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20 juin 2017
Cour d’appel de Paris
RG n°
16/06417
Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 20 JUIN 2017
(n°153/2017 , 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 16/06417
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mars 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 16/00172
APPELANTE
La société HUTTOPIA, S.A.
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LYON sous le numéro 424 562 890
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représentée et assistée de Me Gautier KAUFMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0909
INTIMÉE
La société INFRA PARK, S.A.S.,
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le numéro 800 348 146
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Assistée de Me Alain BERTHET de la SELAFA PROMARK, avocat au barreau de PARIS, toque : R162
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 03 Mai 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Benjamin RAJBAUT, Président
Monsieur David PEYRON, Président de chambre
Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par M. Benjamin RAJBAUT, président et par Mme Karine ABELKALON, greffier.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La société HUTTOPIA exerce son activité dans le domaine de l’exploitation de campings. Elle expose qu’elle exploite un important réseau de location d’emplacements sur tout le territoire national ainsi qu’à l’étranger, pour l’installation de caravanes, de camping-cars et de tentes et que les clients de ses campings disposent tous, pendant leur séjour, d’un espace de stationnement pour leurs véhicules terrestres.
Elle a remporté le marché public lancé par la ville de [Localité 2] pour le camping du 16ème arrondissement de [Localité 2] dans le [Localité 3] de Boulogne.
La société HUTTOPIA est titulaire de la marque verbale française ‘INDIGO’ n° 3062651 déposée le 30 octobre 2000, renouvelée le 21 mai 2010 et désignant en classe 43 le ‘camping (exploitation de terrains de camping)’.
La société INFRA PARK, qui a pour activité déclarée ‘la constitution de toutes sociétés, la création d’entreprises, ainsi que l’acquisition, la gestion et la cession de toutes participations’, détient près de 100% du capital de la société INDIGO INFRA, antérieurement dénommée VINCI PARK, ayant pour activité le stationnement.
Elle est en outre titulaire des marque suivantes :
‘ marque française semi-figurative ‘INDIGO’ n° 15 4 187 612 déposée le 10 juin 2015 pour divers produits et services en classes 9, 35, 37, 38 et 39,
‘ marque française semi-figurative ‘INDIGO’ n° 15 4 187 613 déposée le 10 juin 2015 pour divers produits et services en classes 9, 35, 37, 38 et 39,
‘ marque française verbale ‘INDIGO’ n° 08 3 589 262 déposée le 18 juillet 2008 pour divers produits et services, et notamment en classe 39 pour les « services de parc de stationnement, location de places de stationnement »,
‘ marque française verbale ‘IND’GO’ n° 15 4 155 415 déposée le 9 février 2015 pour divers produits et services en classes 9, 35, 37, 38 et 39,
‘ marque française verbale ‘INDIGO’ n° 15 4 155 412 déposée le 9 février 2015 pour divers produits et services en classes 9, 35, 37, 38 et 39.
Indiquant avoir constaté que la société INFRA PARK exploitait, sans son autorisation, des services d’aires de stationnement pour les camping-cars sous l’enseigne et la marque ‘INDIGO’, la société HUTTOPIA, après lui avoir adressé une mise en demeure le 18 novembre 2015, avoir fait dresser un procès-verbal de constat le 14 décembre 2015, et avoir été autorisée le 22 décembre 2015 à assigner à jour fixe, a, par exploit d’huissier en date du 29 décembre 2015, assigné la société INFRA PARK en contrefaçon de marque, en nullité de marques et concurrence déloyale.
Dans un jugement rendu le 11 mars 2016, le TGI de [Localité 2] a notamment ;
débouté la société HUTTOPIA de l’ensemble de ses demandes,
rejeté la demande reconventionnelle en procédure abusive de la société INFRA PARK,
condamné la société HUTTOPIA aux dépens et au paiement à la société INFRA PARK de la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Le 15 mars 2016, la société HUTTOPIA a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions, numérotées 3, transmises par RPVA le 20 février 2017, la société HUTTOPIA, demande à la cour :
de prononcer la nullité du jugement au visa de l’article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
de prononcer la nullité du procès-verbal de constat dressé le 9 février 2017 par la SCP ALLIANCE HUISSIER en présence des employés de la société requérante ou, à tout le moins, dire qu’il est dénué de force probante,
de prononcer la nullité du procès-verbal de constat dressé le 30 janvier 2017 par la SCP [Q]-[O] en présence d’un employé de la société requérante ou, à tout le moins dire, qu’il est dénué de force probante,
d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
de dire qu’elle a la propriété exclusive de la marque française dénominative ‘INDIGO’ n°3062651, régulièrement renouvelée,
de dire que l’usage par la société INFRA PARK de la dénomination ‘INDIGO’ à titre d’enseigne, de marque, sur internet, dans sa documentation commerciale pour désigner des parkings, aire de stationnement pour camping-car, aire de stationnement pour véhicules, bus, minibus constitue la contrefaçon par reproduction ou à tout le moins par imitation de la marque ‘INDIGO’ n°3062651 en ce qu’elle désigne des services ‘Camping (exploitation de terrains de camping)’ en classe 43 (anciennement classe 42),
de condamner la société INFRA PARK à lui verser la somme globale de 30 000 € à titre de dommages et intérêts, quitte à parfaire, en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de la marque ‘INDIGO’ n°3062651,
– de dire qu’elle dispose de droits antérieurs sur la marque ‘INDIGO’ n°3062651,
de dire que la marque verbale dénominative “INDIGO” n°3589262 déposée le 18 juillet 2008, désignant notamment les services de ‘services de parc de stationnement, location de places de stationnement’ en classe 39 dont est titulaire la société INFRA PARK porte atteinte à sa marque antérieure ‘INDIGO’ n°3062651, à son enseigne et à son nom commercial ‘INDIGO’,
de dire que la marque verbale dénominative ‘IND’GO’ n°4155415 déposée le 9 février 2015 par la société MALT MARQUES A LONG TERME cédée à la société INFRA FOCH le 18 juin 2015, qui désigne notamment les services ‘Bornes électroniques d’informations sur le stationnement de véhicules ; appareils de traitement de l’information et ordinateurs pour l’envoi et la diffusion d’informations à des utilisateurs mobiles concernant notamment la localisation de parkings ; cartes et badges magnétiques, électroniques et numériques permettant l’utilisation d’aires de stationnement ; cartes à prépaiement ; mécanismes pour appareils à prépaiement ; bornes de reconnaissance à distance permettant le débit de prestations vendues ; systèmes électroniques de paiement via des systèmes de téléphonie cellulaire ; lecteurs de cartes magnétiques, électroniques et numériques ; lecteurs de cartes à puces ; bornes interactives d’informations ; bornes de reconnaissance à distance des signaux émis par les composants électroniques d’un badge ou d’une carte magnétique, électronique et/ou numérique, tous les produits précités étant en relation avec la gestion du stationnement de véhicules ; services d’abonnement de stationnement de véhicules ; distribution de tracts, prospectus, imprimés en relation avec le stationnement de véhicules, la location de places de stationnement automobile ; aide à la direction des affaires dans le domaine du stationnement de véhicules aide à la direction des affaires dans le domaine du stationnement de véhicules Services d’informations commerciales dans le domaine du stationnement de véhicules, gestion administrative et commerciale d’emplacements et de stationnements de véhicules Services d’aires de stationnement de véhicules, location de places de stationnement de véhicules, location de garages’ dans les classes 9, 35, 37, 38 et 39 dont est titulaire la société INFRA PARK porte atteinte à sa marque antérieure ‘INDIGO’ n°3062651, à son enseigne et à son nom commercial ‘INDIGO’,
de dire que la marque verbale dénominative ‘INDIGO’ n°4155412 déposée par la société MALT MARQUES A LONG TERME le 9 février 2015, cédée le 18 juin 2015 à l’intimée et qui désigne les mêmes services précités, dont est titulaire la société INFRA PARK , porte atteinte à sa marque antérieure ‘INDIGO’ n°3062651, à son enseigne et à son nom commercial ‘INDIGO’
de dire que la marque semi-figurative n°4187612 déposée par la société intimée en couleur le 10 juin 2015, qui désigne notamment les ‘Bornes électroniques d’informations sur le stationnement de véhicules ; appareils de traitement de l’information et ordinateurs pour l’envoi et la diffusion d’informations à des utilisateurs mobiles concernant notamment la localisation de parkings ; cartes et badges magnétiques, électroniques et numériques permettant l’utilisation d’aires de stationnement ou l’accès à l’information concernant les transports ; cartes à pré-paiement ; mécanismes pour appareils à pré-paiement ; bornes de reconnaissance à distance permettant le débit de prestations vendues ; systèmes électroniques de paiement via des systèmes de téléphonie cellulaire ; lecteurs de cartes magnétiques, électroniques et numériques ; lecteurs de cartes à puces ; bornes interactives d’informations ; bornes de reconnaissance à distance des signaux émis par les composants électroniques d’un badge ou d’une carte magnétique, électronique et/ou numérique, tous les produits précités étant en relation avec la gestion du stationnement de véhicules ; Services d’informations commerciales dans le domaine du stationnement de véhicules ; gestion administrative et commerciale d’emplacements de stationnement de véhicules ; services d’abonnement de stationnement de véhicules ; distribution de tracts, prospectus, imprimés en relation avec le stationnement de véhicules, la location de places de stationnement automobile ; aide à la direction des affaires dans le domaine du stationnement de véhicules ; nettoyage, entretien, rénovation de parcs de stationnement de véhicules ; direction de travaux de construction de parcs de stationnement de véhicules ; conseils en matière de construction, nettoyage, entretien et rénovation de parcs de stationnement de véhicules ; Services de télécommunications en relation avec le stationnement de véhicules, la location de places de stationnement automobile ; informations en matière de télécommunications en relation avec le stationnement de véhicules, la location de places de stationnement automobile ; services d’affichage électronique (télécommunications) en relation avec le stationnement de véhicules, la location de places de stationnement automobile ; services de transmission d’informations relatives au stationnement de véhicules, la location de places de stationnement automobile ; Services d’aires de stationnement de véhicules ; location de places de stationnement de véhicules ; location de garages ; services d’information en matière de stationnement de véhicules’ dont est titulaire la société INFRA PARK porte atteinte à sa marque antérieure ‘INDIGO’ n°3062651, à son enseigne et à son nom commercial ‘INDIGO’,
de dire que la marque semi-figurative n°4187613 déposée par la société intimée le 10 juin 2015 pour les mêmes services que la marque précitée dont est titulaire la société INFRA PARK porte atteinte à sa marque antérieure ‘INDIGO’ n°3062651, à son enseigne et à son nom commercial ‘INDIGO’,
en conséquence, prononcer la nullité partielle des marques précitées en ce qu’elle désignent les produits précités,
d’ordonner la radiation des noms de domaine contenant le terme ‘indigo’ dont est titulaire la société INFRA PARK, sous astreinte de 1000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, et notamment les noms domaines suivants : www.parkindigo.fr, www.parkindigo.com, www.indigopark.com, www.indigopark.info, www.indigo-park.com, www.indigo-park.biz, www.indigo-park.info, www.indigo-park.net, www.indigo-park.org, www.indigo-park.eu, www.parkindigo.info, www.parkindigo.net, www.parkindigo.org, www.parkindigo.eu, www.park-indigo.fr, www.park-indigo.com, www.park-indigo.biz, www.park-indigo.info, www.park-indigo.net, www.park-indigo.org, www.park-indigo.eu,
de dire que l’arrêt à intervenir sera inscrit au Registre National des Marques à l’INPI sur demande du greffe ou à l’initiative de la partie la plus diligente,
d’interdire à la société INFRA PARK directement ou indirectement, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, l’usage de la dénomination ‘INDIGO’ seule ou en combinaison de nature à engendrer un risque de confusion avec la marque précitée, pour désigner des produits et services identiques ou similaires à ceux visés dans le libellé de la marque ‘INDIGO’ n°3062651 et ce, sous astreinte définitive de 1 000 € par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
de dire que toute reproduction et/ou imitation de la marque ‘INDIGO’ n°3062651 en rapport avec les services similaires à ceux visés dans le libellé de la marque antérieure constitue une contrefaçon,
de dire qu’elle dispose de droits antérieurs à titre d’enseigne sur la dénomination ‘INDIGO’,
de dire que la société INFRA PARK en utilisant la dénomination ‘ INDIGO’ à titre d’enseigne, dans sa documentation commerciale et sur internet, a usurpé son enseigne,
de la condamner à lui verser la somme globale de 30 000 € à titre de dommages et intérêts, quitte à parfaire, en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte à l’enseigne ‘INDIGO’,
d’interdire à la société INFRA PARK directement ou indirectement, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, l’usage de la dénomination ‘INDIGO’ seule ou en combinaison de nature à engendrer un risque de confusion avec l’enseigne ‘INDIGO’, sous astreinte définitive de 1 000 € par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
de dire que toute reproduction et/ou imitation de l’enseigne pour désigner des services identiques ou similaires aux campings constitue une usurpation de l’enseigne ‘INDIGO’,
de l’autoriser à faire procéder à la publication de l’arrêt à intervenir dans 5 journaux ou revues de son choix, aux frais avancés de la société INFRA PARK, le coût global des publications à sa charge ne pouvant excéder la somme de 80 000 € H.T. et ce, au besoin, en tant que complément de dommages et intérêts,
de l’autoriser à faire procéder à la publication par extrait de l’arrêt à intervenir sur la page d’accueil des sites internet www.infraparkgroup.com, www.parkindigo.fr et www.parkindigo.com et aux frais de la société INFRA PARK de façon parfaitement lisible pour l’internaute pendant une durée d’une année à compter de la notification de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 1000, 00 € par jour de retard,
d’ordonner ‘l’exécution provisoire’ de l’arrêt à intervenir,
de condamner la société INFRA PARK à lui verser la somme globale de 15 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et à lui rembourser les frais des constats d’huissier dressés le 10 décembre 2015 par la SCP SIMONIN-LE MAREC-GUERRIER pour un montant de 909, 20 € et le 14 décembre 2015 par la SELARL [A] Huissier de Justice à Amboise pour un montant de 320, 36 €, soit un total de : 1229, 56 €.
Dans ses dernières conclusions numérotées 2, transmises par RPVA le 10 février 2017, la société INFRA PARK sollicite :
la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et le débouté de la société HUTTOPIA de son appel,
sa condamnation à lui payer la somme de 22 500 €, sauf à parfaire, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 avril 2017.
MOTIFS DE L’ARRÊT
Considérant qu’en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées ;
Sur la demande de la société HUTTOPIA de nullité du jugement
Considérant que la société HUTTOPIA sollicite, au visa de l’article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’annulation du jugement en invoquant le défaut de prise en compte par le tribunal de ses dernières écritures signifiées le 27 janvier 2016, constitutif, selon elle, d’une violation du principe contradictoire et de son droit à bénéficier d’un procès équitable ;
Considérant qu’il est constant que le jugement entrepris ne mentionne pas les dernières conclusions transmises par la société HUTTOPIA le 27 janvier 2016, par lesquelles elle répliquait aux conclusions signifiées en défense par la société INFRA PARK le 22 janvier 2016, et ne vise que son assignation à jour fixe, en date du 29 décembre 2015 ;
Que cependant la société HUTTOPIA précise que ses dernières écritures du 27 janvier 2016 visaient à apporter des éléments complémentaires relatifs à la similarité des services et à l’appréciation du risque de confusion ; que l’affaire a été suivie en première instance selon la procédure à jour fixe prévue aux articles 788 et suivants du code de procédure civile, qui est pour partie gouvernée par le principe de l’oralité des débats (article 792 du code de procédure civile) ; que la société HUTTOPIA ne conteste pas avoir pu exposer oralement son argumentation lors de l’audience du tribunal ; qu’il ne peut donc être déduit de la seule absence de visa par le tribunal des dernières écritures de la demanderesse que les éléments qu’elles contenaient n’ont pas été pris en compte par les premiers juges dans leur décision ;
Qu’en tout état de cause, la cour, saisie du litige en son entier par l’effet dévolutif de l’appel, statuera, au fond, sur l’ensemble des prétentions et moyens que lui soumettent les parties, la société HUTTOPIA ayant le loisir de produire, en cause d’appel, tous les éléments – moyens et pièces – qu’elle estime utiles à la défense de ses intérêts ;
Qu’il y a lieu, dans ces conditions, de rejeter la demande en nullité du jugement présentée par la société HUTTOPIA ;
Sur la demande de la société HUTTOPIA de nullité des procès-verbaux de constat d’huissier dressés les 30 janvier et 9 février 2017 à la demande de la société INFRA PARK
Considérant que la société HUTTOPIA poursuit l’annulation de deux procès-verbaux de constat dressés à la demande de la société INFRA PARK sur ses parcs de [Localité 4] et d'[Localité 5], respectivement les 30 janvier et 9 février 2017, arguant que ces constats ne contiennent aucune constatation matérielle et ont été établis en présence d’employés de la société requérante, ce qui est de nature à jeter un doute sur leur caractère objectif ; qu’elle demande, à tout le moins, que ces procès-verbaux soient jugés dénués de force probante ;
Considérant que les constats d’huissier établis à la requête de la société INFRA PARK sur les lieux de deux de ses parkings à [Localité 4] et à [Localité 5] (pièces 63 et 66 de l’intimée) relèvent des prérogatives des huissiers de justice, lesquels peuvent, selon les termes de l’article 1 § 2 de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice, ‘commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter’ ; que le constat de l’absence de panneau comportant le nom commercial INDIGO sur des aires de stationnement gérés par la société INFRA PARK relève, contrairement à ce qui est soutenu, d’une constatation matérielle ;
Que la circonstance que ces deux procès-verbaux aient été établis en présence de salariés de la société INFRA PARK, qui découle du fait que les constats ont été effectués sur des parkings exploités par cette société, n’est pas de nature, en soi, à altérer leur validité et entraîner leur annulation ;
Que la demande de nullité de la société HUTTOPIA relève en réalité de l’examen de la force probante ou de la pertinence des éléments de preuve produits par son adversaire, ce qui sera apprécié ci-après, lors de l’examen au fond des faits allégués ;
Qu’il ya lieu, en conséquence, de rejeter la demande de nullité des procès-verbaux de constat d’huissier dressés les 30 janvier et 9 février 2017 ;
Sur la contrefaçon de la marque verbale française ‘INDIGO’ n° 3062651 de la société HUTTOPIA
Considérant que la société HUTTOPIA soutient que l’exploitation par la société INFRA PARK de la dénomination ‘INDIGO’ à titre d’enseigne et de marque dans la vie des affaires, pour désigner des aires d’accueil pour camping-cars et, de manière plus générale, des services de stationnement payants et des parkings, soit pour offrir à la clientèle des services identiques ou au moins similaires à ceux visés par le dépôt de sa propre marque, constitue la contrefaçon de cette marque par reproduction ou, à tout le moins, par imitation au sens des articles L. 713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Que la société INFRA PARK répond que la société HUTTOPIA ne caractérise pas l’identité des signes et se méprend dans l’appréciation de l’identité et de la similarité des services en comparaison, faisant valoir, sur ce dernier point, que l’activité de camping de la société HUTTOPIA n’est pas identique ni même similaire, fût-ce par complémentarité, à l’activité de location de places de stationnement qui est la sienne, cette activité concernerait elle des camping-cars ;
Considérant que l’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose : ‘Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : “formule, façon, système, imitation, genre, méthode”, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement’ ;
Que l’article L.713-3 du même code dispose :’Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public :
a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ;
b) L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement’ ;
Considérant que c’est à juste raison que le tribunal a estimé que les services en comparaison ne sont pas identiques et que, par conséquent, la contrefaçon par reproduction de marque, au sens de l’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle n’est pas caractérisée ;
Qu’en effet, la marque antérieure revendiquée est déposée pour le service de’camping (exploitation de terrains de camping)’ ; que, comme le tribunal l’a retenu, le camping est, aux termes de la définition du dictionnaire historique de la langue française LE [L] produit en première instance par la société HUTTOPIA, une ‘activité qui consiste à vivre en plein air sous la tente ou dans une caravane’ et, selon WIKIPEDIA, ‘une activité touristique qui consiste à rester au même endroit sous une tente, une caravane ou un camping-car’ ; que, par ailleurs, la société INFRA PARK rapporte utilement que, selon l’INSEE, les services de’campings (exploitation de terrains de campings)’ constituent une catégorie d’hébergement qui comprend la ‘mise à disposition de lieux d’hébergement dans des terrains de camping, des parcs pour caravanes, des camps de loisirs et des camps de chasse et de pêche pour des séjours de courte durée ainsi que la mise à disposition d’installations et d’espaces destinés aux véhicules de loisirs’, la ‘mise à disposition d’installations et d’espaces destinés aux véhicules de loisirs’ s’entendant de ‘la fourniture d’un hébergement, combinée à des services de restauration, de loisirs ou de formation dans le cadre d’une offre ‘tout compris’, dans un camp destiné à des adultes, des adolescents ou des enfants’ ;
Que la société INFRA PARK exploite, notamment sous ses cinq marques précitées et l’enseigne INDIGO, un réseau de parkings de stationnement, dont certains sont également destinés aux camping-cars ; que selon la définition de l’INSEE, les services de stationnement comprennent les services des aires de stationnement, des parcs de stationnement et des garages, couverts ou non ;
Que deux produits ou services sont identiques lorsque les certificats d’enregistrement des deux marques énumèrent les mêmes produits ou services ou, en l’absence de dépôt par le contrefacteur, quand les produits ou services ont la même nature, remplissent la même fonction et s’adressent a même public ;
Que le tribunal a exactement estimé que les services de stationnement, qui consistent principalement à assurer le garage de véhicules pour une courte durée, ne sont pas identiques à ceux de camping qui consistent en un service d’hébergement temporaire à vocation touristique et que si les campings proposent généralement des parkings destinés au garage des véhicules de la clientèle qui séjourne en camping, ces parkings ne constituent qu’un service accessoire, à l’instar des parkings d’hôpitaux ou de salles de cinéma, de sorte que les campings ne peuvent être qualifiés de catégorie générale englobant les parkings ;
Que la société HUTTOPIA observe que le stationnement sur un camping constitue la prestation elle-même et que le forfait facturé à l’utilisateur d’un camping comprend le droit d’installer un équipement (tente, caravane ou camping-car) mais aussi un véhicule ; que cependant, l’utilisateur recourt aux prestations d’un camping, non pas pour y stationner son véhicule, mais bien pour y installer un équipement (tente, caravane ou camping-car) dans lequel il va pouvoir séjourner, le stationnement du véhicule avec lequel il s’est rendu dans le camping n’étant qu’accessoire, même s’il peut être payant ; qu’à l’inverse, l’utilisateur d’un parking ne séjourne pas dans le véhicule qu’il est venu y garer, ce qui lui est d’ailleurs habituellement interdit ;
Que la société HUTTOPIA objecte encore, à juste raison, qu’il est fréquent d’utiliser un parking pour une longue durée et qu’inversement, certains campings sont utilisés pour une très courte durée, certains clients n’y passant qu’une nuitée et que, par ailleurs, la dimension touristique n’est pas absente des services de parking puisque des touristes y recourent lors de leurs visites ou séjours et que des personnes peuvent être en séjour dans des campings urbains sans être pour autant des touristes ; qu’il reste cependant que l’activité de camping recouvre, au-delà de la seule location d’un espace, la notion de séjour comprise dans les définitions précitées du dictionnaire
LE [L] et du site WIKIPEDIA et aussi celle d’hébergement visée dans la définition de l’INSEE précitée ; qu’elle recouvre même celle d’hôtellerie de plein-air ainsi qu’il ressort de la brochure ‘Des campings pour camper – Campings INDIGO’ édition 2016 de la société HUTTOPIA qui annonce pour les campings de [Localité 2] et de [Localité 6] : ‘Séjournez comme à l’hôtel’ et du site www.camping-indigo.com qui propose de nombreux services nécessaires à l’hébergement des campeurs (piscine ou plage, équipements pour loisirs sportifs (terrain de pétanque, de volley, tables de ping-pong), ateliers destinés aux enfants, organisation d’animations (tournois de pétanque, de jeux de société, des grandes journées ‘Jeux Indigo’, soirées ‘où riment simplicité, partage et convivialité’), ‘dîners partage’, boutique proposant des articles de camping, espace de vie pour boire un café, lire un livre dans le coin bibliothèque ou emprunter un jeu de société, restauration rapide avec la présence d’un ‘Pizza-grill ou d’une roulotte-snack’, espace épicerie de dépannage, espace laverie avec lave-linge et sèche-linge) ;
Que les notions de séjour et d’hébergement sont absentes des services de parkings et plus généralement des services de stationnement payants ;
Qu’elles sont également absentes des services d’accueil pour camping-cars que propose la société INFRA PARK aux Sables d’Olonnes, à [Localité 5], à [Localité 7] ou à [Localité 4] ; que selon la plaquette ‘Les aires d’accueil de camping-cars – Guide à destination des porteurs de projets’ (pièce 30 de la société intimée), les services ainsi proposés permettent seulement l’installation des véhicules et la possibilité pour les camping-caristes de passer un bref moment (‘la nuit ou une partie de la journée’) en proposant, le cas échéant, des facilités de maintenance (vidange des eaux usées, ravitaillement en eau et électricité) et n’ont donc pas la même nature, la même fonction ou la même destination que les campings, même si cet accueil peut être proposé, comme le promet la même plaquette ‘dans un espace sécurisé, confortable et agréable’ ; que la société INFRA PARK fournit un extrait du code du comportement de la Fédération française des associations et clubs de camping-cars (sa pièce 55) qui, à la rubrique ‘Stationnement et accueil’, indique que ‘l’utilisation des camping-cars, comme habitation en centre urbain comme sur tout domaine public, doit se faire en respectant les règles du stationnement, sans déballage à l’extérieur (stores, tables, chaises, linge etc’) afin d’éviter toutes nuisances pour les riverains’, ce qui montre que l’utilisation d’un camping-car sur un camping est très différente de l’utilisation d’un tel véhicule sur une aire d’accueil ; qu’en outre, les procès-verbaux de constat d’huissier versés aux débats par la société INFRA PARK concernant les aires de stationnement pour camping-cars des Sables d’Olonnes, de [Localité 7] et d'[Localité 5] et de [Localité 4] font apparaître des lieux qui ressemblent à des parkings (bandes blanches délimitant des espaces de stationnement contigus sur des surfaces bitumées, caisses de paiement automatique à l’entrée des aires de stationnement), nonobstant la présence de végétations et d’une aire de jeux sur l’aire d'[Localité 5] révélée par le procès-verbal produit par la société HUTTOPIA dressé le 14 décembre 2015 (sa pièce 8 bis) ; que si ce procès-verbal montre le mot INDIGO sur un unique panneau apposé sur un portail et portant l’inscription ‘ATTENTION : Ouverture et fermeture automatique du portail’, les procès-verbaux versés aux débats par l’intimée font état de l’absence de toute autre mention INDIGO sur les caisses automatiques, panneaux signalétiques ou équipements de ces quatre aires de stationnement pour camping-cars ; que la circonstance que ces aires de stationnement pour camping-cars soient soumises à la réglementation des terrains de campings prévue aux articles L.443-1 et suivants et R. 443-1 et suivants du code de l’urbanisme, ce qui implique en particulier qu’elles doivent faire l’objet d’une déclaration préalable et qu’au-delà d’une certaine capacité d’accueil, elles sont soumises à un permis d’aménager, est sans emport quant à l’absence d’identité des services en cause ;
Que les procès-verbaux de constat établis à la demande de la société INFRA PARK sur les aires de stationnement pour parking-cars de [Localité 4] et à [Localité 5] (pièces 63 et 66 de l’intimée) ne sont pas dénuées de force probante au seul motif que des salariés de la société intimée étaient présents sur les lieux au moment des constatations des huissiers de justice, lesquelles, en application l’article 1er de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, font foi jusqu’à preuve contraire ; que la société HUTTOPIA ne démontre pas la fausseté des constations contenues dans ces deux procès-verbaux et, au demeurant, produit elle-même un constat d’huissier du 14 décembre 2015, concernant le parking exploité par la société INFRA PARK à [Localité 5], qui est pris en compte par la cour (sa pièce 8 bis) ;
Qu’il est indifférent pour l’appréciation de l’identité des services en cause que la société INFRA PARK noue des partenariats avec l’industrie hôtelière en proposant des tarifs préférentiels dans ses parkings pour les hôteliers ne disposant pas d’une zone de stationnement pour leurs clients, la prestation offerte à cette occasion n’étant qu’une prestation de parking distincte de celle d’hôtellerie, même si cette prestation peut être améliorée pour des hôtels prestigieux de type de ceux des chaînes SHERATON, HYATT, FOUR SEASONS ou HILTON, pouvant alors inclure des services de ‘groom, portier, voiturier, concierge ou service de transport’ (pièce 42 de la société HUTTOPIA) qui, en définitive, se rapportent tous à l’activité de garage de voitures ; qu’il est également indifférent que la société INFRA PARK propose des parkings végétalisés en ville, ce qui ne suffit pas à conférer à ces parkings la nature d’un service de camping ;
Qu’il sera encore relevé que l’utilisateur d’un camping paye une taxe de séjour due par personne et par nuitée alors que l’utilisateur d’un parking ou d’une aire de stationnement pour camping-cars doit s’acquitter d’un prix, par véhicule garé, proportionnel au temps passé, et ce, dès la première heure ou demi-heure ;
Que pour l’ensemble de ces raisons, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a retenu que les services en comparaison ne sont pas identiques et jugé qu’en conséquence, la contrefaçon par reproduction de la marque ‘INDIGO’ n° 3062651 de la société HUTTOPIA n’était pas constituée ;
Considérant que c’est également à juste raison que le tribunal a estimé que les services en comparaison ne sont pas similaires et que, par conséquent, la contrefaçon par imitation de marque, au sens de l’article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle n’est pas davantage caractérisée ;
Qu’en effet, pour apprécier la similitude entre des produits ou services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents, notamment de leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire ;
Qu’en l’espèce, comme il a été dit, les services de stationnement qui consistent à assurer le garage d’un véhicule pour une courte durée ne sont pas de même nature et n’ont pas la même fonction ou destination que les services de camping qui consistent en un hébergement temporaire à vocation touristique ;
Que le tribunal a pertinemment relevé que leur utilisation est différente en ce que le camping assure un véritable accueil dans un environnement soigné, le plus souvent arboré, et propose des services associés (boutiques, lieux de restauration, location de matériel de camping et de vélos…) – ainsi que le confirme la plaquette ‘Les services’ des campings INDIGO -, destinés à contribuer au bon séjour d’une clientèle principalement composée de vacanciers, alors que les parkings ou parcs de stationnement, tels ceux exploités par la société INFRA PARK, proposent des espaces bitumés strictement aménagés pour le stationnement, généralement de courte durée, des véhicules ;
Que comme le tribunal l’a retenu, les services en comparaison ne sont pas complémentaires ; qu’il n’existe pas, en effet, de lien étroit et obligatoire entre les services de parking et ceux de camping, même si les campings proposent généralement et à titre accessoire des places de parking à leurs clients afin de leur permettre de garer leurs véhicules pendant la durée de leur séjour, alors que les services de stationnement offerts par la société INFRA PARK, y compris ceux destinés aux camping-cars comme il a été exposé supra, ne comprennent aucune prestation de camping ;
Que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a retenu qu’en l’absence de similarité des services, la contrefaçon par imitation de la marque ‘INDIGO’ n° 3062651 de la société HUTTOPIA n’était pas constituée ;
Sur la nullité des marques ‘INDIGO’ n° 15 4 187 612, ‘INDIGO’ n° 15 4 187 613, ‘INDIGO’ n° 08 3 589 262, ‘IND’GO’ n° 15 4 155 415 et ‘INDIGO’ n° 15 4 155 412 de la société INFRA PARK
Considérant que la société HUTTOPIA, au visa de l’article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, poursuit l’annulation partielle des cinq marques dont la société INFRA PARK est titulaire, qui ont été déposées postérieurement à sa propre marque ‘INDIGO’ n° 3062651, et qui, selon elle, lui portent atteinte ; qu’elle fait valoir que les produits et services visés par ces cinq marques sont complémentaires et parfaitement similaires aux services visés dans le libellé de sa marque antérieure ;
Que la société INFRA PARK oppose que la société HUTTOPIA n’établit pas la similarité entre les produits et services visés par ses cinq marques et les services de la marque antérieure ;
Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a estimé que les cinq marques de la société INFRA PARK ne portaient pas atteinte à la marque verbale antérieure ‘INDIGO’ n° 3062651 de la société HUTTOPIA, les produits et services en comparaison n’étant pas similaires, et qu’il a, en conséquence, débouté la société HUTTOPIA de ses demandes en nullité partielle de ces marques ;
Que la jugement déféré sera confirmé sur ce point ;
Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire résultant de l’atteinte portée à l’enseigne de la société HUTTOPIA
Considérant que la société HUTTOPIA soutient que la société INFRA PARK commet à son préjudice des actes de concurrence déloyale et parasitaire en portant atteinte à l’enseigne INDIGO qu’elle utilise sur l’ensemble du territoire national et de façon intensive pour son offre de services dans le domaine du camping, aussi bien à l’entrée de ses campings que sur sa documentation commerciale et sur son site internet, permettant ainsi à ses clients d’identifier ses services, par l’usage du terme INDIGO à l’entrée de ses parkings, sur toute la signalétique ainsi que sur ses sites internet ; qu’elle fait valoir que de simples différences de graphisme entre les enseignes ne permettent pas d’écarter le risque de confusion et d’association entre les signes pour un consommateur moyennement attentif qui n’a pas les signes en même temps sous les yeux et que le risque de confusion est accru par la parfaite identité phonétique, visuelle et conceptuelle des signes en présence et par la proximité de campings INDIGO et de parkings INDIGO en plusieurs endroits du territoire ; qu’elle ajoute que le choix de nombreux noms de domaine reprenant le mot INDIGO constitue également une source de confusion ;
Que la société INFRA PARK répond que la demande de la société HUTTOPIA doit être rejetée pour défaut de caractérisation d’acte distinct, que l’appelante ne démontre pas ses droits sur l’enseigne INDIGO, que l’exploitation de la dénomination INDIGO qu’elle même réalise sur internet l’est à titre de marque et non d’enseigne ; qu’elle précise que la protection géographique de l’enseigne ne s’étend au territoire national que si l’enseigne a acquis un rayonnement sur l’ensemble de ce territoire qui n’est en l’espèce pas démontré, de sorte que la protection au titre de l’enseigne est limitée géographiquement, et qu’en l’espèce aucun parking INDIGO ne voisine un camping ; qu’elle ajoute qu’il n’y a pas de confusion possible entre les deux enseignes, d’autant qu’elles s’appliquent à des services différents ;
Considérant que la concurrence déloyale, comme le parasitisme, trouve son fondement dans l’article 1240 (anciennement 1382) du code civil, qui dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ;
Que ces deux notions devant être appréciées à l’aune du principe de la liberté du commerce, ne sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale que des comportements fautifs, tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, ou ceux, parasitaires, qui consistent à s’immiscer dans le sillage d’autrui afin de profiter, sans bourse délier, de ses efforts, de ses investissements et de son savoir-faire ;
Considérant, en l’espèce, que, contrairement à ce que soutient la société intimée, la société HUTTOPIA, en invoquant l’atteinte portée à l’enseigne INDIGO qu’elle utilise pour son offre de services dans le domaine du camping, résultant, d’une part, de l’usage par la société INFRA PARK du même terme INDIGO pour son offre de parkings, et notamment d’aires de stationnement pour camping-cars et, d’autre part, du choix par cette dernière de noms de domaine reprenant ce terme INDIGO, invoque des faits distincts de ceux relatifs à la contrefaçon prétendue de sa marque antérieure ‘INDIGO’ n° 3062651 ;
Que les pièces versées aux débats par les parties (notamment, extraits sites internet www.camping-indigo.com, brochures commerciales de la société HUTTOPIA, photographies des campings INDIGO fournies par la société HUTTOPIA (sa pièce 39) et la société INFRA PARK (pièce 32) montrant l’enseigne sur des panneaux signalétiques à l’entrée des campings) établissent les droits de la société HUTTOPIA sur l’enseigne INDIGO, constituée d’un carré vert au sein duquel la mention ‘CAMPINGS INDIGO !’ est écrite sur trois lignes CAMPINGS/ INDI / GO ! ;
Qu’il n’est pas contesté que la société HUTTOPIA dispose d’un réseau de campings présent sur tout le territoire national et qu’elle communique à l’aide de ses documents commerciaux et sites internet au moins sur la France entière, de sorte qu’il peut être admis que l’enseigne invoquée bénéficie d’une protection au plan national ;
Considérant qu’il ressort de nombreuses pièces versées au dossier que la société INFRA PARK exploite ses parkings au moyen de l’enseigne INDIGO, largement présente sur les panneaux signalétiques à l’entrée des parkings, sur les panneaux indicateurs des tarifs ou les panneaux d’orientation au sein des parkings, ainsi que sur ses sites internet, étant rappelé que l’usage du signe INDIGO n’est toutefois pas établi pour les aires de stationnement pour camping-cars excepté celui d'[Localité 5] ; qu’il est constant que la société INFRA PARK a, par ailleurs, réservé une vingtaine de noms de domaine contenant le mot ‘park’ ;
Considérant que, comme le tribunal l’a retenu, ces faits n’ont pas de caractère fautif, dès lors que le risque de confusion allégué n’est pas établi en raison, d’une part, de l’absence de similarité entre les services de parkings, y compris ceux concernant les aires d’accueil ou de stationnement pour camping-cars, et les services de campings et, d’autre part, des différences visuelles prédominantes existant entre i) l’enseigne de la société HUTTOPIA, constituée d’un carré vert au sein duquel la mention ‘CAMPINGS INDIGO !’ est écrite sur trois lignes, les termes ‘CAMPINGS’, ‘INDI’ et ‘GO !’ étant ainsi superposés, le point d’exclamation final évoquant un jeu de mot, absent de l’enseigne de la société INFRA PARK, invitant les campeurs à se rendre dans les campings exploités par la société HUTTOPIA (‘GO !’) et ii) celle de la société INFRA PARK qui est écrite sur une seule ligne en violet (pour les 5 premières lettres) et en rose (pour la lettre O), cette lettre ‘O’ finale ayant une pointe vers le bas ; que les différences entre les services et entre les signes ainsi relevées sont de nature à exclure tout risque de confusion pour un consommateur moyennement attentif, nonobstant la présence, dans plusieurs régions ou villes de France (Loir et Cher, Charente-Maritime, [Localité 2], [Localité 6]…), à la fois d’un camping exploité par la société HUTTOPIA et de parkings de la société INFRA PARK ;
Que, par ailleurs, les noms de domaine de la société INFRA PARK contiennent tous, sans exception, le terme ‘park’ – absent de l’enseigne ‘CAMPINGS INDIGO !’ de la société HUTTOPIA -, placé avant ou après le terme ‘indigo’ et qui renvoie aux services de parking, ce qui permet d’écarter le risque de confusion allégué ;
Qu’il sera ajouté que la société HUTTOPIA ne justifie pas, ni même n’explicite, en quoi la société INFRA PARK, qui bénéficie d’une notoriété certaine, aurait, en utilisant l’enseigne INDIGO ou ses noms de domaine pour ses parkings, indûment tiré profit des investissements réalisés pour son enseigne ‘CAMPINGS INDIGO !’, lesquels sont insuffisamment établis par son seul document ‘Dépenses liées à INDIGO’ (pièce 28) ;
Considérant qu’en conséquence le jugement sera également confirmé en ce qu’il a débouté la société HUTTOPIA de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;
Sur la publication de l’arrêt
Considérant que le sens de la présente décision conduit à rejeter les demandes de la société appelante relatives au prononcé de mesures de publication ;
Sur l’exécution provisoire
Considérant que la demande d’exécution provisoire est sans objet devant la cour d’appel ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Considérant que la société HUTTOPIA qui succombe en son recours sera condamnée aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées ;
Que la somme qui doit être mise à la charge de la société HUTTOPIA au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société INFRA PARK peut être équitablement fixée à 10 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Rejette les demandes de la société HUTTOPIA en nullité du jugement déféré et en nullité des procès-verbaux de constat d’huissier dressés les 30 janvier et 9 février 2017 à la demande de la société INFRA PARK,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Rejette les demandes de la société HUTTOPIA relatives à la publication de cette décision,
Condamne la société HUTTOPIA aux dépens d’appel ainsi qu’au paiement à la société INFRA PARK de la somme de 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LE PRÉSIDENTLE GREFFIER