Your cart is currently empty!
8 novembre 2022
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
21/00145
ARRET N°518
N° RG 21/00145 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GFLP
S.A.R.L. PIZZAIOLO D’YVRAC
C/
S.A.R.L. CHARENTE MATERIEL CHR
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00145 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GFLP
Décision déférée à la Cour : jugement du 31 décembre 2020 rendu par le Tribunal de Commerce de LA ROCHELLE.
APPELANTE :
S.A.R.L. PIZZAIOLO D’YVRAC
[Adresse 1]
[Adresse 1]
ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Romain LAFFLY, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Amélie GUILLOT, avocat au barreau de POITIERS
INTIMEE :
S.A.R.L. CHARENTE MATERIEL CHR
[Adresse 2]
[Adresse 2]
ayant pour avocat Me Virginie ANDURAND de la SELARL SCHMITT ROUX-NOEL ANDURAND-GLAUDET, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT substitué par Me GLAUDET, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 12 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Madame Anne VERRIER, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
– Contradictoire
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société Pizzaiolo d’Yvrac exploite une pizzeria à [Localité 3].
La société Charente Matériel Chr exerce un commerce de gros, de fournitures et d’équipements pour le commerce et les services. Elle a conclu une convention de partenariat avec la société Locam intervenant en qualité de bailleur.
La société Charente Matériel Chr a établi le 5 mai 2018 à l’intention de la société Pizzaiolo d’Yvrac un devis n°180427-003 d’un montant hors taxes de 6.740 € de fourniture, de livraison et d’installation d’un meuble à pizzas, d’un lave-vaisselle, d’une formeuse de pâte à pizza, d’une plancha, d’une friteuse, d’une machine à glaçons, de 12 bacs inox GN1/6, de 6 couvercles inox GN1/6.
La société Pizzaiolo d’Yvrac a, en date du même jour, conclu avec la société Locam un contrat de location de matériel neuf de pizzéria et de restaurant, le fournisseur étant la société Charente Matériel Chr. Le montant des loyers mensuels est, sur 24 mois, de 406 € toutes taxes comprises.
Un procès-verbal de livraison et de conformité d’un meuble à pizzas, d’un lave-vaisselle, d’une formeuse de pâte à pizza, d’une plancha, d’une friteuse, d’une machine à glaçons, de 12 bacs inox 0141/6 et de 12 couvercles inox GN1/6 est également en date du 5 mai 2018.
Le matériel à été livré le 19 mai 2018. Il a alors été constaté que des bacs manquaient, que la table à pizzas n’était pas sur roulettes et que la saladette associée n’était pas du modèle convenu.
Par courrier recommandé en date du 28 mai 2018, la société Pizzaiolo d’Yvrac a indiqué à la société Locam n’avoir été livrée que partiellement, que le matériel n’était pas conforme au devis et a sollicité l’annulation du contrat à défaut d’être livrée en fin de semaine.
La proposition de la société Charente Matériel Chr de remplacer la formeuse par une machine à glace italienne est demeurée sans suite.
Par courrier recommandé en date du 3 août 2018, la société Locam a mis en demeure la société Pizzaiolo d’Yvrac de lui payer la somme de 10 454,02 €.
Par acte du 20 septembre 2018, la société Locam a assigné en paiement la société Pizzaiolo d’Yvrac devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne. Par jugement du 25 juin 2019, ce tribunal a condamné la société Pizzaiolo d’Yvrac au paiement de la somme de 10.482,55 €, outre 10 % de ce montant à titre de clause pénale. La société Pizzaiolo d’Yvrac a interjeté appel de ce jugement. La cour d’appel de Lyon a sursis à statuer jusqu’à décision irrévocable dans le présent litige.
Par acte du 27 septembre 2019, la société Pizzaiolo d’Yvrac a fait citer la société Charente Matériel Chr devant le tribunal de commerce de La Rochelle. Elle a demandé de prononcer à titre principal la nullité du contrat, subsidiairement sa résolution. Elle a soutenu d’une part la fraude de sa cocontractante, le contrat et le bon de livraison qu’elle n’avait pas signé ne pouvant être du même jour, d’autre part que le contrat de location ne décrivait pas les biens loués, enfin que sa cocontractante n’avait pas exécuté ses obligations.
La défenderesse a conclu au rejet de ces demandes aux motifs que le bon de livraison avait été signé le 5 mai 2018 sur la demande de la société Pizzaiolo d’Yvrac, que la difficulté affectant le meuble à pizzas avait été résolue, que la demanderesse n’ayant pas souhaité poursuivre son activité en utilisant la formeuse de pâte à pizza, elle avait proposé de remplacer ce matériel par une machine à glace italienne dont la livraison avait été finalement refusée.
Par jugement du 31 décembre 2020, le tribunal de commerce de La Rochelle a statué en ces termes :
‘Vu les articles 1101 et suivants, 1130, 1178, 1224 du code civil,
Reçoit la société PIZZAIOLO D’YVRAC en ses demandes, fins et conclusions,
Dit mal fondée la demande de PIZZAIOLO D’YVRAC de prononcer la nullité du contrat de fourniture de matériel entre les sociétés PIZZAIOLO d’YVRAC et CHARENTE MATERIEL CHR, et l’en déboute,
Dit mal fondée la demande à titre subsidiaire de PIZZAIOLO D’YVRAC de résolution du contrat de services établi avec la société CHARENTE MATERIEL CHR, et l’en déboute,
Condamne la société PIZZAIOLO D’YVRAC à payer à la société CHARENTE MATERIEL CHR, la somme justement appréciée de 1 000€ au titre des dispositions de l’article 700 du CPC,
Condamne, conformément à ce qu’indique l’article 696 du CPC, la société PIZZAIOLO D’YVRAC au paiement des entiers dépens de l’instance comprenant les frais du greffe s’élevant à la somme de soixante-trois euros et trente-six centimes TTC’.
Il a considéré que la demanderesse s’était engagée au vu du devis qui avait été porté à sa connaissance. Il a rappelé que l’établissement du bon de livraison n’était pas de nature à affecter la régularité du contrat, puisque ne portant que sur son exécution. Il a considéré que la défenderesse avait fait ses meilleurs efforts pour tenir ses engagements, malgré les difficultés rencontrées avec sa cocontractante.
Par déclaration reçue au greffe le 14 janvier 2021, la société Pizzaiolo d’Yvrac a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 octobre 2021, elle a demandé de :
‘Vu les articles 1130 et suivants du Code civil,
Vu l’article 1224 du Code civil,
Vu l’article 700 du Code de procédure civile,
Vu les explications fournies,
Vu la jurisprudence,
DECLARER la société PIZZAIOLO d’YVRAC bien fondée en son appel,
REFORMER en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de LA ROCHELLE, et statuant à nouveau,
A titre principal
JUGER que le contrat de location et le procès-verbal de livraison et de conformité ne pouvaient être établis le même jour,
JUGER par comparaison avec le contrat de location que les signatures et les mentions apposées sur le procès-verbal de livraison et de conformité n’émanent pas du gérant de la société PIZZAIOLO d’YVRAC,
En conséquence,
PRONONCER la nullité du contrat de fourniture de matériel entre les sociétés PIZZAIOLO d’YVRAC et CHARENTE MATERIEL CHR ;
JUGER au surplus que le contrat de location établi le 5 mai 2018 ne désigne pas les matériels loués,
JUGER à titre surabondant que la fraude est d’autant plus déterminante du consentement du locataire qu’au 5 mai 2018, date d’établissement du contrat de location, le matériel n’était pas même désigné, que le contrat était sans objet et que l’engagement du locataire était dépourvu de cause.
En conséquence,
PRONONCER la nullité du contrat de fourniture de matériel entre les sociétés PIZZAIOLO d’YVRAC et CHARENTE MATERIEL CHR ;
Subsidiairement
JUGER que la société CHARENTE MATERIEL CHR n’a jamais été en mesure d’exécuter ses prestations au 5 mai 2018, date de la prétendue livraison,
JUGER au surplus que le matériel soit n’a pas été livré soit est défectueux ou non conforme, et que la mise en demeure adressée à la société LOCAM est de surcroît restée vaine,
En conséquence,
PRONONCER la résolution judiciaire du contrat de fourniture de matériel au 5 mai 2018 entre les sociétés PIZZAIOLO d’YVRAC et CHARENTE MATERIEL CHR,
JUGER que cette résolution judiciaire emporte anéantissement rétroactif du contrat,
En tout état de cause
DEBOUTER la société CHARENTE MATERIEL CHR de l’intégralité de ses demandes, moyens, fins et conclusions,
CONDAMNER la société CHARENTE MATERIEL CHR à payer à la société PIZZAIOLO d’YVRAC la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat, et la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER la société CHARENTE MATERIEL CHR aux entiers dépens de l’instance et d’appel et ordonner leur distraction au profit de la SELARL LEXAVOUE et de Maître Jérôme CLERC en application de l’article 699 du CPC’.
Elle a soutenu que :
– son gérant n’avait pas signé de procès-verbal de livraison ;
– le matériel n’avait été livré que partiellement au 28 mai 2018 et qu’une partie n’était pas conforme au devis ;
– le contrat était nul en raison du dol de la société Charente Matériel Chr, caractérisé par l’établissement concomitant du contrat et du bon de livraison ;
– la nullité du contrat résultait également de l’absence d’objet de celui-ci, les matériels n’y ayant pas été décrits, les deux devis établis à des dates différentes n’ayant pas mentionné les mêmes équipements.
Elle a subsidiairement exposé que :
– l’intimée n’avait pas exécuté son obligation de livrer les matériels ;
– ceux-ci étaient défectueux ;
– la machine à glace à l’italienne n’avait pas été livrée.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 décembre 2021, la société Charente Matériel Chr a demandé de :
‘Vu les articles l’article 1130 du code civil et 1224 et suivants du code civil ;
CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de LA ROCHELLE le 31 décembre 2020 ;
En conséquence,
DÉCLARER SARL PIZZAIOLO D’YVRAC mal fondée en son appel ;
DIRE ET JUGER valablement formé le contrat de fourniture de matériel ;
DIRE ET JUGER mal fondée la SARL PIZZAIOLO D’YVRAC en sa demande de nullité du contrat de fourniture de matériel entre la SARL PIZZAIOLO D’YVRAC et la SARL CHARENTE MATERIEL CHR ;
DIRE ET JUGER mal fondée la SARL PIZZAIOLO D’YVRAC en sa demande de résolution du contrat de fourniture de matériel entre la SARL PIZZAIOLO D’YVRAC et la SARL CHARENTE MATERIEL CHR et d’anéantissement rétroactif du contrat ;
DEBOUTER la SARL PIZZAIOLO D’YVRAC de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
CONDAMNER la SARL PIZZAIOLO D’YVRAC à verser à la SARL MATERIEL CHR la somme de 5.000 € sur le fondement de l’arti cle 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la SARL PIZZAIOLO D’YVRAC aux entiers dépens, avec faculté de recouvrement direct, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile’.
Elle a exposé que :
– le gérant de la société Pizzaiolo d’Yvrac avait été rencontré sur sa demande ;
– le 5 mai 2018, un second entretien avait eu lieu à l’issue duquel un devis avait été établi ;
– le même jour, le contrat de location et le bon de livraison avaient été signés ;
– le livreur avait attesté des difficultés rencontrées lors de la livraison en raison du comportement du gérant de l’appelante ;
– l’absence de 6 bacs en inox, l’absence de roulettes sous le meuble à pizzas, l’erreur de modèle de saladette constatées lors de l’ouverture des colis avaient été solutionnées ;
– la reprise de la formeuse dont l’appelante ne voulait plus avait finalement été acceptée en contrepartie de la fourniture acceptée d’une machine à glace, dont la livraison a postérieurement été refusée ;
– l’appelante avait payé les loyers de mai à octobre 2018.
Elle a conclu à la confirmation du jugement aux motifs que :
– le dol allégué n’était pas établi ;
– l’objet du contrat était déterminé, le devis de fourniture de matériels lui ayant été remis ;
– le bon de livraison n’était pas une condition de validité du contrat ;
– les matériels avaient été livrés.
Elle a ajouté que le comportement de sa cocontractante avait été irrationnel, qu’elle avait malgré tout tout mis en oeuvre pour satisfaire sa cocontractante, qu’elle justifiait de l’exécution de ses obligations contractuelles et que la résolution sollicitée du contrat n’était dès lors pas fondée, que le procès-verbal de constat qu’avait fait dresser l’appelante plus d’une année après la livraison n’était pas probant.
L’ordonnance de clôture est du 27 juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A – SUR LA NULLITE DU CONTRAT DE FOURNITURE DE MATERIEL
L’appelante soutient la nullité de ce contrat aux motifs que :
– le bon de livraison n’avait pas été signé de son gérant ;
– le dol de l’intimée était caractérisé par la signature concomitante du bon de livraison et l’absence de description au contrat de bail des matériels ;
– cette absence de description rendait le contrat sans objet et son engagement sans cause.
1 – sur l’objet du contrat et de l’obligation
L’article 1162 du code civil dispose que : ‘Le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties’.
Il n’est pas soutenu que le contrat a un objet ou une cause illicite.
L’article du même code rappelle notamment que :
‘L’obligation a pour objet une prestation présente ou future.
Celle-ci doit être possible et déterminée ou déterminable’
Le devis n°180427-003 en date du 5 mai 2018 de la société Charente Matériel Chr décrit les matériels devant être livrés à la société Pizzaiolo d’Yvrac.
Le contrat de location conclu avec la société Locam, la société Charente Matériel Chr étant le fournisseur, est en date du même jour. Il stipule au paragraphe ‘désignation des matériels’ : ‘ 25 Matériel de pizzeria et de restaurant’ et ‘matériel neuf’.
La cour n’est pas saisie du litige portant sur la validité du contrat de location.
Il se déduit de la concomitance du devis et du contrat de location que le matériel que devait livrer la société Charente Matériel Chr était celui décrit au devis établi le jour même.
L’objet du contrat étant licite et celui de l’obligation de l’appelante étant déterminé, le nullité sollicitée du contrat de fourniture de matériels ne peut pas être prononcée de ces chefs.
2 – sur le dol
L’article 1130 du code civil dispose que :
‘L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné’.
L’article 1137 du même code précise que :
‘Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation’.
Il appartient à l’appelante de démonter les manoeuvres frauduleuses de l’intimée ayant déterminé son consentement.
Un ‘procès-verbal de livraison et de conformité’ est en date du 5 mai 2018. L’appelante conteste avoir signé ce document.
L’étude attentive des écritures établit que les date et lieu ainsi que la mention ‘lu et approuvé’ du représentant de la société Pizzaiolo d’Yvrac et de la société Charente Matériel Chr ne sont pas de la même main. La société Pizzaiolo d’Yvrac a apposé son cachet sur ce bon. Les signatures figurant sur le contrat de location et ce procès-verbal sont similaires. La société Pizzaiolo d’Yvrac ne conteste pas que son représentant a signé le contrat de location et y a apposé le cachet de la société. Il ne peut en conséquence être retenu qu’elle n’est pas le signataire du procès-verbal litigieux.
Il ne se déduit pas de la seule date de ce document, quand bien même sa signature permettrait-elle au fournisseur d’être payé par le bailleur, une manoeuvre de l’intimée au préjudice de l’appelante.
Dans un courrier recommandé posté le 28 mai 2018 et reçu le 30 mai suivant par la société Locam, [O] [N], gérant de la société Pizzaiolo d’Yvrac a notamment indiqué que :
‘Suite à ma commande passé à la société charente materiel CHR, je viens vers vous pour annuler une partie du materiel commandé qui ne correspond pas à mon mètier et qui n’ameliore pas ma façon de travailler, mais plutôt qui dégrade ma qualité de pizza.
* Je demande juste à l’annulation de la formeuse de pâte à pizza
[…]
Si je ne dispose pas de ma livraison complète en fin de semaine, je me verrais dans l’obligation de faire intervenir mon avocat pour annulation complète de ma commande pour non respect de livraison prévu à la date fixè par votre société’.
Dans ce courrier, le gérant de la société Pizzaiolo d’Yvrac ne conteste pas la réalité de la relation contractuelle, ne fait pas mention de manoeuvres de la société Charente Matériel Chr ayant déterminé son consentement mais évoque un retard de livraison et des matériels ne correspondant pas à ses attentes. Les courriels échangés entre ces deux sociétés reprennent ces points et établissent des difficultés à convenir d’une date de livraison. Ces demandes qui ont trait à l’exécution du contrat sont incidence sur sa validité.
La société Pizzaiolo d’Yvrac ne justifie pour ces motifs pas d’une cause de nullité du contrat de fourniture de matériels conclu avec la société Charente Matériel Chr. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.
B – SUR LA RESOLUTION DU CONTRAT
L’article 1104 alinéa 1er du code civil dispose que : ‘Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi’.
Aux termes de l’article 1217 du code civil :
‘La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :
– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
– obtenir une réduction du prix ;
– provoquer la résolution du contrat ;
– demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter’.
L’article 1224 du même code précise que : ‘La résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice’ et l’article 1228 que : ‘Le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts’.
L’appelante doit établir des manquements de l’intimée dans l’exécution du contrat les liant, d’une gravité suffisante pour en prononcer la résolution.
La signature par le représentant de la société Pizzaiolo d’Yvrac du procès-verbal de livraison et de conformité le jour de la conclusion du contrat de bail et avant même la livraison effective des matériels n’est pas à elle seule la preuve d’une déloyauté de l’intimée dans l’exécution du contrat de fourniture de matériels.
[I] [L], chauffeur-livreur, a dans une attestation en date du 15 juin 2020 décrit les circonstances de la livraison effectuée le 19 mai 2018 dans les locaux de la société Pizaiolo d’Yvrac. Il a notamment décrit le ‘patron’ de celle-ci comme étant une ‘personne saoule et agressive’ l’ayant insulté et ayant ‘menacé de me planter pour que soit disant j’arrête de faire le malin’. Dans un courriel en date du 22 juin 2018, la société Charente Matériel Chr a indiqué à sa cocontractante que : ‘le chauffeur a déposé plainte suite à votre agression et vos menaces le jour de la livraison’. La suite donnée à cette plainte n’a pas été précisée. Dans une attestation en date du 17 septembre 2020, [F] [C] qui n’a pas précisé quels étaient ses liens avec l’appelante a indiqué que le livreur, qui s’était stationné ‘en plein milieu de la voie publique’, après demande du gérant du restaurant de ne pas gêner la circulation, ‘n’accepte pas et repart un peu plus loin ce garer derrière des voitures stationné énerve il a arraché un stop parking et reparti sans le signaler’. Il a ajouté que : ‘en aucun cas nous étions en état d ébriete et avons menacé personnes d ailleurs je vois pas ce que ça vient faire avec le problème du matériel même si ça avait été le cas’. Ces attestations, si elles se contredisent sur les circonstances de la livraison, établissent que celle-ci a été réalisée.
La lecture du courrier reçu le 30 mai 2018 par la société Locam établit que le meuble à pizzas a été livré sans roulettes et laisse penser qu’une ‘saladette 12 bacs 1/6″ n’a pas été livrée.
Les parties ont échangé divers courriels postérieurement à la conclusion du contrat litigieux, rappelés par le premier juge. Dans un courriel en date du 13 juin 2018, la société Charente Matériel Chr a indiqué à son cocontractant que :
‘Pour rappel, nous attendons toujours une date de votre part pour la livraison du matériel manquant et le remplacement des éléments non conformes à la commande,
Le matériel est disponible depuis 10 jours et nous attendons une date de votre part.
Pour faire rappel, voici les points qui reste à finaliser :
* Saladetette: remplacement du modéle pour bacs GN 1/4 par le modèle GN 1/3 & GN 1/6 (12 bacs)
* Bacs GN : livraison des 6 Bacs inox GN 16manquants,
* Formeuse pâte à pizza : l’appareil ne vous convient pas parce que le goût de vos pizzas est différent de ce que vous faisiez avant,
Notre proposition de reprise de l’appareil contre un autre matériel et/ou une mise en dépôt vente tient toujours
* Dommage constatés après la livraison du 19 mai :
– Tube de parking: Vous nous dites que notre livreur l’a endommagé lors du déchargement du matériel, nous l’avons pas constaté sur place, mais nous acceptons la fourniture de matériel endommagé,
– Glaces fondu: Lors de la mise en place de la table a pizzas, nous avons du débrancher les congélateurs à glaces, je vous rappelle que nous les avons branché à la fin de l’opération et que vous les aviez débranchés à nouveau pour faire le nettoyage, nous n’avions pas vérifié avant de partir si ils étaient branché à nous ou pas.
Merci de faire le compte des glaces (quantité & coût) des glaces perdues ce jour là.
Il faut nous avertir au minimum 48h pour que nous nous organisons la livraison’.
Dans un courriel en date du 22 juin suivant adressé à la société Pizzaiolo d’Yvrac, elle a indiqué que :
‘Pour faire suite à votre demande, la formeuse qui ne vous convient nous la reprendrons à la livraison du matériel manquants qui est:
– 1 saladette pour 12 bacs GN1/6
– 6 bacs inox GN1/6 avec leurs couvercles
– 4 roues pour le meuble à pizza,
– 1 tube de verrouillage pour parking privé,
Reprise de la saladette livrée lors de la première livraison,
Reprise des cartons et palettes
Signature de l’avenant au contrat de location pour modification des loyer après déduction du prix de la formeuse, avec une décote de 30% sur sa valeur initiale,
Tout est prêt, nous attendons votre feu vert pour livrer’.
Ces deux sociétés ne se sont pas accordées sur cette livraison.
Un devis en date du 24 juillet 2018 n° 180724 003 de la société Charente matériel Chr, revêtu de la signature des parties, a trait à la fourniture d’une machine à glace italienne. Le paragraphe ‘Conditions’ est rédigé en ces termes :
‘Fourniture de la machine à glaces en remplacement de la formeuse à pizza de la même valeur
Aucun avenant au contrat de financement n’est nécessaire’.
Le représentant de l’appelante a ajouté manuscritement : ‘Reste socle avec roulettes à fournir et poser par CM CHR’
La machine à glaces avait été fournie à la société Charente Matériel Chr par la société Gastromastro Group, selon facture n° FA012828 en date du 2 septembre 2018 mentionnant comme lieu de livraison la pizzeria. Par courriel en date du 13 septembre 2018 adressé à la société Charente Matériel Chr, la société Gastromastro Group a formulé la demande suivante : ‘Notre fournisseur nous a indiqué un refus de livraison de votre part. Pouvez-vous nous donner les raisons de ce refus ”. Il a été répondu en ces termes à cette demande par la société Charente Matériel Chr :
‘La livraison était prévue directement chez le client.
Nous ne connaissons pas son motif de refus,
Si le matériel ne vous est pas retourné oulez (voulez) vous bien reprogrammer la livraison à l’adresse de note dépôt’.
Il s’en déduit que la livraison de cette machine en remplacement de la formeuse de pâte à pizza a été refusée pour un motif non précisé par l’appelante.
Celle-ci a fait dresser le 22 juillet 2019 le constat de la non-conformité des matériels loués à la société Locam. La procès-verbal de constat dressé près d’une année après la livraison des matériels ne permet pas de déterminer si les non-conformités alléguées existaient à la date de la livraison ou si l’état des matériels constaté est lié à leur utilisation.
La société Pizzaiolo d’Yvrac ne soutient par ailleurs pas, ainsi que relevé par le premier juge, que les matériels livrés sont défectueux.
Il résulte de ces développements, ainsi que retenu par le premier juge, que la société Charente Matériel Chr a exécuté du mieux qu’il lui était possible ses engagements contractuels et que les manquements allégués par la société Pizzaiolo d’Yvrac ne sont pas tels qu’ils justifient la résolution du contrat de fourniture de matériels conclu.
Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la résolution du contrat présentée par la société Pizzaiolo d’Yvrac.
C- SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTERETS
La société Pizzaiolo d’Yvrac ne justifie pas d’une faute de la société Charente matériel Chr dans l’exécution de ses obligations précontractuelles ou contractuelles à l’origine d’un préjudice qu’elle aurait subi. Sa demande de dommages et intérêts n’est pour ces motifs pas fondée. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il l’a rejetée.
D – SUR LES DEMANDES PRESENTEES SUR LE FONDEMENT DE L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Le premier juge a équitablement apprécié l’indemnité due sur ce fondement par l’appelante.
Il serait par ailleurs inéquitable et préjudiciable aux droits de l’intimée de laisser à sa charge les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens d’appel. Il sera pour ce motif fait droit à sa demande formée de ce chef pour le montant ci-après précisé.
E – SUR LES DEPENS
La charge des dépens d’appel incombe à l’appelante. Ils seront recouvrés par la selarl Schmitt Roux-Noël Andurand Glaudet intervenant par Maître Anne Glaudet conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement du 31 décembre 2020 du tribunal de commerce de La Rochelle ;
CONDAMNE la société Pizzaiolo d’Yvrac à payer en cause d’appel à la société Charente Matériel Chr la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Pizzaiolo d’Yvrac aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par la selarl Schmitt Roux-Noël Andurand Glaudet intervenant par Maître Anne Glaudet.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,