Location de matériel : 9 septembre 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/06274

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Location de matériel : 9 septembre 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/06274
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9 septembre 2022
Cour d’appel de Rennes
RG n°
19/06274

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°376

N° RG 19/06274 –

N° Portalis DBVL-V-B7D-QDPW

M. [Z] [W]

C/

Société WIRELESS SEISMIC EUROPE

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 13 Mai 2022

devant Monsieur Philippe BELLOIR, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [K] [H], Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT et intimé à titre incident :

Monsieur [Z] [W]

né le 21 Février 1970 à [Localité 5] (13)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Marie BIGOT de la SCP GODARD-DUMONT-BIGOT, Avocat au Barreau de NANTES

INTIMÉE et appelante à titre incident :

La Société de droit étranger WIRELESS SEISMIC EUROPE prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4] – ROYAUME-UNI

Représentée par Me Camille SUDRON substituant à l’audience Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Avocats postulants du Barreau de RENNES et par Me Yoel BENDAVID substituant à l’audience Me Katell DENIEL ALLIOUX de l’AARPI DENTONS EUROPE, Avocats plaidants du Barreau de PARIS

M. [Z] [W] a été embauché en contrat à durée indéterminée par la Société WIRELESS SEISMIC EUROPE (société de droit anglais) le 1er juin 2013 en qualité de Directeur des ventes statut cadre, échelon 3.

Le 20 janvier 2017, il s’est vu remettre une note d’information sur les motifs économiques conduisant à envisager la suppression de son poste ainsi que la documentation relative au contrat de sécurisation professionnelle.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 20 janvier 2017, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable fixé initialement au 31 janvier 2017 puis repoussé au 2 février 2017.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 28 février 2017, M. [W] s’est vu notifier son licenciement pour motif économique.

Le 20 février 2018, M. [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes aux fins de :

‘ Condamner la société WIRELESS SEISMIC EUROPE au paiement des sommes suivantes avec intérêts de droit et capitalisation :

– 248,89 € net au titre du reliquat d’indemnité de licenciement,

– 17.100,82 € brut au titre des heures supplémentaires,

– 1.710,08 € brut au titre des congés payés afférents,

– 1.840 € brut au titre des commissions pour l’équipement loué au Maroc,

– 184 € brut au titre des congés payés afférents,

– 22.220 € net à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté,

– 4.460 € net à titre de remboursement des frais d’annulation des vacances d’été 2016,

– 33.330 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 33.330 € brut à titre d’indemnité de préavis,

– 3.333 € brut au titre des congés payés afférents,

– 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La cour est saisie d’un appel formé le 17 septembre 2019 par M. [W] à l’encontre du jugement du 24 juillet 2019, par lequel le conseil de prud’hommes de Nantes a :

‘ Dit que son licenciement pour motif économique reposait sur une cause réelle et sérieuse,

‘ Condamné la société WIRELESS SEISMIC EUROPE à lui payer la somme de 248,89€ brut au titre du reliquat de l’indemnité de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 2018 et capitalisation,

‘ Rappelé qu’en application de l’article R.1454-28 du code du travail, l’exécution provisoire du jugement était de droit, le salaire mensuel moyen de référence étant fixé à 11.572,71 € brut,

‘ Débouté M. [W] du surplus de ses demandes,

‘ Débouté la société WIRELESS SEISMIC EUROPE de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Condamné la société WIRELESS SEISMIC EUROPE aux dépens éventuels.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 19 avril 2022, suivant lesquelles M. [W] demande à la cour de :

‘ L’accueillir en son appel du jugement entrepris,

‘ Confirmer le jugement entrepris au titre de la condamnation prononcée,

‘ Réformer le jugement entrepris sur toutes les autres demandes ayant débouté M. [W],

Statuant à nouveau,

‘ Dire que la société WIRELESS SEISMIC EUROPE a manqué à son obligation de loyauté,

‘ Dire le licenciement pour motif économique est dénué de cause réelle et sérieuse,

‘ Condamner la société WIRELESS SEISMIC EUROPE au paiement des sommes suivantes, avec intérêts de droit et capitalisation :

– 17.100,82 € brut au titre des heures supplémentaires,

– 1.710,08 € brut au titre des congés payés afférents,

– 1.840 € brut au titre des commissions pour l’équipement loué au Maroc,

– 184 € brut au titre des congés payés afférents,

– 22.220 € net à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté,

– 4.460 € net à titre de remboursement des frais d’annulation des vacances d’été 2016,

– subsidiairement, 1.350 € net à titre de remboursement des frais d’annulation des vacances d’été 2016,

– 33.330 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 33.330 € brut à titre d’indemnité de préavis,

– 3.333 € brut au titre des congés payés afférents,

– 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance,

– 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’appel,

‘ Débouter la société WIRELESS SEISMIC EUROPE de toutes ses demandes,

‘ Fixer la moyenne mensuelle des salaires à la somme de 11.152,71 € brut et le préciser dans la décision à intervenir pour le bénéfice de l’exécution provisoire de droit,

‘ Condamner la société WIRELESS SEISMIC EUROPE aux entiers dépens de l’instance.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 6 mars 2020, suivant lesquelles la société WIRELESS SEISMIC EUROPE demande à la cour de :

‘ Déclarer M. [W] irrecevable en son appel et en tout cas non fondé en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, l’en débouter,

‘ La recevoir en son appel incident et en ses contestations et demandes, l’y déclarer fondée et y faire droit,

‘ Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Dit que le licenciement pour motif économique de M. [W] reposait sur une cause réelle et sérieuse,

– Débouté M. [W] du surplus de ses demandes,

‘ Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Condamné la société WIRELESS SEISMIC EUROPE à payer à M. [W] la somme de 248,89 € brut au titre du reliquat de l’indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal et capitalisation,

– Débouté la société WIRELESS SEISMIC EUROPE de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné la société WIRELESS SEISMIC EUROPE aux dépens éventuels,

‘ Débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes,

‘ Rejeter toutes prétentions contraires, comme irrecevables et en tout cas non fondées,

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire la cour considérerait qu’il y a lieu de rembourser les congés de M. [W],

‘ Réduire le quantum à 1.350,50 €,

En toute hypothèse,

‘ Débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes et rejetant toutes prétentions contraires, comme irrecevables et en tout cas non fondées,

‘ Condamner M. [W] à verser à la société WIRELESS SEISMIC EUROPE la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la présente instance avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 28 avril 2022.

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’exécution du contrat de travail

Sur les heures supplémentaires

Pour infirmation à ce titre, M. [W] soutient que compte tenu de ses nombreux déplacements à l’étranger, il bénéficiait tous les ans de jours générés par les droits à récupération suite à ces déplacements.

Pour confirmation, la société WIRELESS SEISMIC EUROPE soutient essentiellement que M. [W] a été rémunéré de ses heures supplémentaires, qu’aucune heure supplémentaire n’a été demandée par l’employeur au salarié et que les pièces produites par celui-ci ne sont pas probantes.

Selon l’article L. 3121-10 du Code du Travail, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaines civile ; l’article L. 3121-22 énonce que les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l’article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des huit premières heures supplémentaires, les heures suivantes donnant lieu à une majoration de 50 %.

Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir un taux de majoration différent qui ne peut être inférieur à 10%.

En application de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, l’article 5 du contrat de travail de M. [W] indique que la durée du travail est fixée à 169 heures par mois, comprenant 151,67 d’heures normales et 17,33 heures supplémentaires.

Il est précisé que le salarié pourra être éventuellement amené à effectuer des heures supplémentaires au-delà de la durée mensuelle convenue de 169 heures par mois, à la demande expresse de la société.

Pour justifier du nombre d’heures supplémentaires effectuées entre les années 2014 et 2016, M. [W] a versé aux débats :

– les attestations fiscales 2014 et 2015, établies par l’employeur, pour ses déplacements effectués à l’étranger au cours de ces deux années (pièce n°33) ;

– trois tableaux visant les années 2014, 2015 et 2016, sur lesquels il indique avoir travaillé lors de jours de déplacements à l’étranger justifiant qu’il bénéficie de 46 jours récupérables sur ces trois années pour heures supplémentaires (pièce n°27).

Ces pièces sont contredites par celles remises par la société intimée (pièce n°2 les bulletins de paie) qui montrent qu’elle a toujours payé les heures supplémentaires réalisées par M. [W] puisqu’il était chaque mois rémunéré pour la réalisation de 17,33 heures supplémentaires majorées à 125%, de sorte qu’il percevait 1.041,37 € bruts mensuels de plus à ce titre.

Les éléments ainsi présentés par M. [W] qui n’avait formé aucune observation relative à ses horaires de travail tout au long des trois années sont donc insuffisamment précis pour déterminer a posteriori l’existence d’heures supplémentaires effectuées et non rémunérées sur la période considérée.

Au vu de l’ensemble des éléments apportés par les parties, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [W] de cette demande.

Sur les rappels de commissions de vente

L’article 6-2 du contrat de travail de M. [W] prévoit une part variable de rémunération dans le cadre d’un ‘plan de commissions des ventes’ (pièce n°2 du salarié).

Ce plan de commissions des ventes effectif du 01 janvier 2016 au 31 décembre 2016 a été signé des parties (pièce n°28 du salarié) et mentionne que M. [W] percevra des commissions sur ‘les ventes basée sur les revenus générés par les ventes de systèmes RT2 et les services associés fournis par WSI à des tierces parties clientes’.

M. [W] justifie, sans que cela soit contesté par l’employeur, avoir effectué une location de matériel professionnel à un client au Maroc dans le cadre de ses fonctions.

Toutefois, c’est à juste titre que le conseil des prud’hommes a relevé que l’article 7 du plan des commissions des ventes faisait expressément état dans les produits et services soumis à commissionnement la vente de systèmes d’équipements et de services à l’exclusion de la location.

Il n’y a donc pas lieu à rembourser le salarié pour cette location de matériel.

Il s’ensuit que le jugement sera confirmé à ce titre.

Sur le manquement à l’obligation de loyauté

Pour infirmation à ce titre, M. [W] soutient que l’employeur a commis à plusieurs reprises des manquements à son obligation de loyauté dans l’exécution du contrat de travail notamment :

– annuler ses congés au cours de l’été 2016 ;

– l’accumulation d’erreur dans le traitement administratif de son dossier et plus précisément au titre de son contrat de sécurisation professionnelle (CSP) et remise de l’attestation Pôle Emploi.

Pour confirmation, l’employeur argue essentiellement que M. [W] a fait le choix personnel de mettre fin à ses congés au mois d’août 2016. Elle ajoute que la rupture du contrat de travail de M. [W] a été réalisée dans les meilleures conditions possibles, compte tenu des contraintes liées à l’éloignement géographique et qu’aucun fait qui lui serait imputable n’est de nature à caractériser sa mauvaise foi.

En application des dispositions de l’article L. 1222-1 du Code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l’exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l’invoque.

S’agissant de la suppression des congés au cours de l’été 2016, il sera relevé que l’employeur n’a jamais contraint ou donné l’ordre à M. [W] d’écourter son séjour au contraire il ressort du dossier que c’est par une décision unilatérale que M. [W] a décidé de mettre un terme à celui-ci afin de participer à une négociation avec un client en Serbie puisque dans son courriel du 18 août 2016 (pièce n°34 de l’employeur), adressé à son employeur, il précise ‘je suis prêt à raccourcir mes vacances la semaine prochaine pour venir si nécessaire. Et dans son courriel en réponse le 18 août, l’employeur ne lui indique pas que sa présence est nécessaire (pièce 35 de l’employeur). Ce choix personnel de M. [W] exclut tout manquement de la part de l’employeur à son obligation de loyauté.

S’agissant du manquement lié au traitement du dossier de M. [W], la cour relève que ce dernier n’explique pas en quoi la documentation du CSP qui lui a été remise était erronée et s’abstient de démontrer le préjudice qui en aurait résulté pour lui. Par ailleurs, force est de constater que le délai d’un mois nécessaire pour la communication de l’attestation Pôle emploi est un délai raisonnable.

Au vu de ces éléments, la Société WIRELESS SEISMIC EUROPE n’a pas manqué à son obligation de loyauté.

Sur la rupture du contrat de travail

Le salarié fait valoir pour infirmation que l’employeur n’a pas respecté son obligation de reclassement dans le cadre de la procédure de licenciement pour motif économique ; il a expressément fait part à son employeur de sa volonté d’être reclassé au sein d’une entreprise du groupe se trouvant aux Etats-Unis ; l’employeur ne lui a pas proposé d’offres en ce sens et s’est contenté de lui répondre par mail qu’il n’y avait pas de poste disponible sur le secteur de reclassement ; il soutient que le licenciement se trouve dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L’employeur soutient qu’il a respecté son obligation de reclassement puisqu’il n’a pas identifié de poste de reclassement disponible correspondant au souhait et au profil du salarié.

Aux termes de l’article L.1233-3 du code du travail en sa rédaction résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou à la cessation d’activité de l’entreprise.

Selon l’article L.1233-4 du code du travail en sa rédaction applicable au litige résultant de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 :

‘Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie.

Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.’

Il appartient ainsi à l’employeur de justifier qu’il a recherché toutes les possibilités de reclassement existantes ou qu’un reclassement était impossible, et lorsque une entreprise fait partie d’un groupe, les possibilités de reclassement doivent, comme les difficultés économiques, s’apprécier tant au sein de la société qu’au sein des autres sociétés du groupe exerçant dans le même secteur d’activité.

Selon l’article L.1233-16 du code du travail en sa rédaction en vigueur à la date de la rupture du contrat de travail, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit énoncer non seulement les difficultés économiques, mutations technologiques ou la réorganisation de l’entreprise, mais également les incidences de ces éléments sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié et les indications relatives aux recherches de reclassement effectuées et à l’impossibilité qui en découle.

En l’espèce, la lettre du 28 février 2017 (pièce n°18 du salarié) est ainsi rédigée :

‘Nous vous avons informé lors de notre entretien préalable du 2 février 2017 que nous étions amenés à envisager à votre encontre une mesure de licenciement pour motif économique et nous vous avions adressé en vue de cet entretien, par lettre recommandée avec accusé de réception et Chronopost, une note vous exposant les raisons économiques de cette mesure ainsi que le dossier de CSP.

Par email en date du 24 février 2017, nous vous avons informé que nous n’avions pas identifié de solution de reclassement à vous proposer malgré nos recherches.

Vous aviez jusqu’au 28 février pour accepter ou refuser le CSP’.

Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient.

Il revient à l’employeur de justifier qu’il a recherché toutes les possibilités de reclassement existantes ou qu’un reclassement était impossible.

En l’espèce, M. [W] expose sans être contredit que la société WIRELESS SEISMIC EUROPE appartient à un groupe avec différentes entités aux Etats-Unis.

Or la lettre de licenciement ne fait nulle mention d’une quelconque tentative de reclassement de M. [W].

La société WIRELESS SEISMIC EUROPE verse aux débats seulement un courrier, sans justificatif d’envoi, qu’elle aurait adressé le 17 février 2017 à la société WSI basée aux Etats Unis (pièce n°15 de l’employeur) avec un cv de 2012 de M. [W] auquel une réponse négative était apportée toujours par un courrier sans justificatif de réception le 22 février 2017 (pièce n°16 16 de l’employeur).

La cour observe que l’employeur n’a pas sollicité de M. [W] un cv actualisé afin d’accomplir une recherche loyale et sérieuse.

Cet unique élément est insuffisant pour considérer que la société aurait bien donné à M. [W] la liste de tous les postes disponibles et lui aurait donné les moyens de se positionner sur tous les postes pour lesquels son reclassement était envisageable, alors que ni la lettre de licenciement, ni aucune des pièces versées aux débats n’apportent la moindre information concrète sur le traitement effectif de la situation individuelle de M. [W] par l’employeur, hormis le refus de lui attribuer un poste pour lequel il avait manifesté son intérêt, de sorte que ce dernier n’a pas justifié avoir recherché toutes les possibilités de reclassement existantes ou qu’un reclassement du salarié était impossible.

Le manquement par l’employeur à son obligation de reclassement préalable au licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse et ouvre droit, au profit du salarié, au paiement de dommages-intérêts.

Le jugement entrepris sera donc infirmé.

Par application de l’article L.1235-3 du code du travail selon sa rédaction applicable au présent litige, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Ces dispositions sont applicables en raison de l’ancienneté de 3 ans et 8 mois d’ancienneté de M. [W] dans la société, qui comptait plus de dix salariés.

Au vu des pièces versées, le salaire brut à prendre en considération s’élève à 11.152,71 € par mois.

Agé de 47 ans à la date du licenciement, M. [W] s’est trouvé sans emploi pendant une période brève en raison des missions de portage salarial accomplies et sur la période du 1er mars 2017 au 31 janvier 2018, il a été indemnisé 289 jours d’un montant brut journalier de 242,63 €, soit environ 6.374,55 € par mois. Compte tenu du salaire de référence retenu et des conséquences morales et financières, pour le salarié, de la rupture du contrat intervenue dans les circonstances rapportées, une indemnité de 35.000 € doit lui être allouée au visa de l’article L.1235-3 du code du travail.

En l’absence de motif économique du licenciement, le CSP devient sans cause, de sorte que l’employeur est alors tenu à l’obligation du préavis et des congés payés y afférents. Les demandes de M. [W] en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, sont fondées, dans la limite de la demande, à hauteur de 3 mois de salaire.

Enfin, M. [W] ayant été rempli de ses droits, il sera débouté de sa demande de reliquat d’indemnité légale de licenciement à hauteur de 248,89 €.

Sur la capitalisation des intérêts

En application de l’article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu’elle est régulièrement demandée ; il sera donc également fait droit à cette demande du salarié.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Aux termes de l’article L. 1233-69 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, l’employeur contribue au financement du contrat de sécurisation professionnelle par un versement représentatif de l’indemnité compensatrice de préavis, dans la limite de trois mois de salaire majoré de l’ensemble des cotisations et contributions obligatoires afférentes.

Il résulte de ces textes qu’en l’absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle devenant sans cause, l’employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, sous déduction de la contribution prévue à l’article L. 1233-69 du code du travail.

Sur ce fondement, il y a lieu de condamner la société WIRELESS SEISMIC EUROPE à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées à M. [W] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de trois mois d’indemnités, sous déduction de la contribution prévue à l’article L. 1233-69 du code du travail.

Sur les frais irrépétibles

Par suite du principal, la société WIRELESS SEISMIC EUROPE doit être déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à indemniser le salarié des frais qu’il a dû exposer en première instance et en cause d’appel, dans les conditions fixées au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

DIT le licenciement de M. [Z] [W] sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société WIRELESS SEISMIC EUROPE à payer à M. [Z] [W]:

– 33.330 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 3.333 € brut au titre des congés payés afférents,

– 35.000 € net de dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L.1235-3 du code du travail,

CONDAMNE la société WIRELESS SEISMIC EUROPE à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées à M. [Z] [W] à compter de la rupture du contrat, dans la limite de trois mois d’indemnités, sous déduction de la contribution prévue à l’article L1233-69 du code du travail ;

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

CONFIRME pour le surplus les jugements entrepris,

Et y ajoutant,

CONDAMNE la société WIRELESS SEISMIC EUROPE à payer à M. [Z] [W] la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance et d’appel ;

DÉBOUTE la société WIRELESS SEISMIC EUROPE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société WIRELESS SEISMIC EUROPE aux dépens d’appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.

 


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