Location de matériel : 23 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/11995

·

·

Location de matériel : 23 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/11995
Ce point juridique est utile ?

23 juin 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/11995

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 7

ARRÊT DU 23 JUIN 2022

(n° 13, 56 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 20/11995 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCIHA

Décision déférée à la Cour : décision n° 2020-044 rendue le 30 Juillet 2020 par l’Autorité de régulation des transports

REQUÉRANTE :

SNCF VOYAGEURS S.A.

Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée et assistée de Me DUBROCA Pierre-Adrien et Me Gilles LE CHATELIER de la SELAS ADALTYS AFFAIRES PUBLIQUES, avocat au barreau de LYON, toque : 658

DÉFENDERESSE AU RECOURS :

RÉGION HAUTS-DE-FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée de Me Karine HENNETTE JAOUEN de la SELARL PARME AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque R272

EN PRÉSENCE DE :

AUTORITÉ DE RÉGULATION DES TRANSPORTS

Prise en la personne de son président en exercice

[Adresse 28]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Madame [Z] [D], Monsieur [U] [I] et Monsieur [M] [E], dûment mandatés

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 octobre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

‘ Mme Brigitte BRUN-LALLEMAND, première présidente de chambre, présidente,

‘ Mme Frédérique SCHMIDT, présidente de chambre,

‘ Mme Sylvie TRÉARD, conseillère,

qui en ont délibéré.

GREFFIER, lors des débats : M. Gérald BRICONGNE

MINISTÈRE PUBLIC : auquel l’affaire a été communiquée et représenté lors des débats par Mme Jocelyne AMOUROUX, avocate générale, qui a fait connaître son avis

ARRÊT :

‘ contradictoire

‘ prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

‘ signé par Brigitte BRUN-LALLEMAND, première présidente de chambre, et par Gérald BRICONGNE, greffier présent lors de la mise à disposition.

Vu la décision n° 2020-044 de l’Autorité de régulation des transports du 30 juillet 2020 portant règlement du différend entre la région Hauts-de-France et SNCF Voyageurs concernant la transmission d’informations relatives à l’organisation ou à l’exécution des services publics de transport ferroviaire de voyageurs et aux missions faisant l’objet du contrat de service public conclu entre la région et SNCF Voyageurs ;

Vu la déclaration de recours contenant un exposé succinct des moyens déposée par la société SNCF Voyageurs au greffe le 27 août 2020 ;

Vu le mémoire complémentaire comportant l’exposé complet des moyens déposé par la société SNCF Voyageurs au greffe le 28 septembre 2020 ;

Vu les observations en défense déposées par l’Autorité de régulation des transports au greffe le 16 février 2011 ;

Vu le mémoire en réponse déposé par la région Hauts-de-France au greffe le 12 avril 2021 ;

Vu les conclusions en réplique déposées par la société SNCF Voyageurs au greffe le 2 juin 2021 ;

Vu les observations n° 2 déposées par l’Autorité de régulation des transports au greffe le 1er juillet 2021 ;

Vu l’avis du ministère public du 1er octobre 2021 transmis le même jour aux parties ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 7 octobre 2021, les conseils de la société SNCF Voyageurs, de la Région Hauts-de-France et de l’Autorité de régulation des transports ainsi que le ministère public ;

Vu la note en délibéré n° 1 de la société SNCF Voyageurs du 18 février 2022 ;

Vu les observations en réponse de la région Hauts-de-France et de l’Autorité de régulation des transports du 25 février 2022 ;

Vu la note en délibéré n° 2 de la société SNCF Voyageurs du 3 juin 2022 ;

Vu les observations de la région Hauts-de-France du 8 juin 2022 et de l’Autorité de régulation des transports du 9 juin 2022.

SOMMAIRE

FAITS ET PROCÉDURE5

Le cadre juridique5

La convention de service public signée entre la région Hauts-de-France et SNCF Voyageurs6

Les demandes de transmission d’informations de la Région6

La procédure de mise en concurrence mise en ‘uvre7

La saisine de l’Autorité7

La décision de l’Autorité de régulation des transports8

Le recours de SNCF Voyageurs8

MOTIVATION10

I. SUR LA LÉGALITE EXTERNE DE LA DÉCISION10

A. Sur le caractère prémature allégué de la saisine10

1. Sur la saisine de l’Autorité avant la publication du décret d’application de l’article L.2121-19 du code des transports10

2. Sur la saisine de l’Autorité avant l’adoption par la Région d’un plan de gestion des informations relevant du secret des affaires13

3. Sur l’absence alléguée, à la date de la saisine de l’Autorité, de précision sur la maille géographique des premiers lots ouverts à la concurrence14

B. Sur la portée du courrier adressé le 13 novembre 2019 par la région à SNCF voyageurs16

C. Sur le rejet de la demande de réouverture de l’instruction formée par SNCF voyageurs18

D. Sur la violation alléguée du droit au procès équitable19

1. Sur l’avis rendu par l’Autorité sur le décret d’application de l’article L.2121-19 du code des transports19

2. Sur le rejet de la demande d’audition formulée par SNCF Voyageurs

21

3. Sur les modalités d’organisation de la séance devant l’Autorité22

E. Sur l’illégalité de la décision attaquée en ce que l’Autorité se serait prononcée ultra petita23

II. SUR LA LÉGALITE INTERNE DE LA DÉCISION27

A. Sur la méconnaissance alléguée du champ d’application de l’article L.2121-19 du code des transports27

1. Sur le respect du champ d’application matériel de l’article L.2121-19 du code des transports27

2. Sur le respect du champ d’application temporel de l’article L.2121-19 du code des transports37

B. Sur l’erreur d’interprétation alléguée de l’état des informations transmises41

C. Sur l’impossibilité matérielle alléguée de transmission de certaines informations43

D. Sur la charge excessive alléguée pour la production du volume d’informations demandées dans les delais impartis53

III. SUR L’APPLICATION DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE ET LES DÉPENS55

FAITS ET PROCÉDURE

Le cadre juridique

1.Conformément au Règlement (CE) n° 1370/2007 du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route (ci-après « le Règlement n° 1370/2007 »), la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire a notamment ouvert à la concurrence les services de transport ferroviaire de voyageurs d’intérêt régional (TER), actuellement tous exploités par la société SNCF Voyageurs (ci-après « SNCF Voyageurs »).

2.L’article 19 de la loi précitée a ouvert aux autorités organisatrices de transport (ci-après « AOT »), à compter du 3 décembre 2019 et jusqu’au 24 décembre 2023, la faculté, par dérogation aux articles L.2121-4, L.2121-6 et L.2141-1 du code des transports, d’attribuer des contrats de service public relatifs à des services de transport ferroviaire de personne d’intérêt régional (exploités depuis 2002 par les régions), après publicité et mise en concurrence.

3.L’article 14 de la loi précitée a créé, à l’article L.2121-19 du code des transports, une obligation de transmission d’informations à la charge de SNCF Voyageurs, comme suit :

« Les entreprises fournissant des services publics de transport ferroviaire de voyageurs, les gestionnaires d’infrastructure et les exploitants d’installations de service transmettent à l’autorité organisatrice de transport compétente, à sa demande, toute information relative à l’organisation ou à l’exécution de ces services et aux missions faisant l’objet du contrat de service public, sans que puisse y faire obstacle le secret des affaires. Les entreprises, les gestionnaires d’infrastructure et les exploitants d’installations de service indiquent quelles informations ils estiment relever du secret des affaires.

L’article 226-13 du code pénal s’applique à la divulgation, à toute personne étrangère aux services de l’autorité organisatrice responsables de la passation et du suivi de l’exécution du contrat de service public ou n’ayant pas été chargée par l’autorité organisatrice d’exercer ces missions en tant que prestataire, des informations transmises en application du premier alinéa du présent article relevant du secret des affaires, à l’exception de la communication des informations effectuée en application de l’article L.2121-16 du présent code.

L’autorité organisatrice établit un plan de gestion des informations couvertes par le secret des affaires, qui définit des mesures d’organisation interne pour assurer le respect par son personnel et par toute personne travaillant pour son compte de l’interdiction de divulgation de ces informations.

Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité [de régulation des transports], détermine les conditions d’application du présent article. Il établit notamment une liste de catégories d’informations devant être regardées, de manière irréfragable, comme remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article, ainsi que les délais dans lesquels ces informations sont transmises. ».

4.Le décret du 20 août 2019 précise les conditions d’application de ces dispositions et fixe notamment, dans son annexe 1 (reproduite paragraphe 189 du présent arrêt), la liste des catégories d’informations devant être regardées, de manière irréfragable, comme remplissant les conditions du premier alinéa de l’article L.2121-19 du même code, ainsi que les procédures et délais dans lesquelles les informations doivent être transmises aux AOT.

5.L’article 14 de la loi précitée a également créé l’article 1263-2, II, du code des transports aux termes duquel :

« Toute autorité organisatrice des transports compétente, toute entreprise fournissant des services publics de transport ferroviaire de voyageurs, tout gestionnaire d’infrastructure ou tout exploitant d’installation de service peut saisir l’Autorité [de régulation des transports] d’un différend relatif à la transmission d’informations aux autorités organisatrices de transport prévue à l’article L.2121-19. ».

6.Conformément au II de l’article 14 de la loi précitée, ces dispositions s’appliquent aux contrats de service public en cours d’exécution au lendemain de la publication de ladite loi.

La convention de service public signée entre la région Hauts-de-France et SNCF Voyageurs

7.La région Haut-de-France (ci-après « la Région ») et SNCF Voyageurs ont, le 25 octobre 2019, conclu une convention portant obligation de service public pour le transport ferroviaire de voyageurs pour la période 2019-2024.

8.Cette convention a pour objet de confier à SNCF Voyageurs l’exploitation des services de transport de voyageurs relevant de la compétence de la Région. Elle précise les engagements respectifs des deux parties, lesquels portent sur l’exploitation (dessertes, plan de transport annuel, travaux, matériel roulant…), les gares et connexions, le développement (tarification, distribution, qualité du service), les aspects financiers et les relations avec les usagers, notamment. La Région définit la consistance, la nature et les conditions techniques, commerciales et qualitatives du service public de transport régional de voyageurs, qu’elle finance et dont elle contrôle l’exécution.

9.L’article 32 de la convention ouvre la faculté pour la Région d’attribuer, après mise en concurrence conformément aux articles L.2121-14 à L.2121-27 du code des transports, au moins un lot pendant la durée de la convention.

10.Cette convention « se substitue dans son intégralité », en application de son article 3, à la convention d’exploitation du service de transport de voyageurs pour la période 2013-2018, conclue avec l’ancienne région Picardie le 4 novembre 2013 (et à ses avenants de prolongation), ainsi qu’à la convention d’exploitation et de financement du service public d’intérêt régional de transport de voyageurs pour la période 2015-2024 conclue avec l’ancienne région Nord-Pas-de-Calais le 7 avril 2015 et à ses avenants.

Les demandes de transmission d’informations de la Région

11.Par courrier du 12 mars 2018 adressé au président directeur général de la SNCF, le président de la Région des Hauts-de-France, a fait connaître sa volonté de lancer dès 2019 l’appel d’offres pour la mise en concurrence de certains services de transport ferroviaire régional de voyageurs et indiqué souhaiter que SNCF Voyageurs « fournisse à la Région tous les éléments nécessaires à la tenue de cet objectif ».

12.Il lui a demandé de lui « transmettre toutes les données pour la préparation d’un cahier des charges, quelque soit le périmètre retenu, et notamment les données financières et organisationnelles », en précisant être prêt à « prendre tous les engagements de confidentialité requis ».

13.Il lui a adressé en pièce jointe une liste de données, pour l’année 2017 et en prévisionnel pour 2018-2020, classées selon les rubriques suivantes : reporting et annexes contractuelles, organisation et contractualisation, gares, distribution, billetique, information voyageurs, maintenance et production, personnel. Il a ajouté souhaiter obtenir ces données sous délai d’un mois et précisé que cette liste pourrait être complétée par de nouvelles demandes.

14.Par courrier du 16 juillet 2018 adressé au président directeur général de la SNCF, le président de la Région des Hauts de France a rappelé que la loi « Nouveau pacte ferroviaire » était désormais adoptée et promulguée et a renvoyé aux dispositions de l’article L.2121-16 du code des transports. Il s’est dit favorable à un travail de préparation commun aux équipes de la Région et de SNCF Voyageurs, comme proposée par cette dernière, mais a demandé, « afin d’amorcer cette démarche » une réponse sur les informations demandées et le calendrier des échanges dans la perspective d’un lancement d’un appel d’offres dans les douze prochains mois.

La procédure de mise en concurrence mise en ‘uvre

15.La Région a publié un avis de pré-information au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE) le 10 mai 2019 dans lequel elle définit les 10 lots susceptibles de faire l’objet d’une procédure de mise en concurrence.

16.Dans sa délibération du 30 janvier 2020, le conseil régional des Hauts-de-France a retenu, pour la phase de lancement des premières procédures de mise en concurrence du service public de transport ferroviaire de voyageurs, parmi ces 10 lots définis, les lots suivants :

‘ Lot 1 : [Localité 12] vers [Localité 24] ;

‘ Lot 2 : [Localité 26] vers [Localité 17], [Localité 13] et [Localité 11] ;

‘ Lot 3 : [Localité 10] vers [Localité 8], [Localité 19], [Localité 18], [Localité 27], [Localité 9], [Localité 15], [Localité 16] et [Localité 7], [Localité 16] vers [Localité 12], et [Localité 12] vers [Localité 20], [Localité 8] – [Localité 20].

La saisine de l’Autorité

17.Estimant rencontrer des difficultés persistantes pour accéder aux informations détenues par SNCF Voyageurs relatives à l’organisation et au contrôle de l’exécution du service public de transport ferroviaire de voyageurs, la Région a saisi le 24 avril 2019 l’Autorité de régulation des transports (ci-après « l’Autorité ») d’une demande de règlement de différend.

18.La Région précise dans sa saisine avoir adressé à SNCF Voyageurs « des demandes répétées depuis plus d’un an » afin d’obtenir les informations nécessaires à la mise en concurrence des services de transport public ferroviaire, ce qui a donné lieu à de nombreux échanges. Cependant, « la posture adoptée par SNCF (Voyageurs) fait notamment obstacle, d’une part, à un travail d’analyse précis permettant à l’autorité organisatrice de s’assurer de l’absence de surcompensations dans le cadre de la négociation en cours pour le renouvellement de la convention TER 2019-2024 et, d’autre part, à un travail de segmentation des services TER en lots, constitué de lignes ou de groupes de lignes, pour lesquels une spécification précise de l’organisation, de la performance et des coûts est indispensable pour une procédure de mise en concurrence. ».

19.La Région renvoie à ses courriers du 12 mars 2018 et du 16 juillet 2018, ainsi qu’aux échanges intervenus au cours des négociations de la convention 2019-2024, lesquelles ont donné lieu à des lettres et documents de travail traitant de la fourniture d’information de l’opérateur à l’autorité organisatrice (pièces n° 3 à 10 de la saisine). Elle en déduit que « c’est en connaissance de cause que les équipes de SNCF Voyageurs n’ont pas transmis certaines informations à ce jour, ou ne les ont transmises que partiellement, soit à un niveau de détail insuffisant au regard de la demande formulée ».

20.Elle fait valoir que le différend avec SNCF Voyageurs porte notamment sur le refus de transmettre les informations suivantes :

‘ « Le détail de l’effectif du personnel affecté pour la réalisation du service et de la masse salariale correspondante, pour permettre l’analyse et le contrôle du niveau des charges de personnel et de leur évolution réelle ;

‘ Le détail sur la consistance, l’utilisation et la maintenance du parc de matériel roulant : lignes de roulements, réserves d’exploitation, plans de maintenance actualisés, notamment pour faire application du droit de transfert de propriété et évaluer la pertinence des subventions de fonctionnement et d’investissement sollicitées ;

‘ La localisation et la description complète des installations fixes de maintenance et de remisage du matériel roulant, et le détail des prestations effectuées et facturées pour chaque site, notamment pour faire application du droit de transfert de propriété et évaluer la pertinence des subventions de fonctionnement et d’investissement sollicitées ;

‘ Le détail des postes de charges forfaitaires et leur justification par des unités d”uvre détaillées par ligne pour permettre le contrôle de l’absence de surcompensation, notamment au regard des charges de structures incluses dans chaque poste et du résultat net de l’opérateur ;

‘ Le détail des conditions de calcul de l’assujettissement fiscal de SNCF Mobilités au titre des contrats TER, avec les justificatifs correspondant à cet assujettissement, afin de contrôler le fondement des sommes réclamées au réel à la Région, dont la taxe sur les salaires qui a été introduite dans le devis de l’exercice 2018 hors de tout fondement dans les contrats actuels ».

La décision de l’Autorité de régulation des transports

21.Par une décision n° 2020-44 du 30 juillet 2020 (ci-après « la décision attaquée »), l’Autorité a enjoint à SNCF Voyageurs de communiquer à la Région, au périmètre tant de la convention de service public 2019-2024 que de l’ensemble des dix lots ouverts à la concurrence, 96 catégories de données, concernant les années 2016 à 2019, dont elle dresse la liste, et qui sont comprises dans 7 rubriques : données contractuelles, organisation générale du service, justifications des compensations versées pour l’exécution du service public, matériel roulant, maintenance, offre, trafic et distribution, ressources humaines.

Le recours de SNCF Voyageurs

22.SNCF Voyageurs a formé le 27 août 2020 un recours en annulation et, subsidiairement, en réformation contre cette décision.

23.Aux termes de son exposé des moyens, elle demande à la Cour :

À titre principal, d’annuler la décision attaquée au motif de :

‘ La violation du respect du droit à un procès équitable ;

‘ L’irrégularité de l’instruction du règlement de différend ;

‘ La méconnaissance du champ d’application de l’article L.2121-19 du Code des

transports et du décret n° 2019-851 du 20 août 2019 ;

‘ L’erreur manifeste d’interprétation de l’état des informations transmises ;

‘ L’impossibilité matérielle de transmission de certaines informations ;

‘ La charge excessive qu’elle fait peser sur SNCF Voyageurs pour la production du volume des informations demandées dans les délais impartis ;

À titre subsidiaire, de réformer la décision attaquée sur les points suivants :

‘ En disant que l’Autorité ne peut enjoindre à SNCF Voyageurs de transmettre des catégories d’informations portant sur une période antérieure à l’entrée en vigueur du décret du 20 août 2019 modifié par le décret n°2020 du 23 décembre 2020 ;

‘ En disant que l’Autorité ne peut enjoindre à SNCF Voyageurs de transmettre des informations non disponibles ou non nécessaires à l’ouverture à la concurrence et en déclarant satisfaisantes les informations approchantes transmises en l’absence de données disponibles ;

‘ En donnant acte à SNCF Voyageurs des catégories d’informations qu’elle n’est pas en mesure de transmettre à la Région de manière pertinente en l’absence d’affectation par cette dernière des biens au périmètre des 10 lots, et en enjoignant à la Région de fournir les clés de répartition nécessaires au détourage des catégories d’information au périmètre des lots dont la mise en concurrence est programmée ;

‘ En disant que l’Autorité ne peut enjoindre à SNCF Voyageurs de transmettre des catégories d’informations relatives au TERGV excédant les dispositions de l’article 13 du décret du 20 août 2019 modifié par le décret du 23 décembre 2020 ;

‘ En disant que l’Autorité ne peut enjoindre à SNCF Voyageurs de transmettre des informations prévisionnelles non prévues à l’article 2 du décret du 20 août 2019 ;

‘ En disant que l’Autorité ne peut enjoindre à SNCF Voyageurs de transmettre des catégories d’informations antérieures à la limite temporelle fixée à l’article 2 II du décret du 20 août 2019 ;

‘ En disant que l’Autorité ne peut enjoindre à SNCF Voyageurs de transmettre des informations relatives à l’historique de maintenance dont le périmètre excède celui défini à l’annexe 1 du décret du 20 août 2019, et portant sur une période antérieure aux 3 années précédant la demande de la Région ou antérieure à la date du début d’exécution du contrat de service public en cours, cette maille temporelle étant compatible avec les contraintes sécuritaires ;

‘ En accordant à SNCF Voyageurs un délai supplémentaire de transmission des informations.

24.La Région demande à la Cour de rejeter ce recours. L’Autorité et le ministère public l’y invitent également.

25.La Région et l’Autorité sollicitent chacune que SNCF Voyageurs soit condamnée à leur verser la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

26.La note en délibéré n° 1 de SNCF Voyageurs vise, ainsi qu’elle y a été autorisée, à verser l’étude sur l’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs publiée le 16 février 2022 par l’Autorité, laquelle viendrait en soutien de sa demande d’annulation s’agissant du champ d’application temporel de l’article L.2121-19 du code des transports.

27.La note en délibéré n° 2 de SNCF Voyageurs fait référence aux délibérations du conseil régional des Hauts-de France en date du 22 mars 2022 autorisant le président du conseil régional à engager tous travaux préalables pour la mise en concurrence de trois liaisons et intégrant certains lots dans d’autres, ce qui selon elle reviendrait à modifier substantiellement le périmètre des mises en concurrence et conduirait nécessairement à l’annulation de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, à sa réformation, son champ devant être limité désormais au seul le lot « Étoile d'[Localité 10] ».

28.La Région soulève l’irrecevabilité de cette note au motif que le principe est la prohibition de toute note en délibéré après la clôture des débats, sous réserve des tempéraments prévus à l’article 455 du code de procédure civile, non applicables au cas présent. Elles soutient que SNCF Voyageurs présente un moyen nouveau, lequel est fondé sur des modifications à ce stade prévisionnelles et non formalisées dans des avis de pré-information, alors que le changement du périmètre des lots n’implique qu’un retraitement des informations que SNCF Voyageurs aurait du déjà avoir transmis à la Région il y a plus de deux ans. Elle ajoute, avec l’Autorité, que l’office de la Cour est de contrôler la régularité de la décision qui lui est déférée en se plaçant à la date à laquelle elle a été rendue.

29.Il convient de constater que la note en délibéré n° 2 a été déposée à la seule initiative d’une partie, sans déférer à une demande du président de la formation de jugement et qu’elle n’a pas pour objet de répondre au ministère public. Ces écritures et les pièces produites à l’appui sont en conséquence irrecevables.

MOTIVATION

I. SUR LA LÉGALITE EXTERNE DE LA DÉCISION

A. Sur le caractère prémature allégué de la saisine

30.SNCF Voyageurs soutient que la saisine est irrégulière car prématurée.

31.Ce moyen d’annulation présente trois branches, que la Région, l’Autorité et le ministère public demandent d’écarter.

1. Sur la saisine de l’Autorité avant la publication du décret d’application de l’article L.2121-19 du code des transports

32.L’Autorité a, au paragraphe 27 de la décision attaquée, considéré qu’à défaut de mentions expresses contraires, les dispositions l’article L.2121-19 du code des transports étaient d’application immédiate.

33.SNCF Voyageurs conteste cette analyse en faisant valoir que la liste des catégories d’informations devant être regardées, de manière irréfragable, comme remplissant les conditions mentionnées à l’article L.2121-19 susvisé, a été déterminée par le décret du 20 août 2019 et qu’à la date de la saisine de l’Autorité (le 19 avril 2019), cet article ne lui était en conséquence pas opposable.

34.Elle soutient qu’une loi qui prévoit que l’étendue des obligations qu’elle implique sera précisée par décret, ne permet pas de la considérer comme suffisamment précise pour en recevoir application directe (CE, 22 octobre 2014, req. N° 361464) et qu’une disposition législative prévoyant que la « nomenclature » des situations entrant dans son champ d’application sera fixée par décret, ne permet pas son application directe en l’absence d’adoption dudit décret (CE, 23 mars 2005, req. N° 266873).

35.Elle considère que le décret était indispensable à l’application de la loi en ce qu’il a fixé le champ d’application matériel et temporel de l’article L.2121-19 du code des transports dans des conditions différentes de la saisine initiale de l’Autorité par la Région (ayant selon elle conduit la Région à saisir une seconde fois l’Autorité) ; précisé que la demande de transmission d’informations ne pouvait intervenir qu’après l’adoption d’un plan de gestion des informations couvertes par le secret des affaires par l’autorité organisatrice, et défini son contenu ainsi que ses modalités d’adoption, contrairement à l’interprétation de l’article L.2121-19 du code des transports que l’Autorité et la Région soutenaient durant la procédure de règlement de différend ; défini la notion de donnée disponible et prévu la possibilité de produire des informations approchantes en cas d’impossibilité de produire les informations demandées, contrairement à l’interprétation de l’article L.2121-19 du code des transports par l’Autorité et figurant dans son avis sur le projet de décret ; défini les modalités et les délais de transmission des informations.

36.Elle en déduit que l’Autorité aurait dû faire part à la Région de l’impossibilité d’instruire le règlement de différend.

37.La Région répond que les principes juridiques en la matière sont fondés sur l’application directe et immédiate de la loi dès sa publication, sans égard à la mention d’un renvoi par la loi à un décret d’application. C’est seulement par exception que le Conseil d’État et la Cour de cassation ont pu admettre que certaines dispositions d’une loi puissent n’entrer en vigueur qu’après la publication de textes inférieurs. Selon une jurisprudence bien établie et partagée entre les deux ordres de juridiction, que la Région énumère dans ses écritures (s’appuyant sur les conclusions du rapporteur public dans l’affaire CFDT Syndicat de santé des Hauts-de-Seine, CE, 25/10/2017, 405239 N° 405239), il n’y a non-application de la loi que lorsqu’il est « manifestement impossible » de l’exécuter en l’absence d’un décret d’application. Elle en déduit qu’une loi suffisamment claire et précise doit recevoir application immédiate et qu’il n’y a pas lieu de suspendre son entrée en vigueur jusqu’à celle du décret.

38.Elle soutient que la loi pose à l’article L.2121-19 du code des transports une règle extrêmement simple, claire et précise : elle fait peser une obligation de transmission aux AOT des données relatives à l’organisation, à l’exécution des services ferroviaires et aux missions faisant l’objet de contrat de service public, sans que le secret des affaires puisse s’y opposer. C’est bien ainsi qu’elle a été comprise par SNCF Voyageurs elle-même, puisque cette dernière avait commencé à en faire application en transmettant certains documents à la Région avant la publication du décret.

39.La Région ajoute que le décret d’application, s’il est utile, n’est pas indispensable à l’application du texte, puisque comme l’a rappelé l’Autorité au paragraphe 37 de la décision attaquée, les annexes du décret n’ont vocation qu’à fixer une liste minimale des informations devant être communiquées aux AOT qui en font la demande. Une lecture différente serait dépourvue de sens puisque dans un contexte nouveau de mise en concurrence, il est difficile d’identifier ex ante toutes les informations nécessaires à la préparation des appels d’offres.

40.Elle fait valoir, enfin, que la loi du 27 juin 2018 a expressément prévu, à son article 14, l’application immédiate de l’article L.2121-19 du code des transports.

41.L’Autorité ajoute qu’il ressort des travaux parlementaires ayant précédé l’adoption de la loi du 27 juillet 2018 que le décret avait pour objet d’accélérer la transmission des informations aux OAT et d’éviter la contestation, par les débiteurs de l’information, du bien-fondé des demandes faites en ce sens par les régions, étant entendu que la rédaction retenue pour ce décret ne devait pas empêcher la transmission de toute autre donnée utile à l’AOT qui n’aurait pas été identifiée dans ce décret. Elle souligne aussi avoir adopté la décision attaquée postérieurement à l’entrée en vigueur du décret, et avoir donc statué conformément au cadre réglementaire applicable.

42.Le ministère public développe une analyse similaire.

Sur ce, la Cour,

43.L’article L.2121-19 du code des transports (reproduit paragraphe 3 du présent arrêt) instaure, dans son alinéa 1, à la charge de SNCF Voyageurs, entreprise fournissant des services publics de transport ferroviaire de voyageurs, une obligation de transmission de « toute information relative à l’organisation ou à l’exécution de ces services publics et aux missions faisant l’objet du contrat de service public », dès lors que la Région, autorité organisatrice de transport, lui en fait la demande, « sans que puisse y faire obstacle le secret des affaires ». Il prévoit en outre, dans son alinéa 4, qu’un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application de cet article et qu’il établit notamment une liste de catégories d’informations devant être regardées, de manière irréfragable, comme remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa, ainsi que les délais dans lesquels ces informations sont transmises.

44.Aucune disposition expresse n’indique que l’entrée en vigueur de l’alinéa 1 de l’article L.2121-19 du code des transports instaurant l’obligation de transmission des informations est subordonnée à celle du décret prévu en son alinéa 4, aux fins de préciser certaines modalités d’application, dans l’hypothèse où le débiteur des informations ne transmettrait pas certaines d’entre elles.

45.En l’absence de dispositions contraires, une disposition légale se suffisant à elle-même est applicable sans attendre la publication d’un décret, à la date d’entrée en vigueur de cette loi (Civ. 3ème, 2 déc. 1981, n° 80-14328 P ; Civ. 1ère, 12 mai 2016, n° 15-12120). Il n’en va autrement que si, en l’absence de décret, les dispositions de la loi ne peuvent recevoir application (Soc. 22 mars 1989, n° 85-13496 P ; Civ, 2ème, 7 oct. 2004, 02-50049, Civ. 1ère, 3 juin 2015, n° 14-16424).

46.Ainsi, une loi nouvelle entre en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel, dans les conditions fixées à l’article 1er du code civil, sauf si elle en dispose autrement ou si son application est manifestement impossible en l’absence de dispositions réglementaires en précisant les modalités. En effet, l’application de dispositions législatives suffisamment précises n’est, en l’absence de dispositions contraires, pas tributaire de l’intervention de dispositions réglementaires d’exécution (CE, 16 février 2018, Union des transports publics et ferroviaires, n° 403508).

47.La Cour constate que l’obligation de transmission des informations prévue à l’alinéa 1 de l’article L.2121-19 du code des transports présente un caractère suffisamment précis pour être directement applicable, sans qu’il y ait lieu d’attendre l’instauration de modalités de mise en ‘uvre plus détaillées.

48.Les dispositions du décret qui ont, le 20 août 2019, complété le dispositif instauré, ont visé à en faciliter l’application, dans une hypothèse spécifique, celle où le débiteur des informations ne transmettrait pas certaines données sollicitées. En effet, la publication, par voie réglementaire, d’une liste de données devant être regardées comme relative à l’organisation et à l’exécution du service public de transport ferroviaire de voyageurs ainsi qu’aux missions faisant l’objet du contrat liant l’opérateur historique à la Région, et pour lesquelles le secret des affaires ne peut pas être opposé, réduit le périmètre des contestations possibles. La fixation de délais de transmission de ces informations dans ce même décret facilite la mise en ‘uvre de l’obligation de transmission de l’information.

49.La Cour observe qu’il n’était, de surcroît, pas nécessaire de se référer en l’espèce à des modalités de mise en ‘uvre plus détaillées portant spécifiquement sur le secret des affaires, puisque SNCF Voyageurs n’a pas, à l’occasion des échanges, fait connaître avoir identifié d’informations demandées par la Région qu’elle estimait couvertes par ce secret. Bien au contraire, il ressort notamment des indications figurant dans la rubrique « commentaire » du tableau qu’elle adressé le 3 octobre 2018 à la Région (pièce n° 3 de l’Autorité), en réponse aux demandes de celle-ci, que les raisons des non-transmission de certaines données sont d’une autre nature (selon les cas : « toutes les données prévisionnelles n’existent pas au format demandé », « des éléments pourront être complétés lorsque la Région aura déterminé le périmètre ouvert à la concurrence », « les données en effectifs n’existent pas », « cette donnée n’est pas disponible et relève de l’organisation interne de SNCF Mobilités »…).

50.Il s’en déduit que le différend entre SNCF Voyageurs et le Région lié à l’application de l’article L.2121-19 du code des transports s’est fondé sur des dispositions entrées en vigueur le lendemain de la publication de la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 qui les a instaurées, intervenue au Journal officiel de la République française (JORF) n° 0147 du 28 juin 2018, soit le 29 juin 2018, lesquelles étaient donc opposables à SNCF Voyageurs à la saisine de l’Autorité, le 24 avril 2019.

51.La première branche du moyen est écartée.

2. Sur la saisine de l’Autorité avant l’adoption par la Région d’un plan de gestion des informations relevant du secret des affaires

52.SNCF Voyageurs soutient qu’en droit, la transmission des informations par une entreprise fournissant des services publics de transport ferroviaire de voyageurs à une AOT est subordonnée à la mise en ‘uvre d’un plan de gestion des informations couvertes par le secret des affaires (ci-après « PGIC »). Or la Région n’a adopté son PGIC que le 24 septembre 2019 et ne l’a communiqué à SNCF Voyageurs qu’en date du 11 octobre 2019. SNCF Voyageurs en déduit que l’Autorité aurait du, dans l’attente, suspendre l’instruction du règlement du différend, ce qu’elle n’a pas fait.

53.La Région relève, de manière liminaire, que la Région a adopté son PGIC peu après la parution du décret (voir paragraphe 29 de la décision attaquée). Elle ajoute qu’aucune disposition légale ou réglementaire ne subordonne la saisine de l’Autorité à l’adoption d’un PGIC et que cette circonstance n’est en rien une condition préalable ni à la saisine de l’Autorité, ni à la communication desdites informations. La critique lui paraît d’autant plus inopérante que le différend devant l’Autorité n’a aucunement porté sur le PGIC, SNCF Voyageurs n’ayant à aucun moment invoqué ou identifié d’informations demandées par la Région qui auraient été couvertes par le secret des affaires.

54.L’Autorité fait valoir que c’est l’article 8 du décret du 20 août 2019 qui a posé le principe selon lequel la transmission en application des dispositions de l’article L.2121-19 du code des transports d’informations couvertes par le secret des affaires est subordonnée à l’adoption préalable par l’AOT d’un PGIC. Ainsi, au jour de la saisine, cette adoption n’en constituait pas un préalable obligatoire opposable aux AOT.

55.Le ministère public développe une analyse similaire.

Sur ce, la Cour,

56.L’alinéa 1er de l’article L.2121-19 du code des transports instaure, à compter du 29 juin 2018, une obligation de transmission de toute information relative à l’organisation ou à l’exécution des services publics de transport ferroviaire de voyageurs et aux missions faisant l’objet du contrat de service public, à la charge de SNCF Voyageurs, dès lors que la Région lui en fait la demande, sans que puisse y faire obstacle le secret des affaires.

57.L’alinéa 3 de cet article prévoit que l’AOT établit un PGIC, qui définit des mesures d’organisation interne pour assurer le respect par son personnel et par toute personne travaillant pour son compte de l’interdiction de divulgation des informations couvertes par le secret des affaires.

58.L’article 8 du décret du 20 août 2019 précise que la transmission en application des dispositions de l’article L.2121-19 du code des transports d’informations couvertes par le secret des affaires « est subordonnée à l’adoption préalable » par l’AOT d’un PGIC.

59.La Cour observe, tout d’abord, que le critère de saisine de l’Autorité, en application de l’article L.1263-2, II, du code des transports (reproduit paragraphe 5 du présent arrêt), est l’existence d’un « différend relatif à la transmission d’informations aux autorités organisatrices de transport prévue à l’article L.2121-19. », lequel a été précisément exposé par la Région dans sa saisine du 19 avril 2019. Aucune disposition légale ou réglementaire ne subordonne la régularité de saisine de l’Autorité à l’adoption préalable d’un PGIC par la partie saisissante.

60.La Cour retient, ensuite, que l’article L.2121-19 du code des transports vise « toute information » et que les dispositions relatives au PGIC sont ainsi sans incidence sur la transmission d’informations dont il n’a pas été allégué qu’elle puissent être couvertes par le secret des affaires et qu’elles doivent, en conséquence, relever du dispositif spécifique instauré en matière de divulgations d’informations couvertes par ce secret, lequel prévoit, mais seulement dans cette hypothèse, que des mesures spécifiques soient prises à l’égard du personnel de la Région ou toute autre personne travaillant pour son compte.

61.La Cour retient, enfin, que la saisine du 19 avril 2019 est antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 8 du décret du 20 août 2019 qui a subordonné la transmission d’informations couvertes par le secret des affaires à l’adoption préalable d’un PGIC par l’AOT. À supposer que cette disposition ait trouvé à s’appliquer en l’espèce ‘ ce qui n’est pas démontré, SNCF Voyageurs n’ayant pas invoqué ou identifié d’informations demandées par la Région qui auraient été couvertes par le secret des affaires ‘, c’est en vain que SCNF Voyageurs invoque le fait que l’Autorité aurait dû suspendre l’instruction du règlement du différend jusqu’à ce que la Région adopte son PGIC, ce qui n’a eu lieu que le 24 septembre 2019.

62.La deuxième branche du moyen est écartée.

3. Sur l’absence alléguée, à la date de la saisine de l’Autorité, de précision sur la maille géographique des premiers lots ouverts à la concurrence

63.SNCF Voyageurs observe que comme le rappelle l’Autorité dans la décision attaquée (voir paragraphes 15 à 18), ce n’est que le 19 février 2020 que la Région lui a notifié les trois premiers lots ouverts à la concurrence. Elle en déduit qu’à la date tant de la première saisine (19 avril 2019) que de la deuxième demande d’informations (13 novembre 2019), elle n’avait pas été destinataire des éléments nécessaires à la contextualisation de la demande, alors que l’article 2, I du décret du 20 août 2019 dispose que les demandes d’information formulées par l’AOT « sont écrites et précisent la nature, l’ancienneté et le niveau de détail, notamment la maille géographique et temporelle, des informations sollicitées. ».

64.La Région répond qu’aucune disposition réglementaire ou légale ne subordonne la saisine de l’Autorité à la définition de la maille géographique des lots concernés par la mise en concurrence. Elle fait valoir que c’est sur la base des informations transmises au périmètre du contrat (soit à la maille de l’ensemble du réseau des Hauts-de-France) que la Région peut, ensuite, décider de la maille géographique des lots ouverts à la concurrence et qu’elle était donc parfaitement fondée à affiner, préciser et compléter ses demandes au fur et à mesure de sa connaissance des caractéristiques du service.

65.La Région soutient qu’en tout état de cause, SNCF Voyageurs a disposé d’informations complémentaires a minima depuis le mois d’avril 2019, moment où la Région a délibéré sur la publication de l’avis de pré-information, qui détaille la maille géographique des 10 lots identifiés à cette date. La Région ajoute que la notification en 2020 des trois premiers lots arrêtés a pour seule utilité de déclencher le dispositif contractuel des lots détachables au titre desquels SNCF Voyageurs a, en qualité d’exploitant actuel, une série d’obligations contractuelles, différentes du présent contentieux, à l’égard de la Région.

66.L’Autorité observe que l’obligation de transmission des informations prévue par l’article L.2121-19 du code des transports n’évoque pas la mise en ‘uvre effective des procédures de mise en concurrence des services de transport ferroviaire. De plus, le décret du 20 août 2019 n’impose pas au demandeur de justifier du caractère nécessaire des informations demandées pour la mise en concurrence des contrats de service public. Elle ajoute que le fait que la Région n’ait notifié à SNCF Voyageurs que le 19 février 2020 les trois premiers lots ouverts à la concurrence est également sans incidence sur la régularité de la saisine de l’Autorité en 2019.

67.Le ministère public fait valoir que les demandes adressées par la Région à SNCF Voyageurs dès les 12 mars et 16 juillet 2018 portaient, sans aucune contradiction avec le décret d’application, sur la maille de l’ensemble du réseau régional à compter de l’année 2017. Il ajoute qu’il résulte en outre du courrier du 6 juin 2019 adressé par la Région (pièce n° 6 de la Région) que SNCF Voyageurs disposait bien du niveau de précision nécessaire à la compréhension des demandes « alloties » de la région et ce, dès le mois de février 2019.

Sur ce, la Cour,

68.La Région est fondée, en application de l’article L.2121-19 du code des transports, à solliciter de SNCF Voyageurs toute information « relative à l’organisation ou à l’exécution (des) services (publics de transport ferroviaire de voyageurs) et aux missions faisant l’objet du contrat de service public ».

69.La Cour retient, en premier lieu, que ces dispositions ne portent pas sur les lots concernés par l’ouverture à la concurrence. Elles ont un objet beaucoup plus large ‘ les services et missions faisant l’objet du contrat de service public de transport ferroviaire de voyageurs ‘ et peuvent donc être invoquées avant la délimitation des lots.

70.La Région pouvait en conséquence, au regard de l’objectif d’ouverture à la concurrence des services poursuivi, ne pas cantonner ses demandes à des informations limitées, sur le plan géographique, à une partie du réseau sur lequel circulent les TER Hauts-de-France.

71.Le 12 mars 2018, elle a envoyé à SNCF Voyageurs une liste de données qu’elle souhaitait obtenir dans la perspective d’une « mise en concurrence d’un ou plusieurs lots dès 2019 ». Elle y précise demander à ce que lui soit transmis « toutes les données pour la préparation d’un cahier des charges, quel que soit le périmètre retenu » (voir paragraphes 11 et suivants du présent arrêt).

72.En réponse au courrier de SNCF Voyageurs évoquant notamment les travaux organisés, au niveau national, par sa Direction Générale TER, « avec les Régions de France sur l’élaboration des données nécessaires à la préparation des appels d’offres et au suivi des conventions afin de faciliter la rédaction et la mise en ‘uvre des textes d’application » (pièce n° 2 de l’Autorité), la Région a souligné, par courrier du 16 juillet 2018, que suite à la promulgation de la loi du 27 juin 2018, « les fondements juridiques pour que vous vous engagiez dans l’accompagnement de la Région sont désormais connus » et a ajouté :

« En réponse à la liste que nous vous avons adressée, vous voudrez bien indiquer les données que vous mettez à disposition immédiatement, à défaut le délai sous lequel il vous est possible de les transmettre, et votre appréciation sur les compléments à apporter (‘). Il nous serait également utile de disposer de l’affectation du matériel roulant par sous-parc, avec, pour chaque rame, sa ligne, son site de maintenance et son lieu de remisage » (pièce n° 3 de l’Autorité – soulignement rajouté par la Cour).

73.Il s’en déduit que les demandes de la Région ont été formulées initialement, comme elle en avait la faculté, à la maille de l’ensemble du réseau régional.

74.Il ressort de la saisine et des pièces produites que c’est à cette maille que les échanges se sont poursuivis, notamment s’agissant des roulements de matériel et de personnel, sollicités « pour chaque ligne du périmètre du TER Hauts-de France » (saisine, p. 2).

75.Puis, dans un second temps, la Région a affiné la maille de certaines demandes et appelé plus particulièrement l’attention de SNCF Voyageurs sur le « caractère préoccupant » du refus opposé s’agissant des « périmètres géographiques distincts » définis dans l’avis de pré-information publié au JOUE le 10 mai 2019 et portant sur 10 lots (pièce Région n° 6 – courrier du 6 juin 2019).

76.La Cour observe, en second lieu, qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne subordonne la saisine de l’Autorité à la définition de la maille géographique des lots concernés par la mise en concurrence.

77.La troisième branche du moyen est écartée.

B. Sur la portée du courrier adressé le 13 novembre 2019 par la région à SNCF voyageurs

78.L’Autorité, aux paragraphes 30 et 31 de la décision attaquée, retient que la Région a adressé à SNCF Voyageurs, le 13 novembre 2019, une demande sollicitant « la communication d’informations supplémentaires qui, si elles ne sont pas mentionnées dans la saisine initiale du 24 avril 2019, présentent toutefois un lien direct avec celle-ci ». L’Autorité en déduit que cette demande « qui complète et précise, dans le respect des dispositions du décret du 20 août 2019, les données dont la Région souhaite obtenir communication en application de l’article 2121-19 du code des transports, ne constitue pas d’une demande nouvelle » et que cette demande n’a pas eu pour effet de priver d’objet la demande de règlement de différend introduite dès le 24 avril 2019.

79.SNCF Voyageurs fait valoir que le périmètre du règlement du différend est nécessairement circonscrit aux seules informations dont la transmission est demandée par l’AOT à travers la saisine de l’Autorité. Or, alors qu’elle avait saisi l’Autorité d’une demande de communication de 76 informations dans le cadre de sa saisine du 19 avril 2019, la Région a, par courrier du 13 novembre 2019, adressé une autre demande portant sur 26 catégories d’informations supplémentaires, laquelle doit nécessairement être, selon SNCF Voyageurs, interprétée comme constituant une nouvelle demande, annulant et remplaçant la demande d’informations ayant conduit à la saisine de l ‘Autorité.

80.SNCF Voyageurs soutient aussi que le paragraphe 623 de la décision attaquée, en ce qu’il précise que la demande du 13 novembre 2019 a été formulée « dans le respect des règles définies par le décret » du 20 août 2019, conduit nécessairement à considérer que la demande initiale de la Région n’était pas conforme aux textes et donc irrégulièrement formée. L’Autorité n’aurait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et aurait entaché sa décision d’une erreur de droit en ne faisant pas droit à la demande de non-lieu à statuer formulée par SNCF Voyageurs.

81.La Région répond qu’il ressort de la lecture du courrier du 13 novembre 2019 que la demande visait des informations relevant du différend en cours, tant en raison des références numérotées qui y figurent qu’eu égard à l’objet même des informations sollicitées, lesquelles constituent le complément actualisé de celles faisant l’objet du présent différend. Elle ajoute que le niveau de détail indiqué par la Région dans cette lettre résulte pour l’essentiel des observations formulées par les parties au cours du différend. Il ne peut être raisonnablement soutenu, selon elle, que toute saisine de l’Autorité a pour effet de « geler » toute demande de l’AOT dans le cadre de la préparation des procédures d’attribution du service public de transport de voyageurs.

82.L’Autorité observe, à titre liminaire, que SNCF Voyageurs a admis implicitement que la demande du 13 novembre 2019 devait être traitée dans le cadre de l’instruction du présent règlement de différend puisqu’elle a sollicité de l’Autorité, le 25 novembre 2022, un délai supplémentaire pour « produire de nouvelles observations en réponse à l’élément nouveau que constitue ce courrier » (pièce Autorité n° 5).

83.Elle fait valoir qu’aucun principe législatif, réglementaire ou jurisprudentiel n’imposait à l’Autorité de déduire de la demande du 13 novembre 2019 que la saisine du 24 avril 2019 était privée d’objet. Le raisonnement de SNCF Voyageurs reviendrait à admettre que le différend ne peut être amené à évoluer au cours de l’instruction, conception qui va à l’encontre de l’effet utile de la procédure de règlement de différend, laquelle s’inscrit dans un contexte nécessairement évolutif qui, outre qu’il explique la longueur de l’instruction, justifie que les demandes d’informations puissent être adaptées après saisine de l’Autorité et impacter, de ce fait, le périmètre du différend. Elle ajoute que loin de priver de son objet la saisine initiale de la Région, la demande n’a fait qu’en préciser le contenu.

84.Le ministère public développe une analyse similaire.

Sur ce, la Cour,

85.Le courrier du 13 novembre 2019 adressé par la Région à SNCF Voyageurs comprend notamment les indications suivantes :

« La demande de transmission concerne le périmètre du service public des Hauts-de-France, pour la totalité du service public de la Région, et à la maille des contrats existants et des secteurs géographiques délimités par les lots définis dans le cadre de l’avis de pré-information publié le 10 mai 2019 au JOUE (‘).

(Ces informations) sont dues au titre de l’article L.2121-19 du code des transports et du décret du 20 août 2019 (‘).

Ce courrier fait suite aux informations déjà demandées à SNCF (Voyageurs) par un courrier du 12 mars 2018 (DTR-2018-005170) exigeant des informations à la maille géographique des contrats existants et à partir de l’année 2017 (exercice et horaire de service), en réalisé, et, en prévisionnel, pour les années suivantes. (‘).

Pour une bonne compréhension des demandes de la Région, il est fait référence aux éléments produits pour l’instruction du règlement du différent n° 19121 dont l’Autorité (‘) a été saisie. » (pièce Région n° 19).

86.Il s’en déduit que la demande du 13 novembre 2019 ne constitue, ni dans sa forme, ni en substance, une nouvelle demande annulant et remplaçant la saisine du 19 avril 2019.

87.Cette demande porte sur des informations relevant du différend en cours. Elle tend aux mêmes fins et a pour effet d’actualiser et de préciser le contenu de la saisine, dans le respect des dispositions du décret du 20 août 2019, lequel facilite, pour la période postérieure à son entrée en vigueur, l’application des dispositions de l’article L.2121-19 du code des transports en énumérant une liste de données pour lesquelles, de manière irréfragable, le secret des affaires ne peut pas être opposé.

88.C’est donc à raison que l’Autorité a considéré, dans la décision attaquée, que la demande du 13 novembre 2019 porte sur la communication d’informations supplémentaires qui présentent un lien direct avec la saisine du 24 avril 2019 et que cette demande n’a pas pour effet de priver d’objet la demande de règlement de différend introduite le 19 avril 2019.

89.Le moyen est écarté.

C. Sur le rejet de la demande de réouverture de l’instruction formée par SNCF voyageurs

90.SNCF Voyageurs soutient que l’Autorité a entaché d’irrégularité l’instruction du règlement du différend, car cette dernière, clôturée le 26 juin 2020, n’a pas été réouverte suite au courrier de SNCF Voyageurs du 10 juillet 2020 qui avait pour objet l’actualisation des informations transmises à la Région. L’Autorité a en effet « refusé d’intégrer ce courrier dans la procédure ».

91.La Région répond que la demande a été formulée alors que les parties avaient déjà échangé un très grand nombre d’écritures, qu’il avait été diligenté plusieurs mesures d’instruction, que l’Autorité avait reporté deux fois la clôture de l’instruction à la demande de SNCF Voyageurs et que l’instruction avait duré plus de 15 mois. Ce contexte lui paraît justifier à lui seul et de manière objective le rejet de la demande. De surcroît, cette demande est intervenue 6 jours seulement avant l’audience et une réouverture aurait nécessairement conduit à un report au mois de septembre 2020. Elle fait valoir que l’Autorité n’était nullement tenue de faire droit de réouverture de l’instruction, très tardivement formulée.

92.L’Autorité soutient que si toute nouvelle transmission d’informations suffisait pour justifier une réouverture, le débiteur de l’obligation de transmission de l’information pourrait faire reporter sans cesse la clôture, par des transmissions au compte-goutte. Elle observe aussi que SNCF Voyageurs n’a pas rapporté la preuve que les informations en question avaient été effectivement transmises et répondaient aux demandes de la Région, d’une part, et que ces éléments n’auraient pas pu être transmis à la Région avant la clôture de l’instruction, d’autre part. Elle ajoute que la plupart des données que SNCF Voyageurs indique avoir transmises entre le 8 et le 9 juillet 2020 concernent la maintenance des matériels roulants, informations qu’elle s’était engagée, dans un courrier du 20 février 2020, à transmettre entre avril et mai 2020, calendrier qu’elle n’a pas respecté.

93.Le ministère public soutient qu’au vu des éléments recueillis, cette demande de réouverture est apparue manifestement dilatoire.

Sur ce, la Cour,

94.Aux termes de l’article 32 du règlement intérieur de l’Autorité :

« sur proposition du (des) rapporteurs, le directeur des affaires juridiques peut décider de la prolongation ou de la réouverture de l’instruction. L’instruction est ouverte lorsque les parties font valoir, après clôture de l’instruction, des circonstances de droit ou de fait nouvelles utiles à la solution du différend qu’elles n’auraient pas été en mesure d’invoquer auparavant » (soulignement ajouté par la Cour).

95.En l’espèce, alors que l’instruction était clôturée depuis le 26 juin 2020 et que l’affaire devait être examinée en séance le 16 juillet 2921, l’Autorité a été destinataire d’un courrier de SNCF Voyageurs du 10 juillet 2020 « priant (le rapporteur) de bien vouloir trouver ci-joint la liste des dernières informations transmises à la Région via l’interface TER depuis notre dernier envoi du 11 juin 2020 ».

96.Ce courrier comportait les seules mentions suivantes :

« Ces informations sont relatives :

– d’une part, aux données de maintenance ; et

– d’autre part, aux installations fixes de maintenance.

Au total, SNCF Voyageurs a donc transmis à ce jour 134 036 fichiers à la Région Hauts-de-France.

Vous souhaitant bonne réception. » (pièces ART n° 8-1 et 8-2).

97.Il s’en déduit que SNCF Voyageurs n’a, à l’occasion de cette transmission, fait état d’aucune circonstance de fait ou de droit de nature à permettre au directeur juridique de l’Autorité d’apprécier s’il y avait lieu de décider, comme il en avait la faculté, de la réouverture de l’instruction. Elle n’a pas non plus expliqué pourquoi elle n’avait pas été en mesure de transmettre ces informations pendant l’information, laquelle a duré plus de quinze mois.

98.La Cour retient que les conditions d’application de l’article 32 du règlement intérieur de l’Autorité n’étaient, en conséquence, pas réunies.

99.Le moyen est écarté.

D. Sur la violation alléguée du droit au procès équitable

100.SNCF Voyageurs fait valoir trois branches au soutien de ce moyen fondé sur l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (ci-après : « CESDH »).

101.Selon la Région, l’Autorité et le ministère public, aucune ne caractérise une violation du droit au procès équitable.

1. Sur l’avis rendu par l’Autorité sur le décret d’application de l’article L.2121-19 du code des transports

102.SNCF Voyageurs soutient que dans son avis n° 2019-037 du 13 juin 2019, l’Autorité s’est montrée très favorable à la plus large communication possible au profit des autorités organisatrices de transport, en tentant notamment d’accroître le périmètre des informations concernées. Elle aurait, selon SNCF Voyageurs, marqué ainsi sa volonté d’imposer à l’opérateur historique des obligations sans limite et sans lui permettre d’expliciter son point de vue sur des sujets pourtant très techniques. Elle en déduit que l’Autorité, à la fois juge du présent différend et partie à l’établissement du cadre réglementaire, a méconnu le droit à un procès équitable par ses « prises de position publiques » concernant le décret d’application publié le le 20 août 2019.

103.La Région répond que l’avis préalable de l’Autorité est expressément prévu par les dispositions de l’article L.2121-19 du code des transports et que l’absence de saisine pour avis aurait entaché le décret d’illégalité. Elle ajoute que l’Autorité a, au préalable, en toute transparence, réalisé une consultation publique du 24 mai au 7 juin 2019, à laquelle le groupe SNCF a participé.

104.L’Autorité observe que toutes les autorités de régulation sectorielle auxquelles le législateur a conféré des compétences en matière de règlement des différends sont, en raison de leur expertise, également consultées sur les projets de lois et de règlements qui intéressent les secteurs qu’elles régulent. Elle cite, à titre d’exemple, les articles L.36-5 et 36-8 du code des postes et des communications électroniques relatifs à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP). Elle souligne que ces avis, du fait de leur portée purement consultative, ne peuvent s’analyser comme l’exercice d’un quelconque pouvoir réglementaire. Elle ajoute qu’au cas présent, son avis n’ayant pas été totalement suivi, elle n’avait d’autre choix, dans le cadre du présent règlement de différend, que de faire strictement application des dispositions en vigueur, ce qu’elle a fait.

105.Le ministère public considère que dans la décision attaquée, l’Autorité ne s’est livrée à aucune interprétation du décret d’application et s’est bornée à mettre en ‘uvre ce dernier à la lettre. Il soutient qu’en tout état de cause, cet avis est sans effet sur le règlement du différend.

Sur ce, la Cour,

106.Le droit à un procès équitable garanti par l’article 6 § 1 de l CESDH commande que l’affaire soit entendue par un « tribunal indépendant et impartial ».

107.Le principe selon lequel un tribunal doit être présumé exempt de préjugé ou de partialité est depuis longtemps établi dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après « CEDH ») (Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique, 23 juin1981, n° 7238/75, § 58 ; Driza c. Albanie, 13 novembre 2007, n° 33771/02, § 75).

108.Pour se prononcer sur l’existence, dans une affaire donnée, d’une raison légitime de redouter d’un organe collégial un défaut d’impartialité, l’optique de la personne concernée entre en ligne de compte, mais ne joue pas un rôle décisif (CEDH, Luka c. Roumanie, 27 janvier 2009, n° 67021/01, § 40). L’élément déterminant consiste à savoir si l’on peut considérer les appréhensions de l’intéressée comme objectivement justifiées (CEDH, Micallef c. Malte [GC], 15 octobre 2009, 17056/06, § 96 ; Wettstein c. Suisse, 21 décembre 2000, n° 33958/96, § 44 ; Pabla Ky c. Finlande, 22 juin 2004, n° 47221/99, § 30).

109.Toute participation directe à l’adoption de textes législatifs ou réglementaires peut suffire à jeter le doute sur l’impartialité d’une personne amenée ultérieurement à trancher un différend sur le point de savoir s’il existe des motifs justifiant que l’on s’écarte du libellé des textes législatifs ou réglementaires en question ((McGonnell c. Royaume-Uni, 8 février 2000, n° 28488/95, §§ 55-58).

110.L’article L.2121-19 du code des transports précise que le décret en Conseil d’État mentionné en son alinéa 4 est pris après avis de l’Autorité de régulation des transports.

111.Dans un premier temps, l’Autorité, saisie sur ce fondement le 16 mai 2019 par le ministère de la transition énergétique, a rendu un avis n° 2019-037 du 13 juin 2019 intitulé « avis sur le projet de décret relatif aux informations sur les contrats de service public de transport ferroviaire et aux éléments nécessaires à l’exploitation des matériels roulants transférés », lequel formule un certain nombre de recommandations.Une version de cet avis, expurgée des éléments couverts par des secrets protégés par la loi, a donné lieu à publication.

112.L’Autorité avait préalablement organisé une consultation publique à laquelle le groupe SNCF a contribué en « présentant à l’ARAFER [devenue ART] les imprécisions identifiées au sein du projet de décret et en faisant des propositions pour garantir une bonne collaboration entre SNCF Réseau et les autorités organisatrices » (Réponse de SNCF Réseau – pièce n°16 de la Région). Elle avait aussi recueilli le point de vue d’acteurs tels que l’Établissement public de sécurité ferroviaire, de l’organisation représentative des autorités organisatrices de transport allemandes, de l’Autorité de régulation des transports suédoise et de plusieurs exploitants de transports collectifs urbains ([Localité 21], [Localité 25], [Localité 23]).

113.Le décret d’application (du 20 août 2020) prévu à l’article L.2121-19 du code des transports, ne reprend que partiellement les préconisations formulées dans l’avis de l’Autorité, lequel n’avait qu’une portée consultative. Le pouvoir réglementaire n’était en effet pas lié par l’avis formulé et a exercé seul ses prérogatives, en posant des règles générales d’application de la loi, après avis aussi du Conseil d’État.

114.Dans un second temps, ainsi qu’il sera démontré dans la partie II de cet arrêt, l’Autorité n’a pas adopté, dans le cadre du présent différend, une interprétation extensive du décret.

115.Au cas présent, l’Autorité a en conséquence concouru, en toute transparence, et en application d’une disposition législative le prévoyant expressément, à éclairer le pouvoir exécutif dans la phase préparatoire, mais elle n’a pas participé directement à l’adoption du texte réglementaire, et elle ne s’est pas écarté, ensuite, du libellé du décret adopté, lequel a force obligatoire à l’égard de tous.

116.Les appréhensions de SNCF Voyageurs ne sont donc pas objectivement justifiées.

117.La première branche du moyen est rejetée.

2. Sur le rejet de la demande d’audition formulée par SNCF Voyageurs

118.L’Autorité, au paragraphe 632 de la décision attaquée, retient qu’une demande d’audition a été présentée par SNCF Voyageurs le 10 juin 2020, soit au terme d’une instruction qui a duré plus d’une année, au cours de laquelle les parties ont été mises en mesure de présenter leur point de vue à de nombreuses reprises en communiquant leurs observations et en répondant aux mesures d’instruction qui leur ont été adressées par le rapporteur, lequel n’était, en tout état de cause, pas tenu de faire droit à une demande d’audition. Elle retient aussi que SNCF Voyageurs a pu présenter ses observations lors de l’audience devant le collège.

119.SNCF Voyageurs conteste cette analyse en observant que la demande faisait suite à la délimitation, qu’elle considère comme tardive, des trois lots ouverts à la concurrence par la Région en février 2020. Elle fait valoir qu’une discussion de vive voix avec l’Autorité aurait aisément permis de clarifier la situation. Elle soutient qu’elle n’a pas été en mesure de faire savoir qu’elle ne pouvait transmettre un certain nombre d’informations ou au contraire qu’elle en avait déjà transmises. Elle ajoute que les représentants de SNCF Voyageurs n’ont pu s’exprimer « que quelques dizaines de minutes » durant l’audience et que l’Autorité a, à l’issue, fait droit à l’immense majorité des demandes de la Région, lesquelles démontrent principalement une incompréhension manifeste des réalités opérationnelles de SNCF Voyageurs.

120.La Région répond que la critique manque en droit car le droit au procès équitable n’implique pas, préalablement à l’audience, un droit d’audition à la demande des parties. Elle soutient que l’instruction devant l’Autorité est écrite et ne comporte qu’une part résiduelle d’oralité. Elle souligne qu’alors que SNCF Voyageurs avait une connaissance des lots ouverts à la concurrence depuis le mois d’avril 2019, date de la délibération de la Région sur la publication des avis de pré-information, la demande a été formulée dans le mémoire en défense n° 6 intervenu au 14ème mois de procédure, après que les échanges entre les parties, et singulièrement de la part de SNCF Voyageurs, aient été volumineux et nourris.

121.L’Autorité se réfère à l’article 28 de son règlement intérieur et fait valoir que les parties n’ont aucun droit acquis à être entendus dans le cadre d’une audition. Au cas présent, la réalisation de cet acte n’était pas nécessaire eu égard aux échanges antérieurs, étant observé en outre que les observations en défense n° 6 formulées dans le même mémoire ne comportaient aucun élément nouveau nécessitant des éclaircissements ou des approfondissements.

122.Le ministère public soutient que l’audition n’est qu’une faculté à la seule initiative de l’Autorité.

Sur ce, la Cour,

123.En application de l’article 6-1 de la CESDH, toute personne a « droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (‘) par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi ».

124.Le droit de présenter les observations qu’elle estime pertinente n’est effectif que si ses demandes et observations sont vraiment « entendues », c’est-à-dire dûment examinées par le tribunal saisi (CEDH, Donadzé c. Géorgie, 7 mars 2006, n° 74644/01, § 35). Ainsi, le tribunal doit procéder à un examen effectif des moyens, arguments et offres de preuve des parties (CEDH, Kraska c. Suisse, 9 avril 1993, n° 13942/88, § 30 ; Van de Hurk c. Pays-Bas, 19 avril 1994, n° 16034/90, § 59 ; Perez c. France [GC], 12 février 2004, n° 47287/99 § 80).

125.Ces dispositions n’emportent pas droit à ce qu’il soit procédé à l’audition de la personne, à sa demande, avant l’audience elle-même, par un rapporteur distinct de la formation de jugement.

126.L’article 28, I du règlement intérieur de l’Autorité dispose que :

« les rapporteurs chargés de l’instruction procèdent, avec le concours des services de l’Autorité, à toute mesure d’instruction qui leur paraît nécessaire. Ils peuvent notamment inviter les parties [dans le cadre du règlement d’un différend] ou les tiers à leur fournir, oralement ou par écrit, les informations utiles » (soulignements ajoutés par la Cour).

127.Au cas présent, l’instruction s’est poursuivie pendant plus d’un an, a compris six échanges de mémoires et a conduit les services de l’Autorité à diligenter cinq mesures d’instruction successives. L’affaire a ensuite été examinée en séance, laquelle a donné lieu à des échanges oraux contradictoires des parties, en présence de trois représentants par partie.

128.Il s’en suit que c’est à raison que l’Autorité a considéré qu’au stade très avancé de l’instruction du règlement du différend dont elle était saisie, et alors qu’elle en avait déjà reporté deux fois la clôture, les rapporteurs étaient fondés à considérer, comme ils en ont la faculté, qu’au vu des éléments en leur possession, l’organisation de l’audition sollicitée n’était pas nécessaire.

129.La deuxième branche du moyen est rejetée.

3. Sur les modalités d’organisation de la séance devant l’Autorité

130.SNCF Voyageurs reproche à l’Autorité d’avoir méconnu le droit à un procès équitable en raison de la limitation à trois (par partie) du nombre des personnes pouvant être présentes à l’audience, de l’absence d’organisation d’une audience dématérialisée permettant l’intervention d’autres représentants de SNCF Voyageurs et de l’absence de retransmission en direct de l’audience pour que ses équipes puissent disposer d’un niveau d’information suffisant pour produire une note en délibéré.

131.La Région répond que la seule exigence prévue par le code des transports et le règlement intérieur de l’Autorité réside dans la tenue d’une audience au cours de laquelle les parties ont pu s’exprimer, ce qui n’est pas contestable ni même contesté. Elle rappelle également le contexte de pandémie et les mesures sanitaires indispensables qui l’accompagnent. Elle ajoute que c’est la SNCF elle-même qui a sollicité, pour des raisons de confidentialité, la tenue d’une audience à hui-clos par courrier du 9 juillet 2020, demande qui a été acceptée par l’ART par courrier du 10 juillet 2020.

132.L’Autorité fait valoir que le refus d’organiser une audience en viso-conférence et/ou de mettre en place une diffusion en direct avait pour objet de garantir le respect du huis-clos demandé par SNCF Voyageurs, ses services informatiques l’ayant avisé le 10 juin 2020 de l’impossibilité d’assurer la confidentialité des échanges en cas d’audience dématérialisée (pièce Autorité n° 11). Dans le contexte de crise sanitaire, elle se devait de garantir la protection de la santé des personnes à l’audience, ce qu’elle a fait au cas présent comme l’a fait la cour d’appel de Paris lors de l’audience de référé-suspension d’octobre 2020, sans que cela soulève de remarques particulières de la part de SNCF Voyageurs.

133.Le ministère public fait observer que l’article 6-1 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale, alors applicable, a limité les conditions d’accès aux juridictions, aux salles d’audience et aux services qui accueillent du public, afin d’assurer le respect des règles sanitaires en vigueur, compte tenu de la la pandémie du COVID, sous réserve que ces conditions soient portées à la connaissance du public.

Sur ce, la Cour,

134.SNCF Voyageurs a reçu, le 8 juillet 2020, un courriel de l’Autorité l’avisant que « dans la mesure où SNCF Voyageurs sollicite le huis-clos, une audience par visio-conférence ne permet pas à l’Autorité de garantir la confidentialité des débats (‘). Par ailleurs l’Autorité ne dispose pas non plus de lien sécurisé permettant la diffusion en direct de l’audience » (pièce Autorité n°10).

135.La séance a en conséquence été organisée en présentiel, après que les parties aient été informées qu’en raison du contexte sanitaire particulier lié à la pandémie de COVID, le nombre de représentants autorisés à y assister serait limité à trois par partie.

136.La Cour constate que la séance est intervenue dans des conditions ayant permis à chaque partie de présenter ses observations orales au soutien de ses écritures. SNCF Voyageurs n’établit en quoi le différend exigeait, notamment, que sa parole soit portée par un nombre de personnes supérieur à trois.

137.La Cour retient, au surplus, que les limites dénoncées ne sont pas manifestement excessives au regard du contexte très spécifique de pandémie que connaissait la France à l’époque.

138.La troisième branche du moyen est rejetée.

E. Sur l’illégalité de la décision attaquée en ce que l’Autorité se serait prononcée ultra petita

139.L’Autorité a, aux paragraphes 42 à 621 de la décision attaquée, examiné les demandes de la Région, en les regroupant « pour plus de lisibilité, autour des principales thématiques », ainsi qu’elle l’explicite au paragraphe 34. Elle précise, aux paragraphes 38 à 41, avoir recherché pour chacune d’elles si les données communiquées par SNCF Voyageurs au cours de l’instruction étaient de nature à répondre à ces demandes, en ce compris s’agissant des maille temporelle et géographique.

140.SNCF Voyageurs fait valoir qu’un juge ne peut se prononcer que dans la limite des prétentions du demandeur, et que s’il statue au-delà, ultra petita, il entache sa décision d’illégalité (CE., 12 décembre 1969, req. N° 75155). Elle soutient qu’il résulte de l’interprétation croisée des articles L.1263-2 du code des transports (reproduit paragraphe 5 du présent arrêt) et 25 du règlement intérieur de l’Autorité (« la saisine comporte l’exposé de l’objet de la demande ») que les informations dont la transmission peut être ordonnée par l’Autorité ne peuvent excéder celles demandées par la Région, et donc faisant l’objet d’un différend. Or l’Autorité lui aurait enjoint de transmettre un nombre très significatif d’informations alors même que leur communication n’était pas demandée par la Région. Elle se serait ainsi substituée à l’AOT, méconnaissant l’étendue du différend et de ses prérogatives. SNCF Voyageurs ajoute que, contrairement à ce qui est allégué, ces nouvelles demandes, loin de permettre la résolution du différend dont l’Autorité avait été saisie, y font obstacle en étendant artificiellement le périmètre du différend et en alourdissant en conséquence la procédure suivie.

141.Elle soutient qu’il en est ainsi des informations dont elle dresse la liste dans ses écritures, lesquelles sont traitées dans 31 paragraphes de la décision attaquée. Elle fait valoir, à titre d’illustration, qu’alors que, selon elle, la Région ne sollicitait les 13 avril et 19 novembre 2019, que la seule transmission des informations nécessaires à l’ouverture à la concurrence des lignes TER (sans mentionner à aucun moment les lignes à grande vitesse (ci-après « TERGV ») qui ne sont pas ouvertes à la concurrence), l’Autorité a enjoint à SNCF Voyageurs de transmettre de nombreuses informations relatives aux lignes TERGV alors que ces dernières constituent des services librement organisés adaptés dont l’ouverture à la concurrence n’est pas prévue. L’Autorité aurait en conséquence inclus arbitrairement dans le périmètre du différend des informations qui n’en faisaient pourtant pas partie.

142.Elle considère que les irrégularités entachant sur ce point, selon elle, la décision attaquée ne sont justifiées par aucune considération de fait ni de droit et emportent nécessairement son annulation.

143.La Région répond contester fermement cette lecture erronée à la fois des informations sollicitées par la Région et de la décision de l’Autorité. Elle soutient que toutes les données dont l’Autorité a enjoint la communication à SNCF Voyageurs relèvent de celles expressément demandées par la Région. Elle produit à l’appui un tableau de concordance entre les informations sollicitées dès mars 2018 et les catégories d’informations mentionnées dans le décret du 20 août 2019 et de ses annexes comme devant être transmises sans que le secret des affaires puisse être imposé. Elle fait valoir que pour chacune de ces catégories, la décision attaquée a relevé tout à la fois le caractère irréfragable imposant une transmission et les besoins d’une communication aux candidats dans le cadre de la mise en concurrence liée à l’ouverture de la concurrence (pièce de la Région n° 17).

144.Elle rappelle aussi que l’article L.2121-16 du code des transports prévoit une obligation positive de communication pour la Région à destination des opérateurs économiques participant à la procédure de passation d’un contrat de service public les informations utiles pour préparer une offre dans le cadre d’une procédure de mise en concurrence et fait valoir qu’ainsi qu’il se déduit de l’article 5 de décret du 20 août 2019, ces informations se recoupent. Elle souligne enfin que l’article 3, VII de ce même décret prévoit que « la transmission des informations demandées est accompagnée de la documentation permettant d’en assurer leur intelligibilité, leur interprétation et leur exploitation (‘). ».

145.L’Autorité se réfère, en premier lieu, à une décision de la cour d’appel de Paris (RG n° 2016/07638) du 23 mai 2017, de laquelle il ressort que le Comité de règlement des différents et sanctions (COrDiS) de la Commission de régulation de l’énergie peut, dans le cadre d’un règlement de différend, prononcer des injonctions en termes distincts de ceux formulés par les parties afin de résoudre le différend, sous réserve que sa décision soit conforme aux missions et aux objectifs confiés par le législateur. Elle rappelle que l’article L.1263-2, IV, du code des transports dispose que la décision de l’Autorité « précise les conditions d’ordre technique et financier de règlement du différend dans le délai qu’elle accorde. Elle prend les mesures appropriées pour corriger toute discrimination ou toute distorsion de concurrence. ». Elle en déduit qu’eu égard à la mission de régulation confiée par le législateur, une telle jurisprudence est transposable à l’Autorité.

146.En second lieu, l’Autorité soutient que SNCF Voyageurs ne démontre en aucune façon que les informations dont elle dresse la liste n’ont pas été demandées par la Région, l’auteur du recours se contentant de procéder par affirmation, sans plus d’explication. Elle fait valoir qu’elle n’a pas, au cas présent, enjoint à SNCF Voyageurs de communiquer des données qui n’avaient pas été demandées par la Région et que la décision attaquée n’a pas été rendue ultra petita.

147.À cet égard, l’Autorité souligne, premièrement, avoir dans certains cas adapté ses injonctions afin de tenir compte des éléments communiqués et des précisions apportées par les parties au cours de l’instruction. Elle ajoute avoir veillé, dans ce cas, à retracer les éléments de l’instruction et les raisons qui l’ont poussée à adapter la demande, ce qui explique la longueur inhabituelle de l’instruction et de la décision attaquée. Elle prend pour exemple, à titre d’illustration, la demande de communication par la Région relative à l’ « organisation par fonctions et par entités des système d’information » qui a conduit l’Autorité, après analyse de la portée de l’annexe Pi22 à laquelle renvoie SNCF Voyageurs, à enjoindre à cette dernière, au paragraphe 90 de la décision attaquée, de communiquer à la Région « une présentation exhaustive des droits de propriété intellectuelle relatifs aux logiciels et aux équipements associés aux systèmes d’information développés pour l’exploitation du service TEF Hauts de France ». Elle affirme ne pas avoir outrepassé la demande de la Région mais s’être contentée, sur la base des échanges ayant eu lieu au cours de l’instruction, de lui donner un sens utile.

148.L’Autorité soutient, deuxièmement, que SNCF ne peut sérieusement alléguer que l’Autorité aurait outrepassé les demandes de la Région en enjoignant de communiquer certaines informations des offres SNCB (l’opérateur national belge) et TERGV, dans la mesure où ces dernières font pleinement partie du périmètre de la convention TER sur lequel portait la demande de la Région. Elle ajoute que les échanges entre les parties au cours de l’instruction montrent que la Région avait bien sollicité la communication d’informations portant sur ces services (ainsi qu’il résulte du tableau récapitulatif du traitement de chaque demande produit par la Région le 17 mars 2020 en réponse à la mesure d’instruction n° 2 – pièce de l’Autorité n° 22 ligne n° 14)

149.L’Autorité explique, troisièmement, avoir été amenée à préciser, dans la décision attaquée, le contenu des données attendues afin de les rattacher à la réalité opérationnelle ferroviaire, toujours dans l’optique de régler le différend pour corriger toute discrimination ou toute distorsion de concurrence, et sans jamais excéder les demandes initiales de la région. Elle prend pour exemple, à titre d’illustration, de la demande de la Région relative à la « consommation selon le type d’énergie et par poste de consommation », s’agissant de laquelle l’Autorité a simplement précisé son injonction (mentionnée au paragraphe 122 de la décision attaquée) au regard de la manière dont la consommation en énergie (fossile ou électrique) de matériel roulant peut être évaluée, en pratique, en fonction du matériel roulant.

150.L’Autorité soutient, quatrièmement, avoir toujours veillé à rejeter les demandes qui lui apparaissaient imprécises ou peu claires, en ce qu’elles ne lui permettaient pas d’en apprécier exactement la portée ou le contenu. Elle cite, à titre d’illustration, l’exemple la demande relative aux « équipements de service aux voyageurs, dont ceux consacrés à la distribution, la billetique et l’information des voyageurs », ainsi qu’il est développé aux paragraphes 403 à 405 de la décision attaquée.

151.Le ministère public développe une analyse similaire.

Sur ce, la Cour,

152.SNCF Voyageurs fait valoir que l’Autorité lui a enjoint de transmettre des informations en matière de sous-traitance (paragraphe 83 de la décision attaquée), de systèmes d’information (paragraphe 90), de données financières (paragraphes 114 et 115), de consommation d’énergie (paragraphe 122), de matériel roulant (paragraphes 153, 156, 159, 163, 166, 169, 172, 180, 186, 190, 203, 253 et 254), d’offre (paragraphes 320, 327, 332, 343 et 378), de trafic et distribution (paragraphes 394, 413 et 424) et de ressources humaines (paragraphes 500, 531, 572, 574 et 603), alors que leur communication n’était, selon elle, pas demandée par la Région.

153.Cependant, la Cour observe, premièrement, que SNCF Voyageurs énumère, dans cette liste, 19 paragraphes sans fournir d’explication complémentaire et n’accompagne ses allégations d’aucune offre de preuve, alors qu’il ne peut être tiré du simple constat selon lequel certaines demandes de la Région ont été formulées initialement dans des termes qui ne sont pas strictement identiques à ceux des injonctions critiquées, que l’Autorité s’est prononcée sur des informations dont la communication n’était pas sollicitée par la Région.

154.S’agissant des informations mentionnées aux paragraphes 83, 90, 253, 254, 327, 332, 343, 378, 394, 413, 424, 500, 531, 572, 574 et 603 de la décision attaquée, il ressort de la motivation même de la décision que l’Autorité n’a fait qu’adapter ses injonctions afin de tenir compte des éléments déjà communiqués, des précisions apportées par les parties au cours de l’instruction et, le cas échéant, du caractère en partie non pertinent de la demande de la Région.

155.Il en est de même s’agissant des informations traitées au paragraphe 114 de la décision attaquée, étant relevé que l’Autorité ne précise pas au paragraphe 100 que la demande porte aussi sur des données prévisionnelles. Pour autant, elle l’avait indiqué auparavant, au paragraphe 33, étant rappelé que toutes les demandes ont été formulées le 12 mars 2018 « pour l’année 2017 et en prévisionnel pour 2018-2020 » (mention figurant après « données exigées de SNCF Mobilités » – pièce Région n° 2).

156.S’agissant des informations traitées au paragraphe 115 de la décision attaquée, il peut être observé qu’elles précisent et réduisent utilement la demande de la Région du 12 mars 2018, qui visait les « compte d’exploitation et comptes de lignes de 2018 à 2020, par destination et nature », laquelle a été complétée par des demandes présentant un caractère en partie imprécis de la Région, ainsi que l’observe l’Autorité au paragraphe 105 de la décision attaquée.

157.Enfin, s’agissant des informations mentionnées au paragraphe 122 de la décision attaquée, il y a lieu de retenir, comme le démontre parfaitement l’Autorité dans ses écritures, que l’Autorité se limite à adapter le contenu des données demandées afin de les rattacher à la réalité opérationnelle ferroviaire (consommation en énergie fossile mais aussi en électricité).

158.La Cour constate, deuxièmement, que SNCF Voyageurs soutient que les demandes de la Région n’auraient pas porté sur les lignes TERGV (lesquelles sont évoquées dans les autres paragraphes contestés).

159.Cependant, c’est à raison que la décision attaquée constate, aux paragraphes 148 à 150, que les articles 26 et 29 de la convention TER visent les liaisons transfrontalières avec la Belgique et que l’article 57 inclut, au titre de l’offre théorique de transport assuré par l’opérateur au titre de la convention, les dessertes intra-régionales, dont les TERGV. L’Autorité en a exactement déduit que les services SNCB et TERGV font partie du service conventionné de transport de voyageurs en Région Hauts-de-France et que, par suite, les informations relatives à l’organisation et à l’exécution de ces services doivent être communiquées à la Région en application de l’article L.2121-19 du code des transports.

160.Il ressort, de surcroît, des pièces versées aux débats que la Région avait fait connaître, lors de l’instruction, qu’elle considérait que « les TERGV (qui ne constituent pas un service librement organisé adapté mais une partie du service public contractualisée avec SNCF Voyageurs avec des conditions particulières de moyens) ou les trains SNCB, s’ils ne constituent pas des biens susceptibles d’être repris, constituent pleinement des informations communicables à la Région concernant l’organisation et l’exécution des missions de service public confiées à SNCF Voyageurs » (pièce n° 22 de l’Autorité). SNCF Voyageurs était donc pleinement informée que les demandes de la Région portaient aussi sur ces données.

161.Il s’en déduit que l’Autorité, lorsqu’elle a compris les lignes TERGV dans le périmètre de les injonctions mentionnées aux paragraphes 153, 156, 159, 163, 169, 172, 180, 186, 190, 203 et 320 de la décision attaquée, ne s’est pas prononcée au-delà des demandes de la Région.

162.Il en est de même de la demande d’identité des propriétaires des matériels roulants mentionnée au paragraphe 166 de cette décision, laquelle s’interprète en lien avec le paragraphe 155 qui évoque les services TERGV et SNCB.

163.SNCF Voyageurs n’apporte pas d’autre précision au soutien de sa contestation et ne développe aucunement, au delà de la question des lignes TERGV, en quoi les informations évoquées dans ces injonctions excéderaient les demandes de la Région et n’entraient pas dans le périmètre du différend. Or, ainsi qu’il a déjà été relevé, la circonstance que certaines demandes de la Région aient été formulées initialement dans des termes qui ne sont pas strictement identiques aux injonctions ne peut valoir démonstration que l’Autorité, dans le cadre de l’exercice de sa mission de règlement de différend et à l’issue des échanges intervenus au cours de l’instruction, s’est prononcée sur des informations dont la communication n’était pas sollicitée par la Région.

164.Ainsi, contrairement à ce qui est allégué par SNCF Voyageurs, l’Autorité n’a à aucun moment méconnu l’étendue du différend et de ses prérogatives et elle ne s’est pas, eu égard aux demandes de la Région, prononcée ultra petita.

165.Le moyen est écarté.

II. SUR LA LÉGALITE INTERNE DE LA DÉCISION

A. Sur la méconnaissance alléguée du champ d’application de l’article L.2121-19 du code des transports

166.SNCF Voyageurs soutient que la décision attaquée est entachée d’illégalité en ce qu’elle méconnaît les champs matériel et temporel de l’article L.2121-19 du code des transports.

167.La Région, l’Autorité et le ministère public demandent d’écarter les deux branches de ce moyen d’annulation et, à titre subsidiaire, de réformation.

1. Sur le respect du champ d’application matériel de l’article L.2121-19 du code des transports

168.L’Autorité, au paragraphe 37 de la décision attaquée, retient que lorsque l’information sollicitée est mentionnée dans les annexes du décret du 20 août 2019 qui identifient les catégories d’informations présumées exigibles par l’AOT sans que les fournisseurs d’informations puissent invoquer le secret des affaires pour faire obstacle à leur transmission, il doit être considéré qu’elle doit nécessairement être transmise à l’AOT. Toutefois, les annexes du décret n’ont vocation qu’à fixer une liste minimale des informations devant être communiquées à l’AOT qui en fait la demande. Par suite, dans l’hypothèse où l’information demandée ne figurerait pas dans les annexes du décret, il ne saurait être exclu a priori qu’elle relève de l’organisation, de l’exécution du service public ou des missions faisant l’objet du contrat de service public au sens de l’article L.2121-19 du code des transports et qu’elle doive, en conséquence, être communiquée.

169.SNCF Voyageurs soutient, en premier lieu, qu’il ressortirait des travaux parlementaires préalables à l’adoption de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire que seules les informations « nécessaires » à l’organisation des futurs appels d’offres doivent être communiquées aux AOT au titre de l’article L.2121-19 du code des transports. En outre, l’article 4 du Règlement n° 1370/2007 modifié par le Règlement (UE) n° 2016/2338 relatif à l’ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer (ci-après « le Règlement n° 2016/2338 ») prévoit que les contrats de service public exigent de l’opérateur qu’il fournisse à l’autorité compétente les informations « essentielles » pour l’attribution des contrats de service public.

170.Il s’en déduirait que la transmission des informations qui sont absentes de l’annexe du décret du 20 août 2019 ne doit être effectuée que si ces dernières sont essentielles à la mise en concurrence des services. Or tel n’est pas, selon elle, des informations relatives à la sous-traitance (visées au paragraphe 83 de la décision attaquée), aux systèmes d’informations (paragraphe 90), aux consommations en combustibles (paragraphe 122), à l’état des biens (paragraphe 143), aux prévisions de parc sur chaque axe (paragraphe 227), au temps d’utilisation du matériel roulant (paragraphe 242) et aux opérations de maintenance par rame et par atelier (paragraphe 282). SNCF Voyageurs ajoute que dans son rapport de novembre 2009, la Cour des comptes a pu considérer que l’information des régions devait être améliorée, mais ne devait principalement concerner qu’une plus grande transparence financière, la nécessité de transmettre des éléments étrangers aux informations financières n’ayant pas fait l’objet de développements. Elle observe qu’en outre, la jurisprudence administrative et judiciaire s’attache à ne solliciter des exploitants sortants que la transmission des seules informations, relatives aux ressources humaines, constituant un élément essentiel du marché.

171.SNCF Voyageurs considère que c’est à tort que l’Autorité estime que l’article L.2121-19 du code des transports prévoit que toutes les informations relatives à l’organisation ou à l’exécution des services doivent être transmises aux régions. Le périmètre matériel des informations sollicitées est, selon elle, interprété par l’Autorité de manière manifestement excessive au regard de l’objectif poursuivi par la Région. De nombreuses informations, qu’elles soient ou non listées en annexe du décret du 20 août 2019, ne lui paraissent pas essentielles à la mise en concurrence des services publics de transport ferroviaire, et notamment les informations mentionnées paragraphes 90 de la décision attaquée (la transmission déjà effectuée permettant de répondre aux besoins), 114 (données n’existant pas à l’échelle prévisionnelle et n’étant pas duplicables pour d’autres opérateurs), 242 et 603 (données qui sont propres à l’organisation du groupe SNCF et ne sont pas duplicables par d’autres opérateurs).

172.Elle soutient, enfin, que la Région et l’Autorité considèrent en substance que le champ d’application de l’article L.2121-19 du code précité serait illimité, ce qui a selon elle pour effet de priver tout effet utile l’alinéa 4 de ces dispositions ainsi que le décret du 20 août 2019, lequel serait vidé de son sens.

173.SNCF Voyageurs fait valoir, en deuxième lieu, qu’il convient de constater l’illégalité de la décision attaquée dans la mesure où elle enjoint la transmission des informations relatives aux TERGV pourtant formellement exclues du champ d’application des articles 1er à 5 du décret du 20 août 2019 et donc, selon elle, de l’article L.2121-19 du code des transports. Elle soutient que le décret du 20 août 2019 prévoit désormais, suite à la publication du décret du 23 décembre 2020 (postérieure à la décision de l’Autorité), qu’un régime particulier et restreint de transmission d’informations s’applique aux services librement organisés adaptés à la demande d’une AOT. Or les catégories d’informations relatives aux TERGV dont la transmission a été enjointe par la décision attaquée excèdent largement le périmètre de celles limitativement prévues par l’article 13 du 29 août 2019 modifié.

174.La Région répond que SNCF Voyageurs fait une lecture contra legem du code des transports. Les dispositions de l’article L.2121-19 du code des transports prévoient, dans des termes généraux et clairs, la transmission de « toute information », ce qui, loin de caractériser une communication minimale, permet au contraire un accès large aux informations relatives aux services et aux missions faisant l’objet du contrat de service public. Il s’agit, souligne-t-elle, de prévenir l’asymétrie d’information qui confère à l’opérateur historique une rente informationnelle tant en ce qui concerne le fonctionnement du réseau ferré national que les caractéristiques techniques et commerciales des lignes conventionnées, car l’accès aux informations détenues pour l’heure par la seule SNCF Voyageurs, en situation monopolistique, est essentiel dans le cadre de l’ouverture à la concurrence.

175.La Région souligne qu’il ressort de la décision attaquée que les informations dont la communication s’impose à SNCF Voyageurs relèvent des catégories définies par le décret d’application, pour lesquelles la communication est irréfragable, et qu’elles s’inscrivent donc dans le champ de l’article L.2121-19 du code des transports. Elle ajoute qu’une lecture croisée de la décision et du décret du 20 août 2019 suffit à démentir l’analyse de SNCF Voyageurs s’agissant des informations visées au paragraphe 83, 90, 122, 143, 227, 242 et 282 de la décision attaquée, lesquelles ressortent, selon les cas, des catégories « éléments financiers », « ressources humaines » et « biens et ressources » ; « biens immobilisés » et « biens et ressources » ; « éléments financiers et historiques des données d’exploitation » ; « matériel roulant et maintenance » et « biens et ressources ». Elle fait valoir que s’agissant de la sous-traitance, tant l’article 4 § 7 du Règlement n°1370/2007 que l’article 38 de la convention TER imposent en toute hypothèse à SNCF Voyageurs d’informer la Région des contrats confiés à des tiers. Elle ajoute que les systèmes d’information peuvent constituer des biens de retour c’est-à-dire des biens indispensables à la continuité des services publics, que les informations relatives aux consommations en combustible sont nécessaires à la compréhension des besoins du transport réalisé et des charges afférentes, que la Région doit connaître l’état des biens susceptibles de lui être transférés, faute de quoi elle ne serait pas en mesure d’apprécier leur utilité, leur valeur et les investissements les concernant, et qu’elle doit connaître les conséquences des opérations prévues sur le matériel roulant tout comme sa durée d’utilisation, laquelle conditionne les opérations de maintenance. Elle souligne que la maintenance est une barrière technologique à lever pour une ouverture à la concurrence réussie. Elle soutient aussi que la Région doit pouvoir disposer d’une vision économique prévisionnelle dans un contexte de service public subventionné qui doit faire l’objet d’un contrôle de l’absence de surcompensation, en application des règles communautaires relatives aux aides d’État.

176.Elle affirme enfin que les systèmes d’information, les comptes prévisionnels des biens, la liste des matériels roulants et les services réalisés par les personnels constituent des informations essentielles pour l’ouverture à la concurrence et la préparation de la procédure de consultation des entreprises.

177.L’Autorité considère que l’interprétation restrictive de SNCF Voyageurs procède de deux erreurs de droit successives. En premier lieu, elle fait valoir qu’il ressort des travaux parlementaires que le périmètre de l’obligation de transmission d’information à la charge des entreprises fournissant des services publics de transports ferroviaire de voyageurs est issue de l’amendement sénatorial C-158, lequel manifeste de façon incontestable l’intention du législateur de ne pas limiter cette obligation aux seules informations nécessaires pour mener les procédures d’attribution des contrats de service public. En second lieu, elle soutient qu’il n’y a pas lieu de se référer aux dispositions de l’article 4 du Règlement n° 1370/2007 puisqu’il est toujours loisible aux États membres d’approfondir les obligations résultant d’une réglementation de l’Union européenne, sous réserve que ses objectifs ne se trouvent pas remis en cause.

178.L’Autorité observe que ni l’article L.2121-19 du code des transports, ni le décret du 20 août 2019, ne subordonnent la communication des données à leur caractère « essentiel » pour la mise en concurrence des services conventionnés. Elle ajoute que le décret du 20 août 2019 fait la liste des informations devant être regardées, de façon irréfragable, comme remplissant les conditions de communicabilité et qu’il s’en déduit que ces informations doivent nécessairement être transmises aux AOT.

179.Elle fait observer qu’au surplus, à supposer même que la Cour accueille la lecture restrictive proposée, SNCF Voyageurs ne démontre pas en quoi les éléments dont elle critique la communication ne seraient pas essentiels à la mise en concurrence des services publics de transport ferroviaire. Tout au plus oppose-t-elle des arguments relatifs à la disponibilité de ces données en ce qu’elles ne seraient pas reconstituables a posteriori ou duplicables pour les autres opérateurs, sans lien avec le moyen tiré d’une violation du champ d’application matériel de l’article L.2121-19 du code des transports.

180.L’Autorité constate que SNCF Voyageurs se réfère à un rapport ancien de la Cour des comptes, rendu dans un contexte où l’ouverture à la concurrence des services conventionnés de transport ferroviaire de voyageurs n’était guère envisagé, alors qu’un rapport plus récent de la Cour des comptes (octobre 2019) relève que « SNCF (Voyageurs) dispose d’informations qu’elle ne communique pas aux régions » et vise, à titre d’exemples, les informations relatives aux « plannings de maintenance des matériels, (à) la productivité (heures productives/heures travaillées) ou (au) bilan financier de l’activité TER ». Elle ajoute que contrairement à ce que soutient SNCF Voyageurs, il est de jurisprudence constante que les exploitants sortants sont tenus de communiquer largement les informations relatives aux ressources humaines à l’issue de leurs contrats, ce qui s’explique tant par le poids essentiel des charges de personnel dans le contrat de service public (CE, 19 janvier 2011, n° 340773) qu’au regard du principe d’égalité de traitement entre les candidats (CE, 16 mars 2011, n° 344329), dans un contexte où l’opérateur en place dispose déjà de ces informations, ce qui lui confère un avantage décisif. Elle se réfère aussi à l’arrêt n° 15/14038 de la cour d’appel de Paris du 12 octobre 2017 aux termes duquel « pour bâtir l’offre la plus compétitive, (le concurrent) devait impérativement être en mesure de déterminer précisément les moyens notamment humains qu’elle devrait affecter à l’exploitation du site et leur coût. D’où la nécessité d’obtenir communication de la masse salariale par catégories et par âges, les types d’emploi,(…), la répartition entre des contrats à dure déterminée ou indéterminée, à temps plein ou à temps partiel etc ».

181.Le ministère public développe une analyse similaire. Il ajoute qu’il ressort des débats législatifs préalables à l’adoption de l’article l’article L.2121-19 du code des transports que cette disposition « impose aux entreprises fournissant des services publics de transport ferroviaire de voyageurs (‘) de transmettre à l’autorité organisatrice, à sa demande, toute information relative à l’exécution de ces services et aux missions faisant l’objet de contrat de service public nécessaire pour mener les procédures d’attribution des contrats de service public » (rapport n° 494 du 23 mai 2018 du sénateur [X] [V]).

Sur ce, la Cour,

182.La Cour constate, en premier lieu, que ni l’article L.2121-19 du code des transports (reproduit paragraphe 3 du présent arrêt), ni le décret du 20 août 2019, ainsi qu’il ressort clairement de leur libellé, ne subordonnent la communication des données demandées par les AOT à SNCF Voyageurs à l’analyse préalable de leur caractère nécessaire à la préparation d’une mise en concurrence des services publics de transport ferroviaire de voyageurs conventionnés, ni a fortiori de leur caractère essentiel.

183.L’Autorité en a, au paragraphe 5 de la décision attaquée, exactement déduit qu’en application de l’article L.2121-19 précité, sont exigibles toutes les informations relatives à l’organisation et l’exécution des services concernés et des missions de service public.

184.La généralité et la clarté des dispositions applicables, lesquelles non seulement ne comprennent aucun adjectif qualificatif après le mot « information », mais encore visent, sans aucune restriction, « toute information », ne permet aucune autre interprétation possible.

185.Il peut être observé, de surcroît, que ces dispositions sont issues d’un amendement parlementaire qui avait précisément pour objet de définir le champ d’application matériel de l’article L.2121-19 du code des transports. Il ressort du rapport sénatorial précité du 23 mai 2018 sur le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire que la rédaction envisagée initialement a été considérée comme trop restrictive et que l’amendement a été adopté en commission en s’appropriant le raisonnement selon lequel « il est indispensable que les AOT disposent, par principe, d’un droit d’accès à toute information détenue par l’opérateur sortant relative à l’exécution du service conventionné » (p. 103) Il a donc été opté, en toute connaissance de cause, pour une obligation de transmission étendue, aux termes de ce rapport, à « l’ensemble des informations relatives à l’organisation ou à l’exécution de ces services et aux missions faisant l’objet du contrat de service public, et non aux seules données nécessaires à la préparation d’une procédure de mise en concurrence » et le projet de loi n’a plus été modifié sur ce point ensuite.

186.L’interprétation que fait l’Autorité de ces dispositions est donc confortée, sans aucune ambiguïté, par les travaux parlementaires préalables à la loi qui les ont instaurées.

187.La Cour constate, en deuxième lieu, que le principe de la transmission, posé à l’alinéa 1er de l’article L.2121-19 précité, de toute information relative à l’organisation et l’exécution des services concernés et des missions de service public, sur demande de l’AOT, se combine avec les dispositions du décret du 20 août 2019, lequel, aux termes de l’alinéa 4 de l’article L.2121-19 du code des transports, « établit une liste de catégories d’informations devant être regardées, de manière irréfragable, comme remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa ».

188.L’article 1er du décret du 20 août 2019 dispose :

« La liste des catégories d’informations qui doivent être transmises à l’autorité organisatrice de transport compétente en application du dernier alinéa de l’article L.2121-19 du code des transports est définie :

1° En annexe n° 1 pour les entreprises fournissant des services publics de transport ferroviaire de voyageurs (‘) ; » (soulignement ajouté par la Cour).

189.L’annexe n° 1 comprend le tableau suivant :

Catégorie d’informations

OFFRE

Offre théorique

Offre programmée au moment de la certification de l’horaire de service par le gestionnaire d’infrastructure

Composition-type prévisionnelle par numéro de train pour chaque type de jour

Offre routière de substitution prévisionnelle pour cause travaux

Offre réalisée

Offre de transport effectivement réalisée

Offre routière de substitution inopinée

Taux de respect des compositions

Circulations techniques (vides de voyageurs) faisant l’objet d’un sillon

Suppression ou retard de trains

Trains supprimés

Cause des suppressions de trains (a minima distinction entre opérateur, gestionnaire d’infrastructure et externe)

Trains en retard tels que définis dans le contrat de service public

Causes des retards de trains (a minima distinction entre opérateur, gestionnaire d’infrastructure et externe)

Réclamation

Nombre de réclamations par grandes catégories de motifs

Délai moyen de réponse aux réclamations par grandes catégories de motifs

Prestations en gare

Liste des prestations d’accueil réalisées par le transporteur

Lutte anti-fraude

Nombre de régularisations et de procès-verbaux établis en cas de fraude

Montant total des amendes

Coût des prestations de lutte anti-fraude

Recettes générées par la lutte anti-fraude

Sûreté

Volume et détail de prestations SUGE consacrées au réseau concerné

Nombre d’actes de malveillance ou de vandalisme recensés sur le réseau concerné

MATÉRIELS ROULANTS ET MAINTENANCE

Parc de matériels roulants utilisé pour l’exécution du contrat de service public

Types de matériel roulant (locomotive électrique/diesel, automoteur électrique/thermique/bimode, voiture voyageurs, etc.), série, sous-série, variante, en service/hors service, matricule, propriétaire, principal centre de maintenance, ligne ou groupe de lignes d’affectation, date de première mise en service, date de dernière révision ou rénovation / modernisation, total valeur brute, cumul amortissement, valeur nette comptable IFRS ou CRC, subvention brute, reprise de subvention cumulée, subvention nette, valeur nette comptable nette de subvention, kilométrage, date à laquelle la caisse devra être radiée en l’absence d’investissement, date de radiation technique si hors service, date du pelliculage, date prévisionnelle de réforme

Principales caractéristiques des différents types de matériel roulant

Pour chaque série, sous-série ou variante : diagramme des véhicules ou de la rame, dimensions, masse, énergie primaire, puissance, décélération moyenne en freinage normal ou d’urgence, norme anti-pollution, nombre d’assises par classe, d’emplacements UFR, de personnes debout en conditions normales et exceptionnelles, de personnes totales en conditions normales et exceptionnelles, d’emplacement vélos, éléments sur l’accessibilité, information voyageurs, comptage voyageurs, vidéoprotection/vidéosurveillance, télédiagnostic et système de diagnostic embarqué natif ou ajouté pour piloter un élément nécessitant un suivi de sécurité lié au certificat de sécurité, toilettes, équipement d’un système de GPS, wifi, distributeurs de boissons et autres services à bord

Réserves d’exploitation

Emplacement des réserves d’exploitation avec le volume et pour chaque type de jour

Matériel loué

Type de matériel ; volume ; composition type ; par classe, nombre d’assises fixes/relevables/strapontins

Factures de location de matériel roulant

Barème de location

Historique de la maintenance

Pour chaque matériel roulant dont l’autorité organisatrice est propriétaire ou dont la propriété est susceptible d’être transférée à l’autorité organisatrice :
‘ la documentation devant être fournie par le constructeur en application du marché concernant les matériels roulants transférés, dont la trame de maintenance préconisée par le constructeur ;
‘ La documentation d’entretien dans les conditions fixées par le règlement d’exécution 2019/779 du 16 mai 2019 établissant des dispositions détaillées concernant un système de certification des entités chargées de l’entretien des véhicules conformément à la directive (UE) 2016/798 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant le règlement n° 445/2011, notamment au paragraphe 7 du II son annexe II ;
‘ en cas de demande de modification de l’autorisation de type des matériels roulants transférés, le dossier accompagnant la demande et la décision concernant l’autorisation précédente.

Pièces de rechange

Pour chaque matériel roulant dont l’autorité organisatrice est propriétaire ou dont la propriété est susceptible d’être transférée à l’autorité organisatrice :
‘ volume du stock de pièces consommables et réparables ;
‘ valeur de marché des pièces concernées ;
‘ références, sources d’approvisionnement, descriptifs et plans des pièces ;

Fiabilité du matériel

‘ taux d’incident, avec qualification du niveau d’incident et type de panne organe touché (par fonction) ;
‘ éléments d’analyse des principales causes de panne.

Description des sites de maintenance utilisés dans le cadre du contrat de service public

Pour chacun des sites : localisation, plan des installations, plan des accès ferroviaires et routiers, nombre et longueurs des voies, gestionnaire actuel du site, propriétaire actuel du terrain (domanialité) et statut, pour chacune des voies : liste des équipements, des outillages et des prestations réalisées, mutualisation des emprises et des équipements et pourcentage d’utilisation par le titulaire du contrat de service public

Description des sites de remisage utilisés dans le cadre du contrat de service public

Pour chacun des sites : localisation, sécurisation du site, plan des installations, plan des accès ferroviaires et routiers, nombre et longueurs des voies, gestionnaire actuel du site, propriétaire actuel du terrain (domanialité) et statut, pour chacune des voies : mutualisation ou non et pourcentage d’utilisation par le titulaire du contrat de service public

TRAFIC ET DISTRIBUTION

Vente des titres

Titres de transport liés au contrat de service public vendus (date, montant, origine/destination – parcours emprunté sur le service conventionné si trajet en correspondance, tarif, canal de vente)

Abonnements de transport liés au contrat de service public vendus (date, montant, tarif – type d’abonnement, origine/destination – champ géographique, canal de vente, période de validité)

Commissions versées et reçues pour la distribution des titres de transport liés au contrat de service public

Points de vente

Localisation et taux disponibilité des distributeurs vendant les titres de transport liés au contrat de service public

Localisation et horaires des points de vente avec présence humaine (guichet, agent mobile, commerces partenaires, etc.) vendant les titres de transport liés au contrat de service public

Fréquentation

Estimation de la fréquentation en voyageurs et en voyageurs-km

Taux de remplissage des trains

Modèle de calcul de la fréquentation

Estimation des voyageurs sans titre (fraude)

Données de comptage automatique à bord des trains (mise à disposition des relevés disponibles)

ÉLÉMENTS FINANCIERS

Compte de résultat par nature

Balance générale des comptes

Détail et analyse de l’évolution de chaque poste (année A/année A-1)

Estimation de l’impact financier des changements de règles de gestion, par ligne de charge

Détail et analyse de l’évolution des postes de provisions

Compte par destination

Matrice de passage du compte de résultat d’exploitation par nature au compte par destination

Détail et analyse de l’évolution de chaque poste (année A/année A-1)

Compte(s) par ligne

Méthode d’affectation des charges et des produits aux comptes de ligne et analyse de l’impact financier des changements de méthode

Détail et analyse de l’évolution de chaque poste de charges (ventilées a minima selon les catégories : charges de circulation, charges au sol, charges de matériel roulant dont les charges de maintenance, charges de distribution, charges de structures, charges financières et amortissements non compris dans les charges de matériel roulant, charges des gares de la ligne conventionnées dans le contrat) et de recettes (année A/année A-1)

Éléments transversaux

Documentation décrivant l’élaboration de la comptabilité analytique au niveau du contrat ainsi que par destination et par ligne

Glossaire définissant le contenu des postes de charges et des produits des comptes par nature et par destination

Biens immobilisés

Liste des biens immobilisés

Pour chaque bien immobilisé : valeur d’origine et son éventuelle augmentation expliquée, date d’entrée, durée d’amortissement, cumul d’amortissement, valeur nette comptable, montant des subventions associées, charges de capital (amortissements et frais financiers)

Investissements réalisés sur les biens immobilisés : dépenses de l’année A, subventions reçues l’année A, dépenses prévisionnelles sur la durée du contrat de service public

RESSOURCES HUMAINES

Organisation

Organigramme de l’opérateur

Masse salariale

Effectif par catégorie d’emplois (nombre d’équivalent temps plein et jours de service)

Coût moyen par catégorie d’emplois

Ancienneté

Ancienneté moyenne par catégorie d’emplois

Qualifications

Qualifications par catégorie d’emplois

Habilitations de sécurité

Nombre de personnels concernés par catégorie d’emplois

190.Il se déduit de ces dispositions, d’une part, que l’article L.2121-19 du code des transports pose le principe de la transmission obligatoire des informations relatives à l’organisation et l’exécution des services concernés et des missions de service public à l’AOT compétente, lorsque celle-ci en fait la demande et, d’autre part, que le décret d’application de cet article fixe la liste de catégories d’informations faisant partie, de manière irréfragable, de celles qui doivent être transmises à l’autorité organisatrice en application de ce principe, sans que le fournisseur d’informations puisse invoquer le secret des affaires pour faire obstacle à leur transmission.

191.Il s’en suit, tout d’abord, que les informations figurant dans l’annexe 1 du décret doivent nécessairement être transmises à la Région, si celle-ci en sollicite communication.

192.Ainsi, par exemple, s’agissant des informations relatives aux ressources humaines dont la pertinence de la transmission est plus spécifiquement critiquée par SNCF Voyageurs dans ses écritures, il peut être relevé que l’annexe 1 précitée prévoit expressément la transmission de l’organigramme de l’opérateur et par catégorie d’emplois, l’effectif, le coût moyen, les qualifications et le nombre de personnels concernés.

193.Il s’en suit, ensuite, que la liste figurant à l’annexe 1 du décret ne constitue pas une liste exhaustive des informations devant être communiquées, sur demande, à l’AOT. Ainsi que l’a à juste titre relevé l’Autorité au paragraphe 37 de la décision attaquée, c’est une « liste minimale », laquelle a l’intérêt d’identifier a priori les informations devant être regardées, de manière irréfragable, comme devant être transmises sans que puisse y faire obstacle le secret des affaires.

194.La Région dispose en conséquence de la faculté de solliciter la communication de toute autre donnée relative à l’organisation et l’exécution des services concernés et des missions de service public, mais doit, dans ce cas, composer avec des dispositions spécifiques visant à faire respecter le secret des affaires.

195.Ainsi, il ne peut notamment pas être déduit de l’article préliminaire du décret du 20 août 2019 (lequel dispose que ses articles 1 à 5 ne sont pas applicables aux informations relatives aux services publics de transport ferroviaire adaptant les conditions d’exploitation d’un service librement organisé) que les informations relatives au TERGV sont exclues du champ d’application de l’article L.2121-19 du code des transports. Les modifications introduites par le décret du 23 décembre 2020 ne signifient pas non plus, contrairement à ce que SNCF Voyageurs allègue encore, que seules doivent être transmises à la Région les informations limitativement prévues à l’article 13 du décret du 20 août 2019. Ce dernier énumère seulement les catégories d’informations relatives aux services librement organisés adaptés faisant partie prima facie, de manière irréfragable, de celles qui doivent être transmises à l’autorité organisatrice sans que puisse y faire obstacle le secret des affaires.

196.Il s’en déduit que chaque disposition a sa raison d’être et s’articule de façon cohérente avec les autres, sans être, contrairement à ce qui est allégué par SNCF Voyageurs, privée d’effet utile.

197.La Cour retient, en troisième lieu, que lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, une demande de transmission d’informations est formulée par une AOT, il incombe néanmoins à l’Autorité de s’assurer, conformément à l’article L.2121-19 du code des transports, que les données sollicitées relèvent de façon effective de « l’organisation ou de l’exécution » du service public conventionné de transport ferroviaire de voyageurs ou des « missions faisant l’objet du contrat de service public ».

198.À cet égard, l’Autorité a parfaitement apprécié, aux paragraphes 80, 87, 94, 120, 140, 225, 241 et 277 de la décision attaquée, dans quelle mesure ces conditions étaient réunies s’agissant des informations sollicitées par la Région relatives à la sous-traitance, aux systèmes d’informations, aux consommations en combustibles, à l’état des biens, aux prévisions de parc sur chaque axe, au temps d’utilisation du matériel roulant et aux opérations de maintenance par rame et par ateliers, dont la pertinence de la communication est plus spécifiquement critiquée par SNCF Voyageurs dans ses écritures.

199.Ces conditions sont également réunies s’agissant des informations relatives au TERGV, ainsi qu’il a été exposé paragraphes 159 et suivants du présent arrêt.

200.La Cour retient, en quatrième lieu, que l’Autorité a, dans la décision attaquée, exposé de façon pertinente le cadre méthodologique dans lequel elle s’est inscrite.

201.Elle décrit, à juste titre, au paragraphe 4 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles il appartient à l’opérateur historique de mettre à disposition des AOT l’ensemble des informations relatives à l’exploitation des services conventionnés, soulignant notamment qu’une asymétrie d’information peut constituer une barrière à l’entrée sur le marché de nature à entraver la participation de candidats potentiels aux appels d’offre. Elle considère aussi, à raison, au paragraphe 35 qu’au cours de la phase de préparation de l’appel d’offre, il est indispensable de garantir que les AOT ont à leur disposition l’ensemble des données leur permettant d’élaborer un projet de cahier des charges détaillé répondant à leurs besoins et d’appréhender l’équilibre économique et financier du projet de contrat dans des conditions compatibles tant avec les exigences de transparence et de non-discrimination qu’à l’efficacité de gestion et la qualité du service rendu.

202.Il s’en infère que l’Autorité a interprété le périmètre matériel des informations sollicitées de manière adéquate au regard de l’objectif poursuivi par la Région.

203.À titre surabondant, la Cour retient que les informations relatives à la sous-traitance (paragraphe 83 de la décision attaquée) entrent dans les catégories relatives aux « éléments financiers », « ressources humaines » et « biens et ressources » de l’annexe 1, que les informations relatives aux systèmes d’information (paragraphe 90) et à l’état des biens (paragraphe 143) en relèvent dans les catégories relatives aux « biens immobilisés » et aux « biens et ressources », que les informations relatives aux consommations en combustibles (paragraphe 122) s’y inscrivent dans les catégories relatives aux « éléments financiers » et « historique des données de l’exploitation » et que les informations relatives aux prévisions de parc sur chaque axe (paragraphe 227), au temps d’utilisation du matériel roulant (paragraphe 242) et aux opérations de maintenance par rame et par atelier (paragraphe 242) y entrent dans les catégories relatives au « matériel roulant et maintenance » et aux « biens et ressources ».

204.À titre surabondant aussi, la Cour retient, s’agissant des systèmes d’information (paragraphe 90 de la décision attaquée), que ce sont des biens généralement essentiels et en tout cas nécessaires à la continuité du service public ; s’agissant des comptes prévisionnels des biens (paragraphe 114), que ce sont des données essentielles pour que la Région puisse appréhender le coût du service et les offres remises ; s’agissant de la liste des matériels roulants (paragraphe 159), de leur temps d’utilisation (paragraphe 242) et des temps d’utilisation des rames (paragraphe 255), que ces informations, qui ont vocation à être mis à disposition du futur exploitant, doivent nécessairement être inclus dans la procédure de mise en concurrence et que les contraintes opérationnelles sont essentielles sur ces sujets.

205.La première branche du moyen est écartée.

2. Sur le respect du champ d’application temporel de l’article L.2121-19 du code des transports

206.L’Autorité a, dans la décision attaquée, retenu qu’en application de l’article 2 du décret du 20 août 2019, les informations sollicitées devaient être communiquées pour les trois derniers exercices précédant la demande, soit les exercices 2016 à 2019, sous réserve que la demande tendant à leur transmission ne soit pas manifestement excessive au regard de l’objectif poursuivi par la Région, ou n’impose pas des contraintes excessives et disproportionnées à SNCF Voyageurs (paragraphe 39).

207.S’agissant plus spécifiquement des données historiques de maintenance des matériels roulants, elle a enjoint SNCF Voyageurs de communiquer les données visées au paragraphe 7 du II du Règlement (UE) n° 2019/779 depuis la première mise en service (paragraphe 304).

208.La demande de la Région concernant également la communication des données prévisionnelles pour l’exercice 2020, l’Autorité a observé que les dispositions législatives et réglementaires étaient silencieuses sur ce point. Elle a estimé qu’il pouvait être nécessaire pour l’AOT de disposer de certaines informations dans une perspective pluriannuelle afin d’anticiper les besoins du service dans la durée et définir des critères d’attribution sur la base d’informations les plus pertinentes possibles. Elle a donc examiné, pour chaque information, si les données demandées par la Région pouvaient être communiquées (paragraphe 40).

209.SNCF Voyageurs soutient, tout d’abord, que le champ d’application temporel du décret du 20 août 2019 doit s’appliquer d’autant plus restrictivement que les dispositions visant à transmettre des informations portant sur une période antérieure à son entrée en vigueur sont, selon elle, contraires à la non rétroactivité, en l’absence de disposition contraire, de l’article L.2121-19 du code des transports. Elle indique avoir renoncé à saisir le Conseil d’État d’une question préjudicielle relative à la légalité du décret mais demande, eu égard à la fragilité, de so point de vie, du corpus juridique sur lequel reposerait la décision attaquée, d’être déchargée de la transmission des informations sur la période antérieure à l’entrée en vigueur du décret du 20 août 2019.

210.SNCF Voyageurs fait valoir, ensuite, que la décision attaquée a méconnu le champ d’application temporel du décret du 20 août 2019 s’agissant de l’historique de la maintenance des matériels roulants. Elle souligne que lors des changements d’entité en charge de l’entretien, seul est remis le dossier d’entretien prévu par l’article 5 du Règlement (UE) n° 2019/779 (« documentation d’entretien »). Elle fait observer qu’aucune entité entrante n’a jamais demandé à avoir accès à l’intégralité de l’historique des opérations de maintenance réalisées par l’entité sortante sur le matériel roulant et que cette pratique n’a jamais donné lieu à un manquement, ni à aucune remarque de l’Établissement public de sécurité ferroviaire. Elle ajoute que l’historique de la maintenance mentionné à l’annexe 1 du décret du 20 juin 2019 ne vise pas ces données et qu’en toute hypothèse, leur communication est soumise à la limite temporelle expressément prévue. Elle affirme avoir communiqué a minima l’historique des opérations de maintenance réalisées sur les 3 dernières années ou depuis le commencement du contrat de service public en cours, ce qui est une solution proportionnée en ce qu’elle permet à la fois de rassurer la Région sur le fait qu’elle disposera des données nécessaires à la reprise de la maintenance, sans mettre à la charge de SNCF Voyageurs une obligation impossible à mettre en ‘uvre dans la pratique.

211.SNCF Voyageurs soutient, enfin, que l’Autorité a méconnu les dispositions de l’article 2 du décret du 20 août 2019 en ce qu’elle lui a enjoint de communiquer des informations postérieures à la demande de la Région, ainsi notamment des informations prévisionnelles visées au paragraphes 114 (données financières), 122 (consommation d’énergie), 227 (matériel roulant) et 320 (offre théorique) de la décision attaquée.

212.Elle ajoute, dans sa note en délibéré n°1, que dans son étude sur l’ouverture à la concurrence publiée le 16 février 2022, l’Autorité recommande de modifier le décret du 20 août 2019 en étendant, d’une part, aux informations provisionnelles le périmètre des informations pouvant être demandées et en permettant, d’autre part, de solliciter l’historique de la maintenance depuis la date de mise en service des matériels roulants. Elle admettrait ainsi nécessairement la prohibition antérieure des textes sur ces points.

213.La Région répond que si le décret du 20 août 2019 prévoit une antériorité limite, en aucun cas il ne fixe une limite quant à des informations postérieures à la demande, et ce pour permettre aux AOT d’anticiper les informations dont elles ont besoin pour l’ouverture à la concurrence. Elle souligne que les clauses contractuelles de la convention TER (antérieure et actuelle) conclue entre la Région et SNCF Voyageurs prévoient également la communication de documents demandés sans les enfermer dans une quelconque limite temporelle. Elle ajoute que d’importantes obligations d’informations précèdent le décret du 20 août 2019. Il appartient à SNCF Voyageurs de rapporter l’activité de service public en application de l’article L.2141-11 du code des transports, lui-même précisé par le décret du 16 mars 2016 ainsi que l’arrêté du 17 mars 2016 listant les informations transmises annuellement par SNCF Mobilités aux autorités organisatrices régionales de transport ferroviaire.

214.Elle fait valoir, s’agissant des informations sur l’historique de la documentation relative au matériel roulant transféré, que l’article 6, 2° du décret du 20 août 2019 fait expressément référence à la documentation d’entretien dans les conditions fixées au Règlement (UE) n° 2019/779. En mentionnant également la documentation du constructeur et les autorisations de modification du matériel roulant, ces dispositions visent, selon elle, à garantir non seulement l’application de l’article 21 la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire relatif à la maintenance, mais aussi le respect du droit communautaire relatif au matériel roulant ferroviaire, lequel ne prévoit pas de limite temporelle.

215.Elle en déduit que les informations suivantes sont bien transmissibles à la Région pour l’ensemble de la période demandée ou maille temporelle faisant l’objet d’une injonction dans la décision attaquée : comptes prévisionnels ; consommations en combustibles ; prévisions de parc sur chaque axe ; historique de la maintenance du matériel roulant ; offre théorique de transport.

216.Elle ajoute, en réponse à la note en délibéré n° 1 de SNCF Voyageurs, que l’Autorité propose seulement, dans l’étude publiée 16 février 2022, s’agissant de l’accès aux données provisionnelles, de procéder à une clarification (ainsi qu’il ressort de la mention selon laquelle « les dispositions du décret ne semblent pas obérer cette possibilité ») et s’agissant des données relatives à l’historique de la maintenance, de garantir d’un « accès complet », ce qui ne signifie nullement qu’il n’y aurait pas d’ors et déjà un accès à ces données.

217.L’Autorité, s’agissant des données relatives à l’historique de la maintenance, indique être consciente que ces dernières peuvent être datées de plusieurs dizaines d’années, dans la mesure où certains matériels roulants ont été mis en service dans les années 1980. Le paragraphe 7 du Règlement (UE) 2019/779 visant « toutes les versions successives du dossier d’entretien », elle considère que par exception aux dispositions de l’article 2 du décret du 20 août 2019, cet historique doit être communiqué depuis la première mise en service des matériels roulants. Cette exigence d’exhaustivité ne lui paraît pas disproportionnée au regard des graves problèmes posés par l’incomplétude de ces données pour ce qui concerne tant la continuité du service public que l’exploitation en toute sécurité des matériels roulants.

218.S’agissant des demandes d’informations prévisionnelles au titre de l’année 2020, l’Autorité renvoie au raisonnement qu’elle a tenu au paragraphe 40 de la décision attaquée. Elle ajoute qu’il ne s’agit pas à proprement parler de données postérieures à la demande de communication de données de la Région en 2019 puisque les données sont nécessairement établies pendant l’année 2019, en intégrant des projections pour l’exercice 2020 à venir.

219.L’Autorité ajoute, en réponse à la note en délibéré n° 1 de SNCF Voyageurs, que sa recommandation dans l’étude qu’elle a publiée le 16 février 2022, n’apporte aucun élément susceptible de contredire les écritures qu’elle a formulées et qu’elle vise seulement à éviter à l’avenir les contentieux portant sur le champ temporel d’application, en clarifiant les dispositions y afférentes. Elle fait observer qu’il ressort de l’extrait auquel SNCF Voyageurs fait référence qu’elle propose dans cette étude que le droit d’accès le certaines informations prévisionnelles soit étendu « explicitement (‘) notamment celles relatives aux éléments financiers et à la maintenance pour les opérations à mi-vie du matériel routant – quand bien même les disposions du décret ne semblent pas obérer cette possibilité » (soulignements ajoutés par l’Autorité).

220.Le ministère public développe une analyse similaire.

Sur ce, la Cour,

221.S’agissant, en premier lieu, du caractère rétrospectif des informations sollicitées, la Cour constate, qu’en application de l’article 2, II du décret du 20 août 2019 :

« il ne peut être demandé d’information antérieure aux trois années précédant la demande ou, si elle est plus ancienne, à la date du début d’exécution du contrat de service public en cours pour les informations demandées aux entreprises fournissant des services publics de transport ferroviaire de voyageurs ».

222.Cette disposition précise les limites temporelles d’application de l’article L.2121-19 du code des transports, lequel a, par nature, une portée rétrospective, puisque sont concernées les informations relatives à l’organisation ou à l’exécution du contrat de service public signé entre l’opérateur et l’autorité organisatrice de transport et qu’ainsi que le relève le sénateur [X] [V] dans son rapport du 23 mai 2018 précité, « le règlement européen vise les contrats de service public conclus à partir de son entrée en vigueur » (p. 102).

223.Selon ce même rapport, il y avait lieu de légiférer car « les autorités organisatrices doivent obtenir dès à présent les informations nécessaires de la part de l’opérateur historique pour préparer leurs appels d’offres, quand bien même elles ne l’auraient pas prévu, ou de façon insuffisante, dans leur convention avec SNCF (Voyageurs) » (p. 102).

224.Les dispositions de l’article L.2121-19 des transports ne peuvent donc raisonnablement être interprétées comme visant exclusivement les données relatives à la période postérieure à l’entrée en vigueur de la loi et il appartenait au pouvoir réglementaire, dans le cadre des attributions qui sont les siennes, de préciser les limites de la portée rétrospective du dispositif.

225.L’Autorité a, dans la décision attaquée, retenu que la Région a, dans le respect de l’article 2, II du décret du 20 août 2019, adressé à SNCF Voyageurs, le 13 novembre 2019, une demande de communication d’informations, « portant sur les informations rétrospectives des trois années précédentes et donc la période de 2016 à 2018 inclus ».

226.Elle a ainsi opté pour la première branche de l’alternative posée par cet article. La date du début d’exécution de la convention portant obligation de service public pour le transport ferroviaire de voyageurs pour la période 2019-2024, laquelle été a conclue le 25 octobre 2019, n’était pas plus ancienne et il n’y avait dès lors pas lieu de la prendre en compte.

227.Il s’en déduit que c’est à raison que l’Autorité a retenu, sur le fondement de l’article 2, II du décret du 20 août 2019, que les informations sollicitées devaient (sous réserve du principe de proportionnalité) être communiquées pour les exercices 2016 à 2019.

228.S’agissant plus spécifiquement, en deuxième lieu, de l’historique de la maintenance, la Cour retient que l’article 2, II du décret du 20 août 2019 doit être interprété au regard du paragraphe 7 du II de l’annexe II du Règlement (UE) n° 2019/779 du 16 mai 2019, auquel l’annexe 1 du décret (reproduite paragraphe 189 du présent arrêt) renvoie.

229.Ce Règlement, dont l’objet est de « définir les exigences que les entités chargées de l’entretien (des véhicules) doivent satisfaire concernant la gestion des composants essentiels pour la sécurité » (article 1er), dispose au paragraphe 7 du II de son annexe II :

« Lors de l’application du processus de documentation à la fonction de développement de l’entretien, il faut au moins garantir la traçabilité des éléments suivants :

a) la documentation relative au développement, à l’évaluation, à la validation et à l’approbation d’un remplacement dans le cadre de l’entretien ;

b) la configuration des véhicules, y compris, mais pas uniquement, les composants essentiels pour la sécurité et les modifications des logiciels à bord ;

c) les registres de l’entretien exécuté ;

d) les résultats d’études sur les retours d’expérience ;

e) toutes les versions successives du dossier d’entretien, y compris l’évaluation des risques ;

f) les rapports sur les compétences et les contrôles en matière d’exécution de l’entretien et de gestion de l’entretien de la flotte ;

g) les informations techniques d’appui à fournir aux détenteurs, entreprises ferroviaires et gestionnaires de l’infrastructure. » (soulignement rajouté par la Cour).

230.Il se déduit des dispositions combinées l’article 2, II du décret du 20 août 2019 et du paragraphe 7 du II de l’annexe II du Règlement (UE) n° 2019/779 que si la traçabilité des informations visées dans le Règlement, et notamment de toutes les versions successives du dossier d’entretien, doivent impérativement être garanties, pour des raisons de sécurité, tout au long du cycle de vie du véhicule, leur communication à l’AOT, en exécution de l’obligation de transmission prévue à l’article L.2121-19 du code des transports, est soumise à la limite temporelle expressément prévue à l’article 2, II du décret précité.

231.Il n’y a pas lieu de se référer à l’article 6 de ce même décret, inséré au titre III « communication à l’AOT des informations dans le cadre d’un transfert de matériel roulant », dont il est fait application lors d’une étape ultérieure du processus, au stade du transfert à l’autorité organisatrice cessionnaire (l’article 2 est inséré au titre 1er « transmission à l’AOT des informations relatives aux services faisant l’objet d’un contrat de service public »).

232.La décision attaquée doit donc être réformée en son paragraphe 304 en ce qu’elle a enjoint SNCF Voyageurs à transmettre, en exécution de l’obligation de transmission prévue à l’article L.2121-19 du code des transports, des informations relatives à l’historique de la maintenance portant sur une période antérieure aux trois années précédant la demande de la Région.

233.S’agissant, en troisième lieu, des demandes d’informations provisionnelles, la Cour retient que c’est à raison que l’Autorité a considéré, au paragraphe 40 de la décision attaquée, qu’il pouvait être nécessaire pour l’AOT de disposer de certaines informations dans une perspective pluriannuelle afin d’anticiper les besoins du service dans la durée et de définir des critères d’attribution sur la base d’informations les plus pertinentes possibles et que tel est notamment le cas des données financières dans la vision prévisionnelle est indispensable pour permettre aux AOT de disposer d’une vision globale des coûts de service public.

234.Au cas présent, il est constant que la Région a adressé à SNCF Voyageurs, le 13 novembre 2019, une demande de communication d”informations provisionnelles jusqu’en 2020.

235.Il ne s’agit pas, contrairement à ce qu’allègue SNCF Voyageurs, de données postérieures à la demande de communication de données de la Région formulées en 2019, puisque ces dernières, si elles intègrent des projections pour l’exercice 2020 à venir, sont nécessairement établies en 2019.

236.La Cour retient, enfin, que l’étude de l’Autorité publiée le 16 février 2022, qui formule de simples « recommandations », ne contient aucun élément utile à la solution du litige.

237.Il s’en suit que la décision attaquée est réformée dans la limite du paragraphe 232 du présent arrêt et que la seconde branche du moyen est rejetée pour le surplus.

B. Sur l’erreur d’interprétation alléguée de l’état des informations transmises

238.SNCF Voyageurs soutient que l’Autorité lui enjoint de transmettre à la Région plusieurs informations, alors même que ces dernières ont déjà été communiquées. Tel serait notamment le cas des informations traitées aux paragraphes 76, 83, 320, 378 et 452 de la décision attaquée. Elle fait valoir avoir transmis plus de 134 000 fichiers depuis la saisine de l’Autorité en avril 2019.

239.La Région constate que le nombre de fichiers transmis, à supposé qu’il soit exact, ne suffit pas à établir que SNCF Voyageurs aurait satisfait à ses obligations en application de l’article L.2121-19 du code des transports. Elle ajoute que, pour vérifier l’application de sa décision, l’Autorité a initié deux mesures d’instruction les 29 septembre et 11 décembre 2020 et qu’il ressort de la pièce n° 20 qu’elle a produite (« Réponse de la Région aux mesures d’instruction de l’ART des 29 et 11 décembre 2020 ») que SNCF Voyageurs n’a pas pleinement transmis des informations.

240.Elle fait valoir que la circonstance que SNCF Voyageurs ait pu transmettre certaines données dans le cadre des mesures d’instruction ne suffit pas non plus à apporter la preuve qu’elle se serait conformée à ses obligations. Ainsi, s’agissant de l’organigramme détaillé de l’opérateur (§ 76 de la décision attaquée), le Région indique ne toujours pas disposer d’une information satisfaisante quant aux mailles géographique et temporelle, ni quant au contenu prévus par la décision attaquée. S’agissant de l’offre théorique de transport (§ 320), elle souligne être toujours privée d’une information satisfaisante quant au contenu prévu par la décision et n’avoir reçu qu’en janvier 2021 quelques compléments sur la maille temporelle. S’agissant du suivi des réclamations (§ 378), elle fait valoir ne toujours pas disposer d’une information satisfaisante quant à la maille temporelle et au contenu prévus. S’agissant du nombre d’agents concourant au service (§ 452), elle indique ne toujours pas avoir obtenu une information satisfaisante quant aux mailles géographique et temporelle, ni quant au contenu prévus par la décision attaquée.

241.La Région soutient, enfin, que SNCF Voyageurs s’est contentée de produire une série d’informations qui ne correspondent ni au fond, ni à la forme de ses demandes et des injonctions de l’Autorité. Elle fournit deux illustrations :

‘ S’agissant des effectifs, elle indique ne disposer d’aucune information précise permettant de convenir du nombre d’équivalent temps plein (ETP), car SNCF refuse de fournir les données permettant la vérification du nombre proposé et la méthode de répartition / ventilation. Or il s’agit, soutient-elle, d’un des principaux postes de charge des futurs lots ;

‘ S’agissant des matériels roulants, elle fait valoir que SNCF Voyageurs a communiqué un fichier listant des types de matériels roulant sans faire le lien avec la flotte utilisée pour le service. Il s’agit pourtant, souligne-t-elle, du matériel permettant l’exécution même du service public.

242.Elle renvoie au tableau sur l’état des informations transmises par SNCF Voyageurs à date de ses dernières écritures qu’elle a produit (pièce n° 21), qui met en évidence l’ensemble des données qui n’ont toujours pas été communiquées ou de manière insuffisante en méconnaissance des obligations qui lui incombent et des injonctions de la décision. Elle ajoute avoir saisi le 24 mars 2021 l’Autorité d’un recours en manquement (pièce de la Région n° 13), lequel illustre l’actualité des difficultés encore rencontrées par la Région plus de deux ans après la saisine.

243.L’Autorité fait valoir que l’erreur de fait alléguée n’est aucunement étayée. Elle observe que pour chacun des 5 exemples cités, la décision attaquée précise, de manière extrêmement détaillée, à l’issue d’une instruction particulièrement longue et rigoureuse, en quoi chacune des informations transmises n’est pas conforme au droit en vigueur, aux demandes/besoins de la Région ou est incomplète. Elle ajoute qu’il ne suffit pas de transmettre des données à la Région pour remplir ses obligations au titre de l’article L.2121-19 du code des transports. Encore, faut-il, ainsi qu’il est exposé au paragraphe 38 de la décision attaquée, que ces données soient pertinentes pour la Région, conformes à sa demande, complètes et communiquées sous un format exploitable, intelligible et réutilisable, conformément au VII de l’article 3 du décret du 20 août 2019.

244.Le ministère public développe une analyse similaire.

Sur ce, la Cour,

245.La Cour constate que SNCF Voyageurs allègue que la décision attaquée aurait été motivée par certaines considérations de fait erronées, « notamment » dans 5 cas relevant de l’organisation générale du service (organigramme détaillé et sous-traitance), de l’offre théorique, du suivi du nombre des réclamations et des ressources humaines (nombre d’ETP et nombres d’heures travaillées), mais qu’elle se contente, pour contester l’incomplétude des informations communiquées à la Région, d’énumérer les informations qu’elle présente comme déjà transmises et de renvoyer à l’exploitation des 134 000 fichiers qu’elle dit avoir communiqués.

246.Or vu le nombre et la complexité des données contenues dans ces documents, il lui appartenait, pour étayer son moyen de défense au fond, d’identifier dans ses écritures les documents précis produits au regard desquels l’Autorité estimait, selon elle à tort, que la communication des données sollicitées était manquante ou insuffisante. Il lui revenait aussi d’apporter, en complément, toutes les explications utiles permettant à la Cour de s’assurer de la pertinence de ces documents et de leur suffisance.

247.Force est de constater que SNCF Voyageurs n’a, à l’occasion du contradictoire intervenu dans le cadre de l’exercice du recours devant la Cour, effectué aucune diligence de la sorte.

248.S’agissant notamment de l’offre de transport théorique qu’elle évoque parmi les 5 cas qu’elle mentionne, l’Autorité avait pourtant souligné, au paragraphe 316 de la décision attaquée, qu’il n’avait pas été communiqué, au soutien des affirmations de SNCF Voyageurs, d’éléments permettant de confirmer ses assertions, ce qui aurait dû la conduire, lors du débats devant la Cour, à s’expliquer plus avant.

249.L’Autorité ayant, dans la décision attaquée, précisé en quoi, à l’issue de l’instruction, les informations transmises n’était pas suffisantes et dans quelle mesure il convenait d’enjoindre un certain nombre de communications, force est de constater que SNCF Voyageurs n’apporte aucun des éléments de preuve nécessaires au succès de son moyen de défense.

250.À titre d’illustration, la Cour constate que, s’agissant de l’injonction visée au paragraphe 76 de la décision attaquée de communiquer les organigrammes détaillés du TER Hauts-de-France, en précisant chaque entité opérationnelle ou de production et en indiquant les effectifs affectés à chacune d’entre elles, l’Autorité a relevé, au paragraphe 74, que si SNCF Voyageurs a bien communiqué des organigrammes de toutes les directions pour les services de 2018, les informations transmises sont toutefois incomplètes, dans la mesure où ces dernières se limitent au niveau des directions, sans aller dans le détail des unités opérationnelles ou de production et qu’elles ne précisent pas le dimensionnement des équipes affectées à chaque entité opérationnelle. Elle a ajouté au paragraphe 75, s’agissant spécifiquement de l’organisation territoriale sur chacun des sites, que si les données sur les effectifs transmis par SNCF Voyageurs ‘ à savoir le nombre d’ETP pour le périmètre TER Hauts-de-France et pour les entités opérationnelles correspondantes ‘ permettent d’avoir un état des lieux des effectifs au périmètre du contrat, elles n’apportent pas des précisions sur une maille plus fine, à savoir l’organisation des effectifs réels sur chacun des sites. L’Autorité en a donc déduit, de façon justifiée, qu’il devait être enjoint à SNCF Voyageurs de communiquer à la Région non pas seulement les organigrammes détaillés du TER Hauts-de-France en précisant chaque entité opérationnelle ou de production et en indiquant les effectifs affectés à chacune d’entre elles, mais également pour chacune des entités dotées d’unités opérationnelles, l’organisation des effectifs dans chaque unité opérationnelle, en distinguant les unités opérationnelles affectées à chacun des lots définis dans l’avis de pré-information.

251.La Cour constate aussi que s’agissant de l’injonction visée au paragraphe 83 de la décision attaquée de communiquer les informations décrivant la sous-traitance au sein du groupe SNCF, l’Autorité a observé que l’annexe conventionnelle FI20, invoquée par SNCF Voyageurs au cours de l’instruction pour répondre aux demandes de la Région, ne fait aucune référence à des prestations sous-traitées à d’autres sociétés au sein du groupe SNCF et que ce document ne saurait, dès lors, suffire à répondre à la demande de la Région. Elle en a conclu, à raison, qu’il y a lieu d’enjoindre à SNCF Voyageurs de communiquer à la Région les informations décrivant la sous-traitance au sein du groupe SNCF d’activités participant à l’organisation ou à l’exécution du service et à la mission objet de la convention TER, en précisant le nom de l’entité concernée, la description des missions effectuées ainsi que les moyens et les coûts associés à chaque mission sous-traités.

252.Le moyen est écarté.

C. Sur l’impossibilité matérielle alléguée de transmission de certaines informations

253.Tout d’abord, SNCF Voyageurs soutient que l’analyse de l’Autorité est infondée en droit. Elle fait valoir qu’aux termes du considérant n° 16 du Règlement (UE) n° 2016/2338, « (l)’obligation faite à une autorité compétente de fournir à toutes les parties intéressées des informations essentielles pour préparer une offre dans le cadre d’une procédure de mise en concurrence ne devrait pas s’étendre à la création d’informations supplémentaires lorsque ces informations n’existent pas », ce qui a conduit à l’édiction de règles spécifiques prévues par l’article 3 du décret du 20 août 2019. Elle ajoute qu’au travers de sa décision, l’Autorité persiste à interpréter de manière erronée ces dispositions en lui enjoignant de transmettre « de nombreuses informations » dont elle ne dispose pas, alors même qu’elle a communiqué des informations approchantes. « À titre d’illustration », elle évoque l’offre de transport théorique et la vente des titres de transport (paragraphes 315 et 384 de la décision attaquée). Elle renvoie pour le surplus à sa pièce jointe n° 8.

254.Ensuite, SNCF Voyageurs soutient avoir informé l’Autorité durant la séance et à travers sa note en délibéré du 17 juillet 2020 que de nombreuses informations ne pouvaient matériellement pas être transmises, et ce pour trois raisons.

255.Premièrement, elle fait valoir que certaines d’informations n’existent pas, faute de norme imposant leur collecte. Il ne peut, dans ces circonstances, lui être fait grief de ne pas produire des informations non suivies par ses systèmes d’information pour les années 2016 à 2018 et ne répondant pas au besoin exprimé, alors, par la Région. Elle fait valoir, à cet égard, que :

‘ Les données relatives aux comptes de résultat prévisionnels ne peuvent être extraits du compte de résultat par nature et du compte de résultat par destination créés en 2011, lesquels sont réalisés après la clôture des comptes soit sur une base d’exercice clos. En effet, les systèmes d’information de SNCF Voyageurs n’ont pas été conçus pour un exercice prévisionnel. Elle dispose, pour le pilotage de son activité, de compétences en interne pour analyser les données comptables « brutes ». Seule une donnée approchante pourrait être construite pour produire un compte de résultat par nature prévisionnel mais cela n’est que difficilement possible pour un compte de résultat par destination, dans la mesure où le niveau de détail des prévisions budgétaires ne permet pas de reconstituer les niveaux d’informations nécessaires.

‘ Les données relatives au temps de service par rame sont indisponibles dans ses systèmes d’information car cette notion n’existe pas. Les 2 indicateurs principaux, qui génèrent un suivi sont le temps calendaire (opération de maintenance à réaliser tous les mois, tous les ans, etc) et le kilomètre parcouru par le matériel (opération de maintenance à réaliser tous les 100 000 km, etc). Les informations approchantes dont elle dispose sont le temps de service commercial par rame (qui diffère du temps de service par rame en ce qu’il n’inclut pas les temps de service sans voyageur, pour le rapatriement des rames, et pour l’acheminement vers les installations de maintenance par exemple). Par ailleurs, SNCF Voyageurs ne détient pas le logiciel de Gestion des Roulements Assistés par Ordinateur (« GRAOU »), lequel appartient pour l’instant exclusivement à un de ses agents de conduite (des négociations en vue de son acquisition sont en cours). Aussi, l’habilitation à GRAOU n’est ni systématique ni obligatoire, relève seulement du volontariat de chaque conducteur et la totalité du personnel de conduite ne s’y trouve pas.

‘ Les données relatives au volume et détail des prestations SUGE effectuées sur l’ensemble du réseau TER Hauts-de-France sont indisponibles car ces prestations étant opérées par un service spécifique de la SA SNCF pour tout opérateur ferroviaire en France, lequel effectue un reporting identique pour toutes les entités TER, sans détailler le volume et la famille des actes par ligne et par train par exemple. L’activité TER est en discussion avec l’entité en charge de ces prestations régulées au sein de la SNCF pour pouvoir suivre ces éléments à l’avenir.

‘ Les données relatives au taux de remplissage des trains par numéro de train commercial nécessitent le croisement de deux informations issues de systèmes d’information différents, l’une sur la fréquentation des trains, l’autre sur la capacité offerte par le matériel dans le train (la « capacité d’emport »). La donnée de fréquentation n’étant pas native des systèmes de vente de SNCF Voyageurs (l’activité TER vendant des titres sans réservation obligatoire), elle a été jusqu’en 2020 calculée par un outil, le FC12K qui permet de répartir les recettes et le trafic par transporteur en utilisant, si besoin, des modèles statistiques élaborés. En conséquence, des données de remplissage par train ont pu être communiquées à la Région à partir de sondages et enquêtes (réalisées une fois par an sur une semaine type et un échantillon de train), mais ne permettent pas de produire un résultat de manière industrielle et encore moins exhaustive sur une période historique. Le système d’information mis en place en début d’année 2021, THEMIS, a été, en revanche, conçu de façon à produire des résultats par train avec un nombre de voyages/voyageurs.

256.Elle ajoute que durant les années 2016 à 2018, elle n’avait aucune connaissance des 10 lots ouverts à la concurrence le 10 mai 2019 et qu’elle n’a donc pas produit d’informations en lien.

257.Deuxièmement, SNCF Voyageurs soutient être dans l’impossibilité de communiquer une partie des catégories d’informations les plus anciennes au périmètre de la convention, faute d’enregistrement ou de consolidation de ces informations, en raison de l’absence de norme juridique le prévoyant à leur date de production, et de conservation dans certains de ses systèmes d’information de l’historique de données détaillées et exhaustives. C’est par exemple le cas des outils qui traitent des réclamations clients (les données détaillées antérieures à 2019 ne sont plus disponibles), de données de lutte anti-fraude (les données détaillées antérieures à 2018 ne sont plus disponibles), des données relatives à l’offre routière de substitution (aucun historique disponible) ou encore les informations détaillées sur les circulations de trains (les données antérieures à 2017 ne sont plus disponibles).

258.Elle ajoute que les données portant sur les années 2016 à 2018 ne sont pas pertinentes pour l’ouverture à la concurrence des lignes TER en raison tout à la fois de la fusion des deux anciennes régions (Picardie et Nord-Pas-de-Calais), ce qui a généré des impacts structurants et d’harmonisation des dispositions tarifaires ; de la modification substantielle du périmètre de l’offre de transport avec l’intégration des lignes [Localité 24]-[Localité 10]-[Localité 14] et [Localité 24]-[Localité 27]-[Localité 22] dont la gouvernance a été cédée par l’État à la Région, lesquelles représentent plus de 25 % des voyageurs/kilomètres du périmètre des Hauts-de-France ; de la refonte majeure de 60 % de l’offre TER depuis 2019 et de l’importante restructuration des activités TER depuis 2016, qui l’ont conduit par exemple à regrouper l’organisation de certains métiers dans un même établissement de production.

259.Elle fait valoir aussi qu’un certain nombre d’informations ont, en toute hypothèse, été transmises en leur temps à la Région au titre de leurs relations contractuelles, et elle souligne que celle-ci n’a jamais soulevé un quelconque manquement à ce titre et lui a donné quitus pour les informations transmises.

260.Troisièmement, SNCF Voyageurs soutient qu’elle ne peut transmettre 41 catégories d’informations à la maille des 10 lots susceptibles d’être mis en concurrence en l’absence de clé de répartition fournie par la Région. Elle fait la liste des19 catégories suivantes : Consommation en combustible pour chaque série de matériel roulant ; État et coût d’entretien des biens ; Série, sous-série, variante du matériel roulant ; Liste des matériels roulants en service / hors service ; Liste des matricules des matériels roulants ; Dates de 1ère mise en service du matériel roulant ; Dates de dernière révision et de rénovation/modernisation du matériel roulant ; Éléments comptables du parc de matériel roulant ; Date de radiation du matériel roulant (date si absence d’investissement, date de radiation technique si hors service, date prévisionnelle de réforme) et date de pelliculage ; Kilométrage commercial et kilométrage total de chaque rame du matériel roulant ; Matériel roulant loué ; Emplacement et volume des réserves d’exploitation par type de jours ; Fiabilité du matériel roulant ; Volume de stock de pièces consommables et réparables, valeur de marché, références, sources d’approvisionnement, descriptifs et plans des pièces ; Affectation théorique et réalisée du matériel roulant ; Nombre annuel de prestations régulées et % du volume d’activité du site de maintenance ou de remisage ; Coûts de maintenance de chaque rame ; Circulations techniques ; Informations sur les points de vente (hors taux de disponibilité des distributeurs), lesquelles sont visées aux paragraphes 122, 143, 156, 159, 163, 169, 172, 177, 180, 186, 194, 197, 203, 208, 222, 273, 289, 343 et 402 de la décision attaquée. Elle ajoute ne pas être en mesure de communiquer « plusieurs informations » concernant l’exercice 2020 dans la mesure où ces données n’existent pas à la date du prononcé de la décision attaquée ou ne pourront être traitées qu’à la fin de l’exercice comptable.

261.Elle soutient aussi avoir proposé des clés de répartition, faute d’indication de la Région à ce sujet, et sollicite, afin de ne plus être « contrainte de se substituer à la Région » qu’il soit enjoint à la Région de lui fournir ces données nécessaires au « détourage » des catégories d’information au périmètre des 10 lots. Elle ajoute que des clés de répartition purement théoriques pourraient induire en erreur les candidats faute d’une connaissance fine de la façon dont ont été produites les données et de de leur technicité.

262.La Région répond, tout d’abord, que les informations qu’elle a sollicitées ont été très largement débattues devant l’Autorité et qu’à aucun moment, SNCF Voyageurs n’a fait valoir que des pans entiers d’informations n’existeraient pas. Elle n’a jamais fait part non plus d’une absence de conservation des informations. La pièce n° 8 de SNCF Voyageurs, qui dresse les catégories d’informations pour lesquelles elle prétend ne pouvoir transmettre que des informations approchantes, est totalement nouvelle dans les débats. La Région en déduit que la nouvelle argumentation de la Région présentant trois motifs d’ « impossibilité matérielle » ‘ dont il n’a jamais été fait non plus état dans tous les courriers échangés depuis 2018 ‘ est formulée en pure opportunité par la requérante pour la première fois devant la Cour. Il s’en suit que ces affirmations nouvelles sont, de son point de vue, « non seulement non vérifiables, mais encore grossièrement absurdes ».

263.La Région soutient, ensuite, s’agissant de l’allégation selon laquelle elle a sollicité des informations non existantes ou non conservées, que les « illustrations » évoquées par SNCF Voyageurs ne sont pas pertinentes. Elle renvoie, pour ce qui est des comptes de résultat prévisionnels par nature et par destination, au paragraphe 109 de la décision attaquée et fait aussi valoir qu’il n’est pas imaginable que l’opérateur historique « navigue, en réalité, à vue », sans comptes prévisionnels. S’agissant du temps de service par rame ou encore le taux de remplissage des trains, elle se réfère au paragraphe 241 de la décision attaquée et soutient que selon les dires mêmes de SNCF Voyageurs, ces informations peuvent être obtenues en procédant au croisement de la fréquentation des trains et de la capacité offerte par le matériel roulant. S’agissant des informations qui ne seraient pas disponibles à la maille des lots, elle fait observer que ces lots ne sont que l’addition de certaines lignes entre elles. Il suffit donc d’agréger des données, soit procéder à un traitement informatique de données que seule SNCF Voyageurs possède. S’agissant des informations du type réclamation clients, données anti-fraude, offre de substitution ou sur la circulation des trains, qui n’auraient pas été conservées, elle renvoie aux paragraphes 312, 321 et 350 de la décision attaquée. Elle fait aussi valoir que de très nombreux documents doivent être conservés par le délégataire de service public ferroviaire pour permettre l’application de l’article L.2141-11 du code des transports relatif au droit de contrôle de l’autorité délégante et renvoie à l’arrêté du 17 mars 2016 listant les informations transmises annuellement par SNCF Voyageurs aux autorité organisatrices régionales de transport ferroviaire.

264.S’agissant de l’indisponibilité alléguée à la maille géographique sollicitées, la Région soutient, enfin, avoir procédé à la détermination des dix lots suffisamment en amont, et considère que SNCF Voyageurs pouvait en tirer toute conséquence pour fournir ces informations. Elle souligne qu’il suffit d’agréger, respectivement et par lot, les données concernées. En tout état de cause, conformément à l’article 3 du décret du 20 août 2019, pèse sur SNCF Voyageurs, avec la transmission des informations demandées, l’obligation de produire la documentation permettant d’assurer leur intelligibilité, leur interprétation et leur exploitation. Il lui appartient aussi, même en cas de difficulté, de produire des informations dites approchantes. La requérante lui paraît d’autant plus infondée à faire valoir une prétendue impossibilité matérielle de fournir des informations.

265.L’Autorité répond, en premier lieu, en évoquant les modalités d’analyse et d’instruction qu’elle a retenues dans la décision attaquée quant à la disponibilité des données demandées par la Région. Elle fait valoir que si elle considère que les données listées en annexe du décret du 20 août 2019 relèvent, de manière irréfragable, de l’obligation de transmission au titre de l’article L.2121-19 du code des transports, elle n’en déduit pas que, par principe, ces informations sont disponibles matériellement et ne rejette pas la possibilité de présenter des données approchantes en cas d’indisponibilité démontrée. Pour autant, il lui revient, dans son travail d’instruction, de s’interroger sur la véracité matérielle et technique des affirmations de SNCF Voyageurs, lorsque cette dernière invoque l’indisponibilité de la donnée, et d’apprécier si tel est objectivement le cas, au regard de son expertise et de sa connaissance technique dans le secteur ferroviaire. En effet, si elle ne procédait pas ainsi, la portée utile de sa compétence en matière de règlement de différend serait sensiblement réduite. S’agissant enfin plus spécifiquement des données approchantes, elle conteste la pertinence des deux exemples cités par SNCF Voyageurs.

266.L’Autorité soutient, en deuxième lieu, que les données que SNCF Voyageurs dit ne pas avoir produites ou conservées existent nécessairement.

267.Elle considère qu’aucun des quatre exemples cités par la société requérante n’est convaincant, les données étant effectivement existantes et communicables. Premièrement, elle observe que les conventions TER sont conclues dans une perspective pluriannuelle, de sorte que SNCF Voyageurs, comme toute entreprise, élabore nécessairement des budgets prévisionnels afin de prévoir les coûts d’exploitation de ses services ainsi que leur évolution sur plusieurs années. La maille et la forme de ces budgets prévisionnels peuvent aisément être reprises et adaptées pour répondre à la demande de l’Autorité. Deuxièmement, s’agissant des données relatives au temps de service par rame, elle évoque, à titre d’exemple, le logiciel de Gestion des Roulements Assistés par Ordinateur (GRAOU) qui permet de calculer, rame par rame, le temps de service effectué. Troisièmement, s’agissant des données relatives au volume et au détail des prestations de surveillance générale (SUGE) effectuées sur l’ensemble du réseau TER Hauts-de-France, elle souligne que ce type d’informations doit être communiqué par l’opérateur ferroviaire en application de ses obligations contractuelles à l’égard de la Région, dans la mesure où il est chargé d’assurer la sûreté sur l’ensemble du service. À titre d’exemple, SNCF Voyageurs doit communiquer à la Région, en application des articles 98 et 99 de la Convention TER, les données listées dans les annexes SF03 et SF04 comprenant, d’une part, les « actions de sécurisation » mises en ‘uvre par les agents de la SUGE par type d’actions (atteinte physique aux voyageurs, injure, vol simple, escroqueries contre SNCF, etc.) et, d’autre part, les « actions de lutte contre la fraude » (nombre d’actes de régularisations, dont procès-verbaux émis, etc.). En outre, l’article 96 de la Convention TER précise que, sur la base des indicateurs de sûreté ainsi définis, SNCF Voyageurs doit « cibler les gares à sécuriser et les trains à accompagner en priorité » (Pièces de l’Autorité n° 16.1 et n° 16.2). Quatrièmement, s’agissant des données relatives au taux de remplissage des trains par numéro de train commercial, elle observe qu’au cours de l’instruction, SNCF Voyageurs n’a jamais fait état du remplacement à venir de l’outil FC12K. Elle considère que de telles données sont nécessairement produites par SNCF Voyageurs, pour son propre compte, en vue d’optimiser sa flotte et prévoir le nombre de rames devant être affectées à un trajet donné, soit par un comptage, qu’il soit systématique ou opéré par échantillonnage des entrées et sorties des trains, soit sur la base des enquêtes auprès des voyageurs, qui permettent d’évaluer la fréquentation des trains. Elle ajoute que l’article 118 de la Convention TER confère à SNCF Voyageurs la responsabilité de « la gestion optimisée du parc (‘) notamment en fonction de la fréquentation ». En cas de « sur-occupation de certaines missions, il appartient à l’opérateur d’étudier les mesures correctives nécessaires dans le respect des intérêts financiers de la Région » (Pièce de l’Autorité n° 17).

268.L’Autorité fait par ailleurs valoir que de nombreuses informations relatives au service public existent nécessairement car elles devaient être produites par SNCF Voyageurs en application de ses obligations contractuelles à l’égard de la Région pendant les années 2016 à 2018. Elle se réfère, à titre d’exemple, à la convention d’exploitation du service public régional de transport de voyageurs, conclue entre la région Picardie et SNCF Mobilités pour la période 2013 – 2018 qui prévoyait que SNCF Voyageurs était tenue de produire, chaque semestre, le bilan des réclamations clients et d’en présenter régulièrement les résultats à la Région (Pièce de l’Autorité n° 18). Elle lui imposait aussi d’établir « un bilan annuel qualitatif et quantitatif des actions de lutte anti-fraude » (Pièce n° 19) ainsi qu’un « suivi des circulations supprimées et substituées de l’offre de transport de référence » en précisant les « motifs de suppression » et les « moyens de substitution » (Pièce n° 20). SNCF Voyageurs ne peut donc pas soutenir qu’elle ne dispose d’aucun historique à cet égard. Elle ajoute que contrairement à ce qui est allégué, elle n’a jamais formulé de demande d’ « informations détaillées sur les circulations de trains ».

269.L’obligation de transmission de données à la charge de SNCF Voyageurs n’étant pas circonscrite aux seules informations nécessaires à la mise en concurrence des services conventionnés, l’Autorité indique aussi être fondée à demander la communication des informations pour les horaires de service de 2016 à 2018. Elle tire de la circonstance que l’offre TER a fait l’objet d’une refonte majeure depuis 2019 que SNCF Voyageurs disposait d’informations précises relatives à l’exécution des conventions de service public de transport de voyageurs pour les exercices passés, permettant ladite refonte.

270.L’Autorité soutient, en troisième lieu, que SNCF Voyageurs était en capacité de produire toutes les données demandées au périmètre des lots. Elle souligne que, comme déjà observé pour d’autres moyens soulevés, la requérante ne démontre pas en quoi, matériellement, les 19 catégories d’informations qu’elle cite ne peuvent pas être communiquées. Elle ajoute que SNCF Voyageurs a eu connaissance des dix lots au périmètre duquel des informations étaient demandées un an environ avant que la décision attaquée soit adoptée. Elle observe aussi que dans sa réponse du 20 février 2020, SNCF Voyageurs a indiqué « prend[re] acte de la validation dans [le] courrier [de la Région] du 27 janvier 2020 de l’affectation des trains aux lots identifiés dans [l’]avis de pré-information modifié le 24 juillet 2019, cette précision [lui] permettant de commencer dès à présent ces travaux, selon un calendrier échelonné de communication » (Production n° 99). Elle dit s’étonner de l’argumentation de SNCF Voyageurs, qui tend selon elle à inverser la charge des obligations. Elle estime qu’à partir du moment où la Région avait validé l’affectation opérée par SNCF Voyageurs des lignes afférentes aux lots, seule SNCF Voyageurs, était en capacité d’identifier les matériels roulants/installations utilisés pour chacune des lignes, en tant qu’opérateur ferroviaire monopolistique en charge de l’exploitation de ces lignes. Il en est de même, selon elle, de la capacité à identifier, pour chaque ligne anciennement ou actuellement exploitée, la consommation en combustible pour chaque série de matériel roulant, la liste des matériels roulants en service/hors service ou encore la liste des matricules des matériels roulants. Elle considère qu’en tout état de cause, SNCF Voyageurs était donc en mesure, au moins depuis le 20 février 2020 ‘ date de la validation par SNCF Voyageurs de l’affectation des lignes aux lots ‘, de réaliser le travail de « détourage » au périmètre des lots définis de concert avec la Région et sur la période demandée par celle-ci.

271.Elle en déduit que l’Autorité, dans la décision attaquée, n’a enjoint à communiquer que des données disponibles au sens du décret du 20 août 2019.

272.Le ministère public développe une analyse similaire. S’agissant plus spécifiquement des informations concernant les demandes de la région sur la maille des lots, il fait valoir que le découpage en lots effectué par la Région tient compte des lignes existantes de sorte qu’il est aisé pour SNCF Voyageurs de les extraire en appliquant des filtres simples liés aux origines/destinations desdits lots. SNCF Voyageurs n’a d’ailleurs eu aucune difficulté à établir un tableau de correspondance/affectation des lignes existantes de l’offre de transport aux lots définis par la région que la société requérante a transmis à la Région par un courrier en date du 18 décembre 2019 (Pièce n° 15 de l’Autorité).

Sur ce, la Cour,

273.En premier lieu, s’agissant du cadre réglementaire, la Cour constate que l’article 3 du décret du 20 août 2019 dispose :

« I. Le présent article est applicable lorsqu’un fournisseur d’informations est saisi d’une demande d’informations relevant de la liste des catégories d’informations mentionnée à l’article 1er ou des autres informations dont la transmission est prévue par l’article L.2121-19 du code des transports.

II. Au sens du présent décret, une information disponible s’entend comme une information existante ou comme une information nécessitant des opérations limitées de traitement et de mise en forme de données existantes.

III. Le fournisseur d’informations transmet les informations existantes dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande. Ce délai est porté à deux mois lorsque la fourniture de ces informations nécessite des opérations limitées de traitement et de mise en forme de données existantes.

IV. Lorsque l’information demandée n’est pas disponible, le fournisseur d’informations adresse à l’autorité organisatrice de transport :

1° Dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande, une notification de l’indisponibilité de l’information demandée, accompagnée, le cas échéant, de la liste des informations approchantes disponibles ;

2° Dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande, l’indication du délai, qui doit être raisonnable, dans lequel l’information demandée ou, à défaut, une information approchante peut être communiquée.

Le cas échéant, le fournisseur d’informations indique également le montant de la contrepartie financière qui peut être demandée conformément aux dispositions du V et la liste des informations concernées qu’il estime relever du secret des affaires.

V. Lorsque l’information demandée n’est pas disponible et que sa constitution entraîne des coûts additionnels significatifs, ces coûts additionnels peuvent être facturés, sur la base d’un devis détaillé qui est communiqué préalablement à l’autorité organisatrice de transport.

Par dérogation à l’alinéa précédent, la transmission par SNCF Voyageurs d’informations relevant de la liste des catégories d’informations mentionnée à l’article 1er ne peut donner lieu à contrepartie financière lorsqu’elle concerne des services fournis ou des missions confiées en exécution d’une convention conclue en application des articles L.2121-4, L.2121-6 ou L.2141-1 du code des transports.

VI. Les informations sont transmises à l’autorité organisatrice de transport par voie électronique, sauf impossibilité technique dûment justifiée.

Les informations constituées sous la forme de bases de données sont transmises dans un format réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé.

VII. La transmission des informations demandées est accompagnée de la documentation permettant d’assurer leur intelligibilité, leur interprétation et leur exploitation, ainsi que, le cas échéant, de la mention des traitements opérés pour produire l’information. ».

274.Ainsi, en application du paragraphe II de ce décret, est considéré comme disponible une information existante ou nécessitant des opérations limitées de traitement et de mise en forme des données existantes.

275.En application du paragraphe IV, SNCF Voyageurs peut, si les informations demandées ne sont pas disponibles, ne communiquer à la Région que des informations approchantes.

276.En application du paragraphe VI, la transmission par SNCF Voyageurs des informations demandées par la Région doit être accompagnée de la documentation permettant d’assurer leur intelligibilité, leur interprétation et leur exploitation, ainsi que, le cas échéant, de la mention des traitements opérés pour produire l’information.

277.En deuxième lieu, s’agissant de l’administration de la preuve, la Cour observe, tout d’abord, que SNCF Voyageurs fait référence, dans ses écritures, à un tableau qu’elle a dressé (pièce n° 8), recensant l’ensemble des injonctions prononcées, et comprenant une colonne intitulée « disponibilité de la donnée » dans laquelle sont indiquées, selon les cas, sans autre commentaire, les mentions « oui », « non », « oui et non », ainsi que, à une reprise, « oui sauf » et « oui a priori ».

278.Force est de constater que cependant, ce document, qui émane de la partie qui s’en prévaut, qui n’a pu faire l’objet d’aucune vérification au stade de l’instruction devant l’Autorité, qui n’est étayé par aucun élément justificatif et qui ne comprend aucune explication circonstanciée dans le cadre du recours, est dépourvu de toute force probatoire.

279.SNCF Voyageurs se limite à citer, dans ses écritures, « à titre d’illustration », deux exemples d’injonction relative à la transmission d’une information dont elle ne dispose pas, alors qu’elle aurait communiqué des informations approchantes, à savoir l’offre de transport théorique (soit la description, pour chaque horaire de service donné, de la circulation théorique envisagée des trains, les dessertes et les horaires prévus) et la vente des titres de transport. Il peut être relevé que cependant, sur ces deux sujets, il ressort des paragraphes 312 et suivants et 384 et suivants de la décision attaquée que l’Autorité n’a pas eu à se prononcer sur ce point, car SNCF Voyageurs n’a finalement pas produit d’informations approchantes.

280.Ensuite, la Cour observe que SNCF Voyageurs ne peut faire valoir utilement, au soutien du moyen pris de l’indisponibilité des informations sollicitées que les données portant sur les années 2016 à 2018 ne seraient pas pertinentes pour l’ouverture à la concurrence des lignes TER Hauts-de France, puisqu’en application de l’article L.2121-19 du code des transports, toute information relative à l’organisation ou l’exécution des services de transport ferroviaire de voyageurs conventionnés peut faire l’objet d’une demande, et qu’il n’est pas contesté que les demandes formulées entrent dans ce périmètre.

281.En troisième lieu, s’agissant de l’impossibilité alléguée de transmission de certaines informations non existantes remontant à un exercice antérieur à 2019, la Cour retient que le cadre légal et réglementaire n’était pas fixé quand ont été ‘ ou n’ont pas été ‘ collectées les informations sollicitées par la Région pour les années 2016 à 2018.

282.Il s’en suit que c’est de façon justifiée, pour cette période, que SNCF Voyageurs fait valoir, au soutien de son moyen de défense au fond, qu’elle n’est pas en mesure de produire certaines informations non suivies par ses systèmes d’information et qui ne répondaient pas, alors, à un besoin exprimé par la Région.

283.La circonstance que la Région et l’Autorité répondent en réplique, en substance, que les données relevant des 4 catégories d’informations visées (comptes de résultat prévisionnels, temps de service par rame, volume et détail des prestations SUGE effectuées sur l’ensemble du réseau TER Hauts-de-France, taux de remplissage des trains par numéro de train commercial) sont nécessairement élaborées par SNCF Voyageurs, pour les besoins d’une bonne gestion, ne peut valoir démonstration de l’existence de ces données pour cette période.

284.S’il peut paraître surprenant que SNCF Voyageurs se soit, selon ses dires, contentée jusque là de l’analyse de données comptables brutes plutôt qu’élaborer des comptes prévisionnels, qu’elle ait sur le tard négocié l’acquisition du logiciel « GRAOU » afin d’être en mesure d’en généraliser l’usage, qu’elle ne paraisse pas s’être souciée à l’époque du suivi détaillé des prestation SUGE (lequel relève de la SA SNCF) et qu’elle ait conservé jusqu’en 2020 l’outil FC12K (le système d’information THEMIS ayant depuis pris la suite), force est de constater qu’il n’est pas établi que les informations sollicitées par la Région dans ces catégories sont, pour les exercices antérieurs à 2019, soit durant une période durant laquelle le cadre légal et réglementaire n’était pas encore fixé, disponibles au sens du paragraphe II de l’article 3 du décret du 20 août 2019.

285.S’agissant des données approchantes qui doivent être communiquées dans une telle hypothèse, par application du paragraphe IV de l’article 3 du décret du 20 août 2019, il convient d’observer, tout d’abord, que les comptes de résultat prévisionnels par nature et par destination ne sont visés, dans la décision attaquée (au paragraphe 114) que pour l’exercice 2020 et que la question est donc sans objet. Il doit être constaté, ensuite, que SNCF Voyageurs peut utilement produire, comme elle le propose dans ses écritures, le temps de service commercial par rame.

286.Il y a donc lieu de réformer la décision attaquée en disant que les injonctions visées aux paragraphes 242 (temps de service par rame), 372 (volume et détail des prestations SUGE effectuées sur l’ensemble du réseau TER Hauts-de-France) et 413 (taux de remplissage des trains par numéro de train commercial) ne portent que sur les exercices postérieurs à 2018, selon le périmètre précisé dans la décision, soit pour 2019 et le cas échéant pour 2020, et que l’injonction prévue au paragraphe 242 est complétée par l’injonction de communiquer à la Région le temps de service commercial par rame pour les exercices 2016 à 2018.

287.La Cour retient que SNCF Voyageurs ne peut, en revanche, pour la période postérieure à l’exercice 2018, soutenir qu’elle ne serait, pour des raisons « matérielles », pas en mesure, sine die ou du moins jusqu’à des dates non précisées, de produire certaines informations relevant dans les Hauts-de-France de l’organisation ou de l’exécution des services publics de transport ferroviaire de voyageurs et des missions conventionnées. Les informations sollicitées par la Région, dans le cadre de l’article L.2121-19 du code des transports entré en vigueur le 27 juin 2018, correspondent à un besoin exprimé, celui de la préparation de la mise en concurrence des services de transport ferroviaire conventionnés, et il appartient à SNCF Voyageurs procéder aux adaptations « matérielles » nécessaires, dans des délais permettant aux dispositions légales et réglementaires, lesquelles ont force obligatoire, de recevoir pleinement application.

288.L’Autorité, de par son expertise et sa connaissance technique du secteur ferroviaire, est en capacité de déterminer, sous le contrôle de la Cour, dans quelle mesure, à compter de l’exercice 2019, le caractère indisponible de certaines données est évoqué de façon injustifiée, ce qui a pour effet de retarder indûment leur transmission ou de conduire SNCF Voyageurs, de façon infondée, à transmettre des informations incomplètes.

289.La Cour constate que l’Autorité a veillé, s’appuyant sur son expertise et sa connaissance technique du secteur ferroviaire, à procéder de façon effective à un contrôle de proportionnalité de la maille temporelle retenue, au regard de l’objectif poursuivi, ainsi qu’il ressort notamment de l’analyse à laquelle elle a procédé aux paragraphes 167, 170, 178, 184, 401, 418 et 458 de la décision attaquée.

290.La Cour retient donc que, si l’on excepte les données visées aux paragraphes 242, 372 et 413 s’agissant desquels il vient d’être statué, c’est à raison que l’Autorité a considéré, dans la décision attaquée, à l’issue de l’instruction et des débats, que les informations qu’elle a enjoint de communiquer, dans les limites temporelles qu’elle a à chaque reprise spécifiquement précisées, étaient disponibles au sens du décret du 20 août 2019.

291.Il doit être constaté, enfin, que si SNCF Voyageurs allègue de façon pertinente qu’elle n’avait, durant les années 2016 à 2018, aucune connaissance des 10 lots ouverts à la concurrence le 10 mai 2019, elle ne peut pour autant faire valoir, sans apporter plus précision, ne pas produire d’informations en lien, dans cette limite temporelle. Faute de démonstration concrète de l’impossibilité dans laquelle elle se trouverait de retraiter les données existantes ou de communiquer à la Région des informations approchantes, il y a lieu de retenir que l’Autorité a, à l’issue d’une analyse précise et détaillée, déterminé, catégorie par catégorie, dans quelles mesure certaines informations devaient, sur la période qu’elle a précisée, être communiquées à la maille des lots définis dans l’avis de pré-information.

292.En quatrième lieu, s’agissant de l’impossibilité alléguée de transmission de certaines informations produites, mais non enregistrées pour la période 2016-2019 au périmètre de la convention, la Cour constate qu’aucune des parties ne précise dans ses écritures à quelles injonctions il est fait référence, mais que paraissent être visés, pour les offres routières de substitution, les paragraphes 320 et 332, pour la lutte anti-fraude, le paragraphe 356 et pour les réclamations des usagers, les paragraphes 378 et 382.

293.SNCF Voyageurs indique dans ses écritures qu’il s’agit d’exemples, mais la Cour rappelle qu’il lui appartenait d’étayer ses moyens de défense par des offres de preuve et qu’il ne lui suffit pas d’alléguer, comme elle le fait, que « plusieurs de ses systèmes d’information » n’auraient pas conservé l’historique de données détaillées et exhaustives.

294.S’il peut paraître surprenant que SNCF Voyageurs n’ait pas, selon ses dires, en raison notamment de la restructuration des activités TER depuis 2016 et de la fusion des activités ancienne région Picardie et ancienne région Nord-Pas-de Calais, conservé les données relatives aux offres routières de substitution, à la lutte anti-fraude et aux réclamations clients, la Cour retient que le cadre légal et réglementaire n’était, avant 2018, pas fixé et qu’il n’est démontré ni que ces informations sont disponibles, ni que peuvent être produites des informations approchantes autres que celles déjà communiquées à la Région au titre de leurs relations contractuelles.

295.Il y a donc lieu de réformer la décision attaquée en disant que les injonctions visées aux paragraphes 320 (3ème tiret : offre routière de substitution), 332 (offre routière de substitution inopinée), 356 (lutte anti-fraude) et 378 et 382 (réclamations clients) ne portent que sur les exercices postérieurs à 2018, selon le périmètre précisé dans la décision, soit pour 2019 et le cas échéant pour tout ou partie de 2020.

296.La Cour retient que c’est à raison que l’Autorité a considéré, à l’issue de l’instruction et des débats, que les autres données qu’elle a enjoint de communiquer, dans les limites temporelles qu’elle a fixées, étaient disponibles au sens du décret du 20 août 2019.

297.En cinquième lieu, s’agissant de l’indisponibilité alléguée des informations à la maille des lots, la Cour observe que SNCF Voyageurs fait valoir avoir été dans l’impossibilité de produire ces données car elles devaient être reconstituées, au besoin par application de clés de répartition purement théoriques, lesquelles pourraient induire en erreur les personnes les consultant, mais que cependant, cette affirmation générale n’est assortie d’aucune démonstration relative aux informations susceptibles d’être produites de la sorte.

298.SNCF Voyageurs a proposé, le 18 décembre 2019, un « regroupement de portefeuilles de lignes par lot », afin d’arrêter la liste des trains affectés à chaque lot (pièce de l’Autorité n° 15), regroupement qui a été approuvé par la Région le 20 février 2020 (pièce de l’Autorité n° 21). La Région allègue, sans être démentie, qu’il appartient ensuite à cet opérateur, d’agréger, par lot, les données concernées, et qu’il s’agit d’un traitement mathématique de données qu’elle seule possède.

299.Il revenait à SNCF Voyageurs d’expliciter, de façon précise et détaillée, pour quelles raisons et dans quelle mesure ces calculs ne pouvaient être menés, étant observé que le traitement mathématique des données auquel elle doit procéder à partir, le cas échéant, de clés de répartition, ne l’amène pas à se « substituer à la Région » qui serait, de son point de vue, défaillante (ce que contestent tant la Région que l’Autorité). En effet, en application de l’article 3, VI du décret du 20 août 2019, c’est à elle seule qu’il appartient de produire une documentation permettant d’assurer l’intelligibilité des informations demandées, leur interprétation et leur exploitation, et comprenant aussi la mention des traitements opérés le cas échéant pour les produire. De surcroît, en tant qu’opérateur ferroviaire en charge de l’exploitation de ces lignes, c’est elle seule qui est en capacité d’identifier, notamment, les matériels roulants et les installations utilisés pour chacune des lignes. Il lui appartient par ailleurs, en cas de difficultés, en application de l’article IV du décret précité, d’adresser à la Région des informations dites approchantes.

300.La Cour constate également que SNCF Voyageurs ne peut utilement alléguer ne pas être être en mesure, parmi les informations qu’elle présente comme indisponibles au périmètre des lots, de communiquer « plusieurs informations » concernant l’exercice 2020, faute de précision suffisante apportée à l’appui de sa contestation.

301.Il s’en suit que la décision attaquée est réformée dans la limite des paragraphes 286 et 295 du présent arrêt et que le moyen est rejeté pour le surplus.

D. Sur la charge excessive alléguée pour la production du volume d’informations demandées dans les delais impartis

302.L’Autorité, dans la décision attaquée, enjoint à SNCF Voyageurs de transmettre à la Région les informations qu’elle mentionne dans les délais suivants :

‘ pour 84 catégories de données, dans un délai d’un mois à compter de notification de la décision ;

‘ pour 12 catégories de données, dans un délai de 15 jours à compter de l’établissement de la liste du personnel devant être transféré.

303.Elle précise, en outre, dans la partie 3.1 intitulée « cadre méthodologique », s’agissant de la maille temporelle (paragraphe 39), des données prévisionnelles (paragraphe 40) et de la maille géographique (paragraphe 41), que les demandes de la Région ne doivent pas imposer des « contraintes excessives et disproportionnées » pour SNCF Voyageurs.

304.Ce contrôle de proportionnalité apparaît de façon explicite dans la motivation de la décision à plus de 30 reprises.

305.Elle rappelle, enfin, dans la partie 3.10 relative aux « délais dans lesquels les informations demandées par la Région doivent être transmises », les principales dates qu’elle a prises en compte et souligne, au paragraphe 624 de la décision attaquée, qu’il est indispensable de permettre à la Région d’organiser, dans les meilleurs délais, la mise en concurrence des lots définis dans l’avis de pré-information modifié publié au JOUE le 13 février 2020.

306.SNCF Voyageurs soutient, tout d’abord, que par un arrêt n°403508 du 18 février 2018, le Conseil d’État rappelle que les informations sollicitées par l’Autorité auprès des opérateurs ne doivent pas faire peser sur ces derniers une charge excessive, ce que l’Autorité elle-même a souligné dans la décision attaquée, sans cependant en faire application au travers de celle-ci. Or l’immense majorité de informations ‘ soit plusieurs millions ‘ devait, en application de la décision attaquée, être transmise avant le 7 septembre 2020, ce qui représentait, selon elle, une charge de travail démesurée pour SNCF Voyageurs en pleine période estivale et l’a conduit à n’être en mesure que de transmettre 47 catégories d’informations dans ce délai.

307.À titre d’exemple, elle évoque la catégorie « offre théorique de transport » et fait valoir qu’il lui faut d’abord identifier les circulations sur la période concernée, sachant qu’il y a plus de 30 000 circulations de trains ou de cars TER chaque mois. Il lui appartient ensuite de reconstituer une liste théorique de trains ou de cars rattachée à chacun des lots, avec la difficulté d’avoir des mêmes trains ou cars qui circulent sur deux lots distincts. Il lui revient enfin de croiser cette offre de référence avec les bases historiques pour pouvoir, avec les numéros de trains, affecter les circulations théoriques / réalisées par lot. Or, selon une première analyse, elle estime en moyenne 500 circulations par mois qui ne se recouperaient pas avec l’offre de référence, par exemple à cause de trains ou cars reprogrammés en lien avec des aléas de production comme des suicides, des intempéries, des travaux inopinés sur les voies, l’opération d’affectation représentant en conséquence un traitement manuel d’environ 18 000 circulations sur 3 ans. Elle évoque, de façon plus générale, « l’extrême granularité des informations ».

308.Ensuite, elle considère que les délais impartis sont d’autant plus brefs que la « demande régulière » de règlement de différend n’a été adressée que le 13 novembre 2019 et que les lots sur lesquels portent les demandes de la Région n’ont été notifiés à SNCF Voyageurs qu’à compter du 19 février 2020, la Région n’ayant donc établi que très récemment le cadre définitif de ses demandes. Elle estime que les délais sont irréalistes, alors même que toutes les demandes ne sont pas nécessaires à l’ouverture à la concurrence des services TER.

309.Elle fait enfin valoir que l’Autorité a, sans motif, rejeté sa demande d’établissement d’un calendrier de transmission d’abord aux trois premiers lots ouverts à la concurrence, puis ensuite aux sept autres lots.

310.La Région conteste cette analyse, soulignant, premièrement, que le juge du sursis à exécution, a, par ordonnance n° 20/12257 du 18 novembre 2020, écarté ce moyen au motif qu’il n’est pas démontré que SNCF Voyageurs est dans l’incapacité complète de transmettre ces informations et qu’en tout état de cause, elle ne démontre l’existence d’aucune conséquence manifestement excessive pour elle de les transmettre, que ce soit en terme de mobilisation de moyens humains et technique en coût de personnel. La Région soutient, deuxièmement, que dans l’affaire n° 403508 évoquée à titre de précédent supposé, le Conseil d’État s’est prononcé sur l’application d’une disposition totalement différente, l’article L.2132-7 du code des transports. Elle relève, troisièmement, que le délai imposé par l’Autorité est comparable au délai prévu à l’article 3, III, du décret du 20 août 2019. Elle fait valoir, quatrièmement, que les premiers courriers de la Région ont été adressés les 12 mars et 16 juillet 2018 et que le délai imparti par voie réglementaire court à compter de la réception de la demande, si bien qu’il s’agit d’informations pour lesquelles SNCF Voyageurs accuse, à la date de la décision attaquée, un retard déjà très conséquent. Elle évoque enfin, cinquièmement, la taille et l’importance de SNCF Voyageurs, société au capital social de plus de 4,9 milliards d’euros et qui dispose spécifiquement, au titre de l’activité TER Hauts de France, de moyens conséquents, avec sur le plan des ressources humaines un effectif dédié au service de plus de 3400 ETP.

311.L’Autorité souligne, tout d’abord, que les parties au règlement du différend se sont accordées sur la consistance des lots susceptibles de faire l’objet d’appels d’offre le 27 janvier 2020, date à laquelle la Région a confirmé la répartition des lignes correspondant aux lots tels que proposés par SNCF Voyageurs (pièce de l’Autorité n° 21) et que cette dernière a donc disposé de plus de six mois pour procéder au traitement et à la mise en forme des informations demandées par la Région. Elle soutient que l’Autorité a défini de tels délais en raison du calendrier de mise en concurrence des lots, sauf à la contraindre d’abandonner la procédure de mise en concurrence.

312.Elle ajoute qu’il n’est pas difficile de déduire du nouveau calendrier de communication proposé par SNCF Voyageurs dans sa demande de SNCF Voyageurs de réformation de la décision attaquée (délais portés respectivement à trois et un mois) que cette dernière n’avait en réalité aucune difficulté à collecter et communiquer les données demandées par la Région et a usé de man’uvres dilatoires en vue de retarder l’ouverture à la concurrence des services conventionnés par la Région.

313.Le ministère public soutient que les délais sont désormais échus et, par conséquent, même à supposer que cette demande eut pu être considéré comme pertinente, elle est désormais devenue sans objet.

Sur ce, la Cour,

314.L’Autorité s’est, à raison, au paragraphe 623 de la décision attaquée, référée à la demande de la Région du 13 novembre 2019 actualisant et précisant le contenu de la saisine, dans le respect des dispositions du décret du 20 août 2019, ainsi qu’à l’avis rectificatif publié au JOUE le 13 février 2020 qui définit les trois lots retenus pour la publication d’avis d’appel public à la concurrence à compter de mai 2020, en vue d’une attribution à partir de 2021. Elle a aussi observé que la Région avait indiqué, au cours de l’instruction, qu’elle souhaitait disposer de tous les éléments requis au plus tard en mai 2020 pour qu’un avenant puisse être discuté en fin de semestre.

315.Force est de constater que SNCF Voyageurs a, dans de telles circonstances, disposé de plus de six mois pour procéder au traitement et à la mise en forme des informations demandées par la Région, lesquelles avaient été sollicitées bien en amont.

316.Eu égard à la taille et à l’importance de cet opérateur, la Cour retient que SCNF Voyageurs ne démontre pas avoir eu à faire face à une charge excessive pour la production, dans les délais impartis par la décision attaquée, des informations identifiées, après instruction approfondie et débat contradictoire, comme demeurant manquantes et donnant en conséquence lieu à injonctions.

317.Le moyen est rejeté.

III. SUR L’APPLICATION DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE ET LES DÉPENS

318.Considération prise du caractère nouveau des questions posées et de la réformation partielle de la décision attaquée, il ne sera pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

319.L’auteur du recours est condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

REJETTE la demande d’annulation de la décision n° 2020-044 du 30 juillet 2020 de l’Autorité de régulation des transports ;

RÉFORME la décision entreprise, mais uniquement sur les points suivants :

‘ l’injonction visée au paragraphe 304 (historique de la maintenance) ne porte pas sur la période antérieure à l’exercice 2016 ;

‘ les injonctions visées aux paragraphes 242 (temps de service par rame), 320 (3ème tiret : offre routière de substitution), 332 (offre routière de substitution inopinée), 356 (lutte anti-fraude), 372 (volume et détail des prestations SUGE effectuées sur l’ensemble du réseau TER Hauts-de-France), 378 et 382 (réclamations clients) et 413 (taux de remplissage des trains par numéro de train commercial) ne portent que sur les exercices postérieurs à 2018, selon le périmètre temporel précisé dans la décision,

‘ l’injonction prévue au paragraphe 242 est complétée par l’injonction de communiquer à la Région le temps de service commercial par rame pour les exercices 2016 à 2018.

REJETTE pour le surplus le recours en réformation exercé par la société SNCF Voyageurs ;

DIT N’Y AVOIR lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société SNCF Voyageurs aux dépens.

LE GREFFIER,

Gérald BRICONGNE

LA PRÉSIDENTE,

Brigitte BRUN-LALLEMAND

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x