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8 mars 2023
Cour d’appel d’Agen
RG n°
21/01121
ARRÊT DU
08 Mars 2023
DB/CR
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N° RG 21/01121
N° Portalis
DBVO-V-B7F-C6SI
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S.A.R.L. CASTEL TP
C/
CLUB DE TIR D’ALBRET
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GROSSES le
à
ARRÊT n° 94-2023
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
S.A.R.L. CASTEL TP
RCS d’Agen n°494 077 654
[Localité 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Pierre RAVAUT, avocat plaidant inscrit au barreau de BORDEAUX et par Me David LLAMAS, avocat postulant inscrit au barreau d’AGEN
APPELANTE d’un jugement du tribunal judiciaire d’Agen en date du 09 Novembre 2021, RG 21/00065
D’une part,
ET :
Association CLUB DE TIR D’ALBRET
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Olivier ROQUAIN, avocat plaidant inscrit au barreau de BORDEAUX et par Me Vincent DUPOUY, avocat postulant inscrit au barreau d’AGEN
INTIMEE
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 14 Décembre 2022, sans opposition des parties, devant la cour composée de :
Dominique BENON, Conseiller faisant fonction de Président, qui a fait un rapport oral à l’audience
qui en a rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre lui-même de :
Jean-Yves SEGONNES, Conseiller
Pascale FOUQUET, Conseiller
en application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, et après qu’il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,
Greffières : Lors des débats : Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière
Lors de la mise à disposition : Nathalie CAILHETON, greffière
ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
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FAITS :
Selon devis accepté du 9 juin 2019, l’association Club de tir d’Albret (l’association) a confié à la SARL Castel TP la réalisation de trois fosses pour son installation de tir située à [Localité 4] (47), pour un prix indiqué au devis de 16 944 Euros TTC.
L’association a versé un acompte de 6 500 Euros.
Les travaux ont commencé le 20 juin 2017.
Les 12 novembre et 30 décembre 2019, la SARL Castel TP a émis une facture n° 42-19 d’un montant de 9 144 Euros TTC correspondant au solde du prix indiqué au devis puis, à défaut de paiement, par lettre recommandée du 18 février 2020, la mis en demeure l’association de s’acquitter de ce montant.
Par lettre du 14 mars 2020, l’association a opposé que la SARL Castel TP n’avait pas la capacité de réaliser les travaux prévus au devis, qu’elle n’avait pas pu terminer, laissant ‘le chantier béant et inachevé’.
Par acte du 27 juillet 2020, la SARL Castel TP a fait assigner l’association devant le tribunal de proximité de Marmande afin de la voir condamner à lui payer le solde du prix du marché.
Par jugement du 3 décembre 2020, le tribunal de proximité de Marmande s’est déclaré incompétent et a ordonné le renvoi de l’affaire devant le tribunal judiciaire d’Agen.
L’association a opposé le fait que les travaux n’avaient été réalisés qu’à hauteur de l’acompte versé et a formé une demande reconventionnelle en paiement d’une somme de 3 596 Euros correspondant au différentiel de prix pour terminer les travaux réalisés par une autre entreprise.
Par jugement rendu le 9 novembre 2021, le tribunal judiciaire d’Agen a :
– condamné l’association Club de tir d’Albret à payer à la SARL Castel TP la somme de 1 420 Euros au titre du solde de la facture du 12 novembre 2019,
– condamné la SARL Castel TP à payer à l’association Club de tir d’Albret la somme de 3 596 Euros à titre de dommages et intérêts,
– débouté la SARL Castel TP de sa demande d’indemnisation pour résistance abusive,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– condamné la SARL Castel TP à payer à l’association Club de tir d’Albret la somme de 800 Euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SARL Castel TP aux dépens,
– rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire.
Le tribunal a retenu l’existence d’un marché à forfait ; que seuls les deux premiers postes prévus au devis pouvaient être considérés comme réalisés, soit un prix de 7 920 Euros, et qu’il restait ainsi dû 1 420 Euros à la SARL Castel TP après déduction de l’acompte perçu ; et que compte tenu que les travaux ont finalement coûté 20 540 Euros après intervention d’une autre entreprise, l’association a subissait un préjudice de 20 540 – 16 944 = 3 596 Euros.
Par acte du 27 décembre 2021, la SARL Castel TP a déclaré former appel du jugement en indiquant que l’appel porte sur la totalité du dispositif du jugement, qu’elle cite dans son acte d’appel, à l’exception du rejet des demandes présentées à son encontre par l’association Club de tir d’Albret.
La clôture a été prononcée le 9 novembre 2022 et l’affaire fixée à l’audience de la Cour du 14 décembre 2022.
PRETENTIONS ET MOYENS :
Par dernières conclusions notifiées le 13 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la SARL Castel TP présente l’argumentation suivante :
– La qualification du contrat :
* le contrat fait référence à des travaux en régie, c’est à dire à une fixation du prix selon les dépenses réelles augmentées d’un coefficient de rémunération et d’une couverture des frais.
* le devis a ainsi mentionné le nombre d’heures prévisible pour chaque poste de prestation, soit 192 heures de travail au total.
* il ne s’agit pas d’un marché à forfait tel que prévu à l’article 1793 du code civil qui ne concerne que la construction d’un bâtiment et des travaux décrits avec précision avec plans, alors que seul un plan cadastral lui a été communiqué.
* il importe peu que son gérant, membre de l’association, ait assisté à une assemblée générale.
* elle s’est ainsi engagée sur un nombre d’heures de travail et non sur un résultat déterminé.
– La prestation réalisée :
* elle doit être rémunérée sur la base des 192 heures de travail effectuées, du 13 juin 2019 au 17 juillet 2019, soit 29 heures à 6 heures par jour, comme en attestent des photos qu’elle produit aux débats.
* elle justifie avoir pris en location un bulldozer (1 680 Euros) et avoir consommé du carburant (3 737,69 Euros) et finalement avoir réalisé l’intégralité des prestations commandées.
* l’association a fait intervenir l’entreprise Lhérisson pour des travaux complémentaires et non des travaux de reprise.
* à aucun moment, l’association ne s’est plainte des conditions de réalisation des travaux, n’a émis aucune réserve ni procédé à une retenue du dépôt de garantie.
* c’est une somme de 9 144 Euros qui lui est due et la résistance qui lui est opposée doit être qualifiée d’abusive.
– La demande reconventionnelle n’est pas fondée :
* elle n’a pas abandonné le chantier.
* lorsque des travaux sont inachevés, selon l’article 1221 du code civil, il peut en poursuivre l’exécution à condition d’avoir délivré une mise en demeure.
* elle n’a reçu aucune mise en demeure.
* l’association s’est limitée à faire intervenir une autre entreprise à des conditions différentes de celles du marché initial, dont les prestations ne peuvent être assimilées aux siennes.
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
– infirmer le jugement sur les points de son appel,
– condamner l’association à lui payer 9 144 Euros au titre de la facture n° 4219 du 12 novembre 2019 et la somme de 500 Euros à titre de dommages et intérêts pour “résistance abusive”,
– rejeter les demandes présentées à son encontre par l’association Club de tir d’Albret,
– la condamner à lui payer la somme de 3 000 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et mettre les dépens à sa charge, avec distraction.
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* *
Par dernières conclusions notifiées le 7 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, l’association Club de tir d’Albret présente l’argumentation suivante :
– Elle a conclu un marché à forfait :
* la SARL Castel TP prétend qu’aucun plan ne lui a été remis, alors qu’il lui appartenait de réclamer tous les documents nécessaires à la bonne exécution des travaux commandés.
* son gérant, adhérent ayant participé à une assemblée générale du 2 septembre 2018, avait connaissance de la nature des travaux à réaliser et s’était vu communiquer un plan sur lequel les fosses à réaliser sont indiquées.
* dans un contrat dit de régie, le prix de la prestation n’est fixé qu’après réalisation des travaux, alors que la SARL Castel TP a déterminé les horaires de chaque prestation et le coût total de l’opération.
– Elle n’est pas débitrice de la somme réclamée :
* les travaux prévus au devis n’ont été réalisés que partiellement.
* les factures produites ne prouvent rien et celle relative à la location de matériel est datée du 24 décembre 2019.
* seuls les deux premiers postes du devis ont été réalisés et le chantier a ensuite été abandonné, ce qui a nécessité l’intervention de l’entreprise L’hérisson pour le terminer.
– Elle a été préjudiciée :
* elle a finalement été contrainte de débourser 20 540 Euros alors que le coût prévu était de 16 944 Euros, soit un différentiel de 3 596 Euros comme justement retenu par le tribunal.
* elle est fondée à obtenir des dommages et intérêts même sans mise en demeure de la SARL Castel TP.
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
– débouter la SARL Castel TP de ses demandes,
– confirmer le jugement,
– la condamner à lui payer la somme de 3 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
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MOTIFS :
En premier lieu, les prestations prévues au devis du 9 juin 2019 sont les suivantes :
– location d’une pelle avec chauffeur pour nettoyage et dessouchage du parc, régie 8 : 600 Euros HT,
– location d’une pelle avec chauffeur pour terrassement du 200 m et des 100 m, régie 80 : 6 000 Euros HT,
– location d’une pelle avec chauffeur pour terrassement sanglier courant, régie 40 : 3 000 Euros HT,
– location d’une pelle avec chauffeur pour finition et mise en forme des talus, régie 24 : 1 800 Euros HT,
– location d’un tombereau avec chauffeur pour déplacement de terres, régie 40 : 2 720 Euros HT.
Comme l’a retenu le tribunal, il ne s’agit pas d’une prestation pouvant évoluer en fonction du nombre d’heures réalisées par la SARL Castel TP, mais d’un louage d’ouvrage pour réalisation de prestations précises consistant à retirer des souches, réaliser deux terrassements, mettre en forme des talus et déplacer des terres.
Chaque poste a donné lieu à un nombre d’heures fixées d’un commun accord, et à un taux horaire de 75 Euros, à l’exception du dernier dont le coût a été fixé à 68 Euros, soit un total de 192 heures de travail.
Par suite, la fixation du prix à 16 944 Euros s’impose aux parties.
En deuxième lieu, en application de l’article 1353 du code civil, il appartient à la SARL Castel TP d’apporter la preuve qu’elle a effectivement réalisé les prestations dont elle demande le paiement, alors que l’association prétend que seuls les deux premiers postes du devis d’un montant total de 7 920 Euros TTC l’ont été.
Cette preuve n’est pas apportée.
En effet :
– l’appelante produit une facture libellée à son ordre pour la location d’un ‘Bull’ émanant de la SNC de Marc datée du 24 décembre 2019, alors qu’elle prétend avoir terminé ses travaux le 17 juillet 2019 et, à supposer que cette facture n’ait été éditée que tardivement par le loueur, il n’en reste pas moins qu’aucun élément ne permet de relier cette location aux travaux effectués sur le terrain de l’association.
– les factures de carburant établies par la société Alvéa libellée à l’ordre de la SARL Castel TP ne permettent pas plus de relier l’utilisation de ce carburant aux travaux en litige.
– les photographies des travaux produites par l’appelante ne sont pas datées, il n’est pas justifié des conditions dans lesquelles elles ont été réalisées (contrairement à celles qui peuvent accompagner un constat établi par un huissier de justice) et en tout état de cause, il est difficile de déterminer à quels postes du devis elles pourraient correspondre.
– l’attestation établie par [K] [L] indique que son père, gérant de la SARL Castel TP, a travaillé sur le chantier du 20 juin au 17 juillet 2019, mais ne précise pas quels sont les travaux qui ont été effectivement réalisés.
– il n’existe aucune fiche horaire signée par l’association qui attesterait de la réalisation des 192 heures invoquées par l’appelante.
Par conséquent il ne peut être alloué à l’appelante que la somme de 1 420 Euros correspondant à la différence entre le prix des postes du devis réalisés et l’acompte versé.
Le jugement doit être confirmé sur ce point.
En troisième lieu,s’agissant de la demande reconventionnelle présentée par l’intimée, le surcoût de la prestation effectuée par l’entreprise Lhérisson, par rapport au devis du 9 juin 2019 ne peut être imputé à la SARL Castel TP.
En effet :
– le coût d’intervention de l’entreprise Lhérisson ne résulte que de la libre négociation du prix entre elle et l’association, et a d’ailleurs fait l’objet d’une fixation forfaitaire.
– il n’est pas possible de vérifier que les prestations réalisées par l’entreprise L’hérisson soient exactement celles prévues avec la SARL Castel TP : le libellé des prestations de la facture établie par l’entreprise Lhérisson ne correspond pas aux postes du devis du 9 juin 2029.
Cette demande doit être rejetée et le jugement infirmé sur ce point.
Enfin, l’équité n’impose pas, en cause d’appel, l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
– la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
– CONFIRME le jugement SAUF en ce qu’il a condamné la SARL Castel TP à payer à l’association Club de tir d’Albret la somme de 3 596 Euros à titre de dommages et intérêts ;
– STATUANT A NOUVEAU sur le point infirmé,
– REJETTE la demande reconventionnelle présentée par l’association Club de tir d’Albret ;
– DIT n’y avoir lieu, en cause d’appel, à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– PARTAGE les dépens de l’appel par moitié entre les parties et dit qu’ils pourront être recouvrés directement par Me Llamas pour ceux dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
– Le présent arrêt a été signé par Dominique BENON, Président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,