22 décembre 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
23/05952
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 8
ARRÊT DU 22 DECEMBRE 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/05952 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHMD5
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Février 2023 -Tribunal de Commerce de CRETEIL – RG n° 2023R00059
APPELANTE
S.A.S.U. EOLE SERVICES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Bruno MOTILA de la SELEURL TROJMAN-MOTILA ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C1813, présent à l’audience
INTIMEE
S.A.S.U. DE LAGE LANDEN LEASING, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Gisèle COHEN AMZALLAG, avocat au barreau de PARIS, toque : B0342
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 novembre 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Florence LAGEMI, Présidente de chambre
Rachel LE COTTY, Conseillère
Patrick BIROLLEAU, magistrat honoraire
Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
La société Eole Services a conclu, le 15 février 2021, un contrat de location de matériel informatique avec la société De Lage Landen Leasing, d’une durée de 63 mois, moyennant un loyer trimestriel de 874 euros HT.
Les loyers n’ayant plus été réglés, la société De Lage Landen Leasing, s’étant prévalue de la résiliation du contrat, a fait assigner, par acte du 26 décembre 2022, la société Eole Services devant le juge des référés du tribunal de commerce de Créteil en paiement, à titre provisionnel, des loyers échus, de l’indemnité de résiliation et en restitution du matériel loué.
Par ordonnance réputée contradictoire du 15 février 2023, le premier juge a :
constaté à la date du 25 octobre 2022, la résiliation du contrat de location n° 85040131327, conclu entre les sociétés Eole Services et De Lage Landen Leasing ;
ordonné le paiement, par provision, par la société Eole Services à la société De Lage Landen Leasing de la somme de 13.459,60 euros au titre de l’indemnité de résiliation, avec les intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2022 ;
dit n’y avoir lieu à référé sur le surplus de la demande au principal ;
ordonné la restitution à la société De Lage Landen Leasing du matériel 1 RESOPOSTE (référence EUKLES) par la société Eole Services sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 8ème jour de la signification de l’ordonnance et ce pendant une durée de 8 jours ;
réservé la faculté de liquider l’astreinte ;
autorisé la société De Lage Landen Leasing, en l’absence de restitution du matériel, à appréhender le matériel en quelques lieux et quelques mains qu’il se trouve, au besoin avec le concours de la force publique ;
condamné la partie défenderesse au paiement de la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;
rejeté toutes les autres demandes.
Par déclaration en date du 27 mars 2023, la société Eole Services a relevé appel de cette décision en critiquant l’ensemble de ses chefs de dispositif.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 3 octobre 2023, la société Eole Services demande à la cour de :
la déclarer recevable et bien fondée en l’ensemble de ses prétentions ;
Statuant à nouveau,
infirmer la décision dont appel ;
débouter la société De Lage Landen Leasing de l’ensemble de ses demandes ;
A titre principal,
prononcer la nullité du contrat la liant à la société De Lage Landen Leasing ;
condamner la société intimée à lui payer la somme de 7.341,60 euros au titre des loyers trimestriels réglés à tort ;
la condamner au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour saisie attribution injustifiée ;
A titre subsidiaire,
constater la résiliation du contrat la liant à la société De Lage Landen Leasing ;
condamner la société intimée à lui payer la somme de 7.341,60 euros au titre des loyers trimestriels réglés à tort ;
la condamner au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour saisie attribution injustifiée ;
En tout état de cause,
la condamner à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par ordonnance du 20 septembre 2023, le conseiller désigné par le premier président a prononcé l’irrecevabilité des conclusions de la société De Lage Landen Leasing en application de l’article 905-2 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée le 6 octobre 2023.
Par arrêt du 10 novembre 2023, la cour a ordonné, sans révocation de l’ordonnance de clôture, la réouverture des débats et invité les parties à produire, avant le 20 novembre 2023, l’original du contrat de location conclu entre elles.
La société De Lage Landen Leasing a adressé, par message électronique et contradictoire du 20 novembre 2023, la copie du contrat et a fait parvenir l’original de celui-ci par lettre.
Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu’aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Selon l’article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de commerce, dans les limites de sa compétence, peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
Selon l’article 873 du même code, le président du tribunal de commerce dans les mêmes limites, peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En vertu de ces textes, il est possible, dans le cadre d’une procédure en référé, de constater la résiliation de plein droit d’un contrat de location en application d’une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement.
Au cas présent, la société Eole Services, qui ne conteste pas avoir signé avec la société De Lage Landen Leasing un contrat de location portant sur du matériel informatique, pour une durée de 63 mois et moyennant un loyer trimestriel de 874 euros HT, soutient que ce contrat serait nul au motif que ses conditions générales sont illisibles et qu’elle n’a pu avoir conscience de l’engagement qu’elle prenait. Elle précise que la société De Lage Landen Leasing souhaitait lui dissimuler une information déterminante de son consentement, à savoir les conditions de résiliation ou de dénonciation du contrat et que cette dissimulation volontaire constitue un dol, devant être relevé par la cour, qui doit donc annuler le contrat litigieux.
Il sera rappelé à titre liminaire qu’il n’entre pas dans les pouvoirs de la juridiction des référés d’annuler un contrat. En revanche, une contestation émise sur sa validité, à la supposer sérieuse, constitue un moyen de nature à faire obstacle à la demande présentée.
La société Eole Services ayant versé aux débats la photocopie du contrat litigieux dans un format totalement illisible ne permettant pas à la cour de statuer alors qu’il apparaît des motifs de l’ordonnance entreprise que le premier juge a pu lire la version du contrat produite par l’intimée, il a été produit, à la demande de la cour, l’original du contrat litigieux, signé par les parties, et une copie lisible de celui-ci.
Ce contrat, se présentant en une seule feuille, pliée en trois volets, comprend, au recto, ses conditions particulières et les signatures des parties, puis, au verso et à l’intérieur sur chacun des volets, les conditions générales.
Contrairement à ce que soutient l’appelante, les conditions générales sont rédigées en caractères parfaitement lisibles et, compte tenu de la présentation du contrat, ont nécessairement été approuvées par elle ainsi qu’en atteste sa signature apposée sous la mention ‘le signataire certifie expressément être dûment habilité pour signer le présent contrat et déclare avoir pris connaissance et accepter les conditions particulières du présent contrat, les principes généraux (conditions générales de location), (…)’.
Ainsi, aucune contestation sérieuse ne peut être opposée sur la validité du contrat.
La société Eole Services indique, à titre subsidiaire, avoir elle-même résilié le contrat par lettre du 26 février 2021, résiliation dont la société intimée n’a pas tenu compte, et sollicite en conséquence de cette résiliation, la restitution des loyers payés, soit la somme de 7.341,60 euros TTC.
Cependant, la société Eole Service ne justifie d’aucune lettre de résiliation qu’elle aurait adressée le 26 février 2021 au bailleur, soit quelques jours après la conclusion du contrat ni d’aucune intention de résilier celui-ci alors qu’elle a procédé au paiement des premiers loyers et conservé le matériel loué.
Aux termes de l’article 11 des conditions générales du contrat ‘en cas de non-paiement à l’échéance d’un seul terme de loyer ou en cas de non-exécution par le locataire d’une seule des conditions générales ou particulières du présent contrat, ce dernier ainsi, ainsi que tous les autres contrats conclus antérieurement ou postérieurement avec le bailleur, pourront être résiliés de plein droit par le bailleur sans qu’il ait besoin de remplir aucune formalité judiciaire, huit jours après simple mise en demeure au locataire demeurée sans effet d’avoir à exécuter ses obligations contractuelles (…)’.
La société Eole Services ne conteste pas avoir cessé de régler les loyers ni avoir reçu une mise en demeure d’exécuter son obligation de paiement le 26 septembre 2022 ainsi qu’une mise en demeure en date du 25 octobre 2022 l’avisant de la résiliation du contrat ainsi qu’il résulte des motifs de l’ordonnance entreprise non discutés sur ce point.
C’est donc par une exacte appréciation des faits qui lui ont été soumis que le premier juge a constaté la résiliation du contrat de location à la date du 25 octobre 2022.
Selon l’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence d’une obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut être accordé une provision au créancier, ou ordonné l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
L’article 11.3 des conditions générales dispose que ‘outre l’obligation de restituer immédiatement le matériel au bailleur dans les conditions définies à l’article 14 des principes généraux, la résiliation du contrat entraîne pour le locataire l’obligation de payer immédiatement au bailleur, sans mise en demeure préalable :
– i) les loyers échus et impayés au jour de la résiliation, ainsi que les intérêts de retard contractuellement stipulés et les accessoires,
– ii) une indemnité en réparation du préjudice subi égale :
– à la somme des loyers restant à courir à la date de la résiliation jusqu’au terme initialement prévu du contrat, majoré du montant de l’option d’achat mentionné aux conditions particulières,
– augmentée d’une pénalité pour inexécution du contrat égale à 10 % (dix pour cent) du montant hors taxe des loyers restant à courir avec un minimum de 250 euros HT.’
Le premier juge a alloué à la société De Lage Landen Leasing une provision d’un montant de 13.459,60 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 octobre 2022, au titre de l’indemnité de résiliation contractuellement prévue.
La société Eole Services n’a formulé aucune observation sur cette indemnité et l’application de la clause susvisée, qui s’analyse en une clause pénale.
Le paiement d’une indemnité due au titre de la clause pénale n’est que l’exécution d’une clause librement acceptée qui vise à sanctionner le manquement d’une partie à ses obligations contractuelles. Si le juge des référés ne peut modérer la clause pénale, il peut accorder une provision à valoir sur le montant non contestable de cette clause, qui n’a d’autre limite que le montant prévu au contrat.
Ainsi, c’est par une exacte application du contrat que le premier juge a fixé la provision à valoir sur l’indemnité de résiliation à la somme de 13.459,60 euros.
C’est encore à raison que l’ordonnance entreprise a ordonné, sous astreinte, la restitution du matériel loué que la société appelante a conservé en dépit de la résiliation du contrat intervenue depuis plus d’un an.
La société Eole Services sollicite la condamnation de la société De Lage Landen Leasing au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice financier qu’elle lui aurait causé en pratiquant une saisie-attribution sur ses comptes bancaires.
Il sera rappelé qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge statuant en référé d’octroyer des dommages et intérêts ; seule une provision à valoir sur la réparation d’un préjudice établi de manière évidente est susceptible d’être allouée.
Or, ne sont démontrés avec l’évidence requise en référé ni le préjudice invoqué ni la faute qu’aurait commise par la société De Lage Landen Leasing de sorte que la demande de la société Eole Services ne peut être que rejetée.
Le sort des dépens de première instance et l’application de l’article 700 du code de procédure civile, ont été exactement appréciés par le premier juge.
Succombant en ses prétentions, la société Eole Services sera condamnée aux dépens d’appel sans pouvoir prétendre à une indemnité sur le fondement du texte susvisé.
Il n’y a pas lieu de statuer sur l’exécution provisoire, le pourvoi susceptible d’être formé contre le présent arrêt n’étant pas suspensif d’exécution.
PAR CES MOTIFS
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Rejette l’intégralité des demandes de la société Eole Services tendant à la nullité du contrat, à la restitution des loyers payés et au paiement de dommages et intérêts et d’une indemnité procédurale ;
Condamne la société Eole Services aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT