiche de paramétrage ne lui a pas été communiquée avant la présente procédure et elle ignorait qu’elle devait elle-même gérer son site internet, alors qu’elle a signé un contrat de licence d’exploitation ;

– le fait qu’elle ait signé le PV de livraison ne saurait soustraire la société Cometik à ses obligations, étant établi que le site internet n’était pas finalisé au 20 janvier 2017 ;

– compte tenu des nombreux manquements de la société Cometik, il conviendra de prononcer la résolution du du contrat d’exploitation et en conséquence la résolution du contrat de location financière.

La société Locam indique qu’elle s’associe aux moyens de fait et de droit soulevés par la société Cometik et fait observer, en tant que de besoin, qu’aucune faute d’exécution ne lui est imputable de sorte qu’en toute hypothèse, la résolution du contrat de location financière ne saurait être prononcée.

Sur ce,

Il est de jurisprudence constante qu’il résulte de l’article 1604 du code civil que l’obligation de délivrance de produits complexes n’est pleinement exécutée qu’une fois réalisée la mise au point effective de la chose vendue.

En l’espèce, le contrat de site internet conclu le 7 octobre 2016 entre la société Studio des gourmets et la société Cometik porte sur :

‘- création d’un site internent conformément au cahier des charges

– hébergement professionnel du site internet

– nom de domaine,

– e-mail(s) personnalisé(s) (max. 20)

– base de données produits

– outils statistiques

– référencement manuel sur les principaux moteurs de recherche et annuaires

– suivi de référencement

– modifications du site internet à la demande’

Il s’agit donc d’un produit complexe, de sorte que la signature du procès-verbal de livraison et de conformité, le 20 janvier 2017, n’interdit pas à la société Studio des Gourmets de contester l’exécution par la société Cometik de son obligation de délivrance.

Les échanges d’e-mails entre les parties établissent que le site proposé par la société Cometik ne correspondait pas aux attentes de la société Studio des Gourmets qui indiquait, dans un courriel du 24 février 2017, que le site ne correspondait ‘absolument pas à [son] image’ et qu’elle avait ‘besoin de faire ressortir avec force [sa] personnalité et [son] concept, invisible dans cette version du site’. Elle joignait une importante liste de modifications (sa pièce n° 6).

Or, il résulte des captures d’écran du site internet litigieux, prises le 17 mars, le 15 avril, et le 11 mai 2017, que peu de modifications ont été faites entre ces dates et que des pages apparaissaient encore avec la mention ‘contenue bientôt disponible’ (sic), pour un site prétendument livré le 20 janvier 2017, ce qui signifiait un site totalement achevé à cette date.

Par courriel du 29 mars 2017, la société Studio des Gourmets indiquait à la société Cometik que le site était ‘inutilisable’ et que deux mois s’étaient écoulés ‘depuis la livraison de ce site à 90 % incohérent, un autre depuis la remise des modifications profondes nécessaires à l’utilisation de cette interface’, l’amenant à envisager de mettre fin à leur collaboration.

Dans une lettre adressée le 15 avril suivant, la société Studio des Gourmets indiquait à la société Cometik que si des modifications ont été apportées au site, l’arborescence est ‘encore plus incohérente qu’au départ’ et que les descriptifs sont ‘irréalistes’ et ‘truffés d’erreurs d’orthographe, grammaire, ou syntaxe’, précisant que les visiteurs du site l’informait que celui-ci est ‘illisible, incompréhensible et vide’.

L’examen du cahier des charges produit par les parties révèle que celui-ci fait une présentation particulièrement sommaire du contenu prévu pour chaque page du site, aucune précision sur l’identité visuelle n’étant développée, à l’exception de la mention de deux sites de références (en l’espèce, ‘[T] et [E]’ et ‘Innocent’). Aucune indication ne figure s’agissant du contenu textuel ou encore photographique.

En outre, si sa première page est signée par la gérante de la société Studio des Gourmets, les autres pages n’apparaissent pas paraphées en dépit de cette mention requise en bas de page. Le cahier des charges mentionne également une section ‘événements’ avec la précision ‘de 1 à 400 personnes’, alors que la société Studio des gourmets, qui établit n’être composée que de deux personnes, conteste être en mesure de répondre à une telle demande.

Ce document, tel qu’établi par le professionnel qu’est la société Cometik, ne permet donc pas de considérer que cette dernière a créé un site conforme à la demande de la société Studio des Gourmets.

Dès lors, il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société Cometik a manqué à ses obligations de délivrance du site internet, justifiant la résolution du contrat de création du site internet signé le 7 octobre 2016.

Il s’en déduit que le contrat de licence d’exploitation du site internet et le contrat de location conclus le même jour, interdépendants du contrat de création du site comme l’ont retenu les premiers juges, sont, non pas résolus, mais caducs.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il constate que la société Cometik a failli dans la parfaite exécution de son obligation de délivrance conforme, mais il sera infirmé en toutes ses autres dispositions contestées.

Le contrat de location financière étant caduc, la société Locam est déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les sociétés Cometik et Locam succombant à l’instance, elles seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d’appel. Elles seront déboutées de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et seront condamnées, in solidum, à payer à la société Studio des Gourmets la somme de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, dans les limites de l’appel,

Déclare irrecevables les demandes de la société Cometik ;

Confirme le jugement en ce qu’il constate que la société Cometik a failli dans la parfaite exécution de son obligation de délivrance conforme ;

L’infirme en ses autres dispositions contestées et, statuant à nouveau sur ces chefs,

Prononce la résolution du contrat de création du site internet conclu le 7 octobre 2016 entre la société Studio des Gourmets et la société Cometik ;

Constate la caducité par voie de conséquence du contrat de licence d’exploitation du site internet conclu entre la société Studio des Gourmets et la société Cometik, et celle du contrat de location financière conclu entre la société Studio des Gourmets et la société LOCAM – Location Automobiles Matériels ;

Déboute la société LOCAM – Location Automobiles Matériels de l’ensemble de ses demandes ;

Condamne les sociétés Cometik et LOCAM – Location Automobiles Matériels, in solidum, aux dépens de première instance et d’appel.

Condamne les sociétés Cometik et LOCAM – Location Automobiles Matériels, in solidum, à payer à la société Studio des gourmets la somme de 2.000 euros (deux mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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