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8 mars 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
22/03754
N° RG 22/03754 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OKDC
Décision du Tribunal de Commerce de LYON en Référé du 15 mai 2022
RG : 2022r00169
SAS CORHOFI
C/
SASU MAISON DEBIECHE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 08 Mars 2023
APPELANTE :
La société CORHOFI, société par actions simplifiée immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Lyon sous le numéro 343 174 660, dont le siège social est situé au [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux demeurant en cette qualité audit siège
Représentée par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1102
Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Baptiste PILA, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
La société MAISON DEBIECHE, société par actions simplifiée immatriculée au RCS de LYON sous le n° 853 759 173 dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de ses représentants légaux demeurant en cette qualité audit siège.
Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475
Ayant pour avocat plaidant Me Sébastien BOUTES, avocat au barreau de PARIS
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 25 Janvier 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 Janvier 2023
Date de mise à disposition : 08 Mars 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Bénédicte BOISSELET, président
– Karen STELLA, conseiller
– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
Par assignation délivrée le 28 février 2022, la société Corhofi à fait citer en référé devant le président du tribunal de commerce de Lyon la société Maison Debieche aux fins de voir :
constater, et tout le moins prononcer la résiliation de plein droit du contrat de location n° 21/1013/FL-119087 aux torts exclusifs de la société Maison Debieche SAS à compter du 2 février 2022 ;
ordonner à la société Maison Debieche SAS d’avoir à lui restituer et/ou à toute personne mandatée par elle, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir, les matériels suivants :
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accordée l’autorisation en tant que de besoin d’appréhender les matériels loués suivant contrat de location n°21/1013/FL-119087 lui appartenant en quelque lieu et quelque main qu’ils se trouvent, notamment au siège social de la société Maison Debieche SAS, situé [Adresse 2], par tout huissier de justice territorialement compétent, au besoin avec le recours à la force publique,
au paiement a titre provisionnel de la somme de 2 144,46 euros, au titre des impayés échus du contrat n°21/1013/FL-119087, outre intérêts de retard contractuel au taux de 1,5 % par mois à compter du 13 janvier 2022, date de la mise en demeure et ce, conformément aux stipulations de l’article 15 des conditions générales,
au paiement a titre provisionnel à titre d’indemnité mensuelle d’utilisation de la somme de 700,39 euros chacun à compter de la résiliation du contrat de location jusqu’à la restitution effective des matériels,
au paiement à titre provisionnel de la somme de 32 217,94 euros, à titre d’indemnité de rupture contractuelle, outre intérêts de retard contractuel au taux de 1,5 % par mois à compter du 02 février 2022, date de la résiliation et ce, conformément aux stipulations de l’article 15 des conditions générales,
au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
La défenderesse n’a pas comparu ni été représentée.
Suivant ordonnance du 12 mai 2022, le président du tribunal de commerce, a’:
CONSTATE la résiliation de plein droit du contrat de location n° 21/1013/FL-119087 aux torts exclusifs de la société Maison Debiechr SAS à compter du 2 février 2022,
ORDONNE à la société Maison Debieche SAS d’avoir à restituer au profit de la société Corhofi et/ou de toute personne mandatée par elle, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de la présente décision, les matériels loués suivant contrat n° 21/1013/FL-119087, soit :
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‘ lx TERMINAL D’ENCAISSEMENT
‘ N/S : TWJSNK412454 TWJXNL08l313
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‘ Ix GLORY MODULE CI-10 C OFT
‘ N/S 1 40270
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‘ N/S I 34481
‘ 1x GLORY CASSETTE STANDARD DE COLLECTION CI-10
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AUTORISE la société Corhofi, en tant que de besoin, à appréhender le matériel lui appartenant en quelque lieu et quelque main qu’il se trouve, notamment au siège social de la société Maison Debieche SAS, situé [Adresse 2], par tout huissier de justice territorialement compétent, au besoin avec le recours à la force publique,
CONDAMNE la société Maison Debieche SAS au profit de la société CORHOFI SAS :
à payer la somme de 2 144,46 euros, au titre des impayés échus du contrat n°21/1013/FL-119087, outre intérêts au taux de 1,5 % par mois à compter du 13 janvier 2022.
à payer a titre d’indemnité d’utilisation la somme de 700,39 euros par mois, à compter de la résiliation du contrat de location jusqu’à la restitution effective des matériels,
à payer la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
REJETE la demande formulée au titre de l’indemnité de rupture contractuelle,
CONDAMNE la société Maison Debieche SAS aux dépens.
Le premier juge a notamment retenu que’:
la résiliation de plein droit du contrat de location n°21/1013/FL-119087 aux torts exclusifs de la société Maison Debieche SAS à compter du 2 février 2022 est constatée ;
en conséquence, il y a lieu d’ordonner à la société Maison Debieche SAS d’avoir à restituer au profit de la société Corhofi et/ou de toute personne mandatée par elle, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de la présente décision, les matériels loués du contrat ;
il y a lieu d’autoriser la société Corhofi, en tant que de besoin, à appréhender le matériel lui appartenant en quelque lieu et quelque main qu’il se trouve, par tout huissier de justice territorialement compétent, au besoin avec le recours de la force publique ;
la demande en paiement au titre des impayés échus du contrat n°2l/1013/FL-119087 apparaît régulière, recevable et fondée’: elle est en effet conforme aux obligations souscrites par le débiteur ;
la demande en paiement d’une indemnité mensuelle d’utilisation apparaît également justifiée ;
en revanche, au visa de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, l’indemnité de résiliation qui consiste au paiement d’une somme équivalente aux loyers à échoir constitue une clause pénale telle que visée par les dispositions de l’article 1231-5 du Code civil. Il résulte des dispositions de cet article la faculté pour le juge du fond, même d’office, de modérer la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive, mais que semblable faculté n’est pas offerte au juge des référés. Le juge du fond a ainsi seul la faculté de réviser la clause pénale en comparant le montant de la peine conventionnellement fixée à celui du préjudice effectivement subi. Or, l’analyse de ce préjudice doit être faite en l’espèce en considération de la restitution, ou non, du bien. Avant la restitution, le préjudice reste incertain et en tout état de cause inférieur au montant de la demande. Ainsi, la demande en paiement d’une provision au titre d’une telle clause pénale est sérieusement contestable avant la récupération des biens en cause.
Appel partiel a été interjeté par déclaration électronique en date du 24 mai 2022, s’agissant du rejet de la demande au titre de l’indemnité contractuelle de rupture.
Suivant les articles 905 à 905-2 du Code de procédure civile, l’affaire a été orientée à bref délai et les plaidoiries fixées au 25 janvier 2023.
Suivant ses dernières conclusions n° 2, notifiées par RPVA le 9 septembre 2022, la société Corhofi demande, au visa des articles 872, 873 du Code de procédure civile et 1103, 1217 et 1231-1 du Code civil, à la Cour :
LA RECEVOIR en toutes ses demandes, fins et prétentions en ce qu’elles sont bien fondées ;
DÉBOUTER la société Maison Debieche en toutes ses demandes, fins et prétentions.
En conséquence :
INFIRMER l’ordonnance déférée en ce qu’elle a rejeté sa demande visant à ce que la société Maison Debieche soit condamnée à payer à titre provisionnel la somme de 32.217,94 euros TTC, à titre d’indemnité contractuelle de rupture du contrat n°21/1013/FL-119087, outre les intérêts de retard au taux contractuel de 1,5 % par mois à compter du 2 février 2022.
Et statuant à nouveau :
CONDAMNER la société Maison Debieche à lui payer à titre provisionnel la somme de 32 217,94 euros TTC à titre d’indemnité contractuelle de rupture du contrat n°21/1013/FL-119087, outre les intérêts de retard au taux contractuel de 1,5 % par mois à compter du 2 février 2022.
En tout état de cause :
CONDAMNER la société Maison Debieche à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de procédure dont distraction au profit de Maître [T], Avocat au Barreau de Lyon, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
L’appelante rappelle en substance et soutient notamment que’:
Elle est une société lyonnaise spécialisée dans la location de matériels professionnels. Ces derniers, choisis par le locataire, sont achetés par elle qui les met à disposition par un contrat de location.
La société Maison Debieche est spécialisée dans le secteur de la boulangerie-pâtisserie.
La société Maison Debieche a régularisé avec la société Corhofi un contrat de location n°21/1013/FL-119087 le 14 octobre 2021, moyennant le versement de 48 loyers mensuels de 583,66 euros HT chacun, soit 700,39 euros TTC, et portant sur les matériels suivants :
-1x SOLUTION D’ENCAISSEMENT + logiciel comprenant :
-1x TERMINAL D’ENCAISSEMENT
-N/S : TWJSNK412454 TWJXNL081313
-1x ECRAN CLIENT 14′ HP RP9 (CABLE COMPRIS)
-N/S : TWJPNH460234
– 1x IMPRIMANTE THERMIQUE EPSON TM-M30 (RP9)
-N/S ; SW21023843
-1x LECTEUR CODE BARRE INTEGRE BOTTOM 2D HP RP9
-N/S : TWKPNL051523
-1x TIROIR CAISSE 3S430
-1x ONDULEUR ELLIPSE ASR 600
-N/S : P015L45EB9
-1x LOGICIEL MENCOMSI PRO – Licence Principale (CAISSE 1)
-1x MONNAYEUR GLORY CI-10 comprenant:
-1x GLORY MODULE CI-10 C OFT
-N/S : 40270
-1x GLORY MODULE CI-10 B
-N/S : 34481
-1x GLORY CASSETTE STANDARD DE COLLECTION CI-10
-1x MONITORING DU GLORY A DISTANCE : exclusivité Menlog
-1x CONTRAT DE MAINTENANCE – GLORY CI-10 – N5/7
-1x CONFIGURATION – INSTALLATION – FORMATION SUR SITE
La société Corhofi a fait procéder à la livraison et à l’installation des matériels susvisés sans
aucune réserve, tel que cela ressort du procès-verbal de livraison réception du 14 octobre 2021.
Conformément aux stipulations de l’article 7 des conditions générales, le contrat de location n°21/1013/FL-119087 a pris effet le 1er jour du 1er trimestre civil suivant la signature du procès-verbal, soit le 1er janvier 2022, une redevance de mise à disposition étant facturée pour les mois d’octobre, novembre et décembre 2021 sur la base des loyers prévus au prorata temporis.
Sur l’inexécution de ses obligations par le locataire et la résiliation de plein droit du contrat : elle a subi plusieurs retards et incidents de paiement.
Elle a été contrainte, par courrier recommandé avec A/R du 13 janvier 2022, de mettre en demeure la société Maison Debieche d’avoir à payer sous quinzaine la somme de 1 325,68 euros TTC, correspondant aux loyers et frais impayés, compte tenu du règlement partiel de 492,89 euros TTC.
Elle a bien précisé qu’à défaut de paiement dans le délai susvisé, le contrat serait résilié de plein droit, les matériels devraient être restitués et l’indemnité contractuelle de résiliation, telle que définie dans les conditions générales, serait entièrement due.
La société Maison Debieche n’a pas déféré à cette mise en demeure bien que le courrier lui ai été distribué contre sa signature le 17 janvier 2022 comme en atteste le bordereau de la poste.
En application des stipulations de l’article 13.2 des conditions générales, selon lesquelles en cas de défaut de paiement d’un seul terme du loyer la résiliation du contrat sera effective quinze jours après l’envoi d’un courrier recommandé avec A/R demeuré sans effet, la société Corohfi a informé la société Maison Debieche par courrier recommandé avec A/R du 2 février 2022 de ce que le contrat n°21/1013/FL-119087 était résilié de plein droit.
Dans le prolongement de cette résiliation, elle a demandé à la société Maison Debieche de payer 2 144,46 euros TTC au titre des impayés échus et 32 217,94 euros TTC au titre de l’indemnité de résiliation. Elle lui a également enjoint de procéder à la restitution des matériels en bon état d’entretien et de fonctionnement, à ses frais. En vain.
Elle a été dans l’obligation d’assigner en référé sa débitrice.
L’ordonnance du 12 mai 2022 a fait l’objet d’un procès-verbal de signification du 27 mai 2022
Pour autant le rejet par la juridiction de première instance de sa demande de provision portant sur l’indemnité contractuelle de rupture est contestable.
En substance, le premier juge a estimé que, compte tenu de qualification juridique qu’il confère à l’indemnité contractuelle de rupture, ce dernier serait, par principe, dans l’impossibilité d’ordonner la moindre condamnation provisionnelle, pouvoir incombant au seul juge du fond.
Il a estimé, dans tous les cas, qu’il serait placé dans l’impossibilité d’en fixer le quantum avant la restitution effective des matériels.
Or, il est de jurisprudence constante que le juge des référés peut parfaitement entrer en voie de condamnation provisionnelle en matière d’indemnité contractuelle de rupture et d’en fixer le quantum indépendamment de la restitution, ou pas, des matériels.
En l’espèce, conformément à l’article 13.4 des conditions générales intitulé « RESILIATION », lequel stipule que : « (‘) la résiliation du contrat de location entraîne de plein droit, au profit du Bailleur, le paiement par le Locataire ou ses ayants droit, en réparation du préjudice subi en sus des loyers impayés et de leurs accessoires, d’une indemnité égale aux loyers restant à échoir au jour de la résiliation. Cette indemnité sera majorée d’une somme forfaitaire égale à 10% de ladite indemnité à titre de clause pénale. Dans tous les cas, la résiliation du contrat de location n’aura d’effet que pour l’avenir et ne donnera pas lieu à restitution des loyers et de toutes sommes versées au titre du présent contrat (‘). »
Ce montant n’apparaît pas contestable dès lors qu’il correspond très exactement aux stipulations contractuelles liant les parties.
Le juge des référés peut donc parfaitement entrer en voie de condamnation provisionnelle indépendamment des pouvoirs conférés au juge du fond concernant l’évaluation définitive du préjudice.
Sur le quantum de la provision’:
– le préjudice subi du fait du défaut d’exécution d’une convention de location de matériel jusqu’au terme convenu doit s’apprécier au regard des sommes que le bailleur aurait dû percevoir si la convention s’était poursuivie. Ainsi, l’indemnité correspondant à la totalité des loyers à échoir au jour de la résiliation du contrat ne présente pas un caractère manifestement excessif au regard du préjudice effectivement subi. La perception des sommes qui auraient dû lui être payées si le contrat était allé à son terme ne révèle pas de disproportion, moins encore de disproportion manifeste, entre l’importance du préjudice effectivement subi par le loueur et le montant conventionnellement fixé ; ce montant est au contraire proportionné à la perte des fruits attendus d’une opération d’achat du bien en vue des bénéfices à réaliser sur sa location.
La société Maison Debieche a régularisé un contrat de location simple au terme duquel cette dernière aurait dû, dans tous les cas, restituer le matériel.
Elle-même aurait donc dû :
– d’une part, percevoir l’ensemble des loyers de la chaîne contractuelle (incluant l’indemnité de résiliation puisque cette dernière correspond aux loyers restant à échoir jusqu’au terme du contrat) ;
– (et) d’autre part, se voir restituer le matériel loué au terme du contrat.
Ainsi, le préjudice qu’elle supporte correspond exactement à la perte des fruits attendus de l’opération d’achat du bien en vue des bénéfices à réaliser sur toute la durée de la location.
L’ordonnance doit être infirmée en ce qu’elle fait de la restitution éventuelle du matériel une condition d’appréciation du préjudice subi par le bailleur.
Le montant de l’indemnité contractuelle de rupture est d’autant moins excessif que :
– la société Corhofi a acquis les biens loués pour un montant de 23 400 euros TTC à la demande expresse de la société Maison Debieche et dans le seul but de les lui donner en location ;
– la société Maison Debieche s’est abstenue de régler le moindre loyer, étant entendu que les premiers impayés portent sur l’échéance du mois de janvier 2022, soit dès la prise d’effet du contrat du 1er janvier 2022′: le préjudice supporté par la concluante est d’autant plus important que la résiliation anticipée du contrat intervient en début de contrat ;
– la société Maison Debieche s’est abstenue d’exécuter spontanément les condamnations provisionnelles portées à son encontre par la juge des référés ;
– la société Maison Debieche n’a pas cru devoir restituer le bien loué à compter de la résiliation du contrat intervenue le 2 février 2022 mais le 13 juin 2022, dès lors qu’elle y a été contrainte par ordonnance la condamnant sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;
– la valeur du matériel restitué et recommercialisé sur le marché des biens d’équipement d’occasion est très fortement minorée. Pour preuve, elle ne s’est vue proposée à ce jour que la simple somme de 4 000 euros, sous réserve de son état de fonctionnement.
L’économie générale du contrat justifie donc le paiement de la totalité des loyers dont le montant a été déterminé en fonction de la valeur du matériel loué et de la durée de la location.
Compte tenu de tout ce qui précède, la débitrice ne pourra qu’être condamnée à titre provisionnel à devoir lui payer les loyers qu’elle aurait dû verser jusqu’au terme du contrat de location, soit la somme de 32 217,94 euros TTC au titre de l’indemnité contractuelle de résiliation, telle que ventilée :
Indemnité de résiliation concernant le contrat n°21/1013/FL-119087 : 46 loyers mensuels d’un montant de 700,39 euros TTC chacun, soit un total de 32 217,94 euros TTC.
Il importe de relever, enfin, que les condamnations doivent porter intérêt au taux contractuel de 1,5 % par mois à compter du 2 février 2022, et ce, conformément aux stipulations de l’article 15 des conditions générales.
L’argument de l’intimée selon lequel les nouveaux associés de la société Maison Debieche auraient été trompés par le cédant des parts sociales est sans emport.
Outre le fait que les quelques courriers communiqués par l’intimée ne démontrent rien, il appartiendra aux associés actuels de la société Maison Debieche de faire valoir leurs droits à l’encontre du cédant.
Suivant ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 août 2022, la société Maison Debieche demande à la Cour de’:
A titre principal,
débouter la société Corhofi de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,
Relever l’existence de contestations sérieuses et inviter la société Corhofi à mieux se pourvoir,
Confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.
A titre subsidiaire,
Réduire à néant ou à titre infiniment subsidiaire à de plus justes proportions de montant de la clause pénale.
En tout état de cause,
Condamner la société Corhofi à lui payer une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.
L’intimée fait notamment valoir que’:
Par acte de cession en date du 16 novembre 2021, Monsieur [L] [S] a cédé ses parts
au sein de la société Maison Debieche à [M] [D] et à son épouse [N] [G].
Lorsque les nouveaux associés ont repris le fonds de commerce, le matériel litigieux ne se trouvait pas dans la boulangerie. Ils se sont immédiatement rapprochés de la société Corhofi et de l’huissier de justice mandaté pour expliquer la situation.
Ils ont saisi un avocat afin de mettre en demeure Monsieur [S] suivant lettre recommandée avec AR en date du 30 mai 2022, d’avoir notamment à restituer le matériel.
Au préalable, ils avaient déjà écrit à Monsieur [S].
En réalité, ce dernier a souscrit avec Corhofi un contrat au nom de la société Maison Debieche portant sur ce matériel qu’il a détourné à son profit ou au profit d’un tiers et ce, avant même la cession de ses parts. Ces agissements peuvent donner lieu à des poursuites pénales. Les nouveaux associés ont néanmoins réussi à récupérer le matériel et l’ont remis à l’huissier de justice mandaté en exposant des frais. C’est dans ces conditions qu’appel a été interjeté.
Le raisonnement du premier juge est à confirmer car il n’est pas contesté par la société Corhofi que le montant de l’indemnité de résiliation s’analyse en une clause pénale. Seul le juge du fond peut en modifier le montant, le juge des référés pouvant tout au plus prononcer une provision à valoir quand la dette n’est pas sérieusement contestable.
Il doit être tenu compte de ce que le contrat litigieux a été conclu le 14 octobre 2021 par Monsieur [S], le dirigeant de l’époque de la société Maison Debieche. Mais il a rapidement cédé ses parts sociales le 16 novembre 2021.
A minima à compter de cette date, soit un mois après la souscription du contrat de location, la société Maison Debieche n’a pas pu utiliser Ies matériels loués. La société Corhofi a été immédiatement informée par LRAR adressée le 13 janvier 2022. Tant Corhofi que les nouveaux associés ont été abusés.
La société Maison Debieche a tout mis en oeuvre pour que les matériels loués, qui ne se trouvaient pas dans la boulangerie mais chez Monsieur [S], soient restitués à la société Corhofi.
Ils l’ont été le 13 juin 2022. Une indemnité de rupture avant récupération des biens est sérieusement contestable.
A titre subsidiaire, si la Cour devait juger que l’allocation d’une provision au titre de l’indemnité de résiliation dont le montant correspond au total des loyers restant à échoir n’est pas sérieusement contestable, elle ne pourrait que relever la disproportion manifeste entre le préjudice allégué et le montant conventionnellement fixé.
Le contrat a été conclu le 14 octobre 2021, pour 4 ans, et résilié à compter du 2 février 2022, étant précisé que les matériels n’ont pas servi à1’exploitation du fonds de commerce.
Corhofi précise qu’elle a acheté à la société Menlog ce matériel au prix de 23 400 euros TTC le 20 octobre 2021, soit à une date curieusement postérieure au contrat de location. Elle se garde bien d’indiquer si elle a pu relouer ce matériel. Elle poursuit la condamnation au paiement d’une provision largement supérieure au prix d’achat d’un matériel dont il est ignoré si elle l’a ou non reloué. Or, la disproportion manifeste s’apprécie en comparant le montant conventionnellement fixé et celui du préjudice effectivement subi.
L’intimée fait valoir sa bonne foi car elle doit faire face aux malversations de son ancien dirigeant qui engage sa responsabilité et aux demandes exorbitantes de Corhofi.
Il y a aura lieu de réduire à néant 1e montant de la clause pénale en raison de sen caractère manifestement excessif.
Pour l’exposé des moyens développés par les parties, il sera fait référence conformément à l’article 455 du Code de procédure civile à leurs écritures déposées et débattues à l’audience du 25 janvier 2023 à 9 heures.
A l’audience, les conseils des parties ont pu faire leurs observations et/ou déposer ou adresser leurs dossiers respectifs. Puis, l’affaire a été mise en délibéré au 8 mars 2023.
MOTIFS
A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour «’constater’» ou «’dire et juger’» ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du Code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
Sur les demandes en paiement au titre des indemnités de rupture contractuelle
En application de l’article 873 alinéa 2 du Code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, peut, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
En l’espèce, en application des articles 13.2 et 13.4 du contrat de location de matériel n° 21/1013/FL-119087 régularisé le 14 octobre 2021 entre la société Corhofi et la société Maison Debieche, qu’en cas de résiliation du contrat pour défaut de paiement d’un seul terme du loyer, «’la résiliation du contrat entraîne de plein droit, au profit du bailleur, le paiement par le locataire ou ses ayants droit, en réparation du préjudice subi, en sus des loyers impayés et de leurs accessoires, une indemnité égale aux loyers restant à échoir au jour de la résiliation. Cette indemnité sera majorée d’une somme forfaitaire égale à 10 % de ladite indemnité à titre de clause pénale’».
En dépit de la lettre du contrat qui réserve à la seule somme de 10’% supplémentaire la qualification de clause pénale, la majoration des charges financières pesant sur le débiteur par suite de l’exigibilité de la totalité des loyers à échoir, dès la date de la résiliation, est nécessairement stipulée à la fois comme un moyen de le contraindre à l’exécution et comme l’évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice subi par le bailleur du fait de l’accroissement de ses frais et risques en raison de la survenance de l’interruption des paiements. Cela lui donne le caractère d’une clause pénale.
Comme toute clause pénale, elle est susceptible de modération en cas d’excès par le seul juge du fond en application de l’article 1231-5 du Code civil.
Toutefois, le pouvoir du juge du fond de modifier les indemnités conventionnelles, n’exclut cependant pas celui du juge des référés d’allouer une provision quand la dette n’est pas sérieusement contestable. En effet, le paiement d’une indemnité due au titre de la clause pénale n’est que l’exécution d’une clause librement acceptée qui vise à sanctionner le manquement d’une partie à ses obligations contractuelles. Si le juge des référés ne peut modérer la clause pénale, il peut en revanche accorder une provision à valoir sur le montant non contestable de cette clause, qui n’a d’autre limite que le montant prévu au contrat.
En l’espèce, l’intimée n’a pas contesté l’ordonnance qui a constaté la résiliation de plein droit du contrat ni la provision à valoir sur l’arriéré des loyers ni celle au titre de l’indemnité d’utilisation du matériel jusqu’à la restitution du matériel qu’elle a effectuée le 13 juin 2022.
Dès lors, le principe de son obligation à payer une indemnité contractuelle de rupture n’est pas sérieusement contestable quand bien même le précédent dirigeant aurait commis des malversations. Le seul recours possible est de se retourner contre cette personne.
S’agissant du quantum de la provision, il y a lieu de tenir compte des éléments suivants pour le fixer’:
l’économie du contrat conduit nécessairement à la restitution du matériel quel que soit le cas de figure, que le contrat ait été à son terme ou non. Pour autant le fait qu’elle ait pu ou non relouer son matériel doit être pris en compte, s’agissant d’une clause pénale se fondant pour partie sur l’évaluation du préjudice réel. Or, à ce jour, cet élément demeure ignoré. Il est uniquement produit un mail très insuffisant émanant du vendeur du matériel qui propose une somme de rachat de 4 K sous réserve de vérifier le bon état de fonctionnement. Il n’est absolument pas établi que ce matériel ne pourrait pas être reloué. En outre, il ne s’agit que d’une unique proposition sans avoir vu le matériel qui a été acquis pour plus de 23 000 euros et qui n’a été que peu utilisé.
le montant sollicité au titre de la provision à valoir sur l’indemnité de résiliation contractuelle est très supérieur au montant d’acquisition du matériel.
la Cour observe que la société Corhofi n’a pas hésité à demander outre l’indemnité contractuelle de rupture correspondant aux loyers à échoir durant toute la durée du contrat telle qu’initialement prévue, une provision à valoir sur une indemnité d’utilisation jusqu’à restitution du matériel. Cette indemnité correspond au montant du loyer tel qu’il aurait été dû si le contrat avait perduré. Cela fait manifestement double emploi de manière partielle puisqu’il n’est pas tenu compte dans le montant sollicité au titre de l’indemnité de résiliation contractuelle des sommes à déduire au titre de l’indemnité d’utilisation mensuelle. Cela représente cinq échéances entre février et juin 2022.
en l’espèce, s’agissant du contrat en cause, compte tenu d’un loyer mensuel de 700,39 euros TTC euros dû pour la période de location de 41 mois ayant pris effet le 1er janvier 2022 et d’une résiliation intervenue le 2 février 2022, il convient de constater que la demande de provision de la société Corhofi au titre des loyers afférents à la période contractuelle restant à courir, ne se heurte à aucune contestation sérieuse à hauteur de 6 000 euros TTC, et qu’il convient de faire droit, dans cette limite, à sa demande provisionnelle au titre de l’indemnité de rupture, outre intérêts de retard contractuel au taux de 1,5 % à compter du 2 février 2022.
La Cour déclarent irrecevables les demandes subsidiaires et infiniment subsidiaires de l’intimée qui sollicite la mise à néant ou la réduction du montant de la clause pénale à de plus justes proportions, s’agissant d’un pouvoir juridictionnel appartenant au seul juge du fond.
La Cour n’a fait qu’utiliser son pouvoir de fixer le montant non sérieusement contestable de ladite provision, la société Corhofi pouvant se pourvoir devant le juge du fond pour solliciter l’évaluation exacte de l’indemnité devant lui revenir.
En conséquence, la Cour infirme l’ordonnance déférée sur le rejet de la demande de provision de la société Corhofi au titre de l’indemnité contractuelle de résiliation et statuant à nouveau de ce chef, condamne la société SAS Maison Debieche à payer à la société SAS Corhofi la somme de 6 000 euros TTC à titre de provision à valoir sur l’indemnité de résiliation du contrat n° 21/1013/FL-119087, outre intérêts de retard contractuel au taux de 1,5 % à compter du 2 février 2022.
Sur l’article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens
L’équité commande au regard des circonstances de la présente affaire de ne pas faire droit à la demande de la société Corhofi au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, la société Maison Debieche qui n’était pas partie en première instance n’étant pas à l’origine de l’appel qui provient uniquement du raisonnement du premier juge.
Partie succombante en première instance et en appel, la société Maison Debieche doit être condamnée aux entiers dépens d’appel.
Conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile, cette condamnation est assortie au profit de Maître [T], avocat qui en a fait la demande expresse, du droit de recouvrer directement ceux des dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision.
La Cour déboute corrélativement la société Maison Debieche de ses demandes accessoires.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant dans les limites de l’appel partiel de la société SAS Corhofi,
Infirme l’ordonnance déférée sur le rejet de la demande de provision de la société Corhofi au titre de l’indemnité contractuelle de résiliation.
Statuant à nouveau de ce chef :
Condamne la société SAS Maison Debieche à payer à la société SAS Corhofi la somme de 6 000 euros TTC à titre de provision à valoir sur l’indemnité de résiliation du contrat n° 21/1013/FL-119087, outre intérêts de retard contractuel au taux de 1,5 % à compter du 2 février 2022,
Rejette les demandes subsidiaires et infiniment subsidiaires de la société Maison Debieche.
Y ajoutant,
Rejette la demande de la société SAS Corhofi au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la société SAS Maison Debieche aux entiers dépens d’appel,
Autorise Maître [T] à recouvrer directement ceux des dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision, et ce, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile,
Déboute la société SAS Maison Debieche de ses demandes accessoires.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT