Location de matériel : 24 juin 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/04290

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Location de matériel : 24 juin 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/04290
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24 juin 2022
Cour d’appel de Rennes
RG n°
19/04290

2ème Chambre

ARRÊT N° 393

N° RG 19/04290 – N° Portalis DBVL-V-B7D-P4K5

Mme [N] [C]

C/

SAS LOCAM SAS

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me Elsa DIETENBECK

– Me Christophe LHERMITTE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 19 Mai 2022 devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 24 Juin 2022 par mise à disposition au greffe

****

APPELANTE :

Madame [N] [C]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Elsa DIETENBECK, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/009573 du 06/09/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de RENNES)

INTIMÉE :

LOCAM SAS

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Michel TROMBETTA, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par contrat du 25 février 2014, Mme [N] [C] a, pour les besoins de son activité professionnelle, souscrit auprès de la société Market Place International (la société MPI) un contrat de location de matériel et de licence d’exploitation de logiciel Ipad de fidélisation, avec faculté pour le fournisseur d’en céder les droits à diverses sociétés de location financière, moyennant le paiement de 48 loyers de 139,98 euros TTC.

En vue de financer cette opération, la société Locam a, selon contrat du 20 mars 2014, consenti à Mme [C] un contrat de location financière aux mêmes conditions.

Prétendant que la locataire avait laissé les loyers impayés, la société de financement l’a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 novembre 2014, mis en demeure de régler les arriérés pour un montant de 471,56 euros dans un délai de 8 jours, sous peine de résiliation de la location.

Puis, elle a présenté une requête en injonction de payer au juge d’instance de Rennes, qui, par ordonnance du 15 juin 2017, a enjoint à Mme [C] de payer la somme principale de 6 019,14 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’ordonnance.

Mme [C] a, par déclaration du 5 octobre 2017, formé opposition contre cette ordonnance qui lui avait été signifiée le 18 septembre 2017, pour soulever le défaut de qualité à agir de la société Locam, la nullité du contrat pour vice du consentement, et solliciter le remboursement des loyers versés et la condamnation du loueur au paiement de dommages-intérêts.

Puis, par acte du 19 février 2019, elle a assigné en intervention forcée la SELARL TCA, ès-qualités de liquidateur de la société MPI, dont la liquidation judiciaire avait été prononcée par jugement du tribunal de commerce de Saint-Brieuc du 16 avril 2014.

Par jugement du 25 avril 2019, le tribunal d’instance de Rennes a :

reçu l’opposition de Mme [C] à l’ordonnance d’injonction de payer et l’a déclaré mal fondée,

déclaré recevable les demandes formées par la société Locam,

rejeté la demande en nullité du contrat conclu entre Mme [C] et la société MPI,

rejeté la demande en nullité du contrat conclu entre Mme [C] et la société Locam,

condamné Mme [C] à payer à la société Locam la somme de 6 019,14 euros à titre des loyers impayés, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 novembre 2014,

condamné Mme [C] à payer à la société Locam la somme de 1 euro à titre de clause pénale, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 novembre 2014,

rejeté la demande de condamnation de la société Locam à restituer l’ensemble des loyers perçus de Mme [C],

rejeté la demande de condamnation de la société Locam à réparer le préjudice moral subi par Mme [C],

dit n’y avoir lieu à ordonner la restitution du matériel remis à Mme [C],

condamné Mme [C] aux entiers dépens et à payer à la société Locam la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

rejeté la demande de Mme [C] formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Mme [C] a relevé appel de ce jugement le 27 juin 2019.

Par ordonnance du 24 janvier 2020, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d’appel à l’égard de la SELARL TCA.

Aux termes de ses dernières conclusions du 27 septembre 2019, Mme [C] demande à la cour de réformer le jugement attaqué et de :

à titre principal, dire que la société Locam ne justifie pas d’un contrat valablement conclu avec elle,

constater l’absence d’intérêt à agir de la société Locam,

débouter la société Locam de l’intégralité de ses demandes, en tant qu’elles sont irrecevables à son encontre,

à titre subsidiaire, dire que le contrat dont se prévaut la société Locam signé le 20 mars 2014 est interdépendant du contrat conclu avec la société MPI le 25 février 2014, ou à défaut que la société Locam est cessionnaire de ce contrat,

dire que le contrat conclu avec la société MPI le 25 février 2014 est entaché d’une cause de nullité, son consentement ayant été obtenu aux termes de man’uvres dolosives,

en conséquence, prononcer la nullité du contrat conclu entre la société MPI et elle le 25 février 2014 et conséquemment la caducité du contrat conclu avec la société Locam le 20 mars 2014,

ordonner à la société Locam de restituer l’intégralité des loyers perçus, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

dire n’y avoir lieu à restitution de son chef, celle-ci ayant retourné l’intégralité du matériel reçu le 25 juillet 2014,

à titre très subsidiaire, requalifier l’indemnité de résiliation sollicitée par la société Locam en clause pénale,

réduire les prétentions de la société Locam à de plus justes et raisonnables proportions qui ne sauraient excéder 500 euros,

à titre infiniment subsidiaire, confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a réduit les prétentions de la société Locam au titre de la majoration de 10 % des sommes dues à l’euro symbolique,

en tout état de cause, condamner la société Locam à lui payer la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral,

condamner la société Locam à payer à son avocate la somme de 4 000 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet, ainsi qu’aux entiers dépens.

Formant appel incident, la société Locam demande quant à elle à la cour de :

condamner Mme [C] à lui régler la somme principale de 6 621,03 euros dont 601,89 euros à titre de clause pénale, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 novembre 2014,

condamner Mme [C] à lui régler une indemnité de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour Mme [C] le 27 septembre 2019 et pour la société Locam le 20 décembre 2019, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 10 mars 2022.

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Sur la qualité à agir de la société Locam

Mme [C] s’est engagée à l’égard de la société MPI en apposant sa signature en pied des conditions particulières du contrat du 25 février 2014, après avoir expressément déclaré avoir pris connaissance des conditions générales de vente figurant au verso.

Or, aux termes de l’article 2 des conditions générales du contrat, ‘le client reconnaît à MPI la possibilité de céder les droits résultant du présent contrat au profit d’un cessionnaire et il accepte dès aujourd’hui ce transfert sous la seule condition suspensive de l’accord du cerssionnaire ; le client ne fait pas de la personne du cessionnaire une condition de son accord ; le client sera informé de la cession par tout moyen et notamment par le libellé de la facture échéancier ou de l’avis de prélèvement qui sera émis ; les sociétés susceptibles de devenir cessionnaires du présent contrat sont notamment et sans que cela soit limitatif : Locam SAS […]’

Contrairement à ce que soutient Mme [C], les conditions générales du contrat lui sont bien opposables, dès lors qu’elle a reconnu, en signant les conditions particulières, en avoir pris connaissance.

Par ailleurs, Mme [C] a ratifié le 20 mars 2014 un contrat de location destiné à financer la même opération, et désignant expressément, en entête, la société Locam en qualité de loueur, la société MPI étant désignée en qualité de fournisseur, en y apposant sa signature et la mention ‘bon pour cachet’ à deux endroits distincts.

La réalité de l’existence de deux contrats interdépendants résulte suffisamment de la production du procès-verbal de livraison dûment signé par la locataire et le fournisseur, et désignant à nouveau et de manière apparente, en entête, en gras et avec une taille de police supérieure au reste du document, la société Locam en qualité de loueur.

Ainsi que l’a exactement relevé le premier juge, en apposant la mention ‘lu et approuvé’ ainsi que sa signature sur le contrat, Mme [C] a expressément déclaré avoir pris connaissance des conditions générales et particulières relatives au contrat du 20 mars 2014.

Au demeurant, la locataire avait consenti une autorisation de prélèvement automatique au profit de la société Locam et a effectivement réglé à celle-ci les cinq premières mensualités par prélèvement bancaire.

La société Locam justifie donc amplement de sa qualité à agir, et le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré ses demandes recevables.

Sur le dol

Mme [C] soutient que le contrat conclu avec la société MPI le 25 février 2014 serait entaché de nullité, son consentement ayant été déterminé par des pratiques commerciales trompeuses résidant dans l’intitulé de la convention de partenariat qui n’avait d’autre objectif que de la convaincre de signer sans délai le contrat, en lui faisant croire qu’elle bénéficiait de conditions tarifaires exceptionnelles en contrepartie de la fourniture de quelques contacts dans sa clientèle qu’elle voudrait bien fournir à son cocontractant.

Cependant, par ordonnance du 24 janvier 2020, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d’appel à l’égard de la société TCA.

Il s’ensuit que la cour ne peut, conformément aux dispositions de l’article 14 du code de procédure civile, prononcer la nullité du contrat de fourniture de matériel et de service du 25 février 2014, en l’absence à la cause du liquidateur de la société MPI.

Mme [C] ne peut donc solliciter la caducité du contrat de location financière du 20 mars 2014, en vertu de la règle de l’interdépendance entre le contrat de fourniture de service et de location financière, dès lors qu’elle n’a pas été en mesure d’obtenir l’annulation du contrat principal.

Sur la créance du loueur

Il ressort des dispositions de l’article 15-3 des conditions générales du contrat du 20 mars 2014 que, ‘suite à une résiliation pour quelque cause que ce soit, le locataire devra restituer l’objet du financement comme indiqué à l’article 16 ; outre cette restitution, le locataire devra verser au loueur une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majorée d’une clause pénale de 10 % (et) une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu’à la fin du contrat, majorée d’une clause pénale de 10 %, sans préjudice de tous les dommages-intérêts que le locataire pourrait devoir au loueur du fait de la résiliation’.

En exécution de ces dispositions, la société Locam réclame une somme totale de 6 621,03  euros se décomposant comme suit :

419,94 euros au titre des trois loyers impayés de septembre à novembre 2014,

5 599,20 euros au titre de l’indemnité de résiliation égale au montant des 40 loyers à échoir,

601,89 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de 10 %.

Mme [C] sollicite la réduction de l’indemnité de résiliation, requalifiée en clause pénale, comme étant excessive.

L’indemnité de résiliation due par la locataire en cas de non-respect de ses obligations, et correspondant au montant des loyers à échoir, a pour finalité, non seulement de réparer forfaitairement le préjudice résultant pour le loueur du bouleversement de l’économie de l’opération dont la période d’amortissement se trouve réduite du fait de la résiliation anticipée, mais aussi de contraindre la locataire à respecter ses engagements contractuels.

Partant, il s’agit bien d’une clause pénale susceptible, si elle est manifestement excessive, de modération par le juge en application de l’article 1152 devenu l’article 1231-5 du code civil.

À cet égard, au regard du préjudice financier réellement subi par la société Locam qui a investi pour réaliser l’opération et calculait sa marge bénéficiaire sur la base d’un contrat devant aller à son terme, et en l’absence de production de la facture d’achat des matériels, l’indemnité de résiliation de 5 599,20 euros égale au montant de la totalité des 40 loyers à échoir, est manifestement excessive, de sorte qu’il convient de la réduire à la somme de 2 800 euros.

La société Locam réclame en outre une majoration de 10 % des sommes dues, mais cette deuxième clause pénale est manifestement excessive, le loueur étant déjà indemnisé du préjudice qu’il a réellement subi du fait de la résiliation du contrat avant son terme par la perception de l’indemnité de résiliation telle qu’elle a été précédemment arrêtée à 2 800 euros, de sorte qu’il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a réduit le montant de cette majoration à un euro.

Il convient par conséquent d’infirmer partiellement le jugement, et de condamner Mme [C] à payer à la société Locam la somme de 3 219,94 euros, soit 419,94 euros au titre des aux trois loyers échus impayés et 2 800 euros au titre de l’indemnité de résiliation telle qu’elle a été précédemment modérée, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 novembre 2014.

Sur les autres demandes

Puisqu’il a été jugé que la demande en paiement de la société Locam était pour partie fondée, la demande de condamnation de la société Locam en paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral est dénuée de fondement et sera rejetée.

Le jugement sera confirmé sur ce chef.

L’indemnité de 800 euros allouée par le premier juge à la société Locam au titre des ses frais irrépétibles de première instance a été équitablement appréciée et sera confirmée.

Il n’y a en revanche pas matière à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 25 avril 2019 par le tribunal d’instance de Rennes en ce qu’il a condamné Mme [C] à payer à la société Locam la somme de 6 019,14 euros au titre des loyers impayés ;

Condamne Mme [N] [C] à payer à la société Locam la somme de 3 219,94 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2014 ;

Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne Mme [N] [C] aux dépens d’appel ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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