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21 novembre 2014
Cour d’appel de Paris
RG n°
12/14249
Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 11
ARRET DU 21 NOVEMBRE 2014
(n° , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 12/14249
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Juin 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2001037257
APPELANTE
SARL LES STUDIOS DE SAINT MAUR, immatriculée RCS de Créteil n°414 771 758, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Emmanuel CONSTANT de la SELARL CB Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C0639
INTIMEE
LIXXBAIL, immatriculée RCS de Nanterre n°B 682 039 078, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Vincent RIBAUT de la SCP RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Représentée par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU CICUREL MEYNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Octobre 2014, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, Président de chambre
M. Paul André RICHARD, Conseiller hors classe
Mme Marie-Annick PRIGENT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Patricia DARDAS
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Janick TOUZERY-CHAMPION, président et par Mme Patricia DARDAS, greffier présent lors du prononcé.
La société à responsabilité limitée Les Studios de Saint Maur, qui a pour activité le doublage de films, a signé le 15 novembre 2007 avec la société HGT Télécom (HGT) un contrat portant sur la fourniture d’une part, d’un matériel téléphonique (pack Full option 1 et téléphone Cisco 7940 1) en contrepartie d’un abonnement mensuel de 360€ HT et d’autre part, d’un ‘lien SDSL au débit garanti de T.2000’ pour un abonnement mensuel de 440€ HT comprenant diverses prestations composées d’un forfait d’accès aux services, d’un forfait de mise en route, d’une formation ‘utilisateur’ et d’une installation réseau, soit au total une somme de 800€ HT.
Pour financer cette installation, la société Les Studios de Saint Maur a souscrit le 15 novembre 2007 un contrat de location n° 685 071 F 70 avec la société anonyme LIXXBAIL pour le matériel suivant :
– 2 standard Cisco 7960 G,
– 7 cisco 7940 GWS,
– 2 Ata Cisco 186 sans fils,
– 1 Cisco 828 GHDSL,
– 1 Cisco 878 bipaire GHDSL,
moyennant pendant une période de 63 mois un loyer de 800€ HT.
La société HGT Télécom a établi le 29 février 2008 une facture n°060184 adressée à la société LIXXBAIL désignant le matériel suivant :
Système téléphonique IP :
– 2 standard Cisco 7960 G,
– 7 Cisco 7940 GWS,
– 2 Ata Cisco 186 sans fil,
– 1 Cisco 828 GHDSL,
– 1 Cisco 878 biapaire GHDSL,
pour le prix de 47.625,68 € TTC.
Le 29 févier 2008 la société Les Studios de Saint Maur a signé sans réserve le procès-verbal de réception des matériels.
Estimant que l’installation n’a jamais fonctionné, en ce que les deux lignes SDSL n’ont jamais présenté le débit garanti de 2 mégas, rendant ainsi impossible le transfert des données par internet, la société Les Studios de Saint Maur a fait assigner la SAS HGT devant le tribunal de commerce de Nanterre qui par jugement du 13 novembre 2009, reconnaissant les dysfonctionnements de l’installation, a :
– condamné la Sas Groupe HGT à payer à la première la somme de 5.202,60€ assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2008, représentant les frais engagés par la
cliente (facture des coursiers pour l’envoi des bandes magnétiques) et trois mensualités réglées à la société LIXXBAIL,
– débouté la société Les Studios de Saint Maur de sa demande en paiement de dommages et intérêts.
Par un premier jugement du 3 novembre 2009, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société HGT Telec puis par un second jugement en date du 21 décembre 2000 a prononcé la liquidation judiciaire de celle-ci.
Le 6 mai 2011, la société LIXXBAIL a, à son tour, fait assigner la société Les studios de Saint Maur devant le Tribunal de commerce de Paris qui par jugement du 19 juin 2012 a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– condamné cette dernière société à payer à la première la somme de 52.825,43€ en principal avec intérêts au taux conventionnel de 1% par mois de retard à compter du 12 octobre 2009, outre la somme de 2.000€ en vertu de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,
– condamné la société Les Studios de Saint Maur à restituer le matériel, sous astreinte.
Par conclusions signifiées le 26 septembre 2014, la société Les Studios de Saint Maur, appelante :
A titre principal
– sollicite l’infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions,
– excipe de ce que les contrats souscrits auprès de la société HGT Télécom, fournisseur, et la société LIXXBAIL, société de location financière, constituent une opération économique globale,
– estime n’y avoir lieu à application de l’article 1165 du code civil en raison de l’interdépendance des contrats susvisés,
– considère avoir été trompée sur la valeur locative du matériel loué par la société LIXXBAIL selon contrat du 15 novembre 2007,
– fait valoir qu’à défaut d’accord sur le prix le dit contrat n’a pas été formé,
– affirme qu’elle a procédé à la restitution du matériel litigieux le 21 octobre 2011,
– demande le rejet de toutes les prétentions de la société LIXXBAIL,
A titre subsidiaire
– soutient que le prix réel des téléphones loué par la société LIXXBAIL s’élève à la somme de 4.495,34€ TTC et estime qu’elle ne peut être condamnée qu’à payer cette somme,
En tout état de cause,
– réclame la condamnation de la société LIXXBAIL à lui verser la somme de 5.000€ en vertu de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
Selon écritures signifiées le 10 septembre 2014, la société LIXXBAIL, intimée :
– estime infondé l’appel de la société Les Studios de Saint Maur,
– réclame le rejet de toutes les demandes de cette dernière, et de celle formée subsidiairement constitutive en toute hypothèse d’une prétention nouvelle,
– souhaite la confirmation du jugement en ce qu’il est entré en voie de condamnation à l’égard de la société Les Studios de Saint Maur mais sa réformation sur le quantum de cette condamnation,
– sollicite la condamnation de celle -ci à lui payer la somme de 62.437,23€ en principal majorée des intérêts au taux conventionnel de 1% par mois de retard à compter du 12 octobre 2009, la confirmation des autres dispositions, enfin la condamnation de l’appelante à lui verser une indemnité de 5.000€ en vertu de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il est constaté que devant la Cour d’appel, aucune des parties ne forme de demande relative à la restitution du matériel en cause, rendu selon le bon de livraison versé aux débats le 21 octobre 2011.
La Société les Studios de Saint Maur, appelante du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris qui l’a condamnée à payer une indemnité de résiliation à la société LIXXBAIL oppose, en premier lieu, une interdépendance du contrat de fourniture de matériel qu’elle a conclu avec la société HGT Télécom et du contrat de location financière qu’elle a signé avec la société LIXXBAIL.
Cette dernière estime au contraire être parfaitement étrangère au contrat de fourniture, par application du principe de l’effet relatif des contrats édicté par l’article 1165 du code civil, soutient que la société Les Studios de Saint Maur a librement choisi le matériel et seule négocié le prix, qu’en cas de vice affectant le matériel, la cliente ne peut se retourner que contre la société HGT Télécom son fournisseur ; elle estime avoir parfaitement rempli ses seules obligations consistant à acquérir le matériel (et non une prestation de services) et à le mettre à la disposition du futur utilisateur.
Il ressort du contrat signé le 15 novembre 2007 par la Sarl Les Studios de Saint Maur avec la société HGT Télécom que l’objet de cette convention porte, d’une part, sur du matériel téléphonique (pack Full option 1 et téléphone Cisco 7940 1) en contrepartie d’un abonnement mensuel de 360€ HT et, d’autre part, sur un ‘lien SDSL au débit garanti de T.2000’ pour un abonnement mensuel de 440 € HT, soit au total une somme mensuelle de 800€ HT .
Il résulte du contrat de location souscrit, le même jour, par la société Les Studios de Saint Maur auprès de la société LIXXBAIL que cette dernière accorde son financement pour le matériel suivant :
– 2 standard Cisco 7960 G,
– 7 cisco 7940 GWS,
– 2 Ata Cisco 186 sans fils,
– 1 Cisco 828 GHDSL,
– 1 Cisco 878 bipaire GHDSL,
moyennant un loyer de 800€ HT pendant 63 mois.
Enfin il apparaît de la facture établie le 29 février 2008 par la société HGT Télécom au nom de la société LIXXBAIL que le matériel suivant :
Système téléphonique IP:
– 2 standard Cisco 7960 G,
– 7 Cisco 7940 GWS,
– 2 Ata Cisco 186 sans fil,
– 1 Cisco 828 GHDSL,
– 1 Cisco 878 biapaire GHDSL,
a été acheté par cette dernière pour le prix global de 47.625,68€ TTC.
Il est ainsi établi que le contrat conclu entre la société Les Studios de Saint Maur et la société LIXXBAIL est un contrat de location financière destiné à permettre à la première de bénéficier d’une installation téléphonique comprenant une connexion GHDSL proposée par la société HGT Télécom dans le contrat signé le même jour avec la société Les Studios de Saint Maur.
Ces deux contrats concomitants, qui s’inscrivent bien dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants , selon les principes énoncés par la Chambre mixte de la Cour de cassation dans un arrêt du 17 mai 2013 ; sont donc réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance.
La société LIXXBAIL n’est nullement fondée, à opérer une distinction entre les prestations matérielles, qui seraient selon elle seules objet de son contrat et les prestations immatérielles, dont elle n’aurait pas eu connaissance. En effet, il doit être observé que les prestations immatérielles , à savoir la fourniture de deux connexions internet, sont bien mentionnées dans le contrat qu’elle a souscrit avec la société Les Studios de Saint Maur dans le paragraphe ‘Désignation du matériel’ ainsi que dans la facture qu’elle a reçue de la société HGT, comme il est rapporté plus haut. De plus fort, le prix de la location financière payé par la société Les Studios de Saint Maur mensuellement d’un montant de 800€ HT à la société LIXXBAIL correspond à la facture détaillée établie par le fournisseur afférente à un abonnement relatif à du matériel pour un montant de 360€ HT et à la fourniture de la connexion pour une somme de 440€ HT, soit une somme globale de 800€ HT, de sorte que la redevance payée mensuellement par la société Les Studios de Saint Maur pour la connexion internet était nécessairement comprise dans le prix de location, le coût excessif de 800€ par mois ne pouvant à l’évidence se rapporter qu’à la location du seul matériel téléphonique. Enfin le prix payé par la société LIXXBAIL au fournisseur pour acquérir le matériel d’un montant de 47.625,68€ TTC montre qu’il est disproportionné par rapport au coût du seul matériel loué pour 360€ HT à la cliente par la société HGT, soit pendant 63 mois X 360€ = 22.680€ .De même, le prix total payé par la société Les Studios de Saint Maur pendant 63 mois est égal à la somme de 60.278,40€ TTC, ce qui serait exorbitant pour une simple location de matériel téléphonique.
Il est ainsi établi par l’ensemble des ces éléments, que l’objet des contrats de location financière et de fourniture portait à la fois sur des prestations matérielles ( matériel téléphonique) mais aussi immatérielles, à savoir la fourniture de deux connexions internet, avec un débit garanti de deux mégas, la société Les Studios de Saint Maur n’ayant signé ces contrats que pour bénéficier de deux lignes SDSL lui permettant de transporter par internet des fichiers sons et images en provenance ou vers l’étranger, eu égard à son activité de doublage de films. En raison de l’interdépendance de ces deux contrats concomitants du 15 novembre 2007, toutes les clauses contractuelles inconciliables avec cette interdépendance doivent être réputées non écrites, notamment les articles 3, 5 des conditions générales de location dont se prévaut la société LIXXBAIL et l’article 1.2 du contrat conclu entre la société Les Studios de Saint Maur et la société HGT. En conséquence, le moyen tiré de l’effet relatif des contrats édicté par l’article 1165 du code civil est également inopérant. La décision des premiers juges sera donc infirmée de ce chef.
Si par procès-verbal du 29 février 2008 la société Les Studios de Saint Maur a attesté avoir réceptionné le matériel livré, il n’en reste pas moins acquis que la société HGT a été défaillante dans la fourniture des deux connexions internet, ‘garanties 2 mégas’, ainsi qu’il ressort du jugement rendu 13 novembre 2009 par le Tribunal de commerce de Nanterre (dont il n’a pas été relevé appel), du procès-verbal de constat de l’huissier de justice du 15 avril 2008 qui relève un débit de 593 k bits/s, de la correspondance échangée avec la société HGT, notamment la lettre du 23 mai 2008. Au demeurant, dès le 14 mai 2008 par courrier recommandé la société Les Studios de Saint Maur a informé la société LIXXBAIL qu’elle cessait tout règlement des loyers du fait du dysfonctionnement de l’installation téléphonique. En raison de l’inexécution par la société HGT de cette obligation de livrer un matériel opérationnel, et un cas particulier des connexions internet au ‘débit garantie T 2000’, la société Les Studios de Saint Maur a saisi le Tribunal de commerce de Nanterre d’une demande visant à voir constater cette défaillance et à se voir allouer une indemnité au titre du préjudice subi , sans même solliciter la résiliation du contrat. Par jugement du 13 novembre 2009 ce Tribunal fait droit à ses prétentions en retenant que la société HGT n’avait pas rempli ses obligations et en la condamnant à verser à sa cliente partie des dommages et intérêts réclamés. Il en résulte que la résiliation du contrat entre les sociétés Les Studios de Saint Maur et HGT a implicitement mais nécessairement été prononcée à la date de cette décision du 13 novembre 2009 et par conséquent la résiliation du contrat concomitant de location financière conclu avec la société LIXXBAIL, qui en est interdépendant est intervenue à la même date.
La société LIXXBAIL fait également valoir que la société Les Studios de Saint Maur a déjà été indemnisée du préjudice subi du fait de la mauvais exécution par la société HGT de ses obligations et ne peut une nouvelle fois lui en faire grief.
Toutefois, il est observé , d’une part, que le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire dès le 21 décembre 2010 de la société HGT, d’autre part, que le tribunal de commerce de Nanterre n’avait accordé à la société Les Studios de Saint Maur qu’une somme de 5.202,60€ représentant le prix des coursiers pour le transport des bandes magnétiques et trois mensualités déjà réglées par la cliente d’un montant de 2.870,40€ TTC, enfin que dans la présente instance, la société Les studios de Saint Maur ne forme aucune demande en indemnisation. Cet argument ne saurait donc être retenu
La société LIXXBAIL réclame le paiement par la société Les Studios de Saint Maur d ‘une somme de 62.437,23€, en application de l’article 9.3 des Conditions générales du contrat, correspondant aux loyers restant dus jusqu’au terme du contrat, à une indemnité de résiliation égale, au montant total des loyers HT restant à échoir à la date de résiliation , une clause pénale de 5% des sommes impayées et du montant total des loyers HT restant à échoir à la date de résiliation.
La résiliation étant prononcée au 13 novembre 2009, la société Les Studios de Saint Maur n’est débitrice d’aucune somme au titre du paiement des loyers, ni au titre des pénalités prévues par l’article susmentionné, toutes clauses qui sont réputées non écrites, dans l’hypothèse de l’espèce d’une résiliation intervenant en raison de l’interdépendance du contrat de location avec le contrat de prestations de services, lui-même résilié du fait de l’inexécution de la prestation essentielle (défaillance des connexions internet au débit garanti) par la société HGT.
La décision des premiers juges sera en conséquence infirmée du chef de la condamnation prononcée à l’encontre de la société Les Studios de Saint Maur.
L’équité commande d’allouer à la société Les Studios de Saint Maur une indemnité de 5.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement,
Dans les limites de l’appel,
Infirme la décision rendu le 19 juin 2012 par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions,
-Statuant à nouveau,
Dit que les contrats signés le 15 novembre 2007 entre les sociétés HGT Télécom et Les Studios de Saint Maur et entre cette dernière et la société LIXXBAIL sont interdépendants,
Déboute la société LIXXBAIL de sa demande en condamnation de la somme de 62.437,23€ dirigée contre la société Les Studios de Saint Maur,
Condamne la société LIXXBAIL à verser à la société Les Studios de Saint Maur une indemnité de 5.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la société LIXXBAIL aux dépens de première instance et d’appel,
Condamne la société BPRP aux dépens avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président