RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 10
ARRÊT DU 16 MAI 2022
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/15069 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCQUP
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juillet 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2018010020
APPELANTE
S.A.R.L. CHEZ FRANCO
Ayant son siège social 21 rue Ruhmkorff
75017 PARIS
N° SIRET : 321 438 251
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Bertrand BURMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1941
Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
INTIMEES
S.A.S. AXECIBLES
Ayant son siège social 87 rue du Molinel
59700 MARCQ EN BAROEUL
N° SIRET : 440 043 776 LILLE
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Michel APELBAUM de l’ASSOCIATION CABINET APELBAUM ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1826, substitué par Me David BACHALARD de l’ASSOCIATION CABINET APELBAUM ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : E1826
S.A.S. LOCAM LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS
Ayant son siège social 29 rue leon blum
42000 SAINT ETIENNE
N° SIRET : 310 880 315
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 14 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Sylvie CASTERMANS dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Sylvie MOLLÈ, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La sarl Chez Franco, restaurant de cuisine traditionnelle italienne, a conclu avec la sas Axecibles, créateur de sites internet deux contrats le 15 novembre 2016 portant sur :
– la mise en par la société Axecibles d’un site internet d’hébergement, de référencement, avec un forfait de mise en ligne et de formation,
– le financement par la Sas Locam de cette mise en place intitulé location de site web pour une durée ferme de 48 mois moyennant une redevance mensuelle de 350 euros HT.
Le 28 Novembre 2016, la société Chez Franco signe un procès-verbal de réception de site à la société Axecibles.
La société Axecibles a cédé ce contrat le même jour à la société Locam avec l’accord de la société Chez Franco.
Le 13 décembre 2016, une formation est dispensée à la société Chez Franco.
Le 20 décembre 2016, la société Chez Franco a signé le procès-verbal de livraison effectuée par la société Axecibles et de conformité avec pour indication de loueur la Sas Locam. Cette dernier règle alors à la société Axecibles oses prestations de 15.224,59 euros TTC, déclenchant le début des prélèvements mensuels par la société Locam à la société Chez Franco.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 juin 2017, la société Chez Franco a adressé une mise en demeure à la société Axecibles réclamant le remboursement des sommes versées et reprochant les conditions de signature des contrats, l’absence de référencement internet, de mise en ligne, et des dysfonctionnements de création du site.
Après avoir réglé 9 mensualités, la société Chez Franco, a refusé de régler à compter du 10 octobre 2017. La SAS Locam a alors résilié le contrat le 5 janvier 2018 et réclamé le paiement des sommes dues.
Par deux actes extrajudiciaires séparés des 20 et 31 janvier 2018, la société Chez Franco a assigné les sociétés Locam et Axecibles.
Par jugement du 1er juillet 2020, le tribunal de commerce de Paris a statué comme suit :
– Condamne la sarl Chez Franco exerçant sous l’enseigne Dacosta à régler à la Sas Locam – Location automobiles matériels la comme de 1.260 euros TTC (TVA comprise) et la somme de 12.600 euros non soumise à TVA, l’ensemble assorti d’intérêts calculés au taux légal majoré de 5 points plus taxes, à compter du 5 Janvier 2018.
– Condamne le Sarl Chez Franco exerçant sous l’enseigne Dacosta à régler à la Sas Locam – Location automobiles matériels la somme de 500 euros à titre de clause pénale.
– Déboute la Sas Locam location automobiles matériels de se demande de restitution du site internet.
– Dit les parties mal fondées pour leurs demandes plus amples ou autres, et les en déboute.
– Condamne la Sarl Chez Franco exerçant sous l’enseigne Dacosta aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 100,59 euros dont 16,55 euros de TVA.
-Condamne la Sarl Chez Franco exerçant sous l’enseigne Dacosta à régler la somme de 500 euros à la Sas Axecibles et 500 euros à la Sas Locam – Location automobiles matériels en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.
-Ordonne l’exécution provisoire sans caution du jugement à intervenir.
Par déclaration du 22 octobre 2022, la société Chez Franco a interjeté appel du jugement.
Par dernières conclusions signifiées le 19 juillet 2021, la société Chez Franco demande à la cour :
Vu les articles 1130, 1131, 1132, 1133, 1178 et 1186, alinéa 2 et 3 du code civil, 565 du code de procédure civile
Dire l’appel interjeté par la Sarl Chez Franco contre le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 01 juillet 2020 recevable et bien fondé ;
En conséquence,
– Infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;
Statuant à nouveau :
– Juger que le consentement de la Sarl Chez Franco a été vicié par l’erreur ;
– Prononcer la nullité du contrat conclu entre la Sarl Chez Franco et la société Axecibles le 15 novembre 2016 ;
– Prononcer par effet de contagion la caducité du contrat conclu entre la Sarl Chez Franco et la Sas Locam le 15 novembre 2016 ;
– Condamner in solidum les sociétés Axecibles et Locam à restituer à la société Chez Franco la totalité des sommes versées au titre des contrats conclus le 15 novembre 2016, soit la somme totale de 4.507,31 euros, avec intérêt au taux légal à compter du jour de chaque versement, se décomposant ainsi : 442, 80 euros (369 HT) encaissé le 29 décembre 2016, 284, 51 euros prélevé le 9 janvier 2017, 420 euros (350 HT) par mois à la société Locam, prélevés le 10 de chaque mois de janvier à septembre 2017, (donc 420 euros x 9 mois = 3 780 euros).
– Condamner les sociétés Axecibles et Locam à restituer les sommes versées par la Sarl Chez Franco en exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 01 juillet 2020, soit la somme de 6.193,22 euros par la société Locam et la somme de 500 euros par la société Axecibles.
– Ordonner à la Sas Axecibles de cesser la mise en ligne du site www.restaurant-da-franco.com sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
– Débouter les sociétés Axecibles et Locam de l’ensemble de leurs demandes en toutes fins qu’elles comportent ;
– Condamner in solidum les sociétés Axecibles et Locam à payer la somme de 5 000 euros à la société Chez Franco sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions signifiées le 20 avril 2021, la société Locam – Location automobiles matériels demande à la cour :
Vu les articles 1130 et 1186 du code civil
– Juger la société Locam recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions,
– Au contraire, juger la société Chez Franco mal fondée en toutes ses demandes, et l’en débouter,
En conséquence,
A titre principal
– Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire
– Condamner la société Chez Franco à payer à la société Locam la somme de 12.687,16 euros à titre de dommages et intérêts,
En tout état de cause
– Condamner la société Chez Franco à payer à la société Locam la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par dernières conclusions signifiées le 5 février 2022, la société Axecibles demande à la cour
Vu l’article 9 du code de procédure civile
– Juger la société Axecibles recevable et bien fondée en ses écritures ;
En conséquence,
– Déclarer la société Chez Franco irrecevable et mal fondée en ses demandes formées à l’encontre de la société Axecibles et l’en débouter ;
– Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions
Et y ajoutant,
– Condamner la société Chez Franco à verser à la société Axecibles la somme 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la société Chez Franco aux entiers dépens
SUR CE, LA COUR
Sur la nullité du contrat de prestation de services
La société Chez Franco fait valoir qu’en application des articles 1130, 1131 et 1132 du code civil, la nullité du contrat est encourue, lorsqu’il y a une erreur déterminante du consentement de l’un des contractants portant sur les qualités essentielles de la prestation convenue, cette erreur devant être excusable.
La société Axecibles réplique que le contrat d’abonnement, dûment signé par la société Chez Franco, met à la charge de l’abonné l’obligation de fournir les « contenus » nécessaires. L’exécution d’une telle obligation ne nécessite aucune compétence informatique. En outre, l’appelante a bénéficié de deux formations spécifiques dispensées par la société Axecibles. La société Chez Franco n’a pas été contrainte de signer le contrat dont les clauses sont claires et lisibles. La société Axecibles estime avoir exécuté ses obligations, le site internet créé et livré à la société Chez Franco correspond au cahier des charges défini entre les parties.
La société Locam – Location automobiles matériels soutient que la société Chez Franco avait reconnu la validité du contrat avant de solliciter sa nullité, de sorte que cette demande est irrecevable. Elle ajoute que les clauses du contrat sont claires et lisibles. La société Chez Franco, ayant assisté à deux sessions de formation dispensée par la société Axecibles, ne peut faire valoir un défaut de compétence informatique, elle n’avait rien d’autre à faire que de produire les photos et les textes. Elle est donc mal fondée à invoquer une erreur sur la prestation ou une inexécution du contrat en l’absence de faute imputable à la société Axecibles.
Ceci étant exposé,
La demande de nullité, tendant aux mêmes fins que celle soumise au premier juge, est recevable.
Au soutien de la nullité du contrat, la société Chez Franco invoque une erreur sur les qualités substantielles du contrat ayant vicié son consentement.
La société Chez Franco expose qu’elle a été convaincue qu’aucune action n’était requise de sa part et que l’ensemble des démarches nécessaires à la création du site internet serait intégralement pris en charge par la société Axecibles, et que la clause imposant des diligences à l’appelante était formulée dans une police particulièrement petite et peu lisible. Elle estime avoir commis une erreur sur la prestation, déterminante de son consentement, cette erreur étant excusable au regard de son âge et de sa qualité de profane.
Le contrat querellé a été conclu avec la société Axecibles le 15 novembre 2016. La société Axecibles étant le fournisseur du site internet. Le site a été mis en ligne par le prestataire. Le contrat indique qu’il offre la mise en place d’une solution internet globale permettant la présentation des produits et services.
Les dispositions du contrat d’abonnement signé par le gérant, précisent que la société Axecibles s’engage à mettre en place un site internet, à charge pour l’abonné de fournir les « contenus » nécessaires, en l’espèce les menus, descriptions des plats et leurs photos.
L’article 9 relatif aux obligation de l’abonné, stipule en son alinéa b, que :’ l’abonné s’engage à fournir les contenus nécessaires à la réalisation et au référencement de son site et que l’abonné déclare savoir que son site sera mise en ligne avec les informations fournies par lui’.
Contrairement à ce qui est allégué, les mentions rédigées à ce titre, sont claires et lisibles. Il appartenait à l’abonné d’ insérer ce qu’il souhaitait mettre en avant pour son activité. Il suffisait à la société Chez Franco d’ envoyer les menus, les descriptions des plats et leurs photos à la société Axecibles.
Il est par ailleurs établi que le gérant a réalisé le cahier des charges avec un conseiller de la société Axecibles. La société Chez Franco a ensuite signé le procès verbal de réception de son site internet et de conformité, sans émettre de réserve, ce qui fait présumer le bon accomplissement des prestations.
La société Chez Franco a, en outre bénéficié de deux formations, en dates des 13 décembre 2016 et 23 février 2017. Elle ne justifie ni d’une réclamation, ni de la manifestation d’une incompréhension.
Au vu de ces éléments, le fait que le gérant soit profane et n’ait aucune compétence informatique n’était pas un obstable à l’exécution du contrat, dès lors qu’il suffisait à la société Chez Franco d’envoyer des photos à la société Axecibles qui les aurait insérées sur le site.
De plus, les allégations de la société Chez Franco sont contredites, dans la mesure où elle n’a pas procédé à ces envois à la société Axecibles, mais elle est référencée sur les sites ‘Fork’ et ‘Tripadvisor,’ sur lesquels figurent des photos et les menus de ladite société. Dans ces conditions, le vice de consentement n’est aucunement démontré. Il s’ensuit que la demande de nullité du contrat de prestation sera rejetée.
Sur la caducité du contrat de location
Selon la société Chez Franco, « les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants », de sorte que la disparition du contrat dont l’exécution était une condition déterminante du consentement d’une partie entraîne la caducité de l’autre. Le contrat de location conclu entre la société Chez Franco et la société Locam étant interdépendant du contrat principal, la nullité du second entraîne la caducité du premier.
La société Locam – Location automobiles matériels réplique que l’appelante étant irrecevable et mal fondée à demander la nullité du contrat de prestation, la caducité du contrat de location ne saurait être encourue. La société Chez Franco, ayant réceptionné le site internet sans réserve, ne peut formuler une demande de résiliation. A titre subsidiaire, la signature du procès-verbal de livraison et de conformité en dépit de l’exécution imparfaite du contrat constitue une faute engageant la responsabilité de la société Chez Franco à l’égard de la société Locam.
Ceci étant exposé,
Il est incontestable que les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants et que la disparition du contrat dont l’exécution était une condition déterminante du consentement d’une partie entraîne la caducité de l’autre.
En l’espèce, il résulte de la solution adoptée, que la condition relative à la nullité du contrat principal de prestation n’est pas remplie, de sorte que la demande de caducité du contrat de location financière conclu avec la société Locam est infondée.
En l’absence de toute autre demande, il convient de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
La société Chez Franco, partie perdante, au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens.
Il paraît équitable d’allouer à chaque partie intimée à la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles qu’elle a respectivement exposés.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
REJETTE la demande de nullité du contrat de prestation ;
CONDAMNE la sarl Chez Franco aux dépens ;
CONDAMNE la sarl Chez Franco à régler la somme de 1 000 euros à la Sas Axecibles et 1000 euros à la Sas Locam – Location automobiles matériels au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
S.MOLLÉE.LOOS