Location de matériel : 4 juillet 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/06665

·

·

Location de matériel : 4 juillet 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/06665
Ce point juridique est utile ?

4 juillet 2022
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
19/06665

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 04 JUILLET 2022

N° RG 19/06665 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LL4G

SAS FLAT LEASE GROUP

c/

SAS TECHNIPRO

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 novembre 2019 (R.G. 2018F00895) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 19 décembre 2019

APPELANTE :

SAS FLAT LEASE GROUP, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]

représentée par Maître Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SAS TECHNIPRO, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]

représentée par Maître Samantha LABESSAN, substituant Maître Olivier BOURU, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 31 mai 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie PIGNON, Président chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie PIGNON, Présidente,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

La société Technipro a signé le 26 février 2007 un contrat avec la société Flat lease group portant sur la location de matériel informatique à savoir un serveur IBM, 2 pc windows Lenovo et 2 écrans plats pour une durée de 60 mois, moyennant le paiement d’un loyer trimestriel à hauteur de la somme de 1 874 euros ht.

Par courrier du 26 juin 2012, la société Technipro a dénoncé ledit contrat auprès de la société Flat lease group et demandé que lui soit communiqué la valeur de rachat du matériel.

La société Flat lease group a accusé réception de la demande de dénonciation du contrat, indiqué qu’elle prenait effet au 31 mars 2013 et demandé la restitution du matériel, la valeur de rachat de l’ensemble du matériel étant fixée à la somme de 3 748 euros ht.

Par courriers des 11 juin 2014, 26 mars 2015, 6 février 2018 et 2 mars 2018, la société Flat lease group a mis en demeure la société Technipro d’avoir à lui régler la somme de 9 950,98 euros ttc, puis 24 025,92 euros ttc et enfin 60 176,83 euros ttc.

Par courriers des 14 et 20 février 2018, la société Technipro a refusé de régler lesdites sommes, les estimant injustifiées.

Par ordonnance du 12 juillet 2018, le président du tribunal de Marseille a autorisé la société Flat lease group à pratiquer une saisie conservatoire de créance à l’encontre de la société Technipro pour un montant de 60 176,83 euros.

Par acte d’huissier du 21 août 2018, la société Flat lease group a assigné la société Technipro devant le tribunal de commerce de Bordeaux en paiement des sommes de 2 140,80 euros par trimestre d’utilisation à compter du 12 juillet 2013 et ce jusqu’à complète restitution du matériel financé, et 3 950 euros au titre de l’indemnité annuelle d’assurance due pour la période 2013 à 2018 et aux fins de la condamner à restituer le matériel et logiciel objet du contrat de location sous astreinte de 500 euros par mois de retard à compter de la décision à venir.

Par jugement contradictoire du 21 novembre 2019, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

– dit l’action de la société Flat lease group prescrite,

– condamné la société Flat lease group a payer à la société Technipro la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Flat lease group aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration du 19 décembre 2019, la société Flat lease group a interjeté appel de cette décision à l’encontre de l’ensemble des chefs qu’elle a expressément énumérés, intimant la société Technipro.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 24 septembre 2020, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société Flat lease group demande à la cour de :

– infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,

– et la réformant,

– la déclarer recevable en son action,

– débouter la société Technipro de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– condamner la société Technipro à lui verser la somme de 42.816 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure d’avoir à restituer en date du 8 novembre 2013,

– condamner la société Technipro à lui verser la somme de 3 950 euros au titre de l’indemnité annuelle d’assurance due pour la période 2013 à 2018,

– condamner la société Technipro à restituer le matériel et le logiciel objet du contrat de location financière sous astreinte de 500 euros par mois de retard à compter de la décision à venir,

– condamner la société Technipro à lui verser la somme de 2 140,80 euros par trimestre à compter de l’assignation jusqu’à la parfaite restitution du matériel loué,

– ordonner la capitalisation des intérêts par années entière,

– condamner la société Technipro à une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens et frais éventuels d’exécution.

La société Flat lease group fait notamment valoir que les échéances se prescrivent de façon successive au regard de la date d’exigibilité de chacune ; que la mesure conservatoire a un effet interruptif de prescription au sens de l’article 2244 du code civil ; qu’en l’absence d’aménagement amiable quant à l’incapacité de la société Technipro de lui restituer le matériel, cette dernière restait soumis à son obligation de restitution.

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 12 novembre 2020, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société Technipro demande à la cour de :

– à titre principal,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

– condamner la société Flat lease group à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel,

– à titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour venait à infirmer le jugement et déclarer recevable l’action de la société Flat lease group,

– débouter la société Flat lease group de l’ensemble des demandes, fins et conclusions,

– dire et juger qu’elle est à maxima redevable de la somme de 3 052 euros ht envers la société Flat lease group, qui correspond à la valeur de remplacement du matériel,

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Flat lease group à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance,

– condamner la société Flat lease group à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

La société Technipro fait notamment valoir que la prescription a commencé le 8 avril 2013 et que la société Flat lease group avait jusqu’au 8 avril 2018 pour engager une action à son encontre ; que l’indemnité d’utilisation réclamée est en effet devenue exigible à l’issu du délai de huit jours imparti à la société Tecnhipro pour restituer le matériel, le fait qu’à chaque trimestre le montant de l’indemnité soit revalorisé étant sans incidence.

Elle précise qu’en fixant la valeur de rachat du matériel à la somme de 3 748 euros ht pour l’ensemble du matériel, la société Flat lease group a donné son accord pour que la concluante lui verse la valeur de rachat du matériel en lieu et place d’une restitution.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 mai 2022 et le dossier a été fixé à l’audience du 31 mai 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

En vertu des dispositions de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En l’espèce, l’appelante soutient que chacune des indemnités d’utilisation est une créance distincte, ayant sa propre date d’exigibilité et par la même un point de départ particulier au regard du délai de prescription, et qu’elle réclame les indemnités d’utilisation qui ont couru à compter du 12 juillet 2013, ce jusqu’à la restitution des biens.

La société intimée réplique que la résiliation du contrat ayant pris effet au 31 mars 2013, elle était tenue de restituer le matériel loué dans les huit jours à compter de cette date, conformément aux stipulations contractuelles et notamment son article 13, que la prescription a donc commencé à courir le 8 avril 2013 et la société Flat Lease Group avait jusqu’au 8 avril 2018 pour engager une action à son encontre.

L’article 13 du contrat de location prévoit au chapitre ‘Fin de location- Restitution’ : ‘Dès la fin de la location, le locataire restituera le matériel loué, à ses frais, franco de port et d’emballage, et en bon état d’entretien, en tout lieu convenu entre les parties, ou à défaut d’entente en celui indiqué par le bailleur. Les frais éventuels de remise en état, en cas d’usure anormale ou de détérioration du matériel, seront exigibles du locataire. Tout retard de plus de huit jours dans la restitution du matériel loué, soit au terme du contrat, soit après résiliation, entraînera l’exigibilité d’une indemnité d’utilisation correspondant au terme locatif moyen calculé sur une base trimestrielle, (toute période commencée étant due en totalité), sans préjudice des poursuites que le loueur pourrait engager à l’encontre du locataire.’

Le contrat a pris fin le 31 mars 2013, à la suite de la notification par la société Technipro, le 26 juin 2012, de la résiliation du contrat.

Seul le serveur IBM a été restitué, et par courrier du 4 juillet 2013, la société Flat Lease Group a indiqué facturer à la société Technipro la valeur de remplacement des deux PC lenovo et des deux écrans plats à hauteur de 3.052 euros HT.

En premier lieu, la résiliation du contrat entrainant ipso facto l’obligation pour le locataire de restituer le matériel dans les huit jours de la fin du contrat, soit au plus tard le 8 avril 2018, la société Flat Lease Group, qui n’avait pas été destinataire du matériel à cette date, disposait d’un délai expirant le 8 avril 2018 pour intenter une action en restitution à l’encontre de la société Technipro. L’assignation devant le tribunal de commerce de Bordeaux étant en date du 21 août 2018, et aucune cause d’interruption de la prescription n’étant survenue, il convient, en confirmation de la décision déférée, de déclarer prescrite la demande en restitution du matériel.

En revanche, contrairement à ce qu’a estimé le premier juge, la durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance, et l’indemnité d’utilisation, exigible trimestriellement, étant par nature une dette périodique, comme la dette de loyer, la société Flat Lease Group est recevable à solliciter les indemnités d’utilisation qui ont couru pendant les cinq années précédant son action.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a dit prescrite l’action de la société Flat Lease Group en paiement des indemnités d’utilisation à compter du 21 août 2013, et des l’indemnité annuelle d’assurance due pour la période 2013 à 2018.

Sur le fond, il ressort des pièces produites que dès le mois de juillet 2013, la société Flat Lease Group, qui a réceptionné le serveur IBM, tout en mettant en demeure la société Technipro de restituer le matériel, lui a indiqué que si le matériel manquant ne lui était pas restitué avant le 4 août 2013, une valeur de remplacement serait facturée à la société Technipro, à hauteur de 2.052 euros HT.

Il n’est ni contestable ni contesté que les deux PC et les deux écrans n’ont pas été restitués, la société Technipro ayant ultérieurement précisé qu’ils avaient été détruits. En raison du désaccord sur l’évaluation de la valeur de remplacement, la société Technipro n’a pas réglé la somme sollicitée par la société Flat Lease Group au titre de la valeur de remplacement.

De l’ensemble de ces éléments, il ressort qu’à compter du mois de juillet 2013, la société Flat Lease Group, qui avait reçu une partie du matériel loué, et avait facturé l’autre partie au titre de la valeur de remplacement, ne pouvait exiger le paiement d’indemnités d’utilisation pour un matériel dont elle n’ignorait pas qu’il n’était plus en possession du locataire.

Sa demande en paiement des sommes de 42.816 euros au titre des indemnités d’utilisation et 3.950 euros au titre de l’assurance du matériel sera en conséquence rejetée, étant précisé en outre qu’aucune demande n’est formulée au titre de la valeur de remplacement du matériel.

Compte tenu de la décision intervenue, les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de la société Flat Lease Group.

Il est équitable d’allouer à la société Technipro la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, que la société Flat Lease Group sera condamnée à lui payer.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a dit prescrite la demande de la société Flat Lease Group en restitution du matériel, et en ce qu’il a condamné la société Flat Lease Group au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

L’infirme en ce qu’il a dit prescrite la demande en paiement des indemnités d’utilisation et d’assurance du matériel, et, statuant à nouveau ;

Déclare recevable la demande en paiement des indemnités d’utilisation et d’assurance du matériel présentée par la SAS Flat Lease Group ;

L’en déboute ;

Y ajoutant,

Condamne la SAS Flat Lease Group à payer à la SAS Technipro la somme de 2.500 euros en application, en cause d’appel, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Flat Lease Group aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Mme Pignon, présidente, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x