Your cart is currently empty!
7 octobre 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/09758
Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2022
(n°132, 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/09758 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CDXFV
Décision déférée à la Cour : jugement du 1er février 2021 – Tribunal de commerce de MELUN – RG n°2020F00055
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE
S.A.R.L. SOMAG, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Immatriculée au rcs d’Evry-Courcouronnes sous le numéro 481 323 491
Représentée par Me Marjorie VARIN de la SELARL BERNADEAUX – VARIN, avocate au barreau de l’ESSONNE
INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE
S.A.S. MCMY BTP, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 2]
Immatriculée au rcs de Melun sous le numéro 828 934 091
Représentée par Me Gaëlle LE MEN de la SCP D. BOUAZIZ – M. – L. SERRA – B. AYALA – F. BONLIEU – G. LE MEN – J. AYOUN, avocate au barreau de FONTAINEBLEAU
Assistée de Me Tévy KONG plaidant pour la SCP D. BOUAZIZ – M. – L. SERRA – B. AYALA – F. BONLIEU – G. LE MEN – J. AYOUN et substituant Me Gaëlle LE MEN, avocate au barreau de FONTAINEBLEAU, toque M 5
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Agnès MARCADE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mme Agnès MARCADE a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Mme Déborah BOHEE, Conseillère, désignée pour compléter la Cour
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 1er février 2021 par le tribunal de commerce de Melun.
Vu l’appel interjeté le 25 mai 2021 par la société Somag.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 13 avril 2022 par la société Somag, appelante.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 12 avril 2022 par la société MCMY BTP, intimée et appelante incidente.
Vu l’ordonnance de clôture du 2 juin 2022.
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
La société Somag a pour activités la location de matériel de travaux publics, travaux de terrassement et démolition, travaux de bâtiment, exploitation de carrière et décharge, vrd. Elle comptait parmi ses salariés M. [R] [Z] [K], engagé par contrat à durée indéterminée en date du 5 mai 2014 en qualité de conducteur de travaux.
La société Somag a notifié à M. [Z] [K] son licenciement pour inaptitude le 26 novembre 2018.
Elle indique avoir découvert la création par M. [Z] [K] d’une société dénommée MCMY BTP le 27 mars 2017, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Melun le 10 avril 2017 avec pour activités, « travaux de terrassement, d’assainissement et de vrd ».
La société Somag reproche à la société MCMY BTP d’avoir réalisé des chantiers en détournant sa clientèle grâce à M. [Z] [K] qui, pour les chantiers de 2017 à 2018, lui était lié par un contrat de travail.
Elle a fait dresser le 15 novembre 2019 un procès-verbal de constat par huissier de justice sur le site Internet de la société MCMY BTP.
C’est dans ce contexte que la société Somag a fait assigner la société MCMY BTP devant le tribunal de commerce de Melun en concurrence déloyale.
M. [Z] [K] qui avait quant à lui saisi le conseil de Prud’hommes le 4 février 2019 pour licenciement sans cause réelle et sérieuse a été débouté de sa demande par un jugement du 15 septembre 2021.
Le jugement dont appel :
– s’est déclaré compétent,
– a débouté la société Somag de l’ensemble de ses prétentions,
– a débouté la société MCMY BTP de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– a condamné la société Somag à payer à la société MCMY BTP la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– a condamné la société Somag en tous les dépens,
– a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
La société Somag a relevé appel de cette décision et par ses dernières conclusions demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun le 1er février 2021,
– constater l’existence d’actes de concurrence déloyale dont s’est rendue complice la société MCMY BTP à son préjudice,
– condamner la société MCMY BTP à lui verser la somme de 464.000 euros à titre de dommages et intérêts,
– condamner la société MCMY BTP à retirer sur son site internet les références des chantiers portant sur la période de 2017 à 2018 qui ont été détournés sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
– débouter la société MCMY BTP de sa demande de dommages et intérêts,
– condamner la société MCMY BTP à lui verser la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de proce’dure civile,
– condamner la société MCMY BTP aux entiers dépens avec possibilité de les recouvrer conformément à l’article 699 du code de proce’dure civile.
Par ses dernières conclusions, la société MCMY BTP demande à la cour de :
– la recevoir et la déclarer bien fondée en sa demande.
Y faisant droit,
– déclarer irrecevable la demande nouvelle de la société Somag de complicité d’actes de concurrence déloyale présentée pour la première fois en cause d’appel,
– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun du 1er février 2021 en ce qu’il :
– se déclare compétent,
– déboute la société Somag de l’ensemble de ses prétentions,
– condamne la société Somag à verser à la société MCMY BTP la somme de 2.000 euros au litre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne la société Somag en tous les dépens ,
– déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
– infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Melun du 1er février 2021 en ce qu’il :
– l’a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Statuant à nouveau,
– condamner la société Somag à un montant de 5.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Y ajoutant et en tout état de cause,
– condamner la société Somag au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La cour relève que le chef du dispositif du jugement par lequel le tribunal de commerce de Melun retient sa compétence n’est pas l’objet de l’appel principal de la société Somag ni de l’appel incident de la société MCMY BTP.
Aussi, ce chef du jugement non critiqué doit être considéré comme irrévocable.
Sur les actes de concurrence déloyale
La société MCMY BTP oppose à la société Somag une fin de non recevoir fondée sur les dispositions de l’article 564 du code de procédure civile aux motifs que la demande de cette dernière fondée sur la ‘complicité d’actes de concurrence déloyale’ serait nouvelle en cause d’appel.
Selon les dispositions des articles 564 et 565 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance de la révélation d’un fait. Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
La société Somag a formé devant le tribunal des prétentions fondées sur l’article 1240 du code civil en raison des actes de concurrence déloyale qu’elle estimait commis à son préjudice par la société MCMY BTP créée par son salarié, M. [Z] [K], en raison d’un détournement de clientèle. En appel, elle forme toujours des demandes indemnitaires fondées sur la responsabilité délictuelle de la société MCMY BTP invoquant la complicité de la violation de la clause de non concurrence à laquelle ce salarié devenu gérant de la société MCMY BTP était soumis.
Or, n’est pas nouvelle une demande d’indemnisation d’un préjudice lié à des actes déloyaux fondée en appel sur la complicité de la violation d’une obligation de non-concurrence d’un salarié, alors qu’en première instance, cette demande était fondée sur le détournement de clientèle avec la complicité du dit salarié.
La fin de non-recevoir opposée par la société MCMY BTP est rejetée.
La société Somag reproche à la société MCMY BTP, fondée par M. [Z] [K], d’avoir effectué des chantiers au cours des années 2017 et 2018 pour des sociétés qui étaient également ses clientes et alors que M. [Z] [K] était encore son salarié. Elle fait valoir que le nouvel employeur qui engage un salarié qu’il sait par ailleurs tenu par une obligation de non-concurrence, engage sa responsabilité envers le créancier de cette obligation non respectée. Elle critique le jugement de première instance qui, pour la débouter de ses demandes, a considéré que les activités exercées par les deux sociétés en litige étaient différentes alors que tel n’est pas le cas.
La société MCMY BTP réplique que M. [Z] [K] l’a créée en accord avec l’appelante, que celui-ci est son gérant et non son salarié, que les deux sociétés ont une activité complémentaire et ont travaillé conjointement pour plusieurs clients, la société Somag ayant une activité de location alors qu’elle a pour activité les travaux de terrassement. Elle critique la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail qui ne prévoit aucune limitation géographique.
Il ressort des éléments fournis au débat et des explications des parties que M. [Z] [K] était salarié de la société Somag jusqu’au 26 novembre 2018, date de son licenciement.
Le contrat de travail liant M. [Z] [K] à la société Somag comportait une clause de non concurrence aux termes de laquelle celui-ci « s’engage pendant toute la durée du contrat à ne pas proposer ses services, n’apporter un concours quelconque de manière directe ou indirecte aux différentes sociétés avec lesquelles la société est en relation contractuelle, et à intervenir sur les projets confiés par les différents clients que dans le cadre des tâches qui lui sont confiées. »
La société MCMY BTP discute en vain la régularité de cette clause de non-concurrence, étant rappelé que pendant la durée du contrat de travail, le salarié est, de plein droit, tenu d’une obligation de non-concurrence à l’égard de son employeur.
Or, la société MCMY BTP dont le gérant est M. [Z] [K] a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 10 avril 2017, pour exercer une activité de travaux de terrassement, d’assainissement et de Vrd, alors que M. [Z] [K] était toujours lié par contrat de travail à la société Somag, qui a pour activité non seulement la location de matériel de travaux publics mais aussi celle de travaux de terrassement et démolition, travaux de bâtiment.
Il résulte du procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 15 novembre 2019 sur le site internet de la société MCMY BTP, que figure un onglet intitulé « références », l’ huissier instrumentaire constatant la présence d’une liste de travaux confiés à la société MCMY BTP de 2017 à 2019, les maîtres d’ouvrage ou entreprises générales mentionnés sur le site étant notamment, la société Artis Construction (2017), la société GTM (2017), la société Nexity (2017), la direction des sports, région Ile de France (2017) et la société SICRA (2018).
Il n’est pas discuté que ces sociétés sont aussi les clientes de la société Somag.
Aussi, en créant pendant la durée du contrat de travail le liant à la société Somag, une société qui a pour activité les travaux dans le domaine du bâtiment, tout comme son employeur, et qui a réalisé durant cette période plusieurs chantiers pour des clients de ce dernier ainsi qu’il est démontré par la société Somag notamment par le procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 15 novembre 2019 précité, M. [Z] [K] a violé l’obligation de non-concurrence à laquelle il était tenu. La société MCMY BTP fondée et dirigée par M. [Z] [K], qui n’ignorait nullement l’obligation de non-concurrence de ce dernier à l’égard de son employeur s’est rendue complice de la violation de cette obligation et a ainsi commis une faute constitutive de concurrence déloyale au préjudice de la société Somag. L’affimation de la société MCMY BTP selon laquelle elle aurait travaillé pour ces mêmes clients avec l’accord de la société Somag, ce qui est contesté par cette dernière, n’est étayée par aucun élément fourni au débat.
Sur le préjudice
La responsabilité de la société MCMY BTP en raison de sa complicité de la violation de l’obligation de non-concurrence par M. [Z] [K] ayant été retenue, il convient d’indemniser le préjudice de la société Somag en lien avec cette faute, un trouble commercial s’infèrant nécessairement d’un acte de concurrence déloyale.
Ce préjudice est le gain dont a été privée l’appelante si l’obligation avait été respectée par son salarié, soit la marge qu’elle aurait réalisée si les clients avaient contracté avec elle entre la constitution de la société MCMY BTP en avril 2017 et le départ de M. [Z] en novembre 2018 et non la totalité du chiffre d’affaires réalisé par la société MCMY BTP sur cette période évalué à 464.000 euros par l’appelante ainsi qu’il résulte des chiffres annoncés par l’intimée sur son site internet. Il ressort en outre des écritures même de la société Somag que celle-ci a continué à travailler avec ces même clients pendant la période ci-avant définie et a réalisé un chiffre d’affaire conséquent.
Au vu des éléments dont dispose la cour aux fins d’évaluation du préjudice, il sera alloué à la société Somag la somme de 45.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son entier préjudice au titre du trouble commercial subi.
La demande de la société Somag tendant à voir retirer des références de la société MCMY BTP correspondant aux chantiers obtenus en raison des actes déloyaux commis par cette dernière, identifiés dans les écritures de l’appelante comme les quatre chantiers de 2017, Sarl Parc/Artis construction, GTM, Nexity Creps Ile de France, et deux chantiers de 2018 Sicra et Seine Saint Denis Habitat/Sicra, sera également accueillie selon les modalités prévues au dispositif.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu’il a rejeté les prétentions de la société Somag fondées sur la concurrence déloyale.
Sur la procédure abusive
Les demandes de la société Somag ayant prospéré, la société MCMY BTP sera déboutée de sa prétention au titre de la procédure abusive.
Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur les autres demandes
Les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles sont également infirmées.
Partie perdante, la société MCMY BTP sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la société Somag, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 5.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l’appel,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a débouté la société MCMY BTP de sa demande au titre de la procédure abusive,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Condamne la société MCMY BTP à payer à la société Somag la somme de 45.000 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale,
Dit que la société MCMY BTP devra retirer du site internet btp-mcmy.fr/references, l’ensemble des mentions relatives aux références suivantes : 2017, Sarl Parc/Artis construction, GTM, Nexity, Creps Ile de France, et 2018, Sicra et Seine Saint Denis Habitat/Sicra, dans les trois mois de la signification de cette décision , sous astreinte passé ce délai de 100 euros par jour de retard pendant deux mois à l’expiration desquels il pourra à nouveau être statué ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société MCMY BTP à payer à la société Somag la somme totale de 5.000 euros,
Condamne la société MCMY BTP aux dépens de première instance et d’appel, les dépens d’appel pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Conseillère, Faisant Fonction de Présidente