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20 décembre 2019
Cour d’appel de Paris
RG n°
17/20743
Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 11
ARRÊT DU 20 DÉCEMBRE 2019
(n° , 31 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/20743 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B4N3Y
Décision déférée à la cour : Jugement du 16 Octobre 2017 -Tribunal de commerce de PARIS – RG n° 2015068804
APPELANTE
SA TEL AND COM,
prise en la personne de ses représentants légaux
Ayant son siège social [Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
immatriculée au registre du commerce et des sociétés de LILLE sous le numéro 419 782 883
représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480,
assistée de Me Dominique HEINTZ, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : R188
INTIMÉE
SA BOUYGUES TÉLÉCOM,
prise en la personne de ses représentants légaux
Ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 1]
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 397 480 930
assistée de Me François DUPUY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : B0873
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’ article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Octobre 2019, en audience publique, devant la cour, composée de :
Mme Françoise BEL, Présidente de chambre,
Mme Agnès MARCADÉ, Conseillère,
Mme Estelle MOREAU, Conseillère,
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l’audience par Madame [J] [W] dans les conditions de l’article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL.
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Mme Françoise BEL, Président et par Mme Saoussen HAKIRI, greffier, présent lors de la mise à disposition.
Faits procédure prétentions et moyens des parties :
La société Tél and Com est une société ayant pour activité la commercialisation des offres de téléphonie, des mobiles et accessoires de téléphones et des accès internet. Elle dispose d’un réseau national à son enseigne.
La société Bouygues Télécom est une filiale du groupe Bouygues ayant pour activité la commercialisation d’offres téléphoniques.
Selon les éléments produits par les parties, entre 1999 et 2002, les relations commerciales entre la société Bouygues Télécom et la société Tél and Com se sont inscrites dans le cadre d’un accord se limitant à des conditions générales de distribution standard sans contrepartie spécifique et générant un chiffre d’affaires limité.
Le 16 octobre 2001, la société Tél and Com et la société Bouygues ont formalisé un contrat de collaboration commerciale devenu les ‘conditions particulières de distribution’ ci-après CPD.
Le 3 avril 2002 elles ont conclu un contrat de distribution « Grand Public » , ci- après CGD, afin de distribuer les offres téléphoniques de la société Bouygues dans des réseaux de magasins indépendants multi- opérateurs.
Le 17 février 2003, un avenant n°1 au CGD a été signé par lequel la société Tél and Com s’obligeait à des objectifs quantitatifs.
Un contrat de distribution a été signé le 1er avril 2005 suivi d’un avenant le 9 septembre 2005, prenant effet le 1er janvier 2006.
Les parties ont signé un protocole d’accord commercial entré en vigueur le 1er janvier 2006 jusqu’au 31 décembre 2010, puis des CGD conclues pour une durée déterminée, entrées en vigueur le 1er janvier 2010 pour se terminer le 31 décembre 2011, avec renouvellement tacite aux mêmes conditions par période de douze mois, sans formalité, assortie d’une faculté de résiliation.
Le 15 avril 2011, de nouvelles CPD ont été conclues avec une entrée en vigueur rétroactive au 1er janvier 2011 pour se terminer le 31 décembre 2013.
Le 11 avril 2012, les parties ont signé un avenant n°1 aux CPD aux termes duquel la société Bouygues Télécom renonçait au remboursement de l’avance normalement dû par la société Tél and Com pour la non- atteinte de son palier annuel net de 22 000 clients et acceptait de lui régler sa rémunération.
Il s’en est suivi au mois d’avril 2012 une demande de la société Bouygues de modifier le contrat de CPD , à la suite duquel les parties sont entrées en négociations.
Aucun accord n’ayant pu être trouvé, la société Bouygues Télécom a fait connaître à la société Tél and Com par courrier en date du 27 novembre 2012 sa décision de ne pas reconduire à l’identique ses conditions de distribution CPD au delà du 31 décembre 2013.
De nouvelles négociations entre les parties n’ayant pas permis de concilier les points de vue, la société Bouygues Télécom a informé la société Tél and Com par lettre en date du 3 avril 2013 de l’absence de renouvellement à échéance soit le 31 décembre 2013, des CGD, tout en confirmant la cessation des relations commerciales au titre des CPD dont le préavis courait depuis le courrier du 27 novembre 2012.
Reprochant à la société Bouygues Télécom d’avoir bénéficié d’un préavis insuffisant eu égard à l’ancienneté de leurs relations et à la dépendance économique dans laquelle elle estimait se trouver, la société Tél and Com a, par acte en date du 10 novembre 2015 assigné la société Bouygues Télécom devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir indemniser des préjudices qu’elle estime avoir subis de l’insuffisance de préavis, et d’autres demandes au titre des obligation s contractuelles.
La société Bouygues Télécom s’y est opposée soutenant la délivrance de préavis suffisants, l’absence de dépendance économique, l’absence de manquements à ses obligation s contractuelles et formant des demandes reconventionnelles.
Par jugement dont appel du 16 octobre 2017 assorti de l’exécution provisoire , le tribunal de commerce de Paris a dit que la SA Bouygues Télécom et la SA Tél and Com se trouvaient en relations commerciales établies au sens de l’article L 442 6 I 5° du code de commerce , ayant duré environ 16 ans au 31 décembre 2013, date de leur cessation, dit que le préavis de 13 mois accordé par la SA Bouygues Télécom à la SA Tél and Com au titre du contrat CPD était d’une durée suffisante ; dit qu’en accordant un préavis limité à 9 mois avant de mettre un terme à la convention CGD, la SA Bouygues Télécom a engagé sa responsabilité ; a condamné la SA Bouygues Télécom à verser à la SA Tél and Com, à titre de dommages intérêts la somme arrondie à 4.500.000 euros au titre de insuffisance de préavis ; condamné la SA Bouygues Télécom à verser à la SA Tél and Com la somme de 2.970.810,62 euros au titre des stocks restitués ; condamné la SA Tél and Com à verser à la SA Bouygues Télécom la somme de 6.087.640 euros au titre des avances de trésorerie, condamné la SA Tél and Com à verser à la SA Bouygues Télécom la somme de 3.020.234 euros au titre des remboursements sur primes d’ouverture, condamné la SA Bouygues Télécom à restituer à la SA Tél and Com la somme de 270.000 euros au titre de reprise de commissions non justifiées, débouté des demandes plus amples et contraires, prononcé la compensation judiciaire; laissé à la charge de chacune des parties les frais exposés au titre de la présente procédure; condamné la SA Tél and Com aux dépens.
Le tribunal de commerce a jugé que les sociétés se trouvaient en relations commerciales établies au sens de l’article L. 442 6 l 5° du code de commerce depuis la relation d’affaire qui a débuté dès la création de la société Tél and Com et que ces relations ont duré environ 16 ans au 31 décembre 2013, date de leur cessation.
Le tribunal a également jugé que compte tenu des négociations qui ont suivi le courrier RAR intitulé “Renégociation des conditions particulières signées le 15 avril 2011 et point de départ du préavis” et par lequel la société Bouygues Télécom a pris acte de la divergence des parties sur la possibilité de faire évoluer le partenariat et fait connaître à la société Tél and Com sa décision de ne pas reconduire l’accord de distribution au delà de son terme contractuel, le préavis du contrat CPD a commencé le 27 novembre 2012 et aura duré 13 mois.
Le tribunal a également retenu que s’agissant du contrat de CGD le préavis avait commencé à courir le 3 avril 2013, date du courrier RAR intitulé : « Non renouvellement des conditions générales de distribution ventes assistées en points de ventes physiques enseignes « grand public ” et confirmation de la cessation des conditions particulières de distribution » par lequel la société Bouygues Télécom a fait connaître à la société Tél and Com sa décision de ne pas reconduire l’accord de distribution grand public ” au delà du 31 décembre 2013, son terme contractuel, a confirmé sa décision de résiliation des « conditions particulières ”, et a fait part de sa décision de délier son partenaire commercial de ses obligations en terme de parts de marché; de sorte que le préavis aura duré environ 9 mois.
Le tribunal de commerce a jugé que la société Tél and Com en choisissant de s’investir dès sa création dans le marché de la distribution téléphonie mobile, marché où seules 3 sociétés majeures opèrent ne pouvait ignorer qu’elle acceptait un risque entrepreneurial de dépendance économique, de sorte qu’elle s’était délibérément placée dans une situation de dépendance économique et qu’elle ne pouvait donc arguer de cette situation pour demander à bénéficier d’un préavis allongé d’autant qu’il n’était pas démontré par cette dernière que son partenaire économique lui aurait interdit une diversification.
Le tribunal de commerce a également jugé qu’eu égard à la durée de la relation commerciale de 16 ans la société Bouygues Télécom aurait dû respecter un préavis de 15 mois afin de permettre à son partenaire commercial de trouver des solutions alternatives pour son entreprise. Il a en conséquence considéré qu’ en n’accordant qu’un préavis limité de 13 mois avant de mettre un terme à la convention de CPD, et un préavis de 9 mois avant de mettre un terme à la convention CGD, la société Bouygues Télécom avait brutalement mis fin aux relations commerciales sans accorder un préavis suffisant, de sorte que sa responsabilité se trouvait engagée.
Le tribunal a rappelé que le préjudice indemnisable au titre des dispositions de l’article L. 442-6 I 5° du code de commerce se limitait au seul préjudice résultant d’une durée insuffisante de préavis et qu’il convenait en conséquence d’indemniser la société Tél and Com du préjudice subi résultant de sa perte de marge sur coûts variables pour l’insuffisance de préavis au titre de chacune de ses conventions. Le tribunal usant de son pouvoir d’appréciation a retenu un taux de marge sur coûts variables à 95 % du chiffre d’affaires HT et s’est fondé sur les seuls éléments financiers se rapportant à l’exercice 2013 (seul exercice pertinent pour le tribunal) pour apprécier la réalité du préjudice subi par la société Tél and Com.
Ainsi, s’agissant du préjudice résultant de l’insuffisance de préavis au titre de la convention CGD, le tribunal à octroyé des dommages intérêts d’un montant de 3.033.000 euros (532.000 euros x 6 x 95 %, soit le CAHT mensuel X nombre de mois X taux de marge sur coûts variables) en ayant relevé que le chiffre d’affaires HT 2013 réalisé par la société Tél and Com avec la société Bouygues Télécom au titre des CGD s’est élevé à 6.387.087 euros, soit un chiffre d’affaires HT mensuel moyen arrondi à 532.000 euros ;
S’agissant de l’indemnisation du préjudice résultant de l’insuffisance de préavis au titre de la convention CPD, le tribunal a relevé que le chiffre d’affaires HT 2013 réalisé par la société Tél and Com avec la société Bouygues Télécom au titre des CPD s’est élevé à 9.267.276 euros, soit un chiffre d’affaires HT mensuel arrondi à 772.000 euros ; le tribunal a en conséquence octroyé des dommages et intérêts d’un montant de 1.467.000 euros (772.000 euros x 2 x 95 %, soit le CA.HT mensuel X nombre de mois X taux de marge sur coûts variables).
En conséquence de ce qui précède, le tribunal a condamné la société Bouygues Télécom à verser à la société Tél and Com, à titre de dommages intérêts à la somme de 4.500.000 euros déboutant pour le surplus.
Le tribunal a par ailleurs débouté la société Tél and Com de ses demandes au titre de préjudices indirects liés à la rupture en jugeant que seuls les préjudices résultant de la brutalité de la rupture et non ceux en découlant étaient susceptibles d’être indemnisés.
De même, le tribunal a débouté la société Tél and Com de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture abusive formulées sur le fondement de l’article 1134 du code civil en ce que le principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ne permet au tribunal de recevoir ces demandes qui visent à réparer le même préjudice.
Le tribunal a également jugé s’agissant du manquement aux obligations contractuelles allégué par la société Tél and Com, qu’aucune disposition contractuelle n’avait imposé à la société Bouygues Télécom de permettre à son partenaire commercial de distribuer la totalité de son offre commerciale, de sorte qu’en conservant la distribution des forfaits B & You, la société Bouygues Télécom n’a pas contrevenu ni à ses obligations commerciales ni à ses obligations de loyauté contractuelle.
Le tribunal a condamné les sociétés Tél and Com et Bouygues Télécom aux sommes qu’elles reconnaissent se devoir mutuellement à savoir , la société Bouygues Télécom à verser à la société Tél and Com la somme de 2.970.810,62 euros au titre de la reprise des stocks et la société Tél and Com à verser à la société Bouygues Télécom la somme de 6.067.640 euros au titre des remboursements des avances de trésoreries consenties par la société Bouygues Télécom.
Le tribunal a fait droit à la demande de la société Bouygues Télécom s’agissant du remboursement de la somme de 3.020.234 euros TTC au titre du remboursement d’une partie des primes versées pour l’ouverture des points de vente de la société Tél and Com en application de l’article 5.3 des CPD en jugeant sur le fondement de l’article 1134 du code civil que cette demande était conforme à la nouvelle rédaction de l’article 5.3 des CGP et qu’il n’appartenait pas au juge de modifier les termes des accords contractuels.
Enfin, le tribunal a fait droit à la demande de la société Tél and Com de restitution d’une somme de 272.000 euros dont la société Bouygues Télécom a opéré unilatéralement le prélèvement des comptes entre les parties au 30 juin 2013 au motif que la société Tél and Com n’aurait pas observé les procédures d’activation , la société Bouygues Télécom ne rapportant pas la preuve d’une faute de la société Tél and Com justifiant cette écriture.
La société Tél and Com a interjeté appel du jugement par déclaration au greffe en date du 10 novembre 2017.
Vu les conclusions notifiées et déposées le 17 septembre 2019 par la société Tél and Com, aux fins de voir la cour:
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que Tél and Com et Bouygues Télécom ont été en relations commerciales établies pendant 16 années.
Infirmer le le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que Bouygues Télécom avait fait courir le préavis du contrat CPD le 27 novembre 2012.
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que Bouygues Télécom avait fait courir le préavis du contrat CGD le 3 avril 2013.
Constater, dire et juger que Bouygues Télécom a notifié par lettre du 3 avril 2013 un préavis à Tél and Com au 31 décembre 2013 pour la fin des relations commerciales.
Constater, dire et juger qu’au cours des pourparlers subséquents, Bouygues Télécom a entretenu le doute sur la poursuite des relations.
Constater, dire et juger qu’elle n’a levé cette ambiguïté que par lettre du 14 juin 2013.
Constater, dire et juger que le point de départ du préavis doit être fixé au 14 juin 2013.
Constater, dire et juger que les relations ont pris fin au 31 décembre 2013 du fait de Bouygues Télécom.
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que Bouygues Télécom aurait dû accorder à Tél and Com un préavis de 15 mois.
Constater, dire et juger que, compte-tenu de l’intensité des relations, de la situation de dépendance économique, du statut de courtier, de la notoriété de Bouygues Télécom , des possibilités de reconversion de Tél and Com et des entraves à cette reconversion résultant de Bouygues Télécom , Tél and Com aurait dû bénéficier d’un préavis de 30 mois.
Constater, dire et juger que Tél and Com s’est vue ainsi privée de 23,5 mois de préavis.
Constater, dire et juger que la brutalité de la rupture a privé Tél and Com d’une marge brute de 73 860 659,56 euros (au titre des relations commerciales établies) + 8 043 000 euros (au titre de la reconversion) = 81 903 659,56 euros.
Constater, dire et juger que Tél and Com a supporté des coûts supplémentaires causés par la brutalité de la rupture d’un montant de 39 713 614,12 euros.
En conséquence,
Débouter Bouygues Télécom de son appel incident visant à réduire la durée des relations et à l’infirmation du jugement en ce qu’il a condamné Bouygues Télécom à payer à Tél and Com une indemnité pour brusque rupture et au débouté des demandes d’indemnisation de Tél and Com.
Condamner Bouygues Télécom à payer à Tél and Com la somme de 121 617 273,68 euros (81 903 659,56 € + 39 713 614,12 €).
Subsidiairement,
Dans le cas où la Cour considérerait que le point de départ du préavis doit être fixé au 3 avril 2013,
Constater, dire et juger que Tél and Com s’est vue ainsi privée de 21 mois de préavis.
Constater, Dire et juger que la brutalité de la rupture a privé Tél and Com d’une marge brute de 66 003 142,59 euros (au titre des relations commerciales établies) + 8 043 000 € (au titre de la reconversion) = 74 046 142,59 euros.
Constater, dire et juger que Tél and Com a supporté des coûts supplémentaires causés par la brutalité de la rupture d’un montant de 39 713 614,12 €.
En conséquence,
Condamner Bouygues Télécom à payer à Tél and Com la somme de 113 759 756,71 euros (74 046 142,59 € + 39 713 614,12 €).
Subsidiairement,
Condamner Bouygues Télécom à payer à Tél and Com une provision de 20 millions d’euros et ordonner une expertise pour évaluer le préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies.
Constater, dire et juger que du fait de la commercialisation de l’offre B&YOU dont elle a été exclue, Tél and Com a été privée de primes de parc d’un montant 8 600 000 euros pour 2012 et 2013.
Condamner Bouygues Télécom à payer à Tél and Com la somme de 8 600 000 euros
Débouter Bouygues Télécom de ses demandes incidents.
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Bouygues Télécom à verser à Tél and Com la somme de 2 970 810,62 euros au titre de la reprise de stock.
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Tél and Com à verser à Bouygues Télécom la somme de 6 087 640 euros au titre d’une avance de rémunérations.
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Tél and Com à verser à Bouygues Télécom la somme de 3 020 234 euros au titre du remboursement de primes d’ouverture
Débouter Bouygues Télécom de cette demande.
Condamner Bouygues Télécom à rembourser à Tél and Com la somme de 3 020 234 euros
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Bouygues Télécom à verser à Tél and Com la somme de 270 000 euros au titre des procédures d’activation.
Condamner Bouygues Télécom à verser à Tél and Com la somme de 272 000 euros au titre des procédures d’activation.
Débouter Bouygues Télécom de toutes ses autres demandes.
Condamner Bouygues Télécom à restituer à Tél and Com la somme de 1.367.063,38 euros versée en exécution du jugement entrepris.
Ordonner la compensation.
Condamner Bouygues Télécom à payer à Tél and Com la somme de 500 000 euros au titre de l’article 700 du CPC au titre de la première instance et 150 000 euros au titre de la procédure d’appel.
Condamner Bouygues Télécom aux entiers dépens première instance et d’appel que Me [R] pourra recouvrer pour ces derniers dans les conditions de l’article 699 code de procédure civile.
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies, l’appelante soutient que les relations commerciales entre elle et la société Bouygues Télécom, qui ont commencé en décembre 1997 et pris fin en décembre 2013, ont duré 16 ans et ont reposé sur une succession de contrats.
Elle précise que les relations commerciales ont débuté au travers de la société BT Com Ouest, alors filiale de Norauto, qui exploitait à [Localité 3] un magasin sous l’enseigne Tél and Com à compter de décembre 1997. La société Tél and Com qui vient aux droits de la société BT Com Ouest a exploité l’enseigne dès décembre 1997 et distribué les produits et services de Bouygues Télécom dès cette date. Un contrat de dépositaire conclu entre la société Bouygues Télécom et la société BT Com Ouest le 9 avril 1998 faisait expressément référence à la société Tél and Com.
Elle indique par ailleurs qu’en devenant actionnaire majoritaire de la société BT Com Ouest en septembre 1998, Tél and Com a pu se prévaloir des relations conclues avec cette société et la société Bouygues Télécom, peu important que l’absorption de la société BT Com Ouest par la société Tél and Com soit intervenue postérieurement , de sorte que les conventions conclues en 2006, 2008, 2011 entre la société Tél and Com et la société Bouygues Télécom sont le prolongement des accords antérieurs intervenus avec la société BT Com Ouest depuis la création de Tél and Com.
L’appelante fait valoir que la durée du préavis accordée aurait dû être de 30 mois en ce que des circonstances exceptionnelles le justifiaient. Elle indique que dans la détermination du préavis, il y a lieu de tenir compte du volume d’affaires réalisé avec l’auteur de la rupture, du secteur concerné, de l’état de dépendance économique de la victime, de la notoriété de l’auteur de la rupture, des dépenses non récupérables dédiées à la relation et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire sur le marché de rang équivalent.
A ce titre, elle fait valoir qu’un préavis de 15 mois tel qu’il lui a été accordé était trop court en raison notamment de la situation de dépendance économique dans laquelle elle s’était trouvée à l’égard de la société Bouygues Télécom.
Elle conteste l’appréciation du tribunal de commerce qui a jugé que la société Tél and Com s’était placée elle-même dans une situation de dépendance économique en se positionnant sur un marché où peu d’opérateurs opéraient.
Elle précise que la dépendance économique s’apprécie selon différents indices tels que la part que représente l’auteur de la rupture dans le chiffre d’affaires de la victime, une clause d’exclusivité, une clause de non-concurrence. Elle souligne que dans le secteur de la distribution alimentaire dans lequel 85 % des parts de marché sont détenues par 6 groupes de la distribution alimentaire et transposable au secteur du marché de la téléphonie, les autorités de la concurrence ont considéré que lorsqu’un distributeur dépasse 20 à 22% dans le chiffre d’affaires d’un de ses fournisseurs, ce dernier se retrouve de facto en situation de dépendance économique.
Elle conteste par ailleurs s’être mise dans un état de dépendance économique dès lors qu’elle n’avait pas eu d’alternative de partenariat et indique que compte tenu de la structure du marché une diversification n’était pas possible en raison du nombre d’acteurs de rang équivalent présents, des clauses du contrat qui la liait à la société Bouygues Télécom et qui, imposant des obligations de parts de marché et de croissance de parc, n’avait pas laissé la place à une plus large diversification et enfin de son statut de courtier qui l’avait privé de la clientèle qu’elle avait pu développé à la fin de contrat.
Ainsi, l’appelante fait valoir que dès lors qu’elle réalisait plus de 50 % de son activité avec la société Bouygues Télécom cette dernière pouvait se prévaloir d’une situation de dépendance économique.
Plus encore, elle fait valoir que la notoriété de la société Bouygues Télécom doit être prise en compte dans l’appréciation de la durée du préavis raisonnable à titre de circonstances exceptionnelles et que cette notoriété est évidente.
Elle fait valoir également que le préavis aurait dû permettre à la société Tél and Com d’assurer sa reconversion mais que cette reconversion s’est avérée plus difficile de sorte qu’elle nécessitait un délai particulièrement long. La reconversion des boutiques implantées à la demande de Bouygues Télécom pour répondre aux exigences de croissance du parc net fixées ne pouvait pas se faire de manière directe vers d’autres activités dès lors que des clauses de spécialisations dans les baux l’empêchaient. Ainsi, un délai de 30 mois aurait dû être respecté pour permettre une réelle reconversion vers un modèle d’entreprise remaniée tel que la société ORANGE lui avait d’ailleurs accordé.
Elle soutient que la société Bouygues Télécom a par ces agissements, en concluant un accord de distribution avec la société Com centre, franchisé de la société Tél and Com, entravé la reconversion de cette dernière, ce qui est contraire, selon la jurisprudence, aux obligations auxquelles doit se soumettre l’auteur de la rupture. Elle précise en effet que la poursuite des relations entre Bouygues Télécom et Com centre lui a directement nuit dès lors que les boutiques du franchisé se trouvaient ainsi en situation de proposer des offres Bouygues Télécom alors que le reste du réseau s’en trouvait privé et qu’elle a dû ainsi rompre ses relations avec Com centre pour maintenir l’unité de son réseau.
Par ailleurs, l’appelante soutient que le préavis accordé est insuffisant et conteste également le point de départ du préavis retenu par le tribunal de commerce. Elle indique que le courrier du 27 novembre 2012 ne doit pas être considéré comme le préavis de rupture des CPD et que ce courrier n’avait pas pour objet de mettre fin aux relations commerciales mais simplement à renégocier les CPD, ce qui, au regard de la jurisprudence, ne peut être considéré comme une rupture unilatérale en présence d’une simple invitation à entrer en pourparlers.
Plus encore, elle conteste que la date de début de préavis pris en compte correspondait à la date de la rupture partielle, qu’elle considère, par ailleurs, ne pas être une rupture au regard de l’objet du courrier daté du 27 novembre 2012 dès lors que ce courrier visait l’annonce d’une négociation et non à mettre fin, à ce stade, aux relations entre les parties. Plus encore, elle précise que la société Bouygues Télécom ne peut se prévaloir d’une modification substantielle des conditions tarifaires pour faire reconnaître l’existence d’une rupture à cette date. Elle conteste également la distinction de préavis opérée pour les CPD et les CGD en considérant qu’elle n’a pas lieu d’être en ce que les CPD constituaient un complément à la convention CGD.
L’appelante soutient qu’au vu des échanges intervenus après l’envoi du courrier daté du 3 avril 2013, seul le courrier daté du 14 juin 2013 doit permettre de révéler l’intention de la société Bouygues Télécom de mettre fin à leur relations commerciales au 31 décembre 2013 et doit donc être pris en compte comme point de départ du préavis. En prenant en compte cette date de départ pour préavis elle en déduit que la société Bouygues Télécom l’a privée de 23,5 mois de préavis en accordant un délai de seulement 6,5 mois de préavis sur les 30 mois dont elle aurait dû bénéficier, ou de 21 mois de préavis en retenant comme date de départ du préavis le 03 avril 2013.
Par ailleurs, l’appelante soutient qu’il n’y a pas lieu de réduire la durée du préavis en ce que les relations entre les parties n’étaient pas précaires en l’absence de clause de tacite reconduction dans les conditions CPD. Cependant, elle fait valoir que les CGD auxquelles les CPD étaient liées et qui constituaient un accessoire des CGD prévoyaient quant à elles une tacite reconduction. Elle rappelle qu’une succession de contrats à durée déterminée n’exclut pas l’applicabilité de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce et que la jurisprudence admet même que la stipulation d’une clause excluant toute reconduction tacite n’est pas de nature à précariser la relation commerciale.
Elle conteste la situation de crise invoquée par l’intimé pour justifier que le préavis concédé par elle était suffisant en ce que selon la jurisprudence les situations de crise se traduisent par une baisse de la demande en raison du ralentissement de l’économie, ce qui n’était pas le cas en l’espèce , de sorte que l’intimé ne pouvait assimiler la situation conjoncturelle liée à l’apparition d’un nouvel entrant sur le marché à une crise économique. Elle rajoute que si la situation de crise était retenue par la cour la seule existence d’une crise ne saurait écarter le caractère brutal d’une rupture et ne suffirait pas à exonérer la société Bouygues Télécom de son obligation d’accorder un préavis de 30 mois à son distributeur.
De même, l’appelante conteste la réduction du délai de préavis accordé par la société Bouygues Télécom en raison d’un avantage que lui aurait librement consenti cette dernière tel qu’il résulte du courrier daté 3 avril 2013.
Sur le non respect par la société Bouygues Télécom de ses obligations, l’appelante soutient que la société Bouygues Télécom a méconnu ses obligations en cours de contrat en maintenant des exigences qui ont créé un déséquilibre. Elle dit s’être vue privée d’une rémunération importante au titre de la croissance de parc et avoir eu à subir des compensations injustifiées opérées par la société Bouygues Télécom au titre d’une prétendue obligation de remboursement des primes d’ouverture des boutiques ou encore au titre de remboursement de commissionnements accordés par la société Bouygues Télécom.
S’agissant de l’exigence de croissance de parc en contradiction avec l’exclusion de la société Tél and Com de l’offre B&You, l’appelant fait valoir qu’en développant l’offre B&You dont elle a été privée et en maintenant intégralement ses exigences en termes de croissance de parc net dans l’avenant de 2012, la société Bouygues Télécom l’a soumise à des obligations créant un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. Si le déséquilibre significatif n’était pas caractérisé elle estime à tout le moins que la société Bouygues Télécom n’a pas exécuté le contrat de bonne foi tel qu’il lui incombait.
Elle précise que l’offre B&You est venue directement concurrencer les offres « classiques » de la société Bouygues Télécom dont la distribution lui était confiée et l’a donc empêchée d’atteindre la croissance nette que la société Bouygues Télécom continuait d’ exiger.
Pour l’appelante, il découle de cette situation un préjudice résultant de la privation des primes de parc de 2012 et 2013 qu’elle estime à 4,3 millions d’euros pour chaque exercice soit un total de 8,6 millions.
S’agissant des remboursements des primes d’ouvertures, l’appelante fait valoir que la société Bouygues Télécom doit restituer ces sommes. Elle soutient que compte tenu de la situation, le seul moyen pour elle de respecter ses engagements d’activités exigés par la société Bouygues Télécom était de poursuivre l’ouverture de magasins supplémentaires. Or, la société Bouygues Télécom en réclamant le remboursement des primes qu’elle avait versées pour ces ouvertures mais qu’elle n’estimait plus être dues en raison de l’application de la clause de remboursement complémentaire ajoutée dans les CPD de 2011 a fait application d’une clause déséquilibrée dont l’appelante estime que l’application doit être écartée.
Dans le cas où la clause trouverait à s’appliquer, l’appelante soutient que la société Bouygues Télécom ne justifie pas le montant des sommes prélevées, de sorte que cette prétention n’étant pas justifiée la décision entreprise devra être infirmée.
S’agissant des reprises injustifiées de commissionnements, l’appelante conteste ces reprises concernant l’activation des lignes qu’elle a estimé frauduleuse ou non- conforme aux procédures d’activation dès lors que les éléments d’information fournis par la société Bouygues Télécom, notamment sur les vérifications à opérer pour identifier des cartes prépayées n’ont été communiquées qu’après que les activations litigieuses sont intervenues dans le réseau et sur la base des données fournies par Bouygues Télécom. Ainsi, elle fait valoir que la société Bouygues Télécom en se considérant créancière au titre d’activations sur la base d’instructions qu’elle a fournies ultérieurement a fait usage de dispositions contractuelles déséquilibrées.
Sur les préjudices liés à la brutalité de la rupture, l’appelante conteste les motifs du jugement du tribunal de commerce qui n’a retenu que les éléments produits par la société Bouygues Télécom. Elle se fonde sur un rapport d’expert pour évaluer et encadrer son préjudice résultant de la brutalité de la rupture et souligne que ce dernier a conclu à un préjudice entre 116 et 117 millions d’euros en croisant deux méthodes d’analyse : analytique et globale. Elle demande à la cour de retenir les éléments communiqués par Tél and Com pour apprécier son préjudice et notamment ce rapport d’expertise et indique que les travaux complets de l’expert, les pièces utiles et disponibles ont été communiquées et ont fait l’objet d’une discussion contradictoire.
L’appelante indique que dans l’analyse de la méthode analytique, l’expert s’est appliqué à chiffrer la marge qu’elle aurait pu réaliser pendant le préavis dont elle a été privée et d’autre part les coûts supplémentaires causés par la rupture.
S’agissant de la marge sur son activité de base qu’elle aurait pu réaliser durant la période de préavis dont elle a été privée, l’appelante indique que la marge est calculée à partir des résultats obtenus les années précédentes sur la distribution des offres de la société Bouygues Télécom et qu’il doit être retenu les exercices de référence 2010 à 2012 pour calculer son préjudice.
Elle précise qu’en ce qu’elle a maintenu son niveau d’activité et que la non- atteinte des objectifs de parc ne résulte que de l’effet de l’offre B&You lancée par la société Bouygues Télécom, la prime de parc devant être réintégrée dans l’assiette de calcul de la marge brute.
L’appelante conteste le taux de marge sur coûts variables de 95 % du chiffre d’affaires retenu par le tribunal de commerce et indique sur le fondement du rapport de l’expert qu’il n’y a pas de corrélation entre la part variable des salaires et les performances des placement des offres Bouygues Télécom. Elle demande à la Cour de retenir les modalités de calcul de la marge résultant de l’analyse de l’expert sans opérer de réduction dès lors que ce dernier a bien pris en compte les coûts économisés dans son analyse.
S’agissant de la marge sur les autres produits liés à la vente des services de la société Bouygues Télécom que l ‘appelante aurait pu réaliser durant la période de préavis dont elle a été privée, cette dernière soutient que le tribunal a limité son calcul à la marge sur le chiffre d’affaires réalisé avec la société Bouygues Télécom et a écarté les autres préjudices sans justification. Or, elle soutient que la disparition des offres de Bouygues Télécom a eu une répercussion directe sur la vente des produits d’assurance de mobileS et d’accessoires que la société Tél and Com commercialisait et dont la perte de marge doit être prise en compte selon les calculs de l’expert.
En conclusion, l’appelante fait valoir que par mois de préavis dont elle a été privée, la marge brute s’élève à 3 143 006,79 € (2 587 000 € au titre de la marge de base [calculée sur la moyenne des années 2010-2012, après réintégration des primes de parc dont Tél and Com a été privée, avec un taux de marge de 100% calculé sur la rémunération dont bénéficiait Tél and Com lorsque la rupture a été prononcée] et 556 006,79 € au titre de la marge induite réalisée sur les autres produits). Ainsi, elle précise que si la durée de préavis auquel elle aurait pu prétendre est de 30 mois et si la Cour estime que le point de départ du préavis doit être fixé au 14 juin 2013 et s’est terminé au 31 décembre 2013, la durée du préavis effectivement respecté est alors de 6,5 mois, elle a donc été privée de (30 – 6,5) 23,5 mois de préavis, soit une indemnité de (23,5 x 3 143 006,79) = 73 860 659,56 €, soit subsidiairement, si la Cour estime que le point de départ du préavis doit être fixé au 3 avril 2013, la durée du préavis effectivement respecté est alors de 9 mois, Tél and Com a alors été privée de (30 – 9) 21 mois de préavis, soit une indemnité de (21 x 3 143 006,79) = 66 003 142,59 €.
Sur les autres demandes et notamment la causalité, l’appelante ajoute que l’attractivité des boutiques tenait à l’offre de deux opérateurs. Or, la perte de Bouygues Télécom a eu une répercussion sur le trafic en boutique rendant la reconversion impossible à défaut de trafic suffisant dans les boutiques.
S’agissant de la marge sur l’activité de télésurveillance mise en place dans le cadre du plan de reconversion qu’elle a démarré en septembre 2013 et dont elle a été privée lorsque la société Bouygues Télécom a cessé les relations commerciales, l’appelante fait valoir que cette marge sur les produits liés à la reconversion de Tél and Com doit être intégrée dans le préjudice lié à la rupture brutale et indique que l’expert a calculé cette marge en combinant les résultats enregistrés de septembre à décembre 2013 sur les offres de télésurveillance, le constat de l’effondrement de l’activité à compter du 1er janvier 2014 lorsque les offres de la société Bouygues Télécom ont disparu, et les projections sérieuses de l’activité de télésurveillance pour 2015 et 2016 et a conclu à une perte de marge de 8 043 000 euros.
S’agissant des coûts supplémentaires causés par la rupture brutale, l’appelante ajoute enfin qu’elle a dû réduire au strict minimum ses effectifs, ce qui a conduit à la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi estimé à 6 724 090 € pour les 718 salariés de la société et fait valoir que les PSE mis en place ont eu un coût pour elle et sont directement liés à la rupture brutale des relations commerciales. Il convient également d’ajouter en outre une perte de la quasi-totalité de la valeur du patrimoine immobilier de Tél and Com qui n’a pu être conservé en raison du manque de temps pour assurer la reconversion et chiffre ainsi la perte de valeur à 18 200 000 euros auquel il convient d’ajouter les frais de fermeture des points de vente de 1 152 000 euros qui n’auraient pas eu besoin d’être fermés si la rupture n’avait pas été brutale. Du fait de la rupture brutale, elle indique, qu’il y a lieu aussi de prendre en compte les commandes passées pour l’aménagement des points de vente qui n’ont pu être ouverts pour 244 069,12 euros et qu’elle a dû prononcer la résiliation anticipée du contrat portant sur le réseau informatique pour un montant de 164 995 €. La fermeture de la boutique située en centre-ville de [Localité 2] et logée dans une filiale « L’Enfant d’Aujourd’hui » détenue à 100% par Tél and Com, a conduit à une dépréciation des titres évaluée à 228 460 €. Par ailleurs, l’Expert a considéré que Tél and Com, du fait de l’échec de son plan de reconversion lié à la brutalité de la rupture, avait été privé d’un cash-flow de 13 000 000 €. Le chiffrage des coûts supplémentaires s’élèvent ainsi à la somme de 18 200 000 € + 1 152 000 € + 244 069,12 € + 164 995 € + 6 724 090 € + 228 460 € + 13 000 000 € = 39 713 614,12 €.
Sur l’approche globale retenue par l’expert, l’appelante explique que ce dernier a comparé l’effet de la brutalité de la rupture tel qu’il a été effectivement constaté avec les projections du plan de reconversion élaboré par l’équipe dirigeante de Tél and Com et a conclu à un préjudice situé entre 120 800 000 euros et 147 200 000 euros.
Vu les conclusions notifiées et déposées le 18 septembre 2019 par la société Bouygues Télécom contenant appel incident, tendant à voir la cour :
Vu les articles L442-6 I 5° ancien du code de commerce et 1134 ancien du code civil,
Vu l’article 146 du code de procédure civile,
I. Sur les demandes au titre de la prétendue rupture brutale des relations commerciales,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que les relations commerciales établies entre Bouygues Télécom et Tél and Com avaient duré environ 16 ans;
Statuant à nouveau,
Juger que les relations commerciales établies entre Bouygues Télécom et Tél and Com ont duré 14 ans;
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la durée des préavis de 13 mois et 9 mois appliqués étaient insuffisants et qu’en conséquence Bouygues Télécom a engagé sa responsabilité;
Statuant à nouveau,
Juger que les préavis accordés par Bouygues Télécom lors de la rupture partielle puis lors de la notification de la rupture totale de ses relations commerciales avec Tél and Com étaient suffisants et que Bouygues Télécom n’a pas engagé sa responsabilité ;
En conséquence,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Bouygues Télécom au paiement au profit de Tél and Com de la somme de 4.500.000 euros au titre de l’insuffisance de préavis;
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Tél and Com de toutes ses demandes plus amples et contraires ;
Débouter la société Tél and Com de toutes ses demandes de condamnation à l’encontre de Bouygues Télécom.
Débouter la société Tél and Com de sa demande d’expertise et de condamnation de Bouygues Télécom au payement d’une provision de 20.000.000 euros.
II. Sur les demandes au titre du prétendu non respect des obligations contractuelles,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Tél and Com de sa demande de condamnation à la somme de 8.600.000 euros ;
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Tél and Com au paiement de la somme de 6.087.640 euros au titre des avances de trésorerie ;
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Tél and Com au paiement de la somme de 3.020.234 euros au titre des remboursements sur primes d’ouverture ;
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Bouygues Télécom de sa demande de condamnation au titre de factures impayées et statuant à nouveau, condamner la société Tél and Com au paiement de la somme de 48.561,40 euros ;
Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné Bouygues Télécom au paiement de la somme de 270.000 euros au titre de reprises de commissions non justifiés et, statuant à nouveau, débouter Tél and Com de cette demande ;
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Bouygues Télécom au paiement de la somme de 2.970.810,62 euros au titre des stocks restitués ;
Débouter la société Tél and Com de toutes ses demandes plus amples et contraires ;
III. En tout état de cause,
Condamner la société Tél and Com au paiement de la somme de 600.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Tél and Com aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Concernant la durée des relations commerciales, la société Bouygues Télécom soutient que ces dernières ont pour point de départ la date du 1er avril 1999, le premier contrat conclu entre les parries ayant produit effet à cette date.
Le contrat de dépositaire signé entre Bouygues Télécom et BT Com Ouest le 9 avril 1998 est entré en vigueur le jour de sa signature pour se terminer nécessairement et impérativement le 28 février 1999. La société Tél and Com n’était que l’actionnaire majoritaire de la société BT Com Ouest et ne l’a absorbée qu’en septembre 2012.
Par ailleurs, rien n’indique dans le préambule des conventions conclues entre Tél and Com et Bouygues Télécom que cette dernière ait entendu, de quelque façon que ce soit, poursuivre la relation initialement nouée pour un an avec la société BT Com Ouest, ni même se situer dans la continuation des relations antérieures. De plus, le contrat stipulait qu’il avait été conclu en considération de la personne du dépositaire et qu’il était interdit d’apporter, de céder ou de transférer, sous quelque forme que ce soit, directement ou indirectement, tout ou partie des droits ou obligations découlant du présent contrat sans l’autorisation préalable et écrite de Bouygtel ».
S’agissant de la date de rupture des relations commerciales, l’intimée soutient que la durée pendant laquelle le préavis est appliqué n’est pas incluse dans le calcul de la durée des relations commerciales servant de base au calcul de la durée du préavis. Les relations commerciales ayant fait l’objet d’une rupture partielle en novembre 2012 puis d’une rupture totale en avril 2013, il en résulte que, débutant en 1999, les relations commerciales ont duré tout au plus 14 ans.
Concernant la distinction à effectuer entre les deux contrats, l’intimée soutient que si les conditions générales de distribution (CGD) conclues à effet du 1er janvier 2010 n’étaient autres que la poursuite des contrats « standards » ayant existé depuis 1999, les conditions particulières de distribution (CPD) conclues à effet du 1 er janvier 2011 étaient, elles, la suite des conventions prévoyant des engagements spécifiques entre Tél and Com et Bouygues Télécom et ce, depuis le 2 janvier 2003.
Bouygues Télécom a d’abord notifié très clairement et sans aucune ambiguïté le non renouvellement des CPD par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 novembre 2012. Puis, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 avril 2013, Bouygues Télécom a informé Tél and Com que « les conditions générales de distribution ventes assistées en point de ventes physiques enseignes « grand public » ne seront pas renouvelées à leur échéance, soit le 31 décembre 2013 et ce, en application de l’article 9.2 des conditions générales..», marquant ainsi, avec un préavis de 9 mois, la rupture de la dernière composante de la relation commerciale.
Selon l’article L. 442-6 I, 5° du code de commerce, toute rupture d’une relation commerciale, qu’elle soit partielle ou totale, doit donner lieu à un préavis suffisant et Bouygues Télécom devait donc accorder des préavis suffisants, lors de la rupture partielle en novembre 2012, puis lors de la rupture totale en avril 2013.
L’interprétation de l’appelante selon laquelle ces deux composantes formeraient un ensemble contractuel unique est erronée. En effet, la modification substantielle des conditions tarifaires suite à la notification de la rupture des CPD a caractérisé une rupture des relations commerciales établies, conformément à la jurisprudence. Dès lors, la concluante a respecté une durée de préavis de 13 mois suite à cette résiliation, notifiée en novembre 2012 ne prenant effet qu’en décembre 2013.
Sur le respect de la durée de préavis exigée par l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce, l’intimée rappelle que chaque année de relation commerciale équivaut à un mois de préavis, trouvant sa limite delà d’une dizaine d’année d’ancienneté. Par ailleurs, en l’espèce, l’état de dépendance économique ne pourra être retenu à l’égard de l’appelante étant donné que le tribunal a jugé à bon droit que « délibérément placée dans une situation de dépendance économique de telle sorte qu’elle ne peut valablement arguer de cette situation pour demander à bénéficier d’un préavis allongé ». En effet, ce choix délibéré de la société Tél and Com exclut que l’état de dépendance économique soit pris en considération pour allonger la durée du préavis. De plus, contrairement à ce qu’affirme la concluante, le statut de courtier n’est pas en soi un facteur de caractérisation d’une dépendance économique. Enfin, s’agissant de la prétendue entrave à la reconversion de Tél and Com reprochée par cette dernière à l’intimée, elle est infondée. En effet, Ce n’est qu’après que la relation commerciale avec Tél and Com s’est achevée que Bouygues Télécom a accepté de conclure un accord avec Comcentre, cette société se rapprochant de la concluante au début du mois de janvier 2014 afin de solliciter la conclusion d’un tel accord.
Sur la nécessaire minoration du préavis, l’intimée rappelle que le contexte économique est un élément pris en compte afin de déterminer la durée du préavis applicable à la rupture d’une relation commerciale. Or, le contexte économique dans lequel la relation entre Bouygues Télécom et Tél and Com s’est déroulée a été profondément modifié, ce qui s’est traduit par deux phénomènes majeurs : la perte de revenus des opérateurs due à une perte de valeur sans précédent des offres et la réorientation du marché vers des offres Sowo qui par nature n’étaient pas destinées à la distribution en points de vente entrainant une chute du marché adressable par la distribution.
De plus, la précarisation de la relation commerciale est également à prendre en compte : alors que les contrats étaient jusqu’alors conclus pour une durée déterminée mais avec une clause de tacite reconduction, tel n’a pas été le cas des CPD conclues en avril 2011. Dès lors, un contrat à durée déterminée ne comportant pas de clause de tacite reconduction est nécessairement précaire.
Sur le prétendu non respect par Bouygues Télécom de ses obligations contractuelles, l’intimée soutient que les exigences de croissance de parc ne sont ni déséquilibrées ni constitutives d’un manquement de Bouygues Télécom à son obligation de bonne foi. En effet, cette exigence de croissance du parc était formulée à l’initiative de l’appelante comme le démontre le préambule de l’avenant n°1 de 2003. De plus, cette obligation était largement compensée financièrement. En effet,en contrepartie de cette exigence, Tél and Com bénéficiait d’une avance de rémunération trimestrielle d’un million d’euros annuelle puis de deux millions d’euros à partir de 2005, d’une prime annuelle de parc client actif, d’une prime forfaitaire à l’ouverture de point de vente égale à 150.000 euros, ainsi que d’une prime partenaire à partir de 2006 et ‘une avance mensuelle sur prime de parc actif.
Le non- versement de la prime de parc par Bouygues Télécom est justifiée car elle n’était pas due tant que Tél and Com n’atteignait pas ses objectifs. Les remboursements de primes d’ouverture de points de vente sont également justifiés : ces dispositions relatives au remboursement en cas de fin de contrat ont été négociées entre les parties et la demande de remboursement n’est que la stricte application de la convention des parties. Les reprises de commissionnements étaient également justifiées : la faculté de Bouygues Télécom de reprendre le commissionnement en cas de non respect des procédures d’activation était expressément prévue par l’article 4.13 des CGD de 2010.
Concernant le préjudice invoqué par Tél and Com au titre de la prétendue rupture brutale des relations commerciales établies, l’intimée soutient que la somme de 120 millions d’euros représente plus de 4 années du chiffre d’affaires qu’elle réalisait avec Bouygues Télécom en 2011, soit avant l’arrivée de Free Mobile et avant que ne se révèlent sur les marchés de la conséquence de cette arrivée.
Concernant le caractère injustifié des préjudices invoqués par l’appelante, l’intimée soutient que si le calcul du préjudice subi se fait en tenant compte des données des trois années précédant la rupture, cette règle ne trouve cependant pas à s’appliquer lorsqu’elle conduit, en raison de circonstances qui ne sont liées ni à l’auteur ni à la victime de la rupture à établir un calcul qui ne correspond pas au préjudice effectivement subi. C’est notamment le cas lorsque les conditions de marché sont telles que si l’activité s’était poursuivie, elle aurait en tout état de cause été moindre que celle des années précédentes.
De plus, concernant le prétendu retraitement nécessaire de la période de référence, l’intimée soutient que Tél and Com ne peut pas tirer avantage de la dérogation exceptionnelle de 2011 afin de gonfler fictivement son chiffre d’affaires pour 2012 et 2013 avec l’objectif d’aboutir à une marge de référence surévaluée. En effet, si Bouygues Télécom a accepté, pour l’année 2011, de verser une telle rémunération (à hauteur de 2, 5 millions d’euros) en dépit de la non- atteinte par Tél and Com du palier convenu, elle ne l’a fait que de manière exceptionnelle pour tenir compte de la baisse générale des ventes dans tous les canaux de distribution, comme indiqué dans le préambule de l’avenant n°11 aux CPD du 11 avril 2012.
En outre, la jurisprudence a admis que le préjudice devait être apprécié compte tenu de la marge, déduction faite des coûts évités. Or, en l’espèce, Tél and Com omet sciemment de déduire du montant réclamé la part de coûts variables liée à son activité qui inclut, a minima, la part variable de la rémunération de ses vendeurs.
Concernant la marge prétendument liée à la vente de produits Bouygues Télécom , l’intimée rappelle que à cet égard que pour la Cour de cassation, la perte de marge ne se calcule pas à partir du chiffre d’affaires global de la victime, mais uniquement à partir du chiffre d’affaires réalisé avec l’auteur de la rupture. En l’espèce, Tél and Com ne saurait donc inclure dans le montant réclamé la marge sur les produits d’assurance et les accessoires qui ne concernent pas Bouygues Télécom .
Enfin, les calculs de marge de Tél and Com sont infondés selon Bouygues Télécom ,l’appelante soutient dans ses conclusions que le préjudice mensuel qu’elle estime avoir subi s’élèverait à la somme de 3.143.006,79 euros. Elle propose ensuite à la cour de multiplier ce montant par le nombre de mois de préavis dont elle estime avoir été privée injustement lui permettant ainsi, au titre de cette seule partie de préjudice invoqué, de revendiquer entre 66 et près de 74 millions d’euros. Or, au delà de la durée du préavis inexacte comme développée précédemment, Tél and Com, omet également dans son calcul de prendre en compte le fait que Bouygues avait rompu partiellement les relations commerciales en novembre 2012 par la résiliation des CPD de telle sorte qu’en tout état de cause si la relation s’était poursuivie au delà du 31 décembre 2013, les rémunérations liées aux CPD auraient disparues.
Concernant la somme complémentaire de 48.000 euros sollicitée par Tél and Com, l’intimée soutient qu’elle est infondée. Le tribunal a d’ailleurs rappelé que « seuls sont susceptibles d’être indemnisés les préjudices résultant de la brutalité de la rupture et non ceux découlant de la rupture elle-même ». Sur la prétendue marge perdue sur l’activité de télésurveillance que Tél and Com prétend avoir souhaité développer, la concluante soutient que cette activité est saisonnière et dès lors dépourvue de lien avec la rupture brutale. De plus, le cabinet Sorgem Evaluation a justement observé que le potentiel de cette activité annoncé par Tél and Com était nécessairement surévalué dès lors qu’il reviendrait à ce que Tél and Com ait pu capter en 2015 40 % du marché adressable par ses soins pour une activité qu’elle n’aurait démarré que deux ans auparavant tout en prévoyant un quasi doublement de parts de marché l’année suivante.Au surplus, sur la demande relative aux coûts de restructuration induits, l’intimée souligne que le cabinet Sorgem Evaluation, sollicité pour procéder à l’analyse de ces chefs de demande, n’a pu que relever que ces coûts sont trop peu documentés, une grande partie des justifications se limitant à des extraits de tableaux sans qu’il ne soit précisé la source de ceux-ci, pour permettre d’en apprécier l’exactitude. Mais surtout, Tél and Com confond manifestement les conséquences de la fin de son activité télécoms (tant avec Bouygues Télécom qu’avec Orange) et les conséquences liées à la prétendue brutalité de la rupture des relations commerciales avec Bouygues Télécom .
Motifs
La cour renvoie, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées
Aux termes de l’article de l’article L442-6 I 5° du code de commerce applicable à la date des faits de la cause : ‘Engage la responsabilité de son auteur et l’ oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commercant, industriel on artisan : () 5°) De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminé, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels’. (…)
Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.’
L’application de ces dispositions suppose l’ existence d’une relation commerciale, qui s’entend d’ échanges commerciaux conclus directement entre les parties, revêtant un caractère suivi, stable et habituel laissant raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine pérennité dans la continuité du flux d’affaires entre les partenaires commerciaux ; en outre la rupture doit avoir été brutale, soit sans préavis écrit, soit avec un délai de préavis trop court ne permettant pas à la partie qui soutient en avoir été la victime de pouvoir trouver des solutions de rechange et de retrouver un partenaire commercial équivalent.
1. Sur la durée des relations commerciales établies:
a. Le point de départ des relations commerciales établies est contesté, l’appelante soutenant que les relations ont pris effet à partir du 11 décembre 1997, l’intimée le contestant et situant ce point de départ à la date du 1er avril 1999.
La société Bouygues Télécom, et la société BT Com Ouest filiale de Norauto, inscrite au registre du commerce et des sociétés le 26 décembre 1997, ont conclu un contrat de dépositaire le 9 avril 1998 pour une durée déterminée, le contrat entrant en vigueur le jour de sa signature pour se terminer nécessairement et impérativement le 28 février 1999. Le contrat est stipulé comme n’étant pas renouvelable par tacite reconduction.
La société Tél and Com est devenue actionnaire de la société BT Com Ouest le 2 septembre 1998 et le contrat de dépositaire est parvenu à son terme le 28 février 1999. La société Tél and Com a absorbé la société BT Com Ouest en 2010.
Le premier contrat de distribution conclu entre la société Tél and Com et la société Bouygues Télécom est en date du 15 décembre 1999, et a pris rétroactivement effet au 1er avril précédent.
Le seul fait que la société Tél and Com est devenue actionnaire majoritaire de la société BT Com Ouest n’est pas un élément pertinent de l’existence de relations commerciales établies entre les sociétés Tél and Com et Bouygues Télécom, d’autant que le contrat liant les sociétés BT Com Ouest et Bouygues Télécom , à durée déterminée et expressément dépourvu de tacite reconduction, a pris fin avant toute contractualisation entre les sociétés Tél and Com et Bouygues Télécom.
Le fait que la société Tél and Com a ultérieurement absorbé en 2010 soit onze années après le terme du contrat ,la société BT Com Ouest, n’est pas non plus pertinent de la poursuite des relations commerciales issues d’un seul contrat d’une durée déterminée, arrivé à son terme et dépourvu de toute faculté de tacite reconduction, entre les sociétés Tél and Com et Bouygues Télécom, la prise de capital n’ayant pas pour effet de transférer à la société Tél and Com les droits résultant de ce contrat.
L’appelante n’établit pas en outre que ces sociétés ont entendu poursuivre une relation initialement nouée entre la société BT Com Ouest et la société Bouygues Télécom lors de la signature du contrat de distribution le 15 décembre 1999 entre les sociétés Tél and Com et Bouygues Télécom.
Elle ne justifie pas, par des données commerciales ainsi que le relève la société intimée, de l’existence de relations nouées entre ces deux sociétés en 1997.
La société appelante ne justifiant pas d’une continuité d’exploitation à compter du mois de décembre 1997 et n’établissant pas avoir entendu se situer dans la continuité des relations commerciales antérieures entre la société BT Com Ouest et la société Bouygues Télécom , il en résulte que les relations commerciales en cause sont établies à compter du 1er avril 1999 entre les sociétés Tél and Com et Bouygues Télécom.
Il en résulte que c’est de façon erronée que le tribunal a fixé le point de départ des relations commerciales à l’année 1997.
b. La date de la rupture:
Il n’est pas contesté que les parties ont entretenu des relations commerciales depuis l’entrée en relation que la cour a fixée au 1er avril 1999, jusqu’à la date de notification de la rupture.
– sur la lettre du 27 novembre 2012:
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 27 novembre 2012 adressée à la société appelante, l’intimée, faisant valoir l’existence de circonstances économiques particulières résultant de l’arrivée de l’opérateur Free sur le marché des communications électroniques, entraînant une modification des standards et des paramètres économiques de ce marché, affectant très directement l’économie générale des conditions particulières de distribution, et constatant l’absence d’accord entre les parties pour faire évoluer les conditions souscrites entre elles, a rappelé l’achèvement des conditions particulières de distribution au 31 décembre 2013 et l’absence de reconduction dans les mêmes termes après cette date compte tenu des contraintes du marché et des éléments précités et, à défaut d’accord sur de nouvelles conditions particulières de distribution, la poursuite des relations commerciales et contractuelles sur la base des seules conditions générales de distribution ‘Grand public’.
L’appelante dénie vainement au courrier précité le caractère d’une lettre de rupture en le considérant comme une seule invitation à trouver un accord, à entrer en pourparlers, alors que le courrier en cause rappelle que la société Bouygues Télécom a proposé, dès le 3 avril 2012 à la société Tél and Com, des modifications concernant le dispositif contractuel, ces propositions ayant été amendées les 12 et 29 juin suite aux échanges entre les deux sociétés, et les échanges s’étant poursuivi les 12, 26 juin et 2 octobre 2012, constate l’absence d’accord entre les parties pour faire évoluer les conditions souscrites entre elles, et notifie le défaut de reconduction des conditions particulières de distribution au 31 décembre 2013.
En effet il résulte des courriels échangés entre les deux sociétés que dès le mois de mai 2012 les parties sont entrées en discussion pour faire évoluer les conditions contractuelles relatives au parc de clientèle, aux ventes en lignes, au barème de rémunération, portant notamment sur les primes de parc, la contribution à l’ouverture de points de vente, chacune des parties faisant des propositions sur l’évolution des CPD…la société Bouygues Télécom relevant dans un courriel du 7 août 2012, certes des écarts majeurs entre les propositions mais envisageant la poursuite des rencontres à des dates convenues dans les locaux de la société Tél and Com, et se disant convaincue que les deux sociétés peuvent trouver un consensus pour amender le contrat dans les meilleurs délais, et produisant un compte-rendu de réunion du 2 octobre 2012.
La société intimée a interpellé la société appelante dans un courrier recommandé du 9 juillet 2012 portant sur l’objet particulier de l’ouverture des points de vente des CPD, sur le caractère risqué du développement des points de vente dans le nouveau contexte de marché au titre de la distribution des offres de Bouygues Telecom, et ce à raison des mutations sans précédent entraînant notamment une modification des standards et des paramètres économiques dudit marché, depuis l’arrivée de Free Mobile le 10 janvier 2012, par le développement rapide de nouvelles offres « low cost ”, diffusées via internet, ayant notamment eu pour effet d’entraîner une baisse générale de valeur du marché et de modifier le modèle économique de la distribution de téléphonie mobile.
Ainsi la société appelante a été clairement informée depuis le mois de mai 2012 de la volonté de Bouygues Télécom de renégocier les modalités des CPD, à raison des modifications structurelles du marché des communications téléphoniques, par l’arrivée du nouvel opérateur téléphonique privilégiant la contractualisation avec la clientèle par internet, et les répercussions sur le nombre de points de vente et la valeur du marché.
La négociation qui s’est déroulée pendant plusieurs mois, de mai à octobre 2012, entre les parties ne portait pas uniquement sur les conditions tarifaires contrairement à ce que soutient l’appelante, mais plus particulièrement sur la question des points de vente du distributeur, la société Bouygues Télécom ayant clairement fait connaître à son partenaire, et adressé à cette fin le courrier recommandé précité, la nécessité d’envisager un nouveau modèle de distribution des offres, les conditions tarifaires n’étant que la conséquence du bouleversement technique et économique que l’arrivée du nouvel opérateur Free sur le marché, entraînait.
La notification de la fin des CPD conduisant à une réduction du chiffre d’affaires réalisé par la société Tél and Com avec la société Bouygues Télécom au titre des éléments de rémunération prévus par les CPD, comprenant à ce titre le commissionnement additionnel mensuel versé à la société Tél and Com à la souscription d’une Offre par son entremise, d’un montant égal à l’application d’un coefficient multiplicateur sur le montant du commissionnement de base des Offres et options tel que défini dans la grille de commissionnement des CGD, une prime de 50 euros HT par offre voix post-payée avec engagement , selon certaines conditions, assortie d’une garantie donnée par la société Bouygues Télécom d’un montant minimum de commissionnement moyen annuel par catégorie d’Offres, un commissionnement constitué d’un montant unitaire variable par Offre souscrite et activée dans les Points de vente du Distributeur dénommée « Prime de parc actif”, déterminé en fonction de l’évolution globale du Parc net client de l’année de référence par rapport à l’année civile précédente, versé mensuellement et d’avance, dont le calcul intervient en fonction de l’évolution du Parc net actif au 31décembre de l`année civile de référence, et de la ‘Prime à l’ouverture de Point de vente’ d’un montant de 150.000 euros selon certaines modalités, cette modification substantielle apportée aux relations en cours doit être analysée en une rupture partielle des relations commerciales établies.
Dans ces conditions c’est à bon droit que le tribunal a considéré que le courrier du 27 novembre 2012 faisait courir un préavis.
C’est en revanche à tort que le tribunal a qualifié le préavis délivré par le courrier précité de ‘préavis du contrat CPD’ alors que l’appelante fondant sa demande indemnitaire sur les dispositions spéciales de l’article L442-6 I 5 du code de commerce, le préavis portait sur la relation commerciale établie entre les parties à la date du 27 novembre 2012 et non sur les relations contractuelles.
Pareillement, le moyen soutenu par l’intimée selon lequel les contrats pourraient être dissociés, sur le fondement de la théorie du principal et de l’accessoire, relevant du droit des contrats, ce moyen doit être écarté comme inopérant dans le cadre de l’action entreprise.
Il n’est pas contesté que le chiffre d’affaires affecté par cette rupture représentait environ 60% du chiffre d’affaires total réalisé par la société Tél and Com avec la société intimée.
Toutefois contrairement à ce que soutient l’appelante, l’importance du chiffre d’affaires perdu qu’elle qualifie de substantiel n’est pas en lui-même susceptible d’enlever à la rupture son caractère partiel.
En effet les relations se sont poursuivies entre les parties sur la base d’un flux d’affaires réalisé dans le cadre de l’activité de courtage, procurant à l’appelante environ 40% du chiffre d’affaires global, représentant en 2012 un montant de 9. 955 551 euros et en 2013 un montant de 6. 387 087 euros, ce qui démontre la réalité et l’importance des relations commerciales poursuivies entre les parties.
En conséquence il est démontré que la société intimée a effectivement notifié une rupture partielle des relations commerciales établies par l’envoi de la lettre du 27 novembre 2012 .
– sur la lettre du 3 avril 2013:
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 3 avril 2013 adressée à l’appelante, la société Bouygues Télécom, rappelant à la société Tél and Com les conséquences sur les opérateurs du marché de l’arrivée de l’opérateur Free sur le marché des communications électroniques, le courrier antérieur du 27 novembre 2012 mettant partiellement fin aux relations entretenues par les parties, l’échec des négociations à la suite de réunions les 7 février et 5 mars 2013 sur les conditions de la poursuite des relations entre les parties à la suite de la première proposition formulée par l’intimée, la poursuite de la dégradation du contexte observé depuis 2012, telles la baisse de la fréquentation dans les points de vente physique, des projections d’ activité en point de vente physique et de rentabilité de la distribution revues à la baisse en raison de l’augmentation de la part de marché des offres LowCost (Sim Only, Web Only), une accélération significative de la baisse de valeur des offres de communications électroniques sur le marché entraînant une diminution corrélative des ressources disponibles pour commercialiser les offres en point de vente physique, a informé la société Tél and Com que, compte tenu de la situation, les conditions générales de distribution ventes assistées en point de ventes physiques enseignes ‘grand public’ ne seront pas renouvelées à leur échéance, soit le 31 décembre 2013, en application de l’article 9.2 des conditions générales.
L’appelante soutient que postérieurement au 3 avril 2013 la société Bouygues Télécom s’est engagée dans des pourparlers dès le 22 avril 2013 dans l’optique de poursuivre les relations au-delà du 31 décembre 2013, ce que conteste l’intimée.
La lecture des échanges entre les parties démontre que la société intimée a bien entendu notifier le terme des relations nouées entre les parties au 31 décembre 2013, la société Bouygues Télécom rappelant à la société Tél and Com que les diverses contre-propositions faites par celle-ci ne tenaient pas compte des mutations du marché, du nouveau modèle économique, de distribution et financier, alors que la société Bouygues Télécom a revu substantiellement à la baisse le prix de ses offres classiques aux fins d’éviter la fuite de la clientèle et a essuyé une perte de 16 millions d’euros.
La société intimée ajoute qu’elle s’est mobilisée pour permettre à ses distributeurs de continuer à commercialiser ses offres en points de vente physiques en enrichissant ses offres en termes d’abondance voix et data, et qu’elle a également adopté des mesures d’animations complémentaires telles des opérations de coopération commerciales, des opérations d’incentive challenge, des subventions complémentaires de terminaux phares, pour des montants élevés.
Elle ajoute avoir identifié des pratiques déviantes de certains points de vente du réseau de Tél and Com visant à soutenir artificiellement leur activité au détriment des intérêts de Bouygues Télécom.
Elle indique enfin être prête à examiner les propositions qui doivent être remises prochainement conformément à ce qui est indiqué dans le courrier de Tél and Com en date du 25 avril 2013.
L’ensemble de ces éléments qui ne sont pas contestés par l’appelante, traduit un soutien de Bouygues Télécom à son partenaire avant la fin des relations commerciales, et ne contredit pas pour autant l’échéance fixée dans le courrier du 3 avril 2013.
En effet le courriel du 24 avril 2013 émanant du dirigeant de la société Tél and Com, adressé à son franchisé ComCentre , par lequel la société Tél and Com informe son franchisé de la décision de la société Bouygues Télécom de ne pas renouveler les contrats confirme le caractère non-équivoque du courrier de rupture du 3 avril 2013, et l’absence d’ambiguïté de l’auteur de la rupture dans ses échanges ultérieurs avec la société Tél and Com.
La lettre du 14 juin 2013 ne faisant que rappeler le préavis donné par courrier du 27 novembre 2012, le préavis donné par lettre du 3 avril 2013, et l’absence de proposition concrète de la société Tél and Com d’un modèle alternatif tangible qui réponde à l’objectif de rentabilité unitaire au vu de la décroissance de la société Bouygues Télécom, il ne peut y être conféré à ce courrier l’effet de droit que l’appelante cherche à lui donner.
La prétention de l’appelante à voir juger que la lettre du 14 juin 2013 constitue le point de départ du préavis est en conséquence rejetée.
C’est dès lors à bon droit que le premier juge a retenu que la lettre du 3 avril 2013 faisait courir un préavis, celui-ci devant toutefois s’analyser comme un préavis donné dans le cadre d’une rupture totale des relations commerciales établies et non d’une rupture contractuelle telle que qualifiée par le premier juge.
La durée de la relation commerciale entre les parties est calculée à compter du 1er avril 1999 jusqu’à la date de notification de la rupture partielle, par l’envoi de la lettre de rupture du 27 novembre 2012 s’agissant de la baisse de chiffre d’affaires de 60% puis jusqu’à la rupture totale par l’envoi de la lettre du 3 avril 2013 s’agissant de la relations commerciale subsistant .
Il a par conséquent été délivré un délai de préavis de 13 mois dans le cadre de la rupture partielle et un délai de préavis de près de 9 mois dans le cadre de la rupture totale.
2. Sur la durée du préavis :
Le délai de préavis suffisant s’apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances au moment de la notification de la rupture.
– Sur la prétention de l’appelante à l’allongement du délai de préavis:
a. Pour prétendre à l’allongement du délai de préavis, la société appelante soutient s’être trouvée dans un état de dépendance économique vis-à-vis de la société Bouygues Télécom, celle-ci concluant au rejet en faisant valoir que la société Tél and Com s’était volontairement placée dans cet état.
L’état de dépendance économique se définit : « comme la situation d’une entreprise qui ne dispose pas de la possibilité de substituer à son ou ses fournisseurs un ou plusieurs autres fournisseurs répondant à sa demande d’approvisionnement dans des conditions techniques et économiques comparables ».
Les pièces versées aux débats démontrent que la société appelante avait pour objectif commercial le développement de réseaux de points de vente lui permettant de distribuer des offres de téléphonie et d’internet mobile lui procurant l’un et l’autre une rémunération, cette activité économique se situant toutefois dans un secteur d’activité oligopolistique auquel appartient la société Bouygues Télécom, l’opérateur en cause qui n’est pas un opérateur majeur du marché n’étant cependant pas le seul fournisseur d’ offres et produits en ce domaine, et dès lors la société Tél and Com pouvait élargir le nombre de ses partenaires dans l’activité de courtier exercée avec l’intimée, ainsi que diversifier la nature des activités exercées, dans la mesure où aucune clause d’exclusivité susceptible de conduire à l’état de dépendance économique allégué, n’avait été souscrite en faveur de la société Bouygues Télécom. Il n’est d’ailleurs pas contesté que l’appelante entretenait des relations commerciales avec d’autres opérateurs en communications électroniques dont la société Orange, opérateur historique dont les parts de marché sont notoirement supérieures à celles de la société intimée, à une période contemporaine de celle en litige.
En effet le contrat de distribution ‘Grand public’ souscrit le 3 avril 2002 énonce en préambule que ‘le Distributeur détaillant… dispose d’un magasin ouvert au public et dont l’activité principale ou l’un des des rayons spécialisés est consacré(e) à la vente ou à la location de matériel téléphonique et/ou électronique grand public.’, le contrat de distribution Enseignes ‘Grand public’ du 1er avril 2005 énonçant quant à lui ‘ Afin de continuer sa progression sur le marche de la téléphonie mobile, le Distributeur Détaillant a réfléchi aux modalités de son développement à terme, et en a conclu que Bouygues Telecomdevait être l’un des axes importants de sa croissance.’
Les CPD du 15 avril 2011 mentionnent que ‘le Distributeur a également informé Bouygues Télécom de sa volonté de poursuivre le développement de son réseau de points de vente spécialisés en téléphonie mobile à l’enseigne ‘ Tél and Com’ par l’ouverture de nouveaux points de vente’, ces points de vente n’étant pas toutefois l’exclusivité de la société Bouygues Télécom,de sorte que le choix de l’appelante de maintenir le développement des points de vente dans les relations avec la société intimée pour bénéficier de commissionnement, relevait d’un choix délibéré.’
Les CGD du 1er janvier 2010 conclues stipulent qu’au moins 65% des points de vente doivent disposer d’un espace dédié aux produits de communication électronique, ce qui démontre ainsi que l’intimée le souligne, que l’appelante pouvait réellement diversifier ses activités.
Les échanges entre les parties dans le cadre des négociations qui ont précédé l’envoi des lettres de préavis ont révélé à ce titre que l’appelante cherchait à ouvrir toujours plus de points de vente Tél and Com , ce à quoi s’est toujours opposée l’intimée, ces échanges constituant des éléments probants de la volonté de l’appelante de conforter un modèle économique pouvant conduire à un état de dépendance économique du distributeur à l’endroit du fournisseur.
Dès lors l’appelante n’établit pas que l’éventuel état de dépendance économique à l’égard de Bouygues Télécom ne résulte pas d’un choix délibéré de sa part ainsi que le soutient valablement l’intimée.
Elle ne démontre pas que le statut de courtier dont elle se prévaut pour prétendre à un état de dépendance économique et partant bénéficier d’un allongement du délai de préavis, constitue en soi un élément de cette dépendance, l’appelante n’ignorant pas que ce statut n’était pas créateur d’une clientèle en propre d’une part et ayant été rémunérée à ce titre d’autre part.
Il en est de même pour la notoriété de l’auteur de la rupture, l’appelante n’établissant pas que cette notoriété entraîne et caractérise à lui-seul un état de dépendance économique.
Il résulte de ce qui précède que l’appelante ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe , qu’elle ne disposait pas de la possibilité de substituer à la société intimée un autre opérateur ou des activtés autres que la vente des offres téléphoniques, en sorte que la prétention à l’allongement du délai de préavis sur le fondement d’un état de dépendance économique est rejetée.
b. sur les perspectives de reconversion:
Pour prétendre à l’allongement du délai de préavis, l’appelante excipe également de ce que la reconversion à laquelle la société Tél and Com se trouvait confrontée, s’est avérée des plus difficiles et nécessitait un délai particulièrement long.
Or la décision d’attribution par l’Arcep le 17 décembre 2009 d’une licence 3G à la société Free Mobile, cette société s’engageant à lancer ses premières offres début 2012, est un fait juridique et économique notoire connu de tous les acteurs de la téléphonie, dont la société appelante présente sur le marché de la distribution des offres depuis les années 2000 a eu connaissance.
L’intervention d’un nouvel opérateur sur le marché, entraîne nécessairement une mise en concurrence et un effet de baisse des prix en direction du client final, ainsi que des conséquences sur l’organisation de la distribution dès lors que cet opérateur privilégie la souscription d’offres en ligne.
La société appelante, professionnel averti ainsi qu’il résulte de sa présence ancienne sur le marché de la distribution en cause, avait la possibilité de réorganiser sa stratégie commerciale dès la connaissance de la décision de l’Arcep.
Or malgré les invites multiples à son égard par la société intimée, qui allait elle-même subir les effets de l’entrée sur le marché d’un nouvel opérateur particulièrement concurrentiel, l’appelante n’a pas cherché à anticiper sa reconversion, persistant au contraire à vouloir poursuivre dans l’accroissement des réseaux des points de vente ainsi qu’il résulte des échanges entre les parties.
Il ne lui a toutefois pas été impossible autant qu’elle le soutient , de se reconvertir dans les meilleurs délais , dès lors qu’elle n’était pas sans ignorer, par les négociations entreprises dès le début de l’année 2012 avec la société Bouygues Télécom , l’envoi d’une lettre officielle au mois de juillet 2012, que les relations se dégradaient, cette situation de fait étant confirmée par l’envoi de la lettre de rupture partielle des relations le 27 novembre 2012, les rendez-vous ultérieurs de travail et les courriers réitérés restés vains de la société Bouygues Télécom, puis par l’envoi de la lettre de rupture totale du 3 avril 2013, et le courriel du 24 avril 2013 précité, qu’elle allait devoir faire face à la cessation progressive du flux d’affaires, puis la cessation totale des relations au 31 décembre 2013.
En effet, la société appelante fait connaître dans un journal professionnel interne le 3 janvier 2014, que la montée en puissance des MVNO ( Mobile Virtual Network Operator) lui a permis de compenser les baisses de volumes Bouygues Télécom, cette déclaration attestant d’une capacité de réorganisation de l’activité, en contradiction avec les conclusions et les demandes.
Elle ajoute sur le fondement du rapport économique dressé par son expert Monsieur [B], ( pages 8,9 du rapport) que la performance du réseau Tél and Com ( boutiques) apparaît, de 2010 à 2014, sensiblement supérieure à celle du réseau Club Bouygues ( boutiques), d’après les statistiques d’activité de Tél and Com connues de Bouygues Télécom, en progression sensible par rapport à leurs performances historiques malgré l’introduction des offres « SOWO » des trois opérateurs en place en 2011 et l’entrée de Free en 2012.
La société appelante se prévaut, pour faire valoir l’existence de pratiques dans le secteur de la distribution en matière de téléphonie confortant la demande d’allongement du préavis, d’un protocole transactionnel conclu le 8 janvier 2014 avec la société Orange qui lui avait notifié un préavis de près de 24 mois pour la rupture de leurs relations établies pendant plus de 17 ans , aux termes duquel les parties sont convenues d’un délai de trente mois, le protocole souscrit relatant que la société Tél and Com a entamé une reconversion commerce consistant notamment à orienter les ventes vers les opérateurs MVNO et à commercialiser désormais des produits de sécurité et de surveillance du domicile, à réduire ses effectifs au siège, et à mettre en place un programme de fermeture d’un nombre significatif de ses points de vente.
Le préavis ayant été délivré par la société Orange le 24 février 2013, la reconversion que la société appelante a mise en oeuvre dans le cadre de ses relations avec la société Orange, était de nature à s’appliquer pareillement aux relations entretenues avec la société intimée , l’appelante ne pouvant arguer avec succès dans la présente instance d’une impossibilité de se reconvertir dans un délai accordé par la société Bouygues Télécom , alors qu’elle déclare solennellement dans un protocole dont elle se prévaut à la présente instance qu’elle a été capable de se réorganiser dans un délai de moins d’un an, la société Orange ayant accepté toutefois le délai supplémentaire qui était sollicité.
Il est établi que par lettre du 3 avril 2013 donnant préavis, la société intimée a libéré le distributeur de ses engagements de parts de marché résultant de l’ application de l’article 3.1 des CPD pour permettre à cette société de diversifier ses activités, ce comportement de l’intimée s’analysant en une aide apportée à son distributeur lui permettant effectivement de réorganiser son activité.
La rupture prononcée présentant un certain caractère de prévisibilité, la circonstance de perspectives de reconversion nécessitant un allongement du délai de préavis est écartée.
c. sur l’entrave à la reconversion:
La souscription d’un contrat de distribution entre l’intimée et la société Com centre intervenue le 21 janvier 2014 étant postérieure à l’expiration du délai de préavis délivré par l’intimée, les échanges antérieurs entre les sociétés Bouygues Télécom et Com centre établissant clairement que celles-ci ne sont pas entrées en négociation avant le terme des relations entretenues entre les parties à l’instance, et les conditions de rémunération du distributeur ne reprenant pas celles du modèle entre l’appelante et l’intimée, le moyen d’une entrave à la reconversion doit être écarté .
d. Les pratiques du secteur:
La contractualisation d’un protocole établissant un délai de préavis de 30 mois pour des relations de plus de 17 ans n’est pas en lui-même automatiquement réplicable, même dans le cas d’une similitude d’activité des auteurs de la rupture, aucun élément n’établissant que le chiffre d’affaires réalisé par l’appelante avec l’intimée était comparable avec celui réalisé avec la société Orange et la notoriété de la société Bouygues Télécom ne pouvant être légitimement comparée à la notoriété de la société Orange , acteur économique de taille internationale et l’un des principaux opérateurs de télécommunications au monde, avec un chiffre d’affaires de 41 milliards d’euros au 31 décembre 2013 alors que l’intimée ne peut se prévaloir que d’un chiffre d’affaires de 4,6 milliards d’euros sans présence à l’international, la notoriété et la puissance économique de la société Orange ayant certainement participé à la fixation d’un délai de préavis de 30 mois convenu.
S’agissant d’un litige entre un opérateur en télécommunications et son distributeur dont l’appenante fait état, celle-ci ne saurait prétendre au bénéfice d’un préavis de 27 mois qui a été retenu par la cour au titre d’une relation commerciale entre un opérateur en télécommunications et son distributeur, la détermination du préavis raisonnable prenant en compte la nature, l’intensité et la durée de la relation commerciale établie propre à chaque partie et des circonstances ayant entouré la rupture de celle-ci.
Sur la prétention de l’intimée à la réduction du délai de préavis:
a. Les opérateurs SFR, Orange et Bouygues Télécom présents sur le marché en 2009, étant déjà attributaires de trois des quatre licences 3G, il était suffisamment prévisible que l’arrivée sur le marché des télécommunications le 17 décembre 2009 d’un quatrième opérateur faisant le choix notamment de proposer au consommateur des offres claires et innovantes à des tarifs compétitifs de nature notamment à faciliter l’accès à l’internet mobile, d’ accueillir des MVNO ‘complets’ (” full MVNO “) sur son réseau, ces nouvelles offres devant ainsi stimuler les opérateurs existants dont la situation actuelle est pérenne et solide, selon le communiqué de presse de l’Arcep, allait se traduire par une baisse des prix, ce que déclarait le président de l’Arcep qui précisait que les offres proposées seraient en ‘rupture avec l’existant’, ce qui allait nécessairement entraîner des bouleversements du marché en cause et devait susciter rapidement des réactions chez les acteurs présents sur le marché, opérateurs et distributeurs.
Il n’est pas non plus contestable qu’en proposant dès son entrée sur le marché au premier trimestre 2012 des offres à des coûts extrêmement réduits de l’ordre de 2 euros et de près de 16 euros, le quatrième opérateur a provoqué une rupture tarifaire bouleversant durablement le marché, l’ampleur du bouleversement n’étant en lui-même pas nécessairement prévisible.
Il est ainsi suffisamment démontré au moyen d’un rapport technique Teva versé par l’intimée et que l’appelante a pu discuter, qu’une rupture tarifaire est survenue affectant le prix des services mobiles, tels qu’il résulte de l’indice général du prix de ces services, calculé par l’Arcep, selon lequel l’indice des prix entre fin 2011 et fin 2013 a chuté de 32% pour le prix du post payé traditionnel (abonnement avec terminal et engagement), de 31% pour le prépayé, et de 8% pour le SOWO (Sim Only Web Only: abonnements sans terminaux, sans engagements vendus sur l’internet), cette rupture résultant de la conjonction des trois facteurs suivants: un accord d’itinérance spécifique entre Free Mobile et Orange, la généralisation du découplage entre l’abonnement au service et la vente de terminal, et une distribution exclusivement dématérialisée.
Toujours selon le rapport Teva (source http://l’expansion.express.fr/high tech/free mobile le bilan six mois après 1332692.html), dès le lancement commercial Free Mobile a gagné « 4% de part de marché en seulement 80 jours ‘; la baisse de l’ARPU moyen ( chiffre d’affaires moyen par abonné) de 26% sur deux ans a été la plus forte et la plus rapide en France que dans tous les cinq autres pays européens comparés internet; l’indice général du prix des services mobiles a chuté de 33% entre le dernier trimestre 2011 et le dernier trimestre 2013 dont 32% pour le post-payé traditionnel, 31% pour le pré-payé ( source Arcep) distribués en boutiques.
Entre 2011 et 2013, le parc clients sur les deux segments traditionnels a baissé de 10,4 millions par rapport aux prévisions du marché réalisé en 2011( étude statistique établie sur la base des données publiées par l’Arcep), s’agissant des ventes en boutiques. La gamme des forfaits a été réduite, entraînant une baisse de l’utilité du conseil en boutiques. Le nombre d’acquisitions des offres mobiles réalisé en boutiques Bouygues Télécom a chuté de 30% entre fin 2011 et fin 2013 et de 40% dans les points de ventes Tél and Com .
Le retournement du marché est reconnu par le dirigeant de l’appelante dans une note interne du 15 mai 2013 , lequel mentionne que ‘Free est parvenu à conquérir plus de 5 millions de clients, soit bien plus que les 1,5 million des hypothèses les plus optimistes. Les opérateurs historiques ont un modèle économique fortement fragilisé : s’ils sont parvenus à maintenir à peu près leur nombre de clients actifs, c’est au prix de fortes baisses de prix, et la part des clients non engagés a augmenté de 50%. Bouygues Télécom a perdu 16 millions d’euros en 2012”.
La société intimée a connu la plus forte baisse des revenus mobiles sur les deux années consécutives les plus intenses de baisse des prix et du ratio (EBITDA-CAPEX)/ REVENUS.
L’examen des résultats nets de l’entreprise Bouygues Télécom démontrent en 2012 la perte des 16 millions d’euros précités, en 2013 un léger excédent de 13 millions d’euros, contre un résultat net de 370 millions d’euros en 2011, puis une nouvelle perte de 445 millions d’euros en 2014. Le président de l’Arcep a reconnu en 2013 que la société intimée était l’opérateur qui avait le plus souffert de l’arrivée de Free Mobile sur le marché.
Le marché concerné est celui des offres mobiles vendues par l’appelante dans ses points de vente. C’est tout à la fois le caractère onéreux des offres présentées en boutique pour le consommateur et pour l’opérateur en télécommunications, en considération des nouveaux prix sur le marché, qui est la cause d’ une baisse de volume des ventes que l’intimée a rencontrée et par suite d’une baisse de son chiffre d’affaires et de ses revenus nets.
Le fait que, lors de l’entrée sur le marché du quatrième opérateur en 2012 celui-ci occupait déjà 9,5% de parts de marché, l’intimée bénéficiant de parts de marché estimées à 16%, les MVNO représentant 10,8% de ce marché, n’exclut pas une perte de revenus de l’intimée liée à la réduction significative du volume des ventes dans les points de vente de l’appelante.
Il est démontré que les caractéristiques de la société Bouygues Télécom qui représentait le plus petit opérateur disposant d’un réseau d’infrastructures en France impliquent une structure de coûts fixe importante pour cet opérateur, et par conséquence une hausse du coût moyen plus forte que pour les opérateurs de plus grande taille.
Le fait que le quatrième opérateur bénéficie d’un contrat d’itinérance de longue durée souscrit avec l’opérateur historique lui permettant d’entrer sur le marché en reportant les investissements à coûts fixes du réseau tout en bénéficiant de l’infrastructure assurant la couverture nationale est un facteur économique qui a permis à cet opérateur de présenter des offres à bas coûts telle l’ offre mobile 0-2 euros TTC, qu’une structure telle celle l’intimée ne pouvait répliquer.
Dès lors le moyen selon lequel l’arrivée de la société Free Mobile n’a pas empêché le marché des offres mobiles de croître n’est pas pertinent, les offres de la société Free Mobile étant essentiellement souscrites en ligne, assorties d’un accès internet , et dissociées de la vente du terminal, proposées à des prix en rupture avec les prix des offres Bouygues Télécom en boutique, conduisant l’intimée à entrer en négociation avec l’appelante dès le mois de février en vue de réorganiser le modèle de distribution puis en proposant dès le mois de juin 2012 une offre vendue en ligne, à des prix compétitifs.
L’intimée allègue qu’une possibilité de diversification du distributeur dans la vente de terminaux dissociés de l’offre, donnant en exemple de distributeurs tels ‘TheKase’, spécialisé dans les accessoires pour mobiles, créé en 2012, ainsi que des grandes surfaces spécialisées ou des enseignes de e-commerce. Les deux dernières entités par leur taille et leur puissance économique ne peuvent cependant pas être comparées de façon pertinente à des distributeurs indépendants.
L’accord de distribution conclu le 21 janvier 2014 entre l’intimée et la société Com Centre, contenant des modalités de rémunération autres que le modèle existant entre les parties à l’instance, ne peut être utilement comparé au modèle de distribution litigieux, étant observé que l’intimée allègue que cette société a toutefois réduit le nombre de ses points de vente, passé de 63 en 2013 à 51 en 2017, l’ensemble de ces éléments n’étant pas contredit.
L’acquisition de Darty Telecom par la société intimée en 2012 n’est pas susceptible de constituer un terme de comparaison valable à l’activité exercée par un distributeur dans son activité de courtier, Darty Telecom commercialisant les offres de plusieurs opérateurs et pas seulement les offres de la société Bouygues Télécom, ce qui ne constituait oas un accroissement subtantiel du réseau de distribution .
L’intimée justifie dès lors que les effets de l’arrivée sur le marché du quatrième opérateur dans les conditions précitées, ont entraîné une perte de valeur des offres souscrites ainsi qu’une perte consécutive de revenus et induit une modification profonde de la distribution.
b. La société intimée soutient à bon droit que la conclusion des CPD le 15 avril 2011, à durée déterminée pour la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2013, et expressément dépourvues de clause de tacite reconduction , a introduit un élément de précarisation dans les relations commerciales établies, de sorte que le partenaire commercial ne pouvait ignorer que le contrat était susceptible soit de faire l’objet de renégociations, soit qu’il pouvait ne pas être renouvelé à l’échéance et dès lors ne pouvait plus raisonnablement anticiper une continuité de la relation commerciale pour l’avenir.
Ainsi les négociations entreprises à compter de mars 2012, ayant débouché sur la lettre de rupture du 27 novembre 2012 puis en l’absence de négociations ultérieures sur la lettre de rupture du 3 avril 2013 laquelle a libéré le distributeur de partie de ses engagements tout en versant les rémunérations contractuelles , ces deux écrits intervenant dans le contexte d’un bouleversement du marché ayant entraîné dès 2012, un effondrement du prix des offres et une baisse des volumes de vente et des revenus de l’intimée, la dégradation du marché se poursuivant en 2013, ont effectivement introduit une précarisation dans la poursuite des relations commerciales établies.
La société appelante ne pouvait dans ces conditions escompter légitimement une poursuite des relations commerciales établies , en sorte que le le préavis délivré pour une rupture partielle des relations le 27 novembre 2012 et le préavis donné pour la rupture totale de ces relations le 3 avril 2013, dans le cadre d’un bouleversement du marché de la téléphonie mobile dont l’appelante a eu connaissance et a été en mesure de prendre des dispositions pour s’adapter, présentent l’un et l’autre l’un et l’autre un caractère suffisant et privent la rupture opérée de toute brutalité
Le jugement est infirmé en ce qu’il a condamné la société Bouygues Télécom à indemniser la société Tél and Com au titre de l’insuffisance du préavis.
La cour constate que l’appelante ne forme aucune demande en indemnisation au titre de la rupture partielle de sorte que la cour n’a pas à statuer conformément à l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile.
La société Tél and Com est déboutée de sa demande en indemnisation de la brutalité de la rupture.
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Sur les autres demandes:
1. Sur la demande de condamnation de l’intimée au titre de la privation des primes de Parc liées à l’exclusion de la distribution de l’offre B&You:
Aux termes de l’article L. 442-6-I-2° du Code de commerce applicable aux faits de la cause, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
L’appelante fait grief à l’intimée de l’avoir soumise à l’évidence à des obligations créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, s’agissant des clauses particulières de distribution du 15 avril 2011 et l’avenant n°1 du 11 avril 2012, en la privant sans nécessité de la distribution de l’offre B&You, la société intimée répliquant qu’il n’est pas fait la démonstration de cette absence de négociation et que les clauses critiquées ont été instaurées et maintenues à son initiative.
La soumission se déterminant en fonction du pouvoir de négociation; il appartient à l’appelante d’établir qu’elle a été privée effectivement d’une possibilité de négocier le contrat litigieux.
En l’espèce l’acte du 15 avril 2011 représentant les clauses particulières de distribution énonce en préambule notamment que ‘Les Parties ont signé des conditions générales de distribution qui ont pris effet le 1er janvier 2010 (ci-après dénommées les “CGD “) au titre desquelles le Distributeur assure la présentation des services de communication électronique de Bouygues Télécom auprès du grand public (ci-après dénommés les “Offres”) dans le cadre d’une relation de courtage. (…)
En complément des services assurés par le Distributeur au titre des CGD et dans le prolongement du protocole d’accord commercial conclu par les Parties le 27 janvier 2006 jusqu’au 31 décembre 2010, le Distributeur a proposé de nouveau à Bouygues Télécom des contreparties afin d’optimiser leurs relations commerciales et de développer la souscription des Offres.
Le Distributeur a également informé Bouygues Télécom de sa volonté de poursuivre le développement de son réseau de points de vente spécialisés en téléphonie mobile à l’enseigne « TEL and COM ” par l’ouverture de nouveaux points de vente.
Bouygues Télécom s’est montrée intéressée par les propositions du Distributeur qui pourraient contribuer au développement et à l’optimisation de la distribution de ses Offres.
Par conséquent, eu égard à l’augmentation des souscriptions à ses Offres qu’elle peut escompter, Bouygues Télécom souhaite bénéficier des contreparties proposées par le Distributeur et les Parties sont convenues des termes des présentes conditions particulières de distribution (ci-après dénommé le « Contrat”) qui permettent notamment de favoriser le développement économique réciproque des Parties.(…)
Article 3 Engagements du Distributeur
Le Distributeur s’engage:(…)..
L’avenant n°1 du 11 avril 2012 rappelle en préambule que ‘Bouygues Telécom et le Distributeur ont conclu le 15 avril 2011, des conditions particulières de distribution au titre desquelles le Distributeur s’engage à développer les souscriptions aux Offres en complément et de façon accessoire aux CGD (ci-après désignées « CPD ”).
Pour ce faire, le Distributeur s’engage, notamment à une croissance annuelle de son Parc net clients minimum.
Bouygues Telécom verse au Distributeur, en contrepartie de l’évolution annuelle globale du Parc net clients minimum du Distributeur, un commissionnement constitué de…(…)
Pour l’année 2011, l’évolution globale du Parc net client est inférieure au palier minimum contractuel de vingt-deux mille (22.000) Clients. En application des termes qui précèdent, le Distributeur devrait donc rembourser Bouygues Telécom des avances perçues au titre de l’évolution globale du Parc net clients.
Toutefois, en 2011, le marché du forfait bloqué a connu une baisse générale dans tous les canaux de distribution de Bouygues Telécom, ce qui peut, pour partie expliquer la non-atteinte de l’évolution globale du Parc net clients visée dans les CPD. Par ailleurs, s’il est vrai que l’évolution globale du Parc net clients du Distributeur est inférieure au palier minimum contractuel de vingt-deux mille (22.000) Clients, le Distributeur a, néanmoins, réalisé une progression de ses souscriptions d’Offres post-payées voix Grands Forfaits en 2011 de 4,8% en acquisition et de 10,8% en renouvellement par rapport à 2010.
Par conséquent, au regard de ces différents éléments et par dérogation aux termes du Contrat, à titre commercial et tout à fait exceptionnel, les Parties se sont rapprochées et sont convenues des termes du présent avenant (ci-après dénommé l’« Avenant ”).
Article 1 Objet
L’Avenant a pour objet de déroger, à titre commercial et tout à fait exceptionnel, aux termes des CPD en ce qui concerne le commissionnement versé par Bouygues Telécom au Distributeur en contrepartie de la croissance annuelle de son Parc Net clients.
Article 2 Modification de l’annexe 2 bis du Contrat relative à la prestation de courtage
Pour tenir compte des éléments rappelés en préambule, les Parties conviennent, par dérogation aux termes de l’article 3.2, à titre commercial et tout à fait exceptionnel, de verser au Distributeur le commissionnement concernant l’évolution globale du Parc net client qui correspond au palier minimum contractuel de vingt-deux mille (22.000) Clients.(…)’
La teneur des contrats démontre que les parties ont échangé entre elles jusqu’à trouver des accords qui sont concrétisés par la conclusion d’un contrat et d’un avenant contenant des objectifs à atteindre, ces objectifs étant rémunérés par diverses commissions dont les montants sont déterminés ou déterminables et qui en sont la contrepartie, la rémunération versée à l’appelante s’accroissant dans la mesure où elle même remplissait ses objectifs d’ouverture de points de vente.
Les parties ayant un intérêt commun au modèle commercial et économique et trouvant une juste rémunération dans la croissance, par le versement de commissions rappelées ci-avant, l’appelante ne démontre pas que les obligations auxquelles elle s’est engagée en particulier les engagements contractuels de croissance de parc présentent un caractère déséquilibré ou sont constitutifs de la part de l’opérateur de télécommunications d’un manquement à son obligation de bonne foi.
L’appelante ne peut valablement arguer d’une privation préjudiciable de la commercialisation de l’offre B&You dans ses points de vente, dès lors que l’offre en cause, commercialisée sur internet par la société Bouygues Télécom ne comprenait, outre la voix, et les SMS, que 500 Mo de données pour un prix de 36.90 euros par mois, tenant nécessairement compte des coûts de la société Bouygues Télécom, n’était pas comparable au prix des offres du quatrième opérateur, et ne pouvait être commercialisée en boutique à raison des coûts internes élevés.
L’appelante ne fait dès lors pas la démonstration de l’absence de raison objective à la commercialisation par la seule société Bouygues Télécom de l’offre B&You pendant la durée des relations commerciales établies.
En l’absence de preuve d’un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et de preuve d’une déloyauté de l’intimée dans ses relations commerciales avec l’appelante, c’est à bon droit que le premier juge a débouté la société Tél and Com de ses demandes en indemnisation au titre des primes de parc.
Sur la demande formée au titre des primes d’ouverture d’un montant de 3.020.234 euros:
L’appelante soutenant pareillement le caractère significativement déséquilibré de la clause du contrat du 11 avril 2011 disposant une cause de remboursement supplémentaire de la prime d’ouverture de 150 000 euros « En cas de fin et non-reconduction du Contrat et/ou des CGD ou de tout contrat qui leur serait substitué », le remboursement de cette prime trouve sa contrepartie dans la fin des relations commerciales entre les parties, proportionné à l’événement en cause , le terme des relations commerciales justifiant que la société Bouygues Télécom ne réalise plus des investissements en pure perte représentant une rémunération de la société Tél and Com dépourvue de contrepartie, en sorte que c’est à bon droit que le tribunal a condamné la société Tél and Com à payer les montants versés par la société Bouygues Télécom à ce titre.
Le montant réclamé ayant été reconnu par la société Tél and Com au cours de la réunion du 7 février 2013 faisant l’objet d’un compte-rendu par courriel le 22 février suivant dont le contenu n’a pas été discuté par l’appelante en temps utile, celle-ci n’est désormais plus fondée à en contester le montant.
Il en résulte que le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné la société Tél and Com à payer la somme de 3.020.234 euros.
Sur les reprises de commission de 270.000 euros:
La faculté de Bouygues Télécom de reprendre le commissionnement en cas de non-respect des procédures d’activation est convenue à l’article 4.13 des CGD de 2010 qui prévoit qu’ « En cas de manquement aux obligations précitées ( notamment le respect des procédures établies par Bouygues Télécom telles que définies en Annexe 1 des CGD, en l’espèce la remise d’une carte bancaire), (…) Bouygues Télécom se réserve la possibilité de reprendre au Distributeur, l’intégralité des commissionnements indûment(s) versés, et de lui facturer les coûts relatifs aux pratiques susmentionnées (frais de mise en service, montant des abonnements non perçus, consommations téléphoniques non réglées’)».
Les procédures d’activation résultant d’un dispositif contractuel dont l’appelante avait une parfaite connaissance pour l’avoir antérieurement mis en oeuvre, celle-ci est mal fondée à soutenir l’absence d’indications précises de la part de Bouygues Télécom, notamment en ce qui concerne la remise d’une carte bancaire et non pas d’une carte autre que bancaire, notamment une carte ‘ prépayée’ .
L’appelante reconnaît dans ses écritures que des ‘erreurs ont pu être commises par les membres du réseau sur l’activation de certains abonnements en confondant les cartes prépayées avec des cartes bancaires usuelles.’, et ne conteste pas le grief fait par la société Bouygues Télécom dans le courrier du 27 août 2013 selon lequel ‘le non-respect des procédures d’activation a déjà été constaté dans le point de vente de [Localité 5] donnant lieu à la reprise de commissionnement que la société Tél and Com n’avait pas contestée’, l’ensemble de ces éléments étant suffisamment probants d’un manquement contractuel imputable à l’appelante, de sorte que la société Bouygues Télécom s’est conformée au contrat en faisant application de la clause de reprise, y compris de façon rétroactive, ce dont il suit l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Bouygues Télécom à restituer la somme de 270.000 euros.
La demande de condamnation à payer la somme de 272.000 euros formée par la société Tél and Com est dès lors sans objet.
Sur la demande de Bouygues Télécom en condamnation à payer la somme de 48.561,40 euros au titre de factures impayées:
En cause d’appel la société Bouygues Télécom produisant les factures dont elle demande la condamnation au payement , et l’appelante faisant seulement valoir l’absence de moyen au de l’appel incident, lequel est formé sur le fondement contractuel, il en résulte que l’appelante, faute de justifier du payement de factures qui ne sont pas contestées, doit être condamnée au payement de la somme de 48.561,40 euros.
Le jugement dont appel est infirmé en ce qu’il a débouté la société Bouygues Télécom de sa demande.
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Les parties sollicitant la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Bouygues Télécom à payer la somme de 2.970.810,62 euros au titre des stocks restitués, et la société Tél and Com à payer à la société Bouygues Télécom la somme de 6.087.640 euros représentant des avances de trésorerie, le jugement est confirmé de ces chefs de condamnation.
La cour rappelle qu’en application de l’article 561 du code de procédure civile, l’obligation de rembourser résulte de plein droit de la réformation de la décision de première instance ayant alloué des sommes d’argent.
Par ces motifs
La cour,
Confirme le jugement dont appel sauf en ce qu’il a condamné la société Bouygues Télécom à indemniser la société Tél and Com au titre de l’insuffisance de préavis, a condamné la société Bouygues Télécom à restituer à la société Tél and Com la somme de 270.000 euros, a débouté la société Bouygues Télécom de sa demande en payement des factures de 48.561,40 euros ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Dit suffisant le préavis délivré par la société Bouygues Télécom par lettre du 27 novembre 2012 et par lettre du 3 avril 2013 ;
Déboute la société Tél and Com de sa demande en indemnisation au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies ;
Déboute la société Tél and Com de sa demande en condamnation de la société Bouygues Télécom à payer la somme de 272.000 euros ;
Condamne la société Tél and Com à payer à la société Bouygues Télécom la somme de 48.561,40 euros ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Tél and Com à payer à la société Bouygues Télécom la somme de 150.000 euros ;
Rejette toute demande autre ou plus ample ;
Condamne la société Tél and Com aux entiers dépens d’appel.
Le greffier Le président