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9 juin 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
21/09227
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT AU FOND
DU 09 JUIN 2022
N° 2022/
CM/FP-D
Rôle N° RG 21/09227 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHVKK
[G] [P]
C/
S.A.S. BLUE DREAMS
S.E.L.A.R.L. [M] [H] &ASSOCIES
S.E.L.A.R.L. [K] ET ASSOCIES
Association UNEDIC, DÉLÉGATION AGS, CGEA DE [Localité 6]
Copie exécutoire délivrée
le :
09 JUIN 2022
à :
Me Nicolas HENNEQUIN, avocat au barreau de GRASSE
Me Nathalie KOULMANN, avocat au barreau de NICE
Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 03 Juin 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 19/00274.
APPELANT
Monsieur [G] [P], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Nicolas HENNEQUIN, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEES
S.A.S. BLUE DREAMS, demeurant [Adresse 3] / FRANCE
représentée par Me Nathalie KOULMANN, avocat au barreau de NICE substitué par Me Caroline MACHAUX, avocat au barreau de NICE
S.E.L.A.R.L. [M] [H] &ASSOCIES es qualité d’administrateur judiciaire de la société « BLUE DREAMS »,demeurant [Adresse 1] / FRANCE
représentée par Me Nathalie KOULMANN, avocat au barreau de NICE substitué par Me Caroline MACHAUX, avocat au barreau de NICE
S.E.L.A.R.L. [K] ET ASSOCIES es qualité de mandataire judiciaire et commissaire à l’exécution du plan de la société BLUE DREAMS, demeurant [Adresse 4] / FRANCE
représentée par Me Nathalie KOULMANN, avocat au barreau de NICE substitué par Me Caroline MACHAUX, avocat au barreau de NICE
Association UNEDIC, DÉLÉGATION AGS, CGEA DE [Localité 6]
demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine MAILHES, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2022.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2022
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Prétendant avoir fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse de la part de son employeur la société Blue Dream, M. [P] a le 29 mars 2019, saisi le conseil de prud’hommes de Nice aux fins de voir dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société à lui verser des sommes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés, au titre de l’indemnité de licenciement, au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre de voir ordonner sous astreinte la remise de l’attestation pôle emploi, de dire que les créances salariales porteront intérêt à compter de la saisine du conseil de prud’hommes.
Le 13 février 2020, la société a fait l’objet d’un jugement de redressement judiciaire.
La Selarl [K] & associés en qualité de mandataire judiciaire, Maître [M] [H] en qualité d’administrateur judiciaire outre l’Ags- CGEA délégation régionale AGS du sud-est sont intervenus à la cause.
M. [P] a alors demandé que ces sommes soient fixées au passif de la société Blue Dream et que le jugement soit déclaré opposable aux AGS.
La société Blue Dream, la Selarl [K] & associés ès qualités et Me [H] ès qualités ont soulevé l’incompétence du conseil de prud’hommes et l’Ags s’en est rapportée aux écritures de la société aux fins de contester la qualité de salarié de M. [P].
Par jugement du 3 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Nice :
a dit que l’existence d’un contrat de travail entre M. [P] et la société Blue Dream n’est pas caractérisée,
s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Nice,
dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
Selon déclaration électronique de son avocat du 21 juin 2021, à laquelle étaient jointes des conclusions d’appel, M. [P] a interjeté appel du jugement aux fins de réformation du jugement statuant exclusivement sur la compétence, en ce qu’il a jugé que l’existence d’un contrat de travail entre M. [P] et la société Blue Dream n’est pas caractérisée et en ce qu’il s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Nice et en ce qu’il a dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens, l’appelant indiquant se fonder sur les articles L.1411-1 du code du travail et 83 et suivants du code de procédure civile, présentant à titre de motivation ses demandes devant la cour et énumérant les pièces au soutien de celles-ci.
Son avocat a, le 22 juin 2021 saisi le premier président de la cour d’une demande d’autorisation pour assigner à jour fixe.
Par ordonnance du 28 juin 2021, M. [P] a été autorisé à assigner à jour fixe pour le 8 novembre 2021.
Selon actes d’huissier délivrés le 22 juillet 2021 au responsable, personne habilitée à recevoir l’acte pour l’Ags cgea de [Localité 6], le 26 juillet 2021 au président de la société Blue Dream, le 26 juillet 2021 à la secrétaire habilitée de la Selarl [K] & associés et le 26 juillet 2021 à M. [Y], collaborateur de la Selarl [M] [H] & associés, habilité à recevoir l’acte, la société Blue Dream, la Selarl [M] [H] & associés ès qualités et la Selarl [K] & associés ès qualités ont été régulièrement assignées pour l’audience fixée au 8 novembre 2021 avec signification de la copie de la déclaration d’appel du 21 juin 2021, de la requête du 22 juin 2021 et de l’ordonnance du 28 juin 2021.
Par jugement du 29 juillet 2021, le tribunal de commerce de Nice a arrêté le plan de redressement de la société Blue Dream et a désigné Me [K] en qualité de commissaire à l’exécution du plan.
Le 8 novembre 2021, l’affaire a été renvoyée contradictoirement au 21 mars 2022.
Aux termes de ses derniers conclusions remises au greffe de la cour le 5 novembre 2021, M. [P] demande à la cour de :
à titre liminaire,
statuer ce que de droit sur la demande de mise hors de cause de la Selarl [M] [H] & associés,
à titre principal,
réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Nice statuant exclusivement sur la compétence en ce qu’il a jugé que l’existence d’un contrat de travail entre M. [P] et la société Blue Dream n’était pas caractérisée et en ce qu’il s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce et dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;
en conséquence
débouter les parties intimées de leurs demandes, fins et conclusions,
statuant à nouveau,
juger que le conseil de prud’hommes de Nice était compétent pour connaître des demandes formulées à l’encontre de la société Blue Dream,
renvoyer l’affaire devant la section encadrement près le conseil de prud’hommes de Nice,
fixer au passif de la société Blue Dream la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Selon leurs dernières conclusions remises au greffe de la cour le 28 février 2022, la société Blue Dream, la Selarl [M] [H] & associés en qualité d’administrateur judiciaire de la société Blue Dream et la SCP Taddei ‘ [K] en qualité de commissaire à l’exécution du plan et mandataire judiciaire de la société Blue Dream demandent à la cour de :
confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nice du 3 juin 2021 en ce qu’il s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Nice,
au surplus,
déclarer la mise hors de cause de Maître [E] ‘ [M] [H], ancien administrateur judiciaire de la société Blue Dream,
condamner M. [P] à verser à la société Blue Dream la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner M. [P] aux entiers dépens.
Par conclusions remises au greffe de la cour le 21 octobre 2021, l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 6] (l’Ags) demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud’hommes de Nice s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Nice et de :
à titre principal,
juger que M. [P] n’avait pas la qualité de salarié,
se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Nice,
débouter M. [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
en conséquence,
prononcer sa mise hors de cause en l’absence de créance salariale sur le fondement de l’article L. 3253 ‘ 8 du code du travail,
à titre subsidiaire,
juger légitime le licenciement pour faute grave notifié à M. [P],
juger non fondées dans leur principe et injustifiées dans leur montant les demandes de M. [P],
débouter M. [P] de l’ensemble de ses demandes,
à titre infiniment subsidiaire,
limiter la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 13’128,84 euros en l’absence de toute démonstration d’un préjudice,
débouter M. [P] de ses plus amples demandes, fins et conclusions,
en tout état de cause,
juger que les sommes suivantes ne sont pas garanties : 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et 150 euros au titre de l’astreinte journalière ;
juger qu’aucune condamnation ne peut être prononcée à l’encontre du CGEA et que la décision à intervenir ne peut tendre qu’à la fixation d’une éventuelle créance en deniers ou quittances,
juger que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évaluée le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par mandataire judiciaire, et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement,
juger que la décision à intervenir sera opposable au CGEA dans les limites de la garantie légale et réglementaire et qu’il ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253 ‘ 6 et L. 3253 ‘ 8 du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions légales et réglementaires.
L’affaire a été évoquée à l’audience du 21 mars 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la mise hors de cause de Me [H]
Aux termes du jugement du tribunal de commerce de Nice du 29 juillet 2021, la selarl [M] [H] & associés prise en la personne de Me [H] en qualité d’administrateur judiciaire a vu sa mission maintenue à l’effet de procéder au licenciement économique d’un salarié au poste de secrétaire commerciale de la catégorie employée jusqu’à la notification du licenciement économique, celle-ci cessant de plein droit à compter de ce fait.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 17 août 2021, le licenciement a été notifié au salarié concerné, en sorte que la mission de l’administrateur est terminée et qu’il sera mis hors de cause.
Sur l’existence d’un contrat de travail
M. [P] (l’appelant) reproche au jugement d’avoir dénié sa compétence alors qu’il bénéficiait d’un contrat de travail apparent au sein de l’entreprise, comme il ressort notamment des bulletins de salaire, de la procédure de licenciement menée, de la lettre de licenciement pour faute grave du 5 décembre 2018, et des documents de fin de contrat qui lui ont été remis et des termes des premières conclusions de la société devant le conseil de prud’hommes, selon lesquelles elle avait reconnu qu’il avait été embauché à compter du 1er octobre 2016 en qualité de directeur général, statut cadre et que la société ne démontre pas le caractère fictif de ce contrat. Il soutient que :
– il exerçait des fonctions techniques distinctes du mandat social, notamment en intervenant régulièrement sur le terrain afin d’effectuer des livraisons, des dépannages ou conseiller les clients sur le matériel, contestant l’exception de faux soulevée concernant l’attestation de Mme [B] [R] et arguant du courrier postérieur à la rupture du 15 mars 2019 par lequel il a été informé de la procédure de révocation de son mandat de directeur général ;
– le lien de subordination s’est manifesté par la procédure de licenciement engagée avec lettre de convocation à entretien préalable, des griefs portant sur la durée du travail, la demande de restitution du matériel de la société à l’exception des clés de l’entreprise qu’il pouvait conserver jusqu’à l’expiration de son mandat, la privation explicite des indemnités de licenciement et de préavis à raison de la faute grave reprochée, le contrôle de la durée du temps de travail ;
– la rémunération perçue avec des bulletins de salaire mentionnant un salaire et non un appointement, un cumul d’heures de travail, une affiliation au dispositif d’assurance chômage, l’application de la journée de solidarité en mai 2018, une indemnité de congés payés.
La société, le commissaire à l’exécution du plan et l’administrateur judiciaire qui concluent à la confirmation du jugement, soutiennent qu’en l’absence de contrat écrit signé par les parties, l’appelant ne peut se prévaloir de l’existence d’un contrat apparent et qu’ il lui appartient alors de prouver l’existence d’un contrat de travail lié à des fonctions techniques distinctes des fonctions de directeur général, outre d’un lien de subordination et d’une rémunération, ainsi que le cumul du contrat de travail avec son mandat social de directeur général.
Ils prétendent que l’appelant ne remplit pas les conditions pour se prévaloir d’un contrat de travail en ce que :
– au regard de la taille et de l’activité de l’entreprise, les directeurs généraux exécutent tous des tâches commerciales, qui ne sont pas distinctes du mandat social ; il exerçait principalement, comme tous les associés de l’entreprise à l’exception de M. [J] une activité de commercial et n’avait pas de fonctions techniques distinctes de celles de directeur général ; l’attestation de Mme [B] [D] est contestée dans sa valeur probante tant au regard de la teneur du témoignage qu’en sa forme qui laisse apparaître des écritures différentes laissant supposer qu’elle a été écrite par plusieurs personnes ;
– l’appelant disposait d’une totale indépendance dans l’exercice de ses fonctions de directeur général ; il n’était soumis à aucune autorité ni sujétion en matière d’horaires, les bulletins de salaire indiquant majoritairement ‘heures payées = 00″ ; la lettre de licenciement vient uniquement faire état de ses manquements au regard de son mandat social, les autres mentions n’étant pas de nature à démontrer l’existence d’un lien de subordination ;
– la rémunération a été librement déterminée par les associés et l’établissement des bulletins de salaire est nécessitée par la législation sociale en l’article L.311-3 du code de la sécurité sociale, qui considère comme dirigeants assimilés salariés, les directeurs généraux de SAS.
L’Ags conteste la qualité de salarié de l’appelant, s’en remettant aux écritures de la société. Elle soutient qu’il n’était soumis à aucun lien de subordination avec la société compte tenu de sa qualité de directeur général associé, dans une entreprise de petite taille, de l’absence de tout horaire de travail, de la liberté totale d’organisation de ses journées et d’un pouvoir illimité pour l’engager.
Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération. L’existence de la relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
En cas de litige, le juge ne s’attache pas à la dénomination du contrat mais à la situation de fait.
C’est à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en établir l’existence. mais en présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve.
Le contrat apparent résulte en principe d’un écrit mais peut aussi être constitué par la reconnaissance par l’employeur de ce que l’intéressé est son salarié (soc 18 décembre 2000 n°98-41178 B n°425- attestation que l’intéressé est son employé).
Lorsque celui qui prétend avoir été salarié exerçait un mandat social, la production des bulletins de salaire est à elle seule insuffisante à créer l’apparence d’un contrat de travail.
Par ailleurs, les fonctions techniques exercées pendant la durée d’un mandat social relèvent d’un contrat de travail à la condition qu’elles aient été accomplies dans un état de subordination à l’égard de la société.
En l’espèce, la société Blue Dream est une SAS exerçant sous l’enseigne ‘Ipomed’ et a pour activité principale la vente et la location de matériel médical. Elle comprend six associés et M. [P] fait partie des associés majoritaires au nombre de quatre , à savoir M. [P], M. [J], M.[A] et M. [S], détenant chacun 600 parts sociales soit 2400 parts sur les 2589 actions en composant le capital social.
Elle comprend un président et des directeurs généraux, désignés par la collectivité des associés sur la proposition du président qui sont chargés d’assister le président et qui sont révocables à tout moment sans indemnité ni préavis ni précision de motifs selon les statuts mis à jour au 13 mars 2017.
M. [P] avait été désigné en qualité de directeur général par l’assemblée extraordinaire du 2 novembre 2016, de même que MM [J] et [S], M. [A] étant alors nommé président.
L’existence de bulletins de salaire n’est pas à elle seule de nature à créer une apparence de contrat de travail.
Néanmoins, d’une part la cour note le caractère variable des mentions qui y ont été apposées concernant les heures payées, puisque pour la période de janvier 2017 à février 2018, il y est noté zéro heure payée puis 151,67 heures payées à compter du mois de mars 2018.
D’autre part, la mise en oeuvre d’une procédure de licenciement par la convocation de l’intéressé à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, par courrier du 24 octobre 2018 et la poursuite de celle-ci, par le licenciement de l’appelant pour faute grave selon courrier du 5 décembre 2018, émanant du président de la société, est susceptible de constituer une manifestation de l’exercice ultime du pouvoir disciplinaire d’un employeur. Cette lettre mentionne que ‘Vous êtes salarié de la société Blue Dream en qualité de directeur général.
Vos fonctions sont les suivantes :
– Vous êtes chargé de l’activité commerciale de l’entreprise (prospection/conclusion des contrats commerciaux)
– vous êtes notamment en charge de la gestion d’un portefeuille de clients (Ephad, Siad, Had, professionnels de santé, Particuliers), de la pérennisation du chiffre d’affaires apporté par les clients de votre portefeuille et du développement de ce portefeuille et du chiffre afférent (…)
1/ Or nous déplorons de votre part une absence totale d’implication dans l’exercice de vos fonctions (…) Au total, vous ne travailliez donc que 10 heures maximum par semaine au lieu des 35 heures de travail que vous devez en principe réaliser, ce qui est largement insuffisant.
Au fil des mois, vous êtes ainsi devenu totalement étranger au fonctionnement de l’entreprise alors même que vous avez continué d’être rémunéré à 100%.
Votre attitude n’est compatible ni avec votre rôle clé dans l’entreprise ni avec votre devoir d’exemplarité. Une telle situation intervient en outre dans une période critique pour l’entreprise au cours de laquelle nous devons compter sur l’implication totale de l’ensemble de nos collaborateurs (…)
Le chiffre d’affaires généré par les clients de votre portefeuille a donc baissé de manière significative en comparaison de 2017, au cours de laquelle il s’était élevé à 242.103 euros (…).
2/ Par ailleurs, nous avons constat l’effacement de fichiers clients de la société (…)
Le licenciement pour faute grave qui vous est notifié par la présente est privatif d’indemnité de licenciement et de préavis. Vous cessez donc immédiatement de faire partie du personnel de notre société.
Vous devez nous restituer immédiatement tout le matériel, tous les documents, et tous les biens de la société qui seraient encore en votre possession, à l’exception des clés de l’entreprise que vous pourrez conserver jusqu’à l’échéance de votre mandat social (…)’
Il s’en induit qu’elle a distingué les deux qualités de salarié et de mandataire social de l’intéressé.
Par ailleurs, le désistement de l’intéressé de ses demandes de rappel de salaire et la délivrance des documents de fin de contrat, dans le cadre de l’instance en référé engagée devant le conseil de prud’hommes de Nice, a été motivé par la délivrance de ces documents, comme il ressort tant de l’ordonnance du 25 mars 2019, que de la production d’un certificat de travail de la société Blue Dream certifiant que M. [P] a été employé dans l’entreprise en qualité de Directeur général du 1er octobre 2016 au 5 décembre 2018 outre d’une attestation Pôle emploi contenant ces mêmes mentions.
Enfin, aux termes de ses premières conclusions destinées à l’audience du 12 juillet 2019 du conseil de prud’hommes (pièce n°23 de l’appelant), la société avait précisé au titre des faits constants, que M. [P], après avoir été titulaire d’un mandat social, avait été embauché à compter du 1er octobre 2016 en qualité de directeur général, statut cadre moyennant une rémunération mensuelle qui s’élevait en dernier lieu à 4.291,85 euros bruts.
Il s’infère de ces éléments la preuve de l’existence d’un contrat de travail apparent. Ce n’est, en effet, qu’après l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire que la société, changeant de stratégie de défense, a dénié tout contrat de travail.
En conséquence, il lui appartient de rapporter la preuve du caractère fictif du contrat de travail.
Aux termes des statuts de l’entreprise, le directeur général a pour mission d’assister le président.
La lettre de licenciement mentionne qu’en sa qualité de directeur général, il est chargé de l’activité commerciale de l’entreprise notamment par la gestion du portefeuille de clients, la pérennisation du chiffre d’affaires apporté par les clients de son portefeuille et le développement de ce portefeuille et du chiffre d’affaires afférent, distinctes de la seule assistance au président.
La société soutient que compte tenu de sa taille, l’appelant n’a pas effectué de fonctions techniques distinctes des tâches administratives et commerciales inhérentes au directeur général mandataire social dans une structure de taille équivalente, alors que l’appelant convient qu’il était chargé de ces tâches mais en conteste le rattachement aux fonctions de mandataire social.
Au regard de la petite taille de la société employant 16 salariés, les missions du directeur général ne se distinguent pas du mandat de direction générale spécialisée dans la direction commerciale, nonobstant les trois attestations produites par l’appelant qui ne font pas d’ailleurs état des interventions personnelles ou de déplacement de ce dernier pour venir réparer les matériels mais seulement de contact pris avec lui pour résoudre les pannes, ou des mails notamment de deux clientes, portant sur la commande de matériel et la demande de conseil d’utilisation, qui ne se distinguent pas des tâches commerciales.
L’appelant percevait une rémunération unique mais aucune rémunération spécifique et distincte de celle de la direction générale. Le contrat de travail n’a pas donné lieu à l’approbation de la collectivité des associés comme prévu par les statuts.
Pendant toute la durée de la relation, l’appelant n’était soumis à aucune sujétion particulière, à aucun horaire déterminé ou à des obligations de rendre compte de son travail dépassant celles inhérentes à l’existence d’un mandat social.
Il n’a été soumis à aucun contrôle de la durée du temps de travail. Si dans le cadre de la rupture du contrat, il lui a été fait le reproche d’un choix de ses horaires peu propices à l’exercice d’une activité commerciale et un nombre insuffisant d’heures de travail, c’était au soutien d’un reproche lié à son défaut d’implication dans la société au cours des derniers mois. Aucun rappel du temps de travail ne lui avait été formulé précédemment.
Il s’ensuit que l’apparence de contrat de travail n’était en réalité qu’une fiction parachevée par la procédure de licenciement.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a constaté cette absence de contrat de travail.
Le conseil de prud’hommes a déduit de cette absence de relation de travail qu’il n’était pas compétent pour statuer sur les demandes en paiement présentées par M. [P].
Or la simple lecture du jugement et des écritures de M. [P] permet toutefois de constater que ses demandes en première instance portent toutes sur l’existence de ce contrat de travail et sur son exécution, si bien que la juridiction prud’homale est donc bien matériellement seule compétente pour en connaître, par application des articles L. 1411’1 et L.1411-4 du code du travail, précités.
Dès lors, c’est à tort que le conseil de prud’hommes a déduit de cette absence de contrat de travail son incompétence pour connaître du litige et la cour déboutera M. [P] de l’ensemble de ses demandes.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
L’appelant succombant sera condamné aux entiers dépens de l’appel. Il sera en conséquence débouté de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité ne commande pas pour autant qu’il soit condamné à verser à la société et organes de la procédure collective une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, lesquels seront déboutés de leur demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile;
Dans la limite de la dévolution,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a dit qu’il n’a pas reconnu l’existence d’un contrat de travail entre M. [P] et la société Blue Dream et en ce qu’il a dit que chaque partie conservera la charge des dépens ;
Infirme le jugement entrepris en ce que le conseil de prud’hommes de Nice s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Nice,
Statuant à nouveau dans cette limite,
Dit que M. [P] n’a pas été lié par un contrat de travail avec la société Blue Dream,
Déboute M. [P] de l’intégralité de ses demandes ;
Y ajoutant,
Met hors de cause la Selarl [M] [H] & associés ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamne M. [P] aux entiers dépens de l’appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT