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28 septembre 2020
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/06143
Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 10
ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2020
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/06143 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7R7O
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Février 2019 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2017049030
APPELANTS
Monsieur [S] [O]
Domicilié [Adresse 1]
[Localité 3]
Madame [D] [W]
Domiciliée [Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté-es par Me Delphine MENGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0006
Représenté-es par Me Jean-baptiste ABADIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0368,
INTIMEE
SA BPCE LEASE anciennement dénommée ‘NATIXIS LEASE’
Ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 4]
N° SIRET : 379 155 369
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par Me Stéphane BONIN de la SCP BONIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : B0574, substitué par Me Julie MANISSIER, avocate au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Juillet 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Edouard LOOS, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte en date du 12 mars 2015, la société Natixis Lease a conclu avec la société LGV Réaumur un contrat de crédit bail portant sur la financement de divers matériels de cuisine et autres d’une valeur de 292 000 euros HT permettant à cette dernière d’exploiter un fonds de commerce de restaurant.
Par acte du même jour, Monsieur [S] [O] et Madame [D] [W], tous deux associés fondateurs de la société LGV Réaumur, Mme [W] en assurant par ailleurs la gérance, se sont portés caution vis à vis de la société Natixis Lease, chacun pour la somme de 87 600 euros.
Par jugement du 11 janvier 2016, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société LGV Réaumur, convertie en liquidation judiciaire le 3 mai suivant.
Après que le mandataire liquidateur ait confirmé à la société Natixis Lease sa volonté de ne pas poursuivre le contrat, celui ci a été résilié et la créance de la société Natixis Lease, régulièrement produite, n’a pas été contestée.
Les mises en demeure de payer adressées par la société Natixis Lease à Mme [W] et à M. [O] sont demeurées vaines.
Par acte du 21 août 2017, la société Natixis Lease a fait assigner en paiement M. [S] [O] et Mme [D] [W].
* * *
Vu le jugement prononcé le 19 février 2019 par le tribunal de commerce de Paris qui a statué ainsi qu’il suit :
Dit que les cautions souscrites par M. [S] [O] et Mme [D] [W] ne sont pas disproportionnées par rapport à leur patrimoine au jour de la conclusion desdites garanties,
Condamne M.[S] [O] et Mme [D] [W] à payer à la société SA Natixis Lease la somme de 87 600 euros chacun, assortie des intérêts légaux à compter du 26 mai 2016. date de la première mise en demeure, avec capitalisation,
Condamne solidairement M. [S] [O] et Mme [D] [W] à payer à la société Natixis Lease la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, Ordonne l’exécution provisoire,
Condamne solidairement M. [S] [O] et Mme [D] [W] aux dépens.
Vu l’appel de M. [S] [O] et Mme [D] [W] le 20 mars 2019,
Vu les conclusions signifiées le 19 juin 2020 M. [S] [O] et Mme [D] [W],
Vu les conclusions signifiées le 25 juin 2020 par la société BPCE Lease (anciennement Natixis lease),
M. [S] [O] et Mme [D] [W] demandent à la cour de statuer ainsi qu’il suit ;
Vu les dispositions des articles L. 313-10 et L. 341-4 du code de la consommation,
dans leur version applicable au présent litige ;
Juger que la proportionnalité des engagements de caution de M. [O] et de Mme [W], doit être appréciée à la lumière de la totalité des engagements souscrits par chacun d’eux, lesquels s’élèvent à la somme totale de 325.350 euros pour chacun d’eux,
Juger que l’engagement de caution souscrit par Mme [W] présente un caractère manifestement disproportionné par rapport à sa situation familiale, à ses revenus et à son patrimoine,
Juger que l’engagement de caution souscrit par M. [O] présente un caractère manifestement disproportionné par rapport à sa situation familiale, à ses revenus et à son patrimoine,
En conséquence :
Décharger Mme [W] de son engagement de caution ou, à tout le moins, le déclarer inopposable à celle-ci,
Décharger M. [O] de son engagement de caution ou, à tout le moins, le déclarer inopposable à celui-ci,
Débouter la société Natixis Lease de l’ensemble de ses demandes,
Débouter la société Natixis Lease de sa demande visant à faire juger que la situation financière de Mme [W] ou celle de M. [O] leur permettait de faire face à leur engagement de caution lorsqu’elle a appelé celui-ci,
En toute hypothèse
Juger que Mme [W] ne peut être considérée comme une caution avertie,
Juger que M. [O] ne peut être considéré comme une caution avertie,
Juger que l’engagement de caution n’est pas adapté aux capacités financières de Mme [W],
Juger que l’engagement de caution n’est pas adapté aux capacités financières de M. [O],
Juger surabondamment, qu’il existait un risque important né de l’octroi des emprunts garantis, résultant de l’inadaptation de ceux-ci aux capacités financières de la Société LGV Réaumur,
Constater l’absence de toute mise en garde et de tout conseil de la part de la Société Natixis Lease,
En conséquence :
Décharger Mme [W] de son engagement de caution ou, à tout le moins, le déclarer inopposable à celle-ci,
Décharger M. [O] de son engagement de caution ou, à tout le moins, le déclarer inopposable à celui-ci,
Condamner la société Natixis Lease à payer à Mme [W] la somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement à l’obligation de conseil et de mise en garde,
Condamner la société Natixis Lease à payer à M. [O] la somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement à l’obligation de conseil et de mise en garde,
Condamner subsidiairement, la société Natixis Lease à payer à Mme [W] et à M. [O], chacun, la somme de 90.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement à l’obligation de conseil et de mise en garde et ordonner la compensation avec les sommes éventuellement mises à la charge de ceux-ci
En tout état de cause :
Débouter la société Natixis lease de l’ensemble de ses demandes,
Condamner la société Natixis lease à verser à Mme [W] et à M. [O], chacun , une somme de 4.000,00 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
La condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître Laurence Botbol Lalou, avocat, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La société BPCE Lease demande à la cour de statuer ainsi qu’il suit :
Déclarer irrecevable et mal-fondée la demande de dommages-intérêts formulée pour la première fois par conclusions du 20 mai 2020 par Mme [W] et M. [O],
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Débouter Mme [W] et M. [O] de l’intégralité de leurs demandes,
Les condamner à payer à la société BPCE Lease une somme complémentaire
de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Les Condamner aux entiers dépens dont distraction pour ceux d’appel au profit de maître Stéphane Bonin , avocat au Barreau de Paris, conformément l’article 699 du code de procédure civile.
SUR CE,
Les appelants demandent à la cour de les décharger de leurs cautionnements au regard du montant des sommes à prendre en considération et de la disproportion manifeste du cautionnement souscrit respectivement par Mme [W] et par M [O] tant au jour de la souscription qu’au jour de sa mise en oeuvre . Ils invoquent notamment le fait que tous les engagements procèdent d’une seule et même opération globale entièrement supervisée par la société Bred pour son compte et pour celui de la société Natixis Lease qui font partie du même groupe de banques. Ils soutiennent que l’engagement de Mme [W] correspondait à 17 fois son revenu annuel et que le patrimoine de M. [O] s’établissait au 7ème du montant cautionné.
En toute hypothèse les appelants soutiennent qu’ils ont la qualité de cautions profanes et que la société Natixis Lease ayant manqué à son devoir de mise garde doit être condamnée à verser à chacun la somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts, demande nouvelle en cause d’appel mais recevable puisqu’elle tend aux mêmes fins que les demandes initiales et porte sur une demande de compensation.
Selon la société BPCE Lease (anciennement Natixis Lease) , les premiers juges ont justement retenu l’absence de disproportion manifeste de l’engagement souscrit par les appelants , leurs biens et revenus leur permettant de faire face à leurs engagements à la date de la souscription , peu important leur niveau de revenus et leur patrimoine à la date d’appel des engagements. La société intimée soulève l’indifférence de l’existence des cautionnements antérieurs dont se prévalent les appelants et même en les prenant en compte l’absence de disproportion manifeste des cautionnements en litige tant lors de leur souscription qu’au jour de leur mise en oeuvre.
La société intimée soulève enfin l’irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts formulée pour la première fois par les consorts [W]/[O] dans leurs conclusions d’appel n°et soutient que ces derniers présentent la qualité de cautions averties et qu’elle n’était tenue à aucun devoir de conseil et de mise en garde au titre d’un contrat de crédit-bail et compte tenu de l’absence de preuve d’un risque excessif.
Ceci étant exposé , il résulte de l’article 313-10 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige donc antérieure au 1er juillet 2016 que :
‘Un établissement de crédit, une société de financement, un établissement de monnaie électronique, un établissement de paiement ou un organisme mentionné au 5 de l’article L. 511-6 du code monétaire et financier ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement d’une opération de crédit relevant des chapitres Ier ou II du présent titre, conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.’
Par actes du 12 mars 2015 , Mme [W], d’une part, et M. [O], d’autre part, se sont portés cautions solidaires chacun à hauteur de 87 600 euros des engagements pris par la société LGV Réaumur au près de la société Natixis Lease en exécution d’un contrat de crédit bail souscrit pour la location de matériel de cuisine. Ce contrat de crédit bail avait été conclu le même jour entre la société Natixis Lease et la Sarl LGV Réaumur représentée par sa gérante , Mme [W]. Selon les statuts déposées le 21 janvier 2015 , la Sarl LGV Réaumur avait été constituée entre Mme [D] [W], pacsée avec M. [S] [O] , M. [O] (pacsé avec Mme [W] ) et la Sas Factory &Co Invest , Mme [W] détenant 180 parts, M. [O] 270 parts et la société Factory &Co Invest 50 parts.
Contrairement à ce qu’ils soutiennent , Mme [W] et M. [O] étant pacsés constituent un unique foyer fiscal . Les revenus , patrimoines et charges doivent donc être examinés de manière commune et non séparément.
Selon l’avis d’imposition 2015 afférent aux revenus 2014, les revenus annuels du foyer fiscal se sont élevés à 161 495 euros . Les appelants étaient en outre détenteurs de leurs parts sociales au sein de la société LGV Réaumur au profit de laquelle ils ont effectué des versements d’un montant de 240 000 euros en février 2015 ainsi qu’en attestent les relevés du compte commun [W]/ [O] au près du CIC et le relevé au 28 février 2015 du compte bancaire de la société LGV Réaumur ouvert à la BRED , Banque Populaire. Il résulte également des déclarations de créance au 11 janvier 2016 , qu’à cette date , certes postérieure au 12 mars 2015, M. [O] disposait au sein de la société LGV Réaumur d’un compte courant d’associé de 133 000 euros et Mme [W] d’un compte courant d’associée de 57 329 euros . Dans une déclaration de patrimoine du 10 décembre 2014, Mme [W] et M. [O] mentionnaient détenir des parts au sein de l’agence Pueblo pour un montant de 400 000 euros.
Les appelants invoquent un engagement de caution qu’ils ont souscrit auprès de la BRED le 23 janvier 2015 à hauteur chacun de 219 000 euros en garantie d’engagements également contractés par la société LGV Réaumur au titre d’un prêt équipement professionnel.
Si les appelants ne justifient pas avoir signalé cet engagement auprè de la société Natixis Lease, la société Natixis Lease est néanmoins mal fondée à soutenir que cet engagement souscrit auprès de la BRED lui serait inopposable puisqu’il résulte d’un courrier daté du 8 janvier 2014 adressé par la BRED Banque Populaire à M. [O] et à Mme [W] que cette banque supervisait l’ensemble des prêts contractés par la Sarl LGV Réaumur ( prêt PSTR de 150 000 euros avec cautionnement des personnes physiques , prêt Equipement de 182 500 euros avec cautionnement des personnes physiques, crédit-bail immobilier de 262 800 euros avec cautionnement des personnes physiques, caution bancaire des loyers) .
La société Bred a mis les cautions en relation avec la société Natixis Lease , partenaire financier, les pièces 12 à 17 des appelants relatifs à des échanges entre la Bred et les appelants au cours du 1er semestre 2015 caractérisant le fait que la société Natixis Lease a agi en concertation avec la BRED pour l’octroi du prêt daté du 12 mars 2015 d’un montant de 292 000 euros consenti à la société LGV Réaumur avec engagement des personnes physiques en qualité de cautions à hauteur chacun de 87 600 euros. La société Natixis Lease ne peut dés lors soutenir que les engagements souscrits par les appelants notamment auprès de la banque BRED n’auraient pas été portés à sa connaissance et devraient dés lors être écartés de l’assiette d’évaluation de la proportionnalité des engagements litigieux.
Il se déduit de ce qui précède que, après avoir souscrit auprès de la banque BRED le 23 janvier 2015 un engagement de caution à hauteur de 219 000 euros chacun soit au total 438 000 euros , M. [O] et Mme [W] se sont de nouveau engagés le 12 mars 2015 en ces mêmes qualités auprès de la société Natixis Lease à hauteur chacun de 87 600 euos soit au total 175 200 euros. Ce second cautionnement qui porte ainsi le montant des engagements à la somme 613 200 euros ( 438 000 + 175 000) est manifestement disproportionné aux biens et revenus du couple dont le détail a été ci dessus repris puisqu’à l’exception des revenus 2014 chiffrés à 161 495 euros, le montant du compte courant d’associés figurant dans les comptes de la société LGV Réaumur est connu uniquement à la date du 11 janvier 2016, date de l’ouverture de cette société. De plus les parts de l’agence Pueblo valorisés à hauteur de 400 000 euros étaient difficilement mobilisables puisque les statuts versés aux débats n’autorisent les cessions à des tiers qu’après autorisation et sous conditions.
La société Natixis Lease devenue BPCE Lease ne peut dés lors se prévaloir de l’engagement de caution souscrit par M. [O] et Mme [W] le 12 mars 2015 en raison de son caractère manifestement disproportionné aux revenus et charges de ceux qui s’y sont obligés.
La société BPCE Lease ne soutient pas que le patrimoine des cautions leur permettait de faire face à leurs obligations au jour où les sommes réclamées sont appelées.
Les consorts [O]/[W] réclament pour la première fois en cause d’appel la somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement à l’obligation de conseil et de mise en garde . La société intimée est bien fondée à soulever l’irrecevabilité de cette demande nouvelle en application de l’article 564 du code de procédure civile. Il n’y a dés lors pas lieu d’examiner le moyen fondé selon lequel l’obligation de conseil et de mise en garde n’a pas à être mise en oeuvre en présence d’une caution avertie .
Le jugement déféré doit ainsi être infirmé.
Une indemnisation doit être allouée aux appelants sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS :
La cour,
INFIRME le jugement déféré ;
Statuant de nouveau :
DÉCLARE irrecevable comme nouvelle la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de conseil et de mise en garde ;
DÉBOUTE la société BPCE Lease de toutes ses demandes ;
CONDAMNE la société BPCE Lease à verser sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile 2 500 euros à M. [S] [O] et 2 500 euro à Mme [D] [W] ;
REJETTE toutes autres demandes ;
CONDAMNE la société BPCE Lease aux entiers dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS