Location de matériel : 30 juin 2020 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/06340

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Location de matériel : 30 juin 2020 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/06340
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30 juin 2020
Cour d’appel de Lyon
RG n°
19/06340

N° RG 19/06340 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MSVG

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Référé

du 31 juillet 2019

RG : 2019r700

ch n°

SAS EXPERF NORD

C/

SAS ELIVIE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRET DU 30 Juin 2020

APPELANTE :

SAS EXPERF NORD, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

Ayant pour avocat plaidant Maître Hedy SAOUDI, avoat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE :

SAS ELIVIE, agissant par l’intermédiaire de son représentant légal en exercice domicilié en sa qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Emilie RONCHARD, avocat au barreau de LYON, toque : 1739

Ayant pour avocat plaidant Maître Jérôme CHOMEL, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l’instruction : 31 Mars 2020

Date de mise à disposition : 30 Juin 2020

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Agnès CHAUVE, président

– Catherine ZAGALA, conseiller

– Karen STELLA, conseiller

DÉCISION RENDUE SANS AUDIENCE

Vu l’état d’urgence sanitaire, la présente décision est rendue sans audience suite à l’accord des parties et en application de l’article 8 de

l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale ;

La décision est portée à la connaissance des parties par le greffe par tout moyen en application de l’article 10 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale, tel que précisé par l’article 2.i de la circulaire du 26 mars 2020 CIV/02/20 – C3/DP/202030000319/FC.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées par tout moyen,

Signé par Agnès CHAUVE, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

La société Experf Nord qui a pour activité l’achat, la vente, la location de matériel médical et de toutes prestations de services dans le domaine médico-technique, a eu pour salariée à compter d’un transfert intervenu le 1er octobre 2014, Mme [E] [Z] en qualité d’infirmière coordinatrice jusqu’au 6 novembre 2018, les parties ayant conclu un protocole d’accord valant rupture conventionnelle du contrat de travail le 25 septembre 2018.

Mme [E] [Z] a été embauchée par la société Elivie qui exerce une activité identique à la société Experf Nord, suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 12 novembre 2018 en qualité de conseillère médico-technique.

Allégant la violation de la clause de non-concurrence à laquelle était soumise Mme [Z], la société Experf Nord a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon aux fins de voir condamner la société Elivie à cesser toute activité concurrente dans la région Nord-Pas-de-Calais, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ainsi que le paiement d’une provision d’un montant de 107 131 euros à valoir sur le préjudice qu’elle a subi.

Par ordonnance contradictoire rendue le 31 juillet 2019, le Président du Tribunal de commerce de Lyon l’a déboutée de ses demandes et condamnée à payer à la société Elivie la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par déclaration en date du 12 septembre 2019, la société Experf Nord a interjeté appel de cette ordonnance.

Aux termes de ses dernières conclusions, la société Experf Nord demande à la cour de :

– réformer l’ordonnance en toutes ses dispositions,

– dire et juger que la société Elivie s’est rendue complice de faits de concurrence déloyale par complicité de violation de la clause de non-concurrence pesant sur sa salariée, Mme [E] [Z],

– condamner la société Elivie à cesser le trouble causé par l’activité concurrente exercée par sa salariée, Mme [E] [Z], sur la région Nord-Pas-de-Calais conformément à la clause de non-concurrence stipulée à l’article 12 du contrat de travail convenu avec elle,

– dire et juger que la société Elivie devra mettre un terme à l’activité concurrente exercée par Mme [E] [Z] sur la région Nord-Pas-de-Calais sous astreinte de deux-cent euros par jour de retard à compter de l’ordonnance à intervenir,

– condamner la société Elivie au paiement provisionnel de la somme de 84 636,72 € en raison du préjudice qu’elle subi du fait de cette complicité,

– condamner la société Elivie au paiement de la somme de 10 000 € en indemnisation de son préjudice moral,

– condamner la société Elivie à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner la société Elivie aux dépens d’instance et d’appel, ces derniers distraits au profit de Me Laffly, Avocat sur son affirmation de droit.

La société Experf Nord soutient à l’appui de son appel que :

– les moyens tenant à la remise en cause de la validité de la clause, l’exception d’inexécution et l’absence de contrepartie financière sont des arguments de la compétence du conseil des prud’hommes et ne peuvent être soulevés que par Mme [Z],

– la société Elivie engage sa responsabilité délictuelle en raison de son comportement complice dans la violation de la clause de non-concurrence, d’autant qu’elle exerce une activité strictement identique à la sienne,

– la société Elivie ne démontre pas qu’elle a vérifié si Mme [Z] était tenue par une clause de non-concurrence,

– la territorialité de l’emploi prévue au sein du contrat de Mme [Z], située dans la Somme, est fictive car cette dernière a exercé son activité dans le département du Nord-pas-de-Calais, comme en témoigne la carte de visite versée au débat par la concluante,

– elle a enjoint la société Elivie de ne plus embaucher Mme [Z] sur la région Nord-pas-de-Calais et porté à la connaissance de celle-ci l’existence de la clause dès le 26 février 2019, or elle n’a rien fait pour retirer sa salariée de ce secteur, qui exerce toujours,

– la clause prévue au sein du contrat de Mme [Z] ne prévoit pas de justificatif professionnel mais une simple attestation sur l’honneur, de sorte qu’elle est valable,

– l’absence de versement de la contrepartie n’est pas une inexécution suffisamment grave au regard des faits de l’espèce, dans la mesure ou Mme [Z] a directement été embauchée par la société Elivie au mépris de la clause,

– l’arrivée très rapide de Mme [Z] au poste similaire auprès des clients de la société Elivie lui cause un préjudice économique correspondant à une perte de chiffre d’affaires en raison du trouble commercial causé, pour un montant de 84 636,72 €,

– son image est notablement endommagée du fait du transfert de Mme [Z] à une autre société, qui laisse supposer une faute de sa part, de sorte qu’elle a subi un préjudice moral d’un montant de 10 000 €.

En réponse, la société Elivie conclut à la confirmation de l’ordonnance, au débouté des demandes de l’appelante et à sa condamnation aux dépens ainsi qu’au paiement à son profit d’une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle explique que :

– il appartient à la société Experf Nord de démontrer qu’elle aurait embauché Mme [Z] en connaissance de cause de la violation de la clause de non-concurrence à laquelle elle était astreinte, ce qu’elle ne fait pas,

– dès l’offre de contrat du 20 septembre 2018, elle a rappelé à Mme [Z] que celle-ci devait être libre de toute clause de non-concurrence, et le contrat du 12 novembre 2018 précise également que cette dernière s’est déclarée libérée de tout engagement incompatible avec le contrat,

– le contrat et l’affectation de Mme [Z] dans la Somme respectent pleinement la clause de non-concurrence puisque celle-ci ne visait que les départements Nord-Pas-De-Calais,

– la société Experf ne justifie pas qu’à compter de la date où elle lui a adressé une mise en demeure, il a pu être constaté une violation de la clause de non-concurrence par sa salariée,

– la société Experf Nord ne justifie nullement avoir versé à Mme [Z] la contrepartie financière obligatoire à la non-concurrence qu’elle entend lui imposer, de sorte qu’elle a pu, ainsi que Mme [Z], légitimement se considérer déliée de cette clause de non-concurrence en vertu du principe d’exception d’inexécution,

– la société Experf ne justifie nullement d’une faute délictuelle de sa part, d’autant que la société Experf ne justifie pas du préjudice dont elle se prévaut,

– la réparation du préjudice moral ne doit pas être confondue avec un éventuel préjudice d’image ou encore à la réputation.

MOTIFS DE LA DECISION

L’article 873, 1er alinéa, du code de procédure civile dont l’application est requise par M. [T] [M] permet au juge des référés, même en présence d’une contestation sérieuse, d’ordonner les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Il est constant que les sociétés Experf et Elivie exercent des activités similaires et que Mme [E] [Z] salariée de la société Experf du 1er octobre 2014 au 6 novembre 2018 en qualité d’infirmière coordinatrice sur la région Nord-Pas-de-Calais, a été embauchée par la société Elivie à compter du 12 novembre 2018.

Le contrat de travail conclu entre la société Experf et Mme [E] [Z] comporte en son article 12 une clause de non-concurrence ainsi rédigée : ‘Mme [W] [E] s’engage, en cas de rupture du présent contrat de travail, quel qu’en soit l’auteur et pour quelque cause que ce soit, à ne pas entrer au service d’une entreprise concurrente et en particulier de toute entreprise ayant une activité semblable ou similaire, à ne pas s’intéresser directement ou indirectement à une entreprise travaillant dans le même domaine d’activité, à ne pas créer, directement ou indirectement, par personne interposée, d’entreprise ayant des activités concurrentes ou similaires à celles de la société, à ne pas utiliser, au profit d’une autre société que la société Experf les méthodes, concepts, procédure propres à cette dernière’ pour une durée de douze mois à compter de la date de cessation effective des fonctions et sur la Région Nord Pas de Calais. En contrepartie, il est prévu le versement d’une indemnité compensatrice d’un montant mensuel correspondant à 30% de la moyenne mensuelle du salaire brut peçu par elle, hors primes, au cours de ses 3 derniers mois de présence dans l’entreprise.

Le protocole d’accord valant rupture conventionnelle du contrat de travail signé par la société Experf et Mme [Z] le 25 septembre 2018 rappelle la présence de la clause de non-concurrence et indique que la société Experf souhaite appliquer cette caluse et que la salariée percevra donc la contrepartie financière prévue à cette clause.

Par courrier du 2 novembre 2018, la société Experf a rappelé cette clause à Mme [Z].

Par courrier du 25 février 2019, elle s’est plainte d’une violation de celle-ci et lui a redemandé de respecter cette clause.

Par courrier daté du lendemain, elle a fait part de cette violation à la société Elivie et lui a indiqué l’existence de cette clause, avec un rappel le 28 mars 2019.

Elle produit la carte de visite professionnelle de Mme [Z] qui la domicilie à l’agence Elivie de Lezennes (59 260) soit dans l’ancienne région Nord Pas de Calais, pièce déjà produite à l’appui de l’assignation délivrée le 17 juin 2019 soit à une date à laquelle la clause de non-concurrence sur la région Nord-Pas de Calais était toujours en vigueur.

Le CV de Mme [Z] qui a été versé aux débats par l’intimée montre que celle-ci connaissait le précédent employeur de Mme [Z] et avait conscience qu’il s’agissait d’un concurrent puisque dans son offre d’emploi du 20 septembre 2018, elle indique que l’embauche sera définitive sous réserve qu’elle justifie ne pas être liée par une clause de non-concurrence dans son contrat de travail actuel. Elle s’était engagée donc à vérifier l’absence de toute clause de non-concurrence s’opposant à l’embauche et n’entendait pas aux termes de cette offre se contenter d’une simple déclaration ou affirmation de Mme [Z] puisqu’elle lui en demandait d’en justifier.

Or, il apparaît qu’elle s’est contentée de faire figurer dans le contrat de travail signé ensuite une mention selon laquelle Mme [Z] ‘se déclare libre de tout engagement incompatible avec le présent contrat’.

Elle-même a fait figurer une clause de non-concurrence dans son propre contrat.

Les deux attestations de salariés de la société Experf, messieurs [P] [X] et [I] rapportent avoir rencontré Mme [Z] dans le service de soins palliatifs du centre hospitalier de [Localité 6] le 21 février 2019 pour la prise en charge du retour d’un patient, puis au cours du mois de février dans la salle d’attente de la pharmacie centrale du centre hospitalier de [Localité 6], et au centre hospitalier de [Localité 5] en mars.

Ces attestations ne sont contredites par aucune des pièces produites par la société Elivie qui informée par la société Experf le 26 février 2019 de la violation de la clause de non-concurrence lui bénéficiant, ne justifie pas avoir procédé à des vérifications et demandes d’explication ni avoir agi pour mettre fin à ceux-ci.

Cela étant, la clause de non-concurrence était limitée à une période de douze mois et s’achevait donc le 6 novembre 2019. Le trouble résultant du non-respect de cette clause a pris fin et il ne peut être fait droit à la demande de mesures destinées à faire cesser le trouble allégué, seule la réparation du dommage pouvant être envisagée devant le juge du fond qu’il appartiendra donc évenutellement à l’appelante de saisir.

La demande de provision formée par la société Experf se heurte à des contestations sérieuses dans la mesure où elle ne justifie pas du paiement de la contrepartie financière de cette clause. Cette demande est également faite devant le conseil de prud’hommes à l’encontre de Mme [Z], et son quantum n’apparaît pas suffisamment établi, au regard de la seule attestation comptable produite aux débats.

L’équité commande toutefois d’allouer une somme de 1 500 euros à l’appelante au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens devant être mis à la charge de l’intimée à qui le temps de la procédure a profité.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme l’ordonnance querellée.

Statuant à nouveau et vu l’évolution du litige et l’expiration de la durée de la clause de non-concurrence,

Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes d’interdiction et d’injonction formées pour le passé.

Rejette la demande de provision.

Condamne la société Elivie à payer à la société Experf la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La condamne aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

 


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