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25 août 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/09209
Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRET DU 25 AOÛT 2022
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/09209 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CARYN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LONGJUMEAU – RG n° 18/00926
APPELANT
Monsieur [H] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Thibaut BONNEMYE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0726
INTIMEE
SAS SOCIÉTÉ DE TRAVAUX ET DE VIABILITÉ – SOTRAVIA Prise en la personne de son Président, Monsieur [P] [U]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Sophia DAOUDI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0733
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, et Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats, entendus en leur rapport, ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,
Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,
Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller.
Greffière, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN
ARRET :
– CONTRADICTOIRE,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROC”DURE ET PR”TENTIONS DES PARTIES
M. [H] [L] a été engagé par la société Sotravia, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 26 mars 2007, en qualité de chauffeur poids lourds, statut ouvrier, position 2 – niveau 2 – coefficient 140. La société a pour activité les travaux publics et privés, la construction de bâtiments, la location de matériel et le transport de matériaux.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des ouvriers des Travaux Publics.
Le 23 février 2017, le salarié a été victime d’un accident du travail alors qu’il déchargeait une benne et il a été placé en arrêt de travail.
Par lettre du 23 février 2017, le salarié a été convoqué à un entretien préalable fixé au 6 mars 2017.
M. [L] a été licencié pour faute grave par lettre du 29 mars 2017, l’employeur lui reprochant d’avoir, le 22 février 2017, commis une ‘défaillance dans le contrôle et la validation du chargement du matériel’, causant ainsi ‘une détérioration importante de la pelle à pneus ainsi que de l’infrastructure publique, et d’autre part, une mise en danger de votre propre personne mais également des automobilistes et piétons circulant aux abords’, et ayant entraîné pour la société un préjudice matériel et financier.
A la date du licenciement, le salarié avait une ancienneté de 10 ans et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Contestant son licenciement, le salarié a saisi, le 9 mai 2017, le conseil de prud’hommes de Longjumeau des demandes suivantes :
À titre principal :
– juger que son licenciement est nul,
– dommages et intérêts en conséquence de cette nullité : 33.000 euros,
– indemnité compensatrice de préavis : 3 678,40 euros et congés payés afférents : 367,84 euros
– indemnité de licenciement : 3 163,02 euros
A titre subsidiaire :
– juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 33.000 euros,
– indemnité compensatrice de préavis : 3 678,40 euros et congés payés afférents : 367,84 euros
– indemnité de licenciement : 3 163,02 euros
A titre infiniment subsidiaire et à tout le moins :
– juger que la faute grave n’est pas établie,
– indemnité compensatrice de préavis : 3 678,40 euros et congés payés afférents : 367,84 euros
– indemnité de licenciement : 3 163,02 euros
– rappel d’heures supplémentaires : 12.306 euros, outre 1.230,60 euros de congés payés afférents,
– rappel d’indemnité de trajet : 4 298,40 euros
– rappel d’indemnité de déplacement : 10 231,20 euros
– rappel de prime d’entretien : 76,22 euros.
– article 700 du code de procédure civile : 2.000 euros
– dommages et intérêts pour formations non suivies et pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat : 10 000 euros.
Le conseil, par jugement du 25 juin 2019, a :
– dit qu’au regard de la matérialité et de la gravité des faits reprochés à M. [L], le licenciement pour faute grave du salarié était requalifié en un licenciement pour cause réelle et sérieuse,
– dit que la moyenne des trois derniers salaires mensuels bruts de M. [L] s’élevait à la somme de 1 839,20 euros,
– condamné la société Sotravia à payer à M. [L] les sommes suivantes :
3 678,40 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 367,84 euros de congés payés afférents,
3 163,02 euros à titre d’indemnité de licenciement,
6 153 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires et 615,30 euros à titre de congés payés afférents,
1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit qu’en application de l’article 1231-7 du code civil ces sommes porteraient intérêt au taux légal à compter du 25 juin 2019, jour du prononcé du jugement,
– prononcé la capitalisation des intérêts à compter de l’échéance annuelle de ce point de départ,
– prononcé l’exécution provisoire du présent jugement conformément aux dispositions de l’article 515 du code de procédure civile, nonobstant toute voie de recours
– débouté M. [L] du surplus de ses demandes,
– débouté la société Sotravia de sa demande reconventionnelle,
– condamné la société Sotravia aux entiers dépens, y compris ceux afférents aux actes et procédure éventuels de la présente instance ainsi que ceux liés à l’exécution forcée éventuelle par toute voie légale de la présente décision et notamment les frais des articles 10 et 12 du décret du 8 mars 2001 portant tarification des actes d’huissier.
Par déclaration notifiée par le RVPA le 5 septembre 2019, le salarié a interjeté appel de cette décision.
La déclaration d’appel du 5 septembre 2019 indique, au titre de l’objet/portée de l’appel, la mention suivante :
‘Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués
Confirmer le jugement sur les condamnations au titre du préavis, CP afférents, indemnité de licenciement, heures supplémentaires (mais infirmer le quantum) et article 700 du CPC
Infirmer le jugement en ce qu’il n’a pas condamné la société à :
– 33 000 € de DI pour licenciement nul ou à titre subsidiaire pour LSCRS
– 12 306 € d’heures supplémentaires et 1 230.6 € de CP afférents
– 4 298,4 € d’indemnité de trajet
– 10 231,20 € d’indemnité de déplacement
– 76,22 € de prime d’entretien’.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 février 2022, M. [L] demande à la cour de :
À titre principal :
– juger que son licenciement est nul pour avoir été prononcé pendant la suspension du contrat de travail pour arrêt maladie,
En conséquence,
– fixer le salaire mensuel brut de référence à la somme de 2.126,40 euros,
– confirmer la condamnation de la société à une indemnité de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– confirmer le principe des condamnations sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et les congés payés afférents, sur l’indemnité de licenciement mais infirmer les condamnations dans leur quantum et, en conséquence,
– condamner la société Sotravia à lui verser, outre les dépens, les sommes suivantes :
à titre d’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents (reliquat) : 631,84 euros,
à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et les congés payés afférents : 12.306 euros, outre 1.230,60 euros,
à titre d’indemnité légale de licenciement (reliquat) : 1.210,28 euros,
à titre d’indemnité pour licenciement nul : 38.000 euros,
au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel : 1.500 euros,
– condamner la société Sotravia à lui verser la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts au titre de la violation de son obligation de sécurité et de l’absence de formations,
À titre subsidiaire :
– juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
– fixer le salaire mensuel brut de référence à la somme de 2.126,40 euros,
– confirmer la condamnation de la société à une indemnité de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– confirmer le principe des condamnations sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et les congés payés afférents, sur l’indemnité de licenciement mais infirme les condamnations dans leur quantum et, en conséquence,
– condamner la société Sotravia à lui verser, outre les dépens, les sommes suivantes :
à titre d’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents (reliquat) : 631,84 euros,
à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et les congés payés afférents : 12.306 euros, outre 1.230,60 euros,
à titre d’indemnité légale de licenciement (reliquat) : 1.210,28 euros,
à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 38.000 euros,
au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel : 1.500 euros,
– condamner la société Sotravia à lui verser la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts au titre de la violation de son obligation de sécurité et de l’absence de formations,
À titre infiniment subsidiaire :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, et les condamnations afférentes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, de l’indemnité légale de licenciement, du rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, et de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 22 février 2022, la société Sotravia demande à la cour de’:
Sur la saisine de la cour à travers l’acte d’appel :
A titre principal :
– constater l’absence d’effet dévolutif de l’appel interjeté par M. [L]
– dire n’y avoir lieu à statuer sur l’appel de M. [L]
A titre subsidiaire :
– déclarer M. [L] irrecevable en toutes ses demandes
Sur la rupture du contrat de travail de M. [L] et ses demandes :
A titre principal,
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il fixé le salaire moyen de référence à 1 839,20 euros ;
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave en un licenciement avec une cause réelle et sérieuse ;
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [L] 3.678,40 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 367,84 euros au titre des congés payés sur préavis;
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [L] la somme de 3 163,02 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [L] de sa demande au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [L] de sa demande au titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité, d’une part, et défaut de formation d’autre part ;
A titre subsidiaire,
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il fixé le salaire moyen de référence de M. [L] à 1 839,20 euros ;
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave en un licenciement avec une cause réelle et sérieuse ;
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Sotravia à verser à M. [L] 3.678,40 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 367,84 euros au titre des congés payés sur préavis ;
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Sotravia à verser à M. [L] la somme de 3 163,02 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [L] de sa demande au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [L] de sa demande au titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité, d’une part, et défaut de formation d’autre part ;
Si par extraordinaire, la cour entrait en voie de condamnation sur le licenciement et les sommes à caractère salarial :
– réduire les prétentions de M. [L] qui ne sauraient excéder l’évaluation du préjudice dont il rapporte expressément la preuve,
– réduire les prétentions de M. [L] relatives aux heures supplémentaires pour la période d’avril 2014 à mars 2017,
En tout état de cause :
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [L] de sa demande au titre de l’indemnité de trajet et de l’indemnité de déplacement pour la période d’avril 2014 à mars 2017;
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a fait droit à la demande de M. [L] et lui a alloué un rappel d’heures supplémentaires d’un montant de 6 153 euros ainsi que les congés payés afférents de 615,30 euros ;
– réduire à de plus justes proportions le montant de la prime d’entretien/conduite à hauteur de 64,79 euros pour la période du 1er au 23 février 2017′;
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [L] 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, y compris ceux afférents aux actes et procédures éventuels de la présente instance ainsi que ceux liés à l’exécution forcée éventuelle par toute voie légale de la présente décision et notamment les frais des articles 10 et 12 du décret du 8 mars 2001 portant tarification des actes d’huissier’;
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a déboutée de sa demande reconventionnelle d’un montant de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;
– condamner M. [L] au paiement d’une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens pour la procédure d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 21 avril 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l’effet dévolutif de l’appel
La société soutient que l’appelant doit obligatoirement délimiter son appel dans son acte d’appel, en mentionnant les chefs expressément critiqués du jugement, la cour n’étant saisie que des seuls chefs visés dans l’acte d’appel et ne peut se prononcer que dans le cadre de sa saisine et qu’en l’occurrence M. [L] se contente d’énumérer dans sa déclaration d’appel l’énoncé de ses demandes formulées devant le premier juge, sans mentionner les chefs du jugement critiqués. Elle en déduit que la cour d’appel n’est saisie d’aucune demande.
L’appelant n’a pas présenté d’observations sur la question de l’effet dévolutif de son acte d’appel et se borne à indiquer que la société ne démontre pas le grief que lui cause l’irrégularité invoquée et que le dispositif de ses conclusions est clair sur ses prétentions.
Aux termes de l’article 561 du code de procédure civile, l’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel. Il est statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du présent code.
En application de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
En outre, seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.
Il en résulte que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas.
Par ailleurs, la déclaration d’appel affectée d’une irrégularité, en ce qu’elle ne mentionne pas les chefs du jugement attaqués, peut être régularisée par une nouvelle déclaration d’appel, dans le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond conformément à l’article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.
Enfin, ces règles encadrant les conditions d’exercice du droit d’appel dans les procédures dans lesquelles l’appelant est représenté par un professionnel du droit, sont dépourvues d’ambiguïté et concourent à une bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique de cette procédure. Elles ne portent donc pas atteinte, en elles-mêmes, à la substance du droit d’accès au juge d’appel.
En l’espèce, l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 étant applicable aux appels formés à compter du 1er septembre 2017, l’appel formé par M. [L] le 5 septembre 2019 est soumis à ses dispositions.
La déclaration d’appel du 5 septembre 2019 indique, au titre de l’objet/portée de l’appel, la mention suivante :
‘Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués
Confirmer le jugement sur les condamnations au titre du préavis, CP afférents, indemnité de licenciement, heures supplémentaires (mais infirmer le quantum) et article 700 du CPC
Infirmer le jugement en ce qu’il n’a pas condamné la société à :
– 33000 € de DI pour licenciement nul ou à titre subsidiaire pour LSCRS
– 12 306 € d’heures supplémentaires et 1230.6 € de CP afférents
– 4 298.4 € d’indemnité de trajet
– 10231.20 € d’indemnité de déplacement
– 76.22 € de prime d’entretien’.
M. [L] n’a pas régularisé une nouvelle déclaration d’appel dans le délai de 3 mois.
La cour constate également que le conseil de prud’hommes a fait droit aux demandes pécuniaires du salarié formulées au titre de l’indemnité de préavis et de l’indemnité de licenciement et que la mention dans la déclaration d’appel de la formule ‘infirmer le quantum’ ne porte donc que sur la somme allouée au titre des heures supplémentaires qui a été réduite par rapport à la demande initiale, laquelle est d’ailleurs rappelée dans l’acte.
Il ressort ainsi de l ‘énoncé de l’acte d’appel que M. [L] critique le jugement, d’une part, quant au montant alloué au titre des heures supplémentaires et, d’autre part, quant au rejet de ses demandes portant sur les indemnités de trajet et de déplacement et la prime d’entretien.
En revanche s’agissant de la rupture du contrat, l’acte d’appel ne mentionne pas le chef du jugement ayant requalifié le licenciement pour faute grave du salarié en un licenciement pour cause réelle et sérieuse. La seule mention du rejet de la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à titre subsidiaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne permet pas de considérer que l’appel critique expressément la qualification donnée par les premiers juges au licenciement. Par conséquent, la cour n’est pas saisie sur ce point et il est définitivement jugé que le licenciement de M. [L] repose sur une cause réelle et sérieuse.
De même, le conseil de prud’hommes a rejeté la demande de dommages et intérêts pour non respect de l’obligation de sécurité et défaut de formation et l’acte d’appel ne mentionne pas le rejet de cette demande, contrairement à celles relatives aux indemnité de trajet et de déplacement et à la prime d’entretien. La cour n’en est donc pas non plus saisie.
Enfin, contrairement à ce que soutient l’intimée, l’absence de mention des chefs du jugement critiqués dans la déclaration d’appel est une cause de nullité de cette dernière en application de l’article 901 du code de procédure civile, l’article 562 qu’elle vise portant sur l’effet dévolutif de l’appel et non sur la recevabilité des demandes.
En synthèse, l’effet dévolutif de l’acte d’appel de M. [L] ne porte que sur :
– le quantum de la condamnation au titre des heures supplémentaires ;
– le rejet des demandes d’indemnité de trajet, d’indemnité de déplacement et de prime d’entretien.
Sur les demandes de l’appelant dans ses dernières conclusions
Aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Il en découle que nonobstant les moyens et, le cas échéant, les demandes formulées dans le corps des conclusions de chacune des parties, la cour n’est saisie que des demandes figurant dans le dispositif des conclusions et pas de celles qui n’auraient pas été reprises dans ce dispositif.
Force est de constater à l’examen des conclusions de l’appelant du 20 février 2022 que la cour n’est pas saisie des demandes relatives aux indemnités de trajet, de déplacement et d’entretien qui ne figurent que dans la seule partie motivation des écritures.
Sur les heures supplémentaires
M. [L] fait valoir que chaque jour il était tenu de faire un détour par le dépôt, sis à [Localité 3] (91) pour récupérer son camion et qu’il débutait sa journée de travail dès 7h00, en lieu et place de 8h00, effectuant ainsi chaque jour 1 heure de travail supplémentaire, qui ne lui a pas été réglée.
La société conteste la réalisation des heures supplémentaires alléguées et critique le calcul présenté par le salarié.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Ainsi, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Au soutien de sa demande, M. [L] produit aux débats :
– des disques tachygraphes à son nom sur toute la période réclamée et sur lesquels le début d’activité du véhicule commence avant 8 heures,
– des attestations de collègues, comme M. [W], chef d’équipe, qui indique que le salarié prenait son service tous les matins à 7 heures 00 et n’était jamais en retard, MM. [S], [F] et [J] qui confirment que la prise de service se faisait tous les jours à 7h00 du matin au dépôt et M. [N] qui précise que cette prise de service à 7h00 lui ‘a valu des déboires avec la direction puisque je refusais de charger les camions, n’étant payé qu’à partir de 8 heures’,
– des souches des rapports journaliers de chantier entre le 11 décembre 2014 et le 23 février 2017 qui mentionnent des horaires (en général 8 heures le matin), les heures travaillées par jour (entre 7h30 et 8h30 quelle que soit la période) et les travaux effectués.
Le salarié présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
En réponse, la société fait valoir que M. [L] auto déclarait son temps de travail tous les jours travaillés, que chaque mois il recevait au titre de son bulletin de salaire un tableau de suivi de son temps de travail, qu’il ne fournit aucun décompte précis de ses horaires de travail, qu’il ne déduit pas de son calcul forfaitaire les journées non travaillées et enfin qu’il omet l’application de l’accord d’entreprise de modulation du temps de travail.
L’absence de contestation ou de réclamation durant la période contractuelle est sans incidence sur le bien fondé de la demande du salarié.
De même, si les rapports journaliers font état d’un horaire le matin débutant à 8 heures, il ressort des quatre attestations concordantes produites par le salarié et corroborées par l’examen des disques qu’il prenait son poste avant cet horaire.
En revanche, la société fait valoir à juste titre que la convention collective des travaux publics prévoit la possibilité pour une société de mettre en place la modulation du temps de travail en application de l’accord de branche du 6 novembre 1998 sur l’organisation, la réduction du temps de travail et l’emploi dans le bâtiment et les travaux publics et elle produit l’accord d’entreprise de réduction et d’aménagement du temps de travail du 31 mai 2000 mis en place en son sein pour encadrer la modulation prévue par la loi et la convention collective précitée.
Il est ainsi prévu que quel que soit le nombre d’heures effectuées chaque mois la rémunération des salariés doit être lissée sur l’année, avec une rémunération maintenue pour 151,67 heures arrondies à 152 heures de travail mensuel, que le programme de modulation est de 32 heures par semaine de janvier à avril et en décembre et de 40 heures par semaine sur les autres mois de l’année et que dans le cadre de cette modulation les heures supplémentaires peuvent être de deux natures, à savoir les heures dépassant dans le cadre annuel le total de 1600 heures et les heures dépassant dans le cadre hebdomadaire les variations d’horaires prévues dans l’accord, soit en période basse un déclenchement à compter de la 33ème heure et en période haute un déclenchement à compter de la 41ème heure.
Ainsi, le calcul de M. [L] qui ne tient pas compte de la modulation annuelle du temps de travail est erroné. De même, force est de constater qu’il sollicite la même somme tous les mois de la période visée sur une base de 5 heures supplémentaires par semaine, soit 20 heures supplémentaires par mois, soit 341, 825 euros de rappel de salaire, qu’il applique indifféremment entre avril 2014 et décembre 2014, sur les 12 mois des années 2015 et 2016 et les trois mois de 2017, sans tenir compte des jours de congés, des arrêts pour maladies ou accident du travail notamment.
Enfin, la société produit des décomptes détaillés sur la période de mars 2014 à mars 2017. Ces décomptes mentionnent les périodes de modulation, les absences du salarié, l’heure supplémentaire alléguée par jour et le nombre d’heures dépassant dans le cadre hebdomadaire les variations d’horaires prévues dans l’accord avec le rappel de salaire en découlant. Toutefois, ils se fondent sur une durée hebdomadaire de travail théorique de 35 heures et ne mentionnent pas le temps effectif travaillé chaque jour, tel qu’il ressort des rapports journaliers.
Au vu de l’ensemble des éléments ainsi soumis à la cour, il apparaît que le salarié a effectivement exécuté des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées, mais dans une proportion moindre que ce qu’il affirme et que c’est par une juste appréciation que les premiers juges ont fixé la créance en résultant à 6 153 euros et 615,30 euros de congés payés afférents.
Le jugement sera confirmé sur le quantum alloué.
Sur les demandes accessoires
Eu égard au sens de la décision, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les sommes avancées par elles et non comprises dans les dépens, ces derniers étant en revanche supportés par la société.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, dans la limite de l’appel,
CONSTATE que l’effet dévolutif de l’acte d’appel porte sur :
– le quantum de la condamnation au titre des heures supplémentaires ;
– le rejet des demandes d’indemnité de trajet, d’indemnité de déplacement et de prime d’entretien ;
CONSTATE que la cour n’est pas saisie dans les dernières conclusions de l’appelant de demandes relatives aux indemnités de trajet et de déplacement et de prime d’entretien ;
CONFIRME le jugement sur les sommes allouées au titre des heures supplémentaires ;
Y ajoutant,
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Sotravia aux dépens.
LA GREFFI’RE LA PR”SIDENTE