Location de matériel : 17 novembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/03187

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Location de matériel : 17 novembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/03187
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17 novembre 2022
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/03187

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 17/11/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/03187 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TVTL

Jugement (N° 2020002820) rendu le 11 mai 2021 par le tribunal de commerce de Valenciennes

APPELANTES

Société Cristal Union, société Coopérative Agricole à capital variable, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

ayant son siège social, [Adresse 8]

Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire (Groupama Paris Val de Loire), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 1]

représentées par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistées de Me Jean-Marie Preel, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant, substitué par Me Tiberghien, avocat au barreau de Paris

INTIMÉES

SAS Team, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

ayant son siège social, [Adresse 3]

représentée par Me Stéphane Mons, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

SA AXA France Iard prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

ayant son siège social, [Adresse 2]

représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Dominique Lacan, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Laurent Bedouet, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valerie Roelofs

DÉBATS à l’audience publique du 30 juin 2022 après rapport oral de l’affaire par Agnès Fallenot

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Nadia Cordier,

conseiller, en remplacement de Laurent Bedouet, président empêché, et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 31 mai 2022

****

FAITS ET PROCEDURE

La société Cristal union exploite sur son site de [Localité 5] une unité de production de sucre et de reprise de sirop, dont la matière première est la betterave. Chaque année, la campagne de reprise de sirop se tient approximativement de mars à juin, et la campagne sucrière de septembre à décembre.

Pour extraire le sucre des betteraves et le cristalliser, la société Cristal union a besoin de vapeur et d’électricité.

La production de vapeur est réalisée par deux chaudières.

La production d’électricité est réalisée par des groupes turbo-alternateurs (GTA), comportant chacun une turbine, un réducteur et un alternateur, outre un circuit de lubrification qui alimente à la fois la turbine et le réducteur :

-un groupe principal dit T5, de marque Allen, d’une capacité nominale de 10 MW ;

-un groupe secondaire dit T4, de marque Fives-[Localité 6], d’une capacité nominale de 4,2 MW.

-un troisième groupe, dit T3, utilisé en secours, d’une capacité nominale de 3,8 MW.

Les besoins de la sucrerie en électricité sont de 8,5 MW en campagne sucrière.

La maintenance courante des groupes turbo-alternateurs est assurée par l’exploitante, les révisions majeures faisant en revanche l’objet d’un marché passé soit avec le constructeur, soit avec une société spécialisée.

En décembre 2014, durant l’inter-campagnes, la société Cristal union a confié à la société Team Turbo-Machines (ci-après nommée la société Team), spécialiste des groupes turbo-alternateurs :

-une prestation intitulée « modernisation régulation turbo 5 », suivant commande n°4500101483 du 9 décembre 2014, pour un montant de 194 000 euros HT ;

-une prestation intitulée « installation contrôle vibratoire turbo 5 », suivant commande n°4800007212 du 9 décembre 2014, pour un montant de 80 000 euros HT.

Ces deux commandes ont été passées sur un devis n°206-3 GTA 14 émis par la société Team le 4 novembre 2014, selon le récapitulatif suivant :

-révision majeure de la turbine et mineure du réducteur incluant les travaux d’usinage des pistes de capteurs, de fourniture des supports de capteurs et de l’usinage des emplacements des pastilles d’accéléromètres et des trous de passage des câbles ;

-travaux de rénovation de la régulation ;

-filtration des charges d’huile et nettoyage des caisses à huile.

La modernisation du système de régulation et d’admission vapeur avait pour objet de permettre l’utilisation de la turbine jusqu’à 8,5/9 MW alors qu’elle n’était jusqu’alors exploitée qu’à 6,5 MW maximum.

L’installation d’un système de capteurs pour analyse vibratoire devait permettre d’améliorer la maintenance de la turbine en augmentant la part de préventif et de prédictif par rapport à une approche centrée sur le curatif.

Ces travaux ont dû être complétés suite à l’inspection du T5 et aux constatations effectuées par la société Team.

La société Cristal union lui a ainsi confié :

-une prestation intitulée « réfection ailettes avec rééquilibrage », suivant commande n°4500105172 du 20 janvier 2015, pour un montant de 68 000 euros HT ;

-une prestation intitulée « Intervention Team Turbo 5 », suivant commande n°4500107953 du 16 février 2015, pour un montant de 120 000 euros HT ;

-une prestation intitulée « Intervention Team Turbo 5 suite », suivant commande n°4500107956 du 16 février 2015, pour un montant de 70 000 euros HT ;

ces deux dernières commandes ayant été passées sur un devis n°018-1 GTA 15 émis par la société Team le 6 février 2015 pour la remise en état de la turbine et du réducteur Allen.

La réalisation des travaux s’est achevée en avril 2015.

Dès le 14 avril 2015, des désordres consistant en un dépassement des seuils vibratoires normaux et la présence de particules étrangères dans l’huile de lubrification sont apparus sur le T5 empêchant sa mise en exploitation. Une intervention sur les paliers a été réalisée en atelier, sans faire disparaître les dysfonctionnements. Le 30 avril 2015, le T5 a dû être mis à l’arrêt au profit du T4 alors que la campagne sirop était en cours.

Le 4 juin 2015, la société Cristal union a passé une commande n°4500119409 d’un montant de 42 176 euros HT à la société Team pour une prestation intitulée « démontage et expertise », suivant un devis n°171-2 GTA 15 émis par la société Team le 2 juin 2015.

Le 30 juillet 2015, la société Cristal union a passé une commande n°4500125020 d’un montant de 60 167,80 euros HT à la société Team pour une prestation intitulée « Réparation + remontage + mise en service ».

Le remontage du T5 s’est achevé le 24 août 2015.

De nouveaux désordres ont cependant été constatés après essais en date du 25 août 2015, se manifestant par quatre fuites d’huile dont trois sur le circuit de lubrification et une sur la régulation, impliquant l’arrêt du T5 dès le 26 août 2015.

Afin de colmater les fuites, la société Team a procédé, le 14 septembre 2015, au démontage du carter arrière du boîtier de l’accouplement turbine/réducteur situé en aval du palier échappement. Il a alors été constaté que le palier échappement était fortement endommagé. Le régule des coussinets était en outre très dégradé.

La remise en état du palier d’échappement a été entreprise par la société Team dès le 15 septembre 2015.

Le 17 septembre 2015, le palier défectueux a été placé sous scellés par Maître [K], huissier de justice, au contradictoire des représentants de la société Cristal union et de la société Team.

Suivant courrier recommandé en date du 18 septembre 2015, la société Cristal union a sollicité la société Team afin qu’elle mette tout en ‘uvre pour qu’aucun défaut ne soit constaté sur les autres paliers au cours de la campagne sucrière 2015 qui devait débuter le 30 septembre 2015, sensibilisant cette dernière sur le risque de très fortes pertes d’exploitation.

La campagne sucrière a débuté le 30 septembre 2015, avec utilisation des T4 et T5. Une dégradation très significative des vibrations du palier a été constatée sur le T5 dans la nuit du 13 au 14 octobre 2015.

Par courrier recommandé en date du 16 octobre 2015, la société Cristal union a attiré l’attention de la société Team sur le fait que le ralentissement du T5 générait un fonctionnement de l’usine en mode dégradé, car elle se trouvait en déficit d’électricité et de vapeur détendue, entraînant des frais supplémentaires d’exploitation importants.

La machine a dû être arrêtée le 19 octobre 2015 en raison de vibrations trop importantes.

Une réunion d’expertise amiable s’est tenue le 20 octobre 2015 en présence d’un huissier de justice et au contradictoire notamment de la société Cristal union et de la société Team, au cours de laquelle il a été procédé à l’ouverture des paliers et au constat de la dégradation de la couche de régule des paliers en admission et en échappement.

Le coussinet d’échappement a été remplacé et contrôlé par la société Team, et la machine remise en service le 22 octobre 2015 avant de devoir être de nouveau arrêtée le 29 octobre 2015 en raison de vibrations importantes.

Le démontage des paliers le 30 octobre 2015 a révélé une nouvelle dégradation de la couche de régule des paliers en admission et en échappement.

La machine a été remise en route le 4 novembre 2015 après remplacement et contrôle, par la société Team, du coussinet d’échappement, et augmentation, toujours par cette dernière, des jeux de fonctionnement à l’échappement et à l’admission.

Le 8 novembre 2015, une fuite d’huile au niveau du palier d’échappement a été détectée engendrant un départ de feu rapidement maîtrisé.

Par acte d’huissier du 4 novembre 2015, sur autorisation donnée la veille, la société Cristal union a sollicité du juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre la désignation d’un expert.

Par ordonnance du 12 novembre 2015, Monsieur [U] [W] a été désigné en qualité d’expert judiciaire.

La machine a été arrêtée en vue d’une réunion d’expertise le 18 novembre 2015, au cours de laquelle il a été procédé à un certain nombre de constats et à la définition des investigations à mettre en ‘uvre. A l’issue, la machine a été réparée, remontée et remise en service le 19 novembre 2015 par la société Team.

L’expert a ensuite procédé à des essais de montée en vibration de la machine le 3 décembre 2015, soit juste avant la fin de la campagne sucrière et ce, afin de ne pas compromettre son achèvement si de nouveaux désordres devaient survenir.

Des essais supplémentaires ont été réalisés les 24 mai et 6 juin 2016, au cours de la campagne sirop, après réparation du rotor et remontage de la turbine par la société Team.

L’expert a déposé son rapport d’expertise technique le 20 janvier 2017 et son rapport d’expertise sur les préjudices le 25 juillet 2017.

Par actes d’huissier en date des 30 mai 2018 et 4 juin 2018, la société Cristal union et la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Paris Val de Loire (ci-après appelée Groupama) ont fait assigner la société Team et son assureur, la compagnie Axa France Iard, devant le tribunal de commerce de Reims.

Par jugement avant dire droit en date du 10 mars 2020, cette juridiction s’est déclarée incompétente au profit du tribunal de commerce de Valenciennes.

Le dossier a été transmis le 22 avril 2020 et plaidé à l’audience du 30 juin 2020.

Par jugement rendu le 11 mai 2021, le tribunal de commerce de Valenciennes a statué en ces termes :

« Dit que la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES PARIS VAL DE LOIRE (GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE) est régulièrement subrogée dans les droits et actions de la société CRISTAL UNION ;

Condamne in solidum la société TEAM et la société AXA FRANCE IARD à payer à la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES PARIS VAL DE LOIRE (GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE) la somme de 80.000,00 euros à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2018 avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil ;

Rejette toutes les autres demandes contraires au présent dispositif ;

Condamne in solidum la société TEAM et la société AXA FRANCE IARD à payer la somme de 2.000 euros à la société CRISTAL UNION, d’une part, et à la société GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE, d’autre part, à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

Condamne in solidum la société TEAM et la société AXA FRANCE IARD aux entiers dépens de l’instance en ce compris les frais d’expertise d’un montant de 37.336,99 euros, les frais de greffe étant liquidés à la somme de 116,74 euros. »

Par déclaration du 11 juin 2021, la société Cristal union et Goupama ont relevé appel de cette décision en ce qu’elle : «  -Condamne in solidum la société Team et la société Axa France Iard à payer à la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES PARIS VAL DE LOIRE (GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE) à la seule somme de 80 000,00 euros à titre de dommages et intérêts, -Rejette toutes les autres demandes contraires au présent dispositif ».

PRETENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions régularisées par le RPVA le 24 mai 2022, les sociétés Cristal union et Goupama demandent à la cour de :

« Vu les articles L.121-12 du Code des assurances et 1346-1 du code civil,

Vu l’article 1147 du Code civil dans sa version antérieure au 1er octobre 2016,

Vu l’article L.124-3 du Code des assurances,

Vu l’article 1154 du Code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

Et notamment le rapport d’expertise judiciaire de Monsieur [W],

(…)

– CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Valenciennes en ce qu’il a dit que la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES PARIS VAL DE LOIRE (GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE) est régulièrement subrogée dans les droits et actions de la société CRISTAL UNION,

– CONFIRMER le jugement attaqué en ce qu’il a retenu que l’origine des désordres était due à un défaut de spécification dimensionnelles des paliers à décalage de la turbine introduit par la société TEAM et imputable à cette dernière,

– CONFIRMER le jugement attaqué en ce qu’il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société TEAM, mais

– INFIRMER le jugement attaqué en ce qu’il a limité la condamnation de la société TEAM et son assureur AXA France IARD à la seule somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts

En conséquence, statuant à nouveau,

– CONDAMNER la société TEAM sur le fondement de la responsabilité contractuelle et son assureur, AXA France IARD, sur le fondement de l’action directe, à indemniser la société CRISTAL UNION de son entier préjudice, déduction faite de l’indemnité de 400 103 euros perçue de son assureur, à savoir la somme de 261 103,90 euros avec intérêts à compter du 30 mai 2018 et capitalisation des intérêts,

– CONDAMNER la société TEAM et son assureur, AXA France IARD, sur les mêmes fondements, à payer à la société GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE, subrogée dans les droits de son assurée, la société CRISTAL UNION, la somme de 400.103 euros avec intérêts à compter du 30 mai 2018 et capitalisation des intérêts,

A titre subsidiaire,

– CONDAMNER la société TEAM sur le fondement de la responsabilité contractuelle, et son assureur, AXA France IARD, sur le fondement de l’action directe, à payer à la société GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE, subrogées dans les droits de son assurée à hauteur de 400 103 €, la société CRISTAL UNION, la somme de 293 065 euros avec intérêts à compter du 30 mai 2018 et capitalisation des intérêts,

– CONDAMNER la société TEAM sur le fondement de la responsabilité contractuelle, et son assureur, AXA France IARD, sur le fondement de l’action directe, à payer à la société CRISTAL UNION, la somme de 41 677 euros avec intérêts à compter du 30 mai 2018 et capitalisation des intérêts,

En tout état de cause,

– CONDAMNER les sociétés TEAM et AXA France IARD à payer aux sociétés CRISTAL UNION et GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE la somme 5 000 € chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– CONDAMNER les sociétés TEAM et AXA France IARD aux entiers dépens, comprenant les frais d’expertise à hauteur de 37 336,99 euros, dont droit de recouvrement par Maître Virginie LEVASSEUR, avocat au Barreau de Douai, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. »

Les sociétés appelantes soulignent qu’à l’issue de ses investigations, l’expert a conclu que les désordres répétés au niveau des paliers trouvaient leur origine dans l’application d’un jeu de fonctionnement trop faible au niveau des coussinets à offset. La destruction de la couche de régule des paliers ainsi provoquée a aussi engendré une pollution de l’huile ainsi qu’un endommagement des soies et des garnitures, lesquelles ont elles-mêmes été à l’origine des fuites d’huile et de vapeur et, partant, des départs de feu.

L’expert a exclu en revanche toute implication des agrégats solides et cristaux constatés sur l’arbre de la turbine dans la réalisation des désordres affectant les paliers, la contamination du rotor par des dépôts n’étant donc pas à l’origine de la casse répétée des paliers.

Il a également considéré que si le désalignement des axes du rotor et de l’arbre GV du réducteur au moyen d’une cale ne pouvait être considéré comme l’origine principale des désordres, il pouvait néanmoins avoir contribué à leur accélération.

L’expert a enfin exclu tout lien de causalité entre les désordres et :

-la contamination du rotor par un dépôt à base de soude ;

-les défauts survenus sur la machine avant l’intervention de la société Team en 2015 ;

-la technologie des paliers.

C’est dans ces conditions qu’une simple reprise du jeu des paliers de la turbine a suffi à prévenir toute nouvelle casse.

La mise en ‘uvre répétée d’un jeu trop faible appliqué entre l’arbre de la turbine et les deux coussinets, à l’origine des montées en vibration et des différentes destructions du palier d’échappement, est exclusivement imputable à la société Team.

Monsieur [W] relève que ce jeu a été appliqué de sa propre initiative par la société Team, sans considération du fonctionnement réel de la machine et sans prise en compte de l’historique de la maintenance, lequel a été écarté sans explication.

C’est en outre la société Team qui est à l’origine de la modification de la hauteur de l’arbre du réducteur au moyen de l’ajout d’une cale de 0,1 mm, laquelle a eu pour effet d’accélérer l’apparition des désordres.

La responsabilité contractuelle de la société Team est ainsi pleinement engagée dès lors :

-d’une part, qu’elle n’a pas rempli son obligation contractuelle de résultat ;

-d’autre part, qu’elle a commis, de manière réitérée, une faute grossière directement à l’origine des désordres et ayant une incidence toute aussi directe sur la sécurité des biens et des personnes puisque l’endommagement de la couche de régule des paliers engendré par les jeux mis en ‘uvre est à l’origine de plusieurs départs de feu qui, s’ils n’avaient pas été maîtrisés, auraient pu générer d’importants préjudices matériels et humains.

La société Team conteste les conclusions de l’expert judiciaire en se prélavant d’un rapport qui n’est ni signé ni daté, a été établi non contradictoirement, dans l’intérêt d’une partie, et n’est corroboré par aucune pièce objective. Elle soutient que ce document est daté du 25 février 2016, qu’il démontrerait que le dysfonctionnement et les désordres rencontrés étaient dus à un problème de stabilité du rotor causé par des coussinets utilisés en fonction de l’injection partielle au niveau des arcs de soupapes régulatrices, et que l’expert judiciaire n’aurait pas tenu compte de l’injection partielle et plus généralement, n’aurait pas répondu aux questions posées par le rapport Matev. Or la question de l’injection partielle et de la surcharge des coussinets a bien été traitée par l’expert ainsi que cela ressort des pages 141 et suivantes de son rapport. Monsieur [W] avait parfaitement connaissance de ces éléments qu’il évoque dans sa note aux parties n°26 du 24 novembre 2016 puis dans son rapport final. Il est donc parfaitement inexact de soutenir que l’expert judiciaire n’a pas tenu compte des arguments présentés par la société Team.

Celle-ci réclame le règlement de deux factures impayées l’une de 68 591,29 euros TTC, l’autre de 3 610,07 euros TTC, établies le 30 septembre 2015, portant sur des travaux de réparation, montage et mise en service. Cependant, les désordres ayant nécessité ces interventions étant exclusivement imputables à la société Team, elle doit en assumer le coût. Ces travaux se sont au surplus révélés totalement inutiles et contraires aux règles de l’art.

La responsabilité exclusive de la société Team ayant été retenue au titre des désordres objets de l’expertise, celle-ci sera tenue de la réparation de l’ensemble des préjudices soufferts par la société Cristal union, en ce compris notamment les préjudices matériels et les frais occasionnés par l’expertise dès lors que ces derniers ont été indispensables à la recherche des causes.

La société Cristal union a subi un préjudice global de 661 206,90 euros dont elle a partiellement été indemnisée par son assureur, à hauteur de 400 103 euros. Elle demande l’indemnisation :

– de son préjudice matériel s’élevant à la somme de 219 896,97 euros, et des frais occasionnés par l’expertise s’élevant à 92 099,97 euros, revenant sur chacun des postes en raison des contestations élevées par les intimées et contestant l’existence du moindre lien de causalité entre les désordres et le déséquilibrage de la machine par suite de son encrassement, rappelant à cet égard les conclusions de l’expertise ;

– de sa perte de marge et de ses frais supplémentaires d’exploitation s’élevant à la somme de 104 151,44 euros, observant notamment que les intimées reviennent sur des accords qu’elles avaient donné dans le cadre des opérations d’expertise ;

– de ses frais de location de matériels de substitution s’élevant à la somme de 337 158,49 euros, se prévalant du fait que, selon l’expert, « la décision de mise en place de moyens de substitution peut être considérée comme techniquement justifiée sur le principe compte tenu des incertitudes qui ont pesé sur le T5 durant le déroulement de la campagne sucrière 2015 » ; elle souligne avoir démontré la réalité du coût de ces locations tout en justifiant du bien fondé de ses choix, lesquels ont d’ailleurs donné lieu à de longues discussions dans le cadre des opérations d’expertise ; elle considère que les abattements effectués par l’expert sont injustifiés et demande l’indemnisation de son entier préjudice de ce chef.

Elle a reçu de son assureur, en application de sa police d’assurance, une indemnité « pertes d’exploitation » d’un montant de 400 103 euros après déduction d’une franchise de 41 677 euros. La société Team et son assureur, la compagnie Axa France Iard, doivent donc être condamnés à lui verser la somme de 261 103,90 euros.

La compagnie Groupama est quant à elle subrogée dans les droits et actions de la société Cristal union, que ce soit au titre de la subrogation légale ou au titre de la subrogation conventionnelle.

Les appelantes reprochent au tribunal de commerce de Valenciennes d’avoir retenu que les conditions particulières du devis n°206-3 du 4 novembre 2014 comportent une clause limitant expressément la responsabilité de la société Team aux dommages matériels directs, à l’exclusion de tout dommage indirect ou immatériel et dans la limite du montant contractuel de sa prestation. Or une clause limitative de responsabilité n’est pas applicable en cas de faute dolosive ou de faute lourde de celui qui prétend en bénéficier.

En l’espèce, le réglage inadapté du jeu des paliers en raison de la méconnaissance de l’historique de maintenance établit un manque de rigueur et de réflexion dans la préparation de l’intervention, ainsi qu’un manquement aux règles de l’art, ayant des conséquences graves, qui étaient prévisibles pour un spécialiste des groupes turbo-alternateurs, en termes d’exploitation, mais aussi pour la sécurité des personnes et des biens puisqu’il a été à l’origine de départs de feu. Il suffisait pour la société Team de se reporter aux relevés de maintenance, qu’elle pouvait consulter aisément. La gravité de la faute de cette dernière est accentuée par le fait qu’il s’agit d’un professionnel spécialisé dans ce domaine. Il ne lui est pas reproché d’avoir, dans un premier temps, appliqué le réglage du jeu des paliers donné par le constructeur dans sa notice, mais d’avoir persisté dans ce réglage alors qu’un second regard sur la notice du constructeur aurait pu lui faire prendre conscience que ces valeurs n’étaient données qu’à titre indicatif et qu’il convenait ensuite de les adapter aux particularités de la turbine. La société Team est intervenue à au moins sept reprises avant le mois de novembre 2015 pour constater les dysfonctionnements et tenter d’y remédier mais n’y est pas parvenue car elle ne s’est jamais interrogée sur le caractère indicatif des valeurs données par le constructeur. Il est donc demandé à la cour d’écarter la clause limitative de responsabilité invoquée par la société Team et la condamner à indemniser l’intégralité du préjudice subi par les sociétés Cristal union et Groupama.

A titre subsidiaire, si la cour estimait que les juges de première instance ont appliqué à bon droit la clause limitative de la responsabilité de la société Team, elle constaterait que cette clause, qui se situe au point 6 des conditions particulières de l’offre, prévoit une limitation de la responsabilité au montant contractuel de la prestation. Ainsi cette clause ne vise pas une commande mais une prestation. Ici, la prestation à considérer est celle de « révision majeure de la turbine et mineure du réducteur ». Il convient dès lors de prendre en considération le montant total de tous les travaux afférents à cette intervention de révision majeure de la turbine et mineure du réducteur. Il s’agit du montant de l’offre initiale après négociation de 86 581 euros, mais également de celui des travaux supplémentaires identifiés comme étant nécessaires dans le cadre de cette prestation de révision, qu’il n’était pas possible d’évaluer lorsque la société Team a établi son devis initial du 4 novembre 2014, lesquels se sont élevés à 248 161 euros. Le plafond de cette responsabilité est en conséquence de 334 742 euros.

Les dépens, comprenant les honoraires et frais de Monsieur [W] à hauteur de 37 336,99 euros, devront être supportés par les sociétés Team et Axa France. Il n’y a pas lieu de lui en faire supporter un tiers, comme le demande la société Axa, puisque l’origine des désordres est exclusivement imputable à la société Team.

Par conclusions régularisées par le RPVA le 30 mai 2022, la société Team demande à la cour de :

« Vu l’article 1154 du Code civil,

Vu les commandes de la société CRISTAL UNION

Vu la clause limitative de responsabilité figurant dans les documents de la société TEAM,

Vu les pièces communiquées,

(…)

INFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de VALENCIENNES en ce qu’il a considéré que la société TEAM était responsable des désordres survenus,

INFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de VALENCIENNES en ce qu’il a débouté la société TEAM du paiement de ses factures d’un montant de 68.591,29 EUR TTC et de 3.610,07 EUR TTC.

INFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce en ce qu’il a condamné la société TEAM au paiement de la somme de 2.000 EUR en application de l’article 700 du CPC et aux entiers dépens.

Mais de :

CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de VALENCIENNES en ce qu’il a considéré que la clause limitative de responsabilité devait s’appliquer et que la responsabilité de la société TEAM devait être limitée à la somme de 80.000 EUR,

En conséquence, statuant à nouveau :

À TITRE PRINCIPAL

CONSTATER que la turbine ALLEN, vieille de 32 ans, était affectée préalablement à l’intervention de la maintenance effectuée par la société TEAM de dysfonctionnements et désordres.

CONSTATER que l’expert judiciaire a constaté que l’endommagement répété de la couche de régule des paliers était lié à une contamination de l’huile, point qui ne ressort pas de la responsabilité de la société TEAM.

CONSTATER que les dysfonctionnements et désordres rencontrés sont dus à un problème de stabilité du rotor dans les coussinets en fonction de l’injection partielle au niveau des arcs des soupapes régulatrices.

En conséquence

INFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de VALENCIENNES en ce qu’il a considéré que la société TEAM était responsable des désordres survenus,

DIRE ET JUGER que la société TEAM n’a pas engagé sa responsabilité.

DEBOUTER la société CRISTAL UNION et GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE de l’intégralité de leurs demandes dirigées à l’encontre de la société TEAM,

À TITRE SUBSIDIAIRE, SUR LES PRÉJUDICES REVENDIQUÉS

CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de VALENCIENNES en ce qu’il a considéré que la clause limitative de responsabilité devait s’appliquer et que la responsabilité de la société TEAM devait être limitée à la somme de 80.000 EUR,

DIRE ET JUGER que la responsabilité de la société TEAM ne pourra pas être engagée pour les dommages indirects, matériels ou immatériels revendiqués (perte d’exploitation, de production, pertes de bénéfices..) et que sa responsabilité sera limitée toutes causes confondues au montant contractuel de sa prestation, soit la somme de 80.000 EUR.

Sur le préjudice matériel :

DIRE ET JUGER qu’en l’absence de constat d’huissier, d’accord préalable et contradictoire de l’expert judiciaire, que compte tenu de leurs dates largement postérieures à la fin de la campagne, qu’il n’est pas justifié de la légitimité et du bienfondé des factures d’isolation ISOLKIT dont le paiement est sollicité,

DIRE ET JUGER qu’en tout état de cause les factures de conseil de la société PRUFTECHNICK devront demeurer intégralement à la charge exclusive de la société CRISTAL UNION.

DIRE ET JUGER qu’en tout état de cause la facture de la société WORD UP antérieure à l’expertise devra demeurer intégralement à la charge exclusive de la société CRISTAL UNION.

DIRE ET JUGER qu’en tout état de cause les factures de la société SDM THERMIQUE & CONTROLE devront demeurer intégralement à la charge exclusive de la société CRISTAL UNION.

DIRE ET JUGER que les 5 factures d’huissier qui ne concernent pas le sinistre devront demeurer intégralement à la charge exclusive de la société CRISTAL UNION.

DEBOUTER en conséquence la société CRISTAL UNION et GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE de leurs demandes en paiement des factures revendiquées au titre du préjudice matériel.

Sur la perte de marge et frais supplémentaires d’exploitation :

CONSTATER que soit les volumes ont été traités de sorte qu’il n’y a eu aucune perte d’exploitation et donc de perte de marge sur la vente du sucre et/ou des pellets, soit les volumes n’ont pas été traités, et la société CRISTAL UNION en est exclusivement responsable parce qu’elle n’a pas mis en ‘uvre les moyens appropriés pour traiter efficacement ces volumes,

DEBOUTER en conséquence la société CRISTAL UNION et GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE de leurs demandes en paiement de perte de marge sur le volume de sucre et les pellets.

CONSTATER que l’expert judiciaire n’a pas tenu compte dans l’appréciation du surcoût achat d’électricité et/de gaz des coûts d’exploitation habituels engendrées par le turboalternateur qui devront nécessairement être soustraits des coûts de fonctionnement exceptionnel des matériaux de substitution.

DEBOUTER la société CRISTAL UNION et GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE de leurs demandes en paiement du surcoût d’achat d’électricité en l’absence de tout lien de causalité avec les dysfonctionnements.

Sur les frais de location de matériel de substitution :

CONSTATER que la société CRISTAL UNION s’est abstenue de solliciter l’établissement par l’expert judiciaire du constat contradictoire sur l’utilisation du matériel de substitution,

CONSTATER que l’expert judiciaire a constaté une carence de la société CRISTAL UNION dans la communication des données produites et l’étude de la société ACTENIUM,

CONSTATER que l’expert judiciaire a retenu, en dépit de ces carences, de manière empirique et arbitraire 80 % des revendications de la société CRISTAL UNION.

CONSTATER que la chaudière louée n’a jamais été mise en service.

DIRE ET JUGER que seul le préjudice réellement subi et justifié a vocation à être indemnisé.

En conséquence

DEBOUTER la société CRISTAL UNION et GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE de leurs demandes en paiement au titre des frais de location du matériel de substitution.

À TITRE RECONVENTIONNEL

CONDAMNER la société CRISTAL UNION au paiement de la somme de 68.591,29  EUR TTC, condamnation qui sera assortie du paiement des intérêts de retard d’un montant égal conformément aux conditions générales de la société TEAM au taux de refinancement de la Banque Centrale Européenne majoré de 10 points à compter du premier jour suivant la date d’échéance de la facture, somme qui sera capitalisée conformément aux dispositions de l’article 1154 du CC, ainsi qu’une indemnité pour frais de recouvrement de 40 EUR par facture.

CONDAMNER la société CRISTAL UNION au paiement de la somme de 3.610,07 EUR TTC, condamnation qui sera assortie du paiement des intérêts de retard d’un montant égal conformément aux conditions générales de la société TEAM au taux de refinancement de la Banque Centrale Européenne majoré de 10 points à compter du premier jour suivant la date d’échéance de la facture, somme qui sera capitalisée conformément aux dispositions de l’article 1154 du CC, ainsi qu’une indemnité pour frais de recouvrement de 40 EUR par facture.

CONDAMNER la société CRISTAL UNION et GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE à payer chacune à la société TEAM la somme de 6.000 EUR sur le fondement de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens. »

La société Team fait valoir que l’expertise judiciaire a révélé que la turbine T5, vieille de 32 ans et achetée d’occasion, était déjà affectée, préalablement à son intervention, de certains problèmes majeurs :

-des jeux de palier significativement supérieurs à ceux de la notice technique ;

-une pollution récurrente du rotor ;

-une fuite d’huile en 2009 résultat d’en endommagement des garnitures d’huile en admission ;

-des désalignements substantiels mais repris par l’accouplement ;

-un désordre sur le palier d’échappement non expliqué en 2010.

Elle souligne que l’expert judiciaire a constaté que l’endommagement répété de la couche de régule des paliers était lié à une pollution de l’huile, point qui ne ressort pas de sa responsabilité, et rappelle la contamination du rotor par des dépôts (agrégats solides et cristaux sur l’arbre de la turbine) majoritairement composés de carbonate de sodium et identifiés dans des produits introduits au niveau du process de la sucrerie par la société Cristal union.

Elle conteste en revanche les conclusions expertales concernant l’origine des désordres. Elle soutient qu’ils sont dus à un problème de stabilité du rotor dans les coussinets en fonction de l’injection partielle au niveau des arcs des soupapes régulatrices. Les études qu’elle a conduites avec son prestataire Matev démontrent que le type de coussinets utilisés ne peut fonctionner correctement. Cette expertise, non contradictoire, ne doit pas être écartée dès lors qu’elle a été régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion. Le rapport Matev pose des questions auxquelles l’expert, qui n’est pas spécialisé en phénomènes vibratoires, n’a jamais apporté de réponse.

Si par extraordinaire, la cour devait considérer que la société Team a engagé sa responsabilité, il conviendrait de limiter l’indemnisation des appelantes compte tenu de la clause limitative de responsabilité, parfaitement valable, insérée dans ses conditions générales de prestations.

La société Team réfute à cet égard avoir commis la moindre faute lourde, l’expert n’ayant d’ailleurs pas conclu en ce sens. Elle souligne la complexité du phénomène vibratoire en cause. Il serait pour le moins surprenant que puisse être qualifiée de faute lourde le fait d’appliquer les données préconisées par le constructeur, même s’il s’agit effectivement de données indicatives, et ce alors que, comme l’a constaté l’expert, les jeux de palier ont varié constamment et que la société Team a entrepris, sans délai, les travaux permettant de remédier aux désordres.

Le tribunal de commerce a constaté que la prestation en cause était d’un montant de 80 000 euros et a dès lors limité l’indemnisation du préjudice à cette somme. De parfaite mauvaise foi, les sociétés appelantes prétendent qu’il conviendrait de prendre en compte d’autres prestations qui ne concernent pas le phénomène vibratoire objet du litige et qui n’ont fait l’objet d’aucune réclamation.

Le 9 décembre 2014, la société Cristal union a en effet passé deux commandes séparées :

-des travaux de modernisation de la régulation moyennant un montant hors taxes de 194 000 euros;

-l’installation d’un contrôle vibratoire moyennant un montant hors taxes de 80 000 euros.

Le fait que la société Cristal union ait procédé à deux commandes prouve qu’il s’agissait bien de deux prestations séparées dont l’une, les travaux de modernisation, n’a fait l’objet d’aucune critique. La clause limitative de responsabilité prévoit que la responsabilité du prestataire sera strictement limitée « aux obligations expressément définies par la commande et les présentes conditions » et que « la responsabilité du prestataire sera limitée toutes causes confondues au prix contractuel ». Ce prix contractuel tel que visé par la clause limitative acceptée en parfaite connaissance de cause par la société Cristal union est incontestablement la somme de 80 000 euros. Il ne saurait s’étendre aux autres prestations qui n’ont fait l’objet d’aucun litige. Retenir la position de la société Cristal union reviendrait à faire prendre en charge par la société Team les factures de modernisation de la régulation qui n’est pas concernée par le phénomène vibratoire et serait alors acquise à la société Cristal union sans bourse délier.

De manière infiniment subsidiaire, la société Team revient sur chacun des postes de préjudice dont les sociétés Cristal union et Groupama demandent l’indemnisation et les critique, soulignant la tardiveté de la communication de certaines factures, l’absence de contrôle a priori par l’expert, et listant celles qui doivent selon elle rester à la charge de la société Cristal union. Elle reproche à l’expert, spécialiste de mécanique générale, de ne s’être adjoint aucun sapiteur financier pour évaluer les préjudices économiques allégués.

Elle conclut sur le fait que deux de ses factures demeurent impayées : l’une pour un montant de 68 591,29 euros TTC, et la seconde pour un montant de 3 610,07 euros TTC. Ces factures correspondent aux interventions menées sur commande de la société Cristal union pour remédier aux désordres. Il n’est pas contesté que le T5 fonctionne par suite de cette intervention. Il conviendra dès lors de condamner la société Cristal union au paiement de ces factures, avec intérêts de retard au taux de refinancement de la banque centrale européenne majorée de 10 points à compter du premier jour suivant la date d’échéance de la facture, somme qui sera capitalisée conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil, ainsi qu’une indemnité pour frais de recouvrement de 40 euros par facture.

Par conclusions régularisées par le RPVA le 2 décembre 2021, la société Axa France Iard demande à la cour de :

« Confirmer le jugement en ce qu’il a considéré à juste titre que la clause limitative de responsabilité stipulée au bénéfice de la société Team doit recevoir application

Rejeter toute autre demande

A titre subsidiaire et dans le cas où par impossible la Cour ne ferait pas application de la clause limitative,

Vu les articles 1245 et suivants, 1641 et suivants du Code civil,

Vu les articles 1240 et suivants du Code civil,

Vu les articles 121-12 et 124-3 du Code des assurances,

Vu les articles 1343-2, 699 et 700 du Code de procédure civile,

Vu les pièces versées aux débats

Dire que le préjudice susceptible d’avoir été subi par la société Cristal Union du fait des incidents sur les coussinets ne dépasse pas la somme de 439 830 €, dont notamment :

19 350 € au titre de factures de Turbo Team Machine

12 704 € au titre de coûts de calorifugeage

12 580 € au titre des factures Prüftechnik

177 335,59 € au titre des frais de location de groupe électrogène

En cas d’une quelconque condamnation contre la concluante

Rejeter toutes demandes formées contre Axa France par Cristal Union pour obtenir paiement de frais engagés pour réparer, parachever ou refaire le travail de Turbo Team ou remplacer tout ou partie de ses prestations

Dire que la garantie de la société Axa France s’exercera dans les limites de sa police et notamment du point de vue de toute franchise contractuelle.

Dans tous les cas,

Dire que le tiers des dépens, comprenant les frais d’expertise judiciaire, restera à la charge de Cristal Union ».

La société Axa France Iard plaide qu’il n’est démontré aucune faute lourde de la part de son assurée, la société Team.

Cependant, pour le cas où la cour déciderait de ne pas faire application de la clause limitative de responsabilité, elle s’oppose aux sommes demandées par les sociétés Cristal union et Groupama, à hauteur de 661 206,90 euros, arguant que c’est tout au plus un montant de 439 830 euros que son analyse fait ressortir. Elle critique notamment les factures de calorifugeage, de traduction, de location de groupe électrogène, ainsi que les factures des sociétés Pruftechnik, Sdm et Multilab.

Elle affirme que la plus grande partie des interventions de la société Team dont il est demandé la prise en charge pour un total de 147 715 euros a été motivée par le grave incident d’encrassement/pollution de la machine par de la vapeur anormalement chargée, exclusivement imputable à la société Cristal union.

Elle fait valoir que les opérations d’expertise ont été considérablement alourdies par ces événements, ce qui justifie que la société Cristal union conserve à sa charge un tiers des frais d’expertise (honoraire d’expert et frais nécessités par ses investigations).

La société Axa France Iard se prévaut enfin des limites de sa garantie, tant pour ce qui concerne les chefs de réclamation insusceptibles d’entrer dans son champ, tel que les frais engagés pour réparer, parachever ou refaire le travail de son assuré, que pour ce qui concerne les franchises contractuelles.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 31 mai 2022.

L’affaire a été appelée à l’audience du 30 juin 2022, lors de laquelle ont été entendus les conseils des sociétés Cristal union, Groupama et Team, seuls présents aux débats.

SUR CE

Au préalable, il convient de souligner qu’il n’y a pas lieu de reprendre ni d’écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à ‘constater que ….’ ou ‘dire que…’, telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lorsqu’elles portent sur des moyens ou des éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de la décision devant figurer dans la partie exécutoire de l’arrêt.

Aux termes des dispositions de l’article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Aux termes de l’article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.

Aux termes de l’article 1184 ancien du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisferait point à son engagement.

Aux termes de l’article 121-12 du code des assurances, l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur.

Aux termes de l’article 124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. L’assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n’a pas été désintéressé, jusqu’à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l’assuré

Aux termes des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

L’article L 110-3 du code de commerce précise qu’à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi.

I – Sur l’origine des désordres

Il ressort du rapport d’expertise que le T5 a été mis en service en 1983 chez un autre exploitant. Il a été acquis par la société Cristal union en 1998. Sa maintenance a été confiée à la société Team en 2014.

Préalablement, son historique d’exploitation montre :

-des jeux de paliers significativement supérieurs à ceux de la notice technique ;

-une pollution récurrente du rotor ;

-une fuite du huile en 2009 résultant d’un endommagement des garnitures d’huile en admission ;

-des désalignements substantiels mais repris par l’accouplement ;

-un désordre sur le palier d’échappement en 2010 identifié par le constructeur Allen comme la conséquence du blocage des clés d’expansion.

A sa reprise de maintenance, la société Team a constaté :

-des sillons sur les régules des coussinets ;

-des fuites d’huile mineures, des garnitures endommagées ;

-des vibrations inférieures au seuil d’alarme.

Entre décembre 2014 et avril 2015, la turbine a été inspectée et mise à niveau par la société Team.

L’analyse de l’historique de ses interventions par l’expert a montré notamment :

-une réduction des jeux de 0,2x mm à 0,1y mm au niveau des paliers décalés d’admission et d’échappement lors de la réfection de la turbine, conformément aux valeurs indicatives du manuel mais en contradiction avec les pratiques antérieures ;

-un relèvement du réducteur de 0,1 mm lors de l’intervention du 20 octobre 2015 ;

-un retour aux valeurs antérieures des jeux des paliers décalés début novembre 2015.

Cette dernière intervention a mis fin aux destructions répétées des couches de régule, aux contaminations de l’huile, à l’endommagement des garnitures et à l’apparition de nouvelles fuites. Le comportement vibratoire de la machine a également changé.

A l’issue des opérations d’expertise, l’expert a conclu que l’origine des désordres résultait de l’application de ces jeux de fonctionnement trop faible. Ce défaut de spécification dimensionnelle des paliers à décalage de la turbine avait été introduit par la société Team et réintroduit de manière répétée après chaque désordre entre avril 2015 et fin octobre 2015, conduisant aux désordres directs (destruction de la couche de régule) et induits (pollution de l’huile, endommagement des soies et des garnitures, fuites d’huile et de vapeur). L’expert a observé que les jeux, notamment au niveau des paliers, étaient indiqués dans le manuel de la turbine, mais à titre indicatif, et ne représentaient donc pas le jeu minimum ou maximum pour un fonctionnement satisfaisant, ainsi qu’il était souligné dans le manuel même.

Si lors de l’ouverture de la turbine en janvier 2016, le rotor a été trouvé pollué par des agrégats solides des cristaux sur l’arbre de la turbine, essentiellement composés de carbonate de sodium, provenant d’une contamination de la vapeur par un autre produit utilisé à une autre étape du procédé, l’expert a exclu que ce phénomène puisse être à l’origine de la destruction des couches de régule, concluant qu’il pouvait tout au plus être la cause de corrosion et d’un déséquilibre de l’arbre.

De même, l’expert a indiqué que le désalignement en fonctionnement entre les axes du rotor et l’arbre GV du réducteur n’était pas à l’origine des désordres et avait tout au plus contribué à accélérer un désordre intervenu fin octobre 2015, en régime déjà instable, étant observé que la modification de la hauteur de l’arbre du réducteur au moyen de l’ajout d’une cale avait été effectuée par la société Team.

Il a observé que les défauts antérieurs à 2015 n’avaient pas du tout la même fréquence que ceux constatés en 2015 et avaient des causes multiples qui n’étaient pas anormales pour un équipement industriel de cette ancienneté.

Il ne peut être tiré aucune conclusion contraire du document intitulé « étude sur le comportement des coussinets » versé aux débats par la société Team, que cette dernière nomme « rapport Matev » dans ses écritures.

Ledit document est constitué de cinquante et une pages, numérotées manuellement, sauf en sa page 14, seule page comportant un numéro informatique.

Sa page 1, intitulée « TEAM/CRISTAL UNION COMPORTEMENT DES COUSSINETS» est dépourvue de tout élément d’identification de son auteur et de sa date de rédaction. Sa page 2 est un « abstract », ses pages 3 et 4 des extraits de l’annexe d’un « constat n°6 ». Ses pages 5, 6, 7 et 8 sont respectivement intitulées « avant Team PV N°6 », « Intervention Team », « Analyse Dynamique et interprétation prospective » et « Coussinets à petit jeu ». En page 9 commence un « chapitre 3 » dont est fourni le « 3.1) Diagramme de Campbell ». En page 10 apparaît une partie intitulée « Coussinets à grand jeu », puis en page 11 un « chapitre 4 » dont est fourni le « 4.1) Diagramme de Campbell ». Suivent en pages 12 et 13 des développements intitulés respectivement « Réaction d’injection Partielle principe » et « Réaction d’injection Partielle schémas succinct ». La page 14 constitue une sorte de page de garde comportant l’adresse à [Localité 4] de « Matev : Machine Tournante Etudes Vibratoires » datée du 25 février 2016, adressée à « Monsieur [B] [M] Ets Team – [Localité 7] » avec le numéro de commande : « commande engagée sous la responsabilité de C BEVAN » et la date du : « reste à confirmer ». Les pages suivantes, sous les intitulés « Rappel et complément de résultats obtenus en considérant seul le poids du rotor » puis « Complément d’étude : 1er ARC ouvert en grand 1er et 2nd ARCs ouverts en grand tableau récapitulatif » sont une succession de diagrammes, calculs et tableaux assortis de brefs commentaires. Ce document décousu, dépourvu de conclusion, n’est revêtu d’aucune signature.

L’ensemble de ces observations démontre que cette pièce n°3 est une compilation parcellaire de documents d’origine inconnue à laquelle il ne peut être accordé aucune force probante, sa production confinant à l’usage de faux.

La société Team échoue en conséquence à démontrer que « le dysfonctionnement et les désordres rencontrés étaient dus à un problème de stabilité du rotor causé par les coussinets utilisés en fonction de l’injection partielle au niveau des arcs des soupapes régulatrices ». Il sera d’ailleurs observé que cette hypothèse, évocatrice d’un défaut de conception, n’a pas été retenue au cours des opérations d’expertise, les parties, en ce compris la société Team, ayant exclu d’appeler la société Allen en la cause « confirmant ainsi l’analyse de l’absence de défaut de conception de la turbine T5 » selon les termes de la note de synthèse technique n°26 du 24 novembre 2016 et du rapport définitif d’expertise technique. Elle est en tout état de cause démentie par la disparition des désordres dès que le réglage des jeux des paliers a été mis en conformité avec le fonctionnement réel de la machine.

Aucun élément sérieux n’étant opposé par les parties aux conclusions expertales, celles-ci seront entérinées.

La société Team, qui a manqué à son obligation contractuelle de résultat à l’égard de la société Cristal union, sera déclarée entièrement responsable des désordres ayant affecté le T5 par suite des travaux qu’elle a réalisés.

II – Sur l’indemnisation des préjudices de la société Cristal union

A- Sur la faute lourde reprochée à la société Team

Aux termes des articles 1134 et 1150 anciens du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. Le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est point exécutée.

L’offre de la société Team stipule en sa clause 6 : « Notre responsabilité est strictement limitée aux obligations expressément définies dans ce devis. En aucun cas, nous ne serons responsables des dommages indirects, matériels ou immatériels tels qu’à titre d’exemple, les pertes d’exploitation, de production, les pertes de contrat ou de bénéfices subis par qui que ce soit. Notre responsabilité est limitée toutes clauses confondues, au montant contractuel de notre prestation »

Ses conditions générales de prestations de services précisent en outre que :

« 13.1. La responsabilité du Prestataire est strictement limitée aux obligations expressément définies par le Commande et les présentes conditions.

13.2. La responsabilité du Prestataire est limitée toutes causes confondues au prix contractuel. L’ensemble des pénalités prévues au Contrat sera libératoire et ne pourra excéder 5% du montant global du Commande. En aucun cas, le Prestataire ne sera tenu au paiement des dommages indirects, immatériels ou économiques tels que perte de matières, d’exploitation, de profit, de contrat, éventuellement subis par le Client du fait ou à l’occasion du Commande.

13.3. Le Client et ses assureurs dont il se porte fort renoncent à tout recours et indemnisation contre le Prestataire et ses assureurs au delà des limites et exclusions prévues aux présentes conditions. »

Bien que ces stipulations soient contraires à celles figurant dans ses conditions générales d’achat jointes à ses commandes, la société Cristal union admet qu’elles constituent la loi des parties, ainsi qu’il ressort de ses écritures. L’appelante se contente en effet d’invoquer la faute lourde de sa cocontractante pour demander que l’application de ces clauses soit écartée.

La faute lourde peut être définie comme un comportement d’une extrême gravité confinant au dol et dénotant l’inaptitude du débiteur à l’accomplissement de la mission contractuelle qui lui est confiée. Elle se distingue du dol en ce qu’elle ne suppose pas d’intention de créer le dommage.

En l’espèce, il a déjà été rappelé que les jeux des paliers indiqués dans le manuel de la turbine étaient indicatifs et ne représentaient pas le jeu minimum ou maximum pour un fonctionnement satisfaisant, ce point étant d’ailleurs souligné dans le manuel fourni par le constructeur de manière à attirer l’attention de l’utilisateur.

L’expert a clairement souligné que la société Team avait « appliqué de sa propre initiative le jeu indicatif de la notice technique de la turbine, de l’ordre du dixième de millimètre, sans prendre en compte la réalité du fonctionnement de la turbine de l’ordre de deux dixièmes de millimètre », observant que « les informations concernant la réalité de la configuration des paliers de la turbine disponibles dans l’historique de maintenance [avaient] été écartées par la Société Team TURBO MACHINES sans que la raison en soit connue».

Il en résulte que les indications parfaitement claires du manuel du constructeur auraient dû conduire la société Team, dont il sera rappelé qu’elle est spécialisée dans la maintenance des groupes turbo-alternateurs, à consulter de l’historique de maintenance du T5, de manière à connaître le jeu réel et habituel des paliers de la turbine.

En s’abstenant d’y procéder, elle a négligé des informations essentielles, manquant aux règles de l’art. Sa négligence a causé de graves conséquences, puisque les désordres ont entraîné non seulement la destruction répétée des couches de régule, mais aussi des départs de feu liées aux fuites d’huile.

Son incapacité à prendre conscience de son erreur alors qu’elle avait à sa disposition tous les moyens de l’identifier et de la corriger, son absence totale de questionnements sur les réglages choisis et appliqués, pendant 7 mois, malgré la persistance de désordres qui n’existaient pas avant son intervention, caractérisent en outre une inaptitude à accomplir ses prestations.

Ce comportement de la société Team est ainsi constitutif d’une faute grave, confinant au dol.

Elle ne peut se réfugier derrière le nombre de réunions d’expertise nécessaires pour déterminer avec certitude la cause du phénomène vibratoire pour tenter de minimiser la gravité de sa négligence et sa persistance dans son erreur.

Elle ne peut pas davantage prétendre que les jeux réels des paliers ont varié constamment, alors que le rapport d’expertise met en évidence que :

-le jeu des paliers en admission a varié entre à 0,21 mm (2005), 0,23 mm (2002) et 0,25 mm (2000) ;

-le jeu des paliers en échappement a varié entre 0,22 mm (2005), 0,23 mm (2002) et 0,27 mm (2000) ;

-la société Team a réduit les jeux de 0,2x mm à 0,1y mm en admission et en échappement, soit une réduction de l’ordre d’un dixième alors que les variations réelles n’ont jamais porté que sur quelques centièmes, et ce de manière progressive sur plusieurs années ;

-elle n’a manifestement eu aucune difficulté à revenir aux jeux antérieurs.

La faute lourde, assimilable au dol, empêche le cocontractant auquel elle est imputable de limiter la réparation du préjudice qu’il a causé.

L’application de la clause limitative de responsabilité figurant aux conditions générales de prestations de la société Team doit en conséquence être écartée, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges.

B – Sur les demandes de la société Cristal union et de la société Groupama

1) Sur le montant des préjudices de la société Cristal union

a ‘ Sur les travaux de remise en état nécessités par les désordres

Il est justifié tant par le rapport d’expertise judiciaire que par les pièces versées aux débats par la société Cristal union que doivent être retenues dans ce poste de préjudice :

-les factures de la société Isolkit, qui correspondent aux travaux de remise en état suite à deux départs de feu dus à des fuites d’huile, pour un montant de 24 385 euros ;

-les factures de la société Pruftechnick, qui correspondent à la réparation du système vibratoire incendié, pour un montant de 5 712 euros (3 447   euros + 2 265 euros) ;

-les factures de la société Team liées à la correction des désordres pour 104 740 euros (97 800 euros + 6 940 euros).

C’est avec une parfaite mauvaise foi que les sociétés Team et Axa contestent le bien-fondé de ces demandes, avec des arguments totalement inopérants tenant à l’absence de validation préalable de certains devis par l’expert, à la date de réalisation des travaux ou à leur nécessité indépendamment des désordres.

Le préjudice de la société Cristal union lié à la réparation des désordres sera donc fixé à la somme de 134 837 euros.

b ‘ sur les frais liés à l’expertise

Il est justifié tant par le rapport d’expertise judiciaire que par les pièces versées aux débats par la société Cristal union qu’entrent dans ce poste de préjudice :

-les factures de la société Pruftechnick, qui correspondent à un contrôle d’alignement dans le cadre des opérations d’expertise, pour un montant de 12 480 euros (5 890 euros + 3 185 euros + 1 135 euros + 1 135 euros+ 1 135 euros) ;

-la facture de la société SDM, qui correspond à la vérification du fonctionnement des sondes de températures des paliers dans le cadre des opérations d’expertise, pour un montant de 1 785 euros ;

-la facture de la société Multilab, qui correspond à l’analyse des dépôts prélevés dans la turbine dans le cadre des opérations d’expertise, pour un montant de 2 200 euros ;

-les factures de la société Team liées aux opérations d’expertise, pour un montant de 64 045 euros (12 410 euros + 22 150 euros + 23 095 euros + 2 170 euros + 4 220 euros) .

-la facture Word Up liée à la réservation préventive d’un interprète en vue de l’audition, dans le cadre de l’expertise, d’un représentant de la société Allen, pour un montant de 890 euros ;

-les frais de constats d’huissier engagés pendant les opérations d’expertise pour faire constater les désordres, à hauteur de 3 659,97 euros.

L’argumentaire des sociétés Team et Axa pour tenter de contester le bien-fondé de ces frais est totalement inefficace, les prestations litigieuses ayant toutes été justifiées et reconnues par l’expert comme nécessaires à la recherche des causes des désordres.

A hauteur d’appel, la société Cristal union justifie en outre de la facture du 30 septembre 2016 émise par la société Team à hauteur de 4 220 euros au titre de l’enlèvement d’une cale lors de l’expertise, qui n’avait pas été communiquée à l’expert.

Le préjudice de la société Cristal union lié aux frais d’expertise sera donc fixé à la somme de 85 059,97 euros.

c ‘ Sur les pertes de marge et frais supplémentaires d’exploitation

Lors des opérations d’expertise, la société Cristal union a chiffré son préjudice à 109 673,69 euros.

L’expert a retenu, en lien direct avec les désordres, un préjudice de 104 740,44 euros, selon le décompte ci-après :

Postes

Chiffrage de Cristal union

Montant retenu par l’expert

Perte de marge sur la vente du sucre

17 728,30 euros

17 728,30 euros

Perte de marge sur les pellets

19 834,39 euros

17 425,52 euros

Main d”uvre liée à l’allongement de la campagne sucrière

26 910 euros

26 910 euros

Location de matériel de manutention

7 395 euros

7 395 euros

Perte de vente d’électricité

804 euros

804 euros

Surcoût d’achat d’électricité

26 156 euros

26 156 euros

Surcoût d’achat de gaz

10 846 euros

8 321,62 euros

Total

109 673,69 euros

104 740,44 euros

Concernant la perte de marge sur la vente de sucre, l’expert a constaté l’accord des parties sur le montant retenu de 17 228,30 euros.

Concernant la perte de marge sur la vente de pellets, il a retenu le calcul de la société Axa, en réduisant le nombre de jours d’arrêt du T5 à prendre en compte allégué par la société Cristal union.

L’argumentaire de la société Team pour s’opposer à ce que sa responsabilité soit recherchée pour ces pertes de marge, basé sur des affirmations péremptoires relatives aux volumes traités, non étayées par le moindre élément justificatif, est parfaitement inopérant.

Concernant les frais de main d”uvre liés à l’allongement de la campagne, l’expert a constaté l’accord des parties sur la durée d’allongement de la campagne, retenant une durée totale de 80 jours sur proposition de l’expert technique de la société Axa, soit un surcoût de 19 652 euros pour la main d”uvre saisonnière et de 7 258 euros pour la main d”uvre permanente.

Concernant les frais de location de matériel de manutention, il a constaté l’accord des parties sur la somme de 7 395 euros.

Concernant la perte de vente d’électricité, il a retenu le montant sollicité par la société Cristal union, la somme de 762 euros avancée par l’expert technique de la société Axa n’ayant pas été calculée sur la base d’une facture adéquate.

Sur la même base, il a considéré que le surcoût d’achat d’électricité pouvait être fixé à 26 156 euros, en soulignant que les arrêts du T5 à l’origine de ces surcoûts avaient bien eu lieu pour corriger les désordres.

Enfin, concernant le surcoût d’achat de gaz, il a comparé les moyennes entre les périodes de fonctionnement du T5 et les périodes où il était à l’arrêt, de manière à prendre en compte les fluctuations existant dans le rendement énergétique de l’usine.

C’est sans efficacité que la société Team se contente de remettre en cause les sommes retenues par l’expert au titre des surcoûts d’achat d’électricité et de gaz en lui reprochant de ne pas avoir tenu compte des coûts d’exploitation habituels engendrés par le T5 dans le cadre d’un fonctionnement normal, contestation qu’elle n’étaye d’aucun élément justificatif. Elle est bien mal fondée à reprocher à l’expert de ne pas s’être adjoint un sapiteur expert-comptable, alors qu’elle n’en a jamais présenté la demande.

Enfin, l’expert a bien souligné que nonobstant l’implantation de nouveaux équipements électriques en septembre 2015, la production électrique nécessaire aurait pu être assurée si le T5 avait fonctionné pendant toute la campagne à 6,5 MW.

Le préjudice de la société Cristal union lié aux pertes de marge et frais supplémentaires d’exploitation peut donc être estimé à la somme de 104 740,44 euros

Cependant, l’appelante limite sa demande, dans ses écritures, à la somme de 104 151,44 euros à la suite d’une erreur de retranscription, commise par l’expert dans ses conclusions, des sommes demandées et retenues au titre de la perte de marge sur la vente de sucre.

La cour ne pouvant statuer ultra petita, son préjudice sera fixé à cette somme.

d ‘ Sur les frais liés à la location et à l’utilisation de matériels de secours

Il n’est pas contesté que les besoins de la sucrerie en électricité sont de 8,5 MW en campagne sucrière et que les puissances nominales des groupes turboalternateurs dont dispose la société Cristal union sont de 10 MW pour le T5, 4,2 MW pour le T4 et 3,8 MW pour le T3, étant observé que les machines ne sont en réalité jamais poussées au maximum de leurs capacités théoriques.

En tout état de cause, la mise en fonctionnement conjugué du T4 et du T3 ne permet pas d’atteindre la configuration énergétique nécessitée par la société Cristal union en cas d’indisponibilité du T5.

En outre, la perte du T5 entraîne un déficit de 10t/h de vapeur à 3 bars.

L’expert a retenu, tant dans un mail du 26 octobre 2015 que dans son rapport définitif sur les préjudices, que l’absence de fiabilité du T5, eu égard à son historique depuis avril 2015, justifiait les dispositions prises par la société Cristal union pour limiter ses pertes d’exploitation en cas de nouvel incident pendant la campagne sucrière 2015, à savoir la location de groupes électrogènes et d’une chaudière.

C’est de parfaite mauvaise foi que les sociétés intimées se prévalent d’une fixation arbitraire et non contradictoire de ces frais, puisque lors de la réunion d’expertise du 20 octobre 2015, la question a été soulevée.

Il ressort en effet du contenu non contesté d’un mail de Monsieur [V], expert technique de la société Cristal union, en date du 26 octobre 2015, que le représentant de la société Axa a indiqué à l’occasion de cette réunion d’expertise ne pas être habilité à donner son accord pour l’engagement de ces frais, s’engageant à consulter la compagnie d’assurance et à revenir vers la société Cristal union pour le 22 octobre 2015, sans finalement lui apporter de réponse positive ou négative, ni donner suite à sa relance.

Il doit également être pris en compte le fait que la cause des désordres, à savoir l’inadaptation des jeux des paliers appliqués par la société Team, n’a été confirmée qu’en janvier 2016, après la fin de la campagne sucrière 2015.

Dès lors, les frais de location engagés sont justifiés, peu important que la société Cristal union n’ait pas forcément eu à faire usage de ces matériels.

Le nombre d’heures de fonctionnement des groupes électrogènes a été critiqué par l’expert, faute de relevé contradictoire, et ce dernier a en conséquence appliqué un rabat de 20% sur les frais de location de groupes électrogènes pour un montant de 235 769,49 euros et la consommation de fioul pour un montant de 49 366 euros.

Pourtant, l’expert a souligné que le rapport de l’expert technique de la société Axa ne démontrait pas que les groupes électrogènes n’avaient pas été utilisés uniquement pendant les périodes d’arrêt du T5.

En outre, il a qualifié le nombre d’heures sollicité, soit 670 heures, de cohérent avec les arrêts du T5, lesquels sont parfaitement connus.

Dès lors, rien ne justifie la décote réalisée.

Enfin, concernant la location de la chaudière pour un montant total de 52 023 euros, il ne peut être reproché à la société appelante de ne pas avoir utilisé cet appareil lors de l’arrêt du T5 des 18 et 19 novembre 2015, puisque la durée des réparations indiquée par la société Team était d’une journée seulement, au lieu des deux journées finalement nécessaires, l’expert ayant lui-même reconnu que la montée en puissance de la chaudière n’était pas utile pour un arrêt d’une seule journée. Il sera souligné que Monsieur [W] a confirmé un manque de vapeur ayant réduit la production pendant ces deux jours, confirmant l’utilité de la location litigieuse.

La décote de 50% sur les frais de location de la chaudière appliquée par l’expert ne sera donc pas entérinée.

Le préjudice de la société Cristal union au titre des frais liés à la location et l’utilisation de matériels de secours sera donc fixé, conformément à sa demande, à la somme de :

-235 769,49 euros au titre de la location des groupes électrogènes ;

-49 366 euros au titre de la consommation de fioul ;

-52 023 euros au titre de la location de chaudière ;

soit au total à 337 158,49 euros.

Son préjudice total s’établit dès lors à la somme globale de 661 206,90 euros.

2) Sur les sommes respectivement dues à la société Cristal union et à son assureur

Il sera observé à titre préliminaire que la recevabilité des demandes de la société Groupama en qualité de subrogée dans les droits et actions de son assurée, la société Cristal union, a été admise par la décision querellée laquelle n’a pas été frappée d’appel de ce chef. La cour n’en est donc pas saisie.

a – Par la société Team

Il est justifié que la société Groupama a versé à son assurée, en application de sa police d’assurance, une indemnité pour perte d’exploitation de 400 103 euros, après déduction d’une franchise de 41 677 euros.

En conséquence, la société Team doit être condamnée à payer à :

-la société Cristal union, la somme de 261 103,90 euros (661 206,90 euros – 400 103 euros) ;

-la société Groupama, la somme de 400 103 euros.

Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2018.

Les conditions légales étant réunies, il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière.

b ‘ Par la société Axa

La société Axa s’est contentée de demander à la cour, dans le dispositif de ses conclusion, de :

« En cas d’une quelconque condamnation contre la concluante

Rejeter toutes demandes formées contre Axa France par Cristal union pour obtenir paiement de frais engagés pour réparer, parachever ou refaire le travail de Turbo Team ou remplacer tout ou partie de ses prestations

Dire que la garantie de la société Axa France s’exercera dans les limites de sa police et notamment du point de vue de toute franchise contractuelle. »

Ses motifs, repris in extenso, indiquent exclusivement que :

« En cas d’une quelconque condamnation de la concluante, la cour précisera que celles-ci devront s’exécuter dans les limites de sa police, tant pour ce qui concerne les chefs de réclamation insusceptibles d’entrer dans le champ de sa garantie, tel que les frais engagés pour réparer, parachever ou refaire le travail de son assuré, que pour ce qui est de toutes franchises contractuelles.

Pièce Axa # 4 : Conditions particulières

Pièce Axa # 3 : Conditions Générales »

La société Team n’a quant à elle pas jugé utile de se prononcer sur l’étendue de la garantie qu’elle estimait lui être due par son assureur.

Les conditions générales du contrat d’assurance souscrit par la SAS Hiolle pour les sociétés appartenant au groupe Hiolle stipulent, en leur article 1.1. « Objet du contrat » :

« Le contrat garantit l’Assuré, sous réserve des exclusions visées au chapitre IV « Exclusions générales » contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile découlant de l’activité définie aux conditions particulières, et résultant de dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers avant ou après la livraison d’un produit ou l’achèvement d’une prestation de travaux.

Ce contrat s’applique :

-à la Responsabilité civile avant livraison des produits ou réception des travaux qui s’exerce du fait :

-des biens qu’il exploite,

-des moyens humains et matériels qu’il met en ‘uvre,

-d’une prestation ou de travaux ;

-à la Responsabilité civile après livraison des produits ou réception des travaux qui s’exerce en raison des dommages ayant pour origine :

-une erreur de conception,

-un vice caché de fabrication, de montage, de matière,

-un défaut de sécurité,

-une erreur dans l’exécution de prestations,

-une erreur dans la rédaction des instructions et préconisations d’emploi, des documents techniques et d’entretien de ces produits, matériaux ou travaux,

-un conditionnement défectueux,

-une malfaçon des travaux exécutés,

-un défaut de conseil lors de la vente. »

Par ailleurs, le chapitre IV des dites conditions générales exclut :

-en leur point 4.28. : le prix du travail effectué et/ou du produit livré par l’assuré ;

-en leur point 4.29. : les frais engagés pour :

-réparer, parachever ou refaire le travail,

-remplacer tout ou partie du produit.

Le montant des garanties et des franchises figure quant à lui en page 6 des conditions particulières du contrat d’assurance versé aux débats, qui prévoient :

-pour la responsabilité civile avant livraison des produits ou réception des travaux : une garantie des dommages matériels et immatériels consécutifs confondus, dans une limite de 5 millions d’euros par sinistre, avec une franchise de 1 500 euros ;

-pour la responsabilité civile après livraison des produits ou réception des travaux : une garantie des dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs confondus, dans une limite de 5 millions d’euros par sinistre, avec une franchise de 3 000 euros.

Les travaux réalisés sur le T5 n’ayant fait l’objet d’aucune réception, les désordres étant apparus, aux termes du rapport d’expertise, dès l’essai de remise en route du 13 avril 2015, il sera retenu une franchise de 1 500 euros.

Par ailleurs, sera exclu du champ de la garantie le coût des travaux de remise en état nécessités par les désordres, représentant la somme de 134 837 euros.

En revanche, la société Axa doit garantir la société Team :

-des frais liés à l’expertise, représentant la somme de 85 059,97 euros ;

-des pertes de marge et frais supplémentaires d’exploitation, représentant la somme de 104 151,44 euros ;

-des frais liés à la location et à l’utilisation de matériels de secours, représentant la somme de 337 158,49 euros ;

soit au total de la somme de 526 369,90 euros,

ce qui représente, après déduction de sa franchise de 1 500 euros, la somme de 524 869,90 euros.

La société Axa sera donc condamnée in solidum avec la société Team à indemniser les sociétés Cristal union et Groupama, au prorata des condamnations prononcées à l’encontre de son assurée en faveur de chacune de ces sociétés, dans les limites suivantes :

-la société Cristal union, la somme de 209 947,96 euros ;

-la société Groupama, la somme de 314 921,94 euros.

III – Sur les demandes de la société Team

La société Team réclame le paiement, par la société Cristal union, de ses factures :

-EFC 15.09.0819 du 30 septembre 2015 d’un montant de 57 159,41 euros HT, soit 68 591,29 euros TTC ;

-EFC 15.12.0889 du 31 décembre 2015 d’un montant de 3 008,39 euros HT, soit 3 610,07 euros TTC.

Ces factures correspondant à la commande n°4500125020 passée le 30 juillet 2015 par la société Cristal union sous l’intitulé « Réparation + remontage + mise en service ».

Ce document indiquait : « Cette commande vient en complément des commandes N°4500119409 et 4500119902 liées au protocole transactionnel signé entre nos deux Sociétés stipulant la part de prise en charge de la remise en état supportée par chacune des parties : Cristal-Union pour 60%, TEAM pour 40% ».

Ni les commandes n°4500119409 et 4500119902, ni le protocole transactionnel ne sont versés aux débats.

En tout état de cause, les opérations d’expertise ont pleinement mis en lumière que les pannes répétées du T5 sont la conséquence de l’intervention inadaptée de la société Team sur le jeu des paliers.

Il en résulte que les dommages, dont les factures litigieuses représentent le coût de la réparation, sont entièrement dus à la faute de la société Team.

Par ailleurs, les travaux entrepris sont restés totalement inefficaces faute de correction du réglage inadapté.

La société Cristal union est donc fondée à s’opposer au paiement de ces prestations.

La décision entreprise doit être confirmée en ce qu’elle a débouté la société Team de sa demande en paiement.

IV ‘ Sur les demandes accessoires

A – Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

L’issue du litige justifie de condamner in solidum les sociétés Team et Axa aux dépens d’appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle les a condamnées in solidum aux dépens de première instance.

La société Axa sera déboutée de sa demande tendant à faire dire que le tiers des dépens, comprenant les frais d’expertise judiciaire, restera à la charge de la société Cristal union.

Il convient d’accorder à Maître Levasseur le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision.

B – Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La décision entreprise sera confirmée en ses dispositions sur les frais irrépétibles de première instance.

Les sociétés Team et Axa, tenues aux dépens d’appel, seront en outre condamnées in solidum à verser à la société Cristal union et à la société Groupama la somme de 5 000 euros chacune au titre de leurs frais irrépétibles d’appel.

Elles seront déboutées de leurs propres demandes de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de la dévolution,

Confirme le jugement rendu le 11 mai 2021 par le tribunal de commerce de Valenciennes en ce qu’il a :

-débouté la société Team Turbo-Machines de sa demande en paiement de ses factures EFC 15.09.0819 du 30 septembre 2015 et EFC 15.12.0889 du 31 décembre 2015 ;

-condamné in solidum la société Team Turbo-Machines et la société Axa France Iard à payer la somme de 2 000 euros à la société Cristal union, d’une part, et à la société Groupama Paris Val de Loire, d’autre part, à titre d’indemnités sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

-condamné in solidum la société Team Turbo-Machines et la société Axa France Iard aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise d’un montant de 37 336,99 euros, les frais de greffe étant liquidés à la somme de 116,74 euros ;

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Dit que la société Team Turbo-Machines est entièrement responsable des désordres ayant affecté le groupe turbo-alternateur T5 au préjudice de la société Cristal union ;

Dit la société Team Turbo-Machines a commis une faute lourde, assimilable au dol, à l’occasion de l’exécution de ses prestations ;

En conséquence, écarte l’application de la clause limitative de responsabilité figurant aux conditions générales de prestations de la société Team Turbo-Machines ;

Condamne la société Team Turbo-Machines à payer à la société Cristal union la somme de 261 103,90 euros en réparation de ses préjudices ;

Condamne la société Axa France Iard à payer cette somme à la société Cristal union in solidum avec la société Team Turbo-Machines, dans la limite de 209 947,96 euros ;

Condamne la société Team Turbo-Machines à payer à la société Groupama Paris Val de Loire, la somme de 400 103 euros en réparation de ses préjudices ;

Condamne la société Axa France Iard à payer cette somme à la société Groupama Paris Val de Loire in solidum avec la société Team Turbo-Machines, dans la limite de 314 921,94 euros ;

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2018 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière ;

Condamne in solidum les sociétés Team Turbo-Machines et Axa France Iard à payer à la société Cristal union la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;

Condamne in solidum les sociétés Team Turbo-Machines et Axa France Iard à payer à la société Groupama Paris Val de Loire la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;

Déboute les sociétés Team Turbo-Machines et Axa France Iard de leurs propres demandes au titre de leurs frais irrépétibles d’appel ;

Accorde à Maître Levasseur le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision.

Le greffier

Valérie Roelofs

P/Le président

Nadia Cordier

 


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