Your cart is currently empty!
17 mai 2019
Cour d’appel de Paris
RG n°
17/21158
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRET DU 17 MAI 2019
(n°82, 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 17/21158 – n° Portalis 35L7-V-B7B-B4PGJ
Décision déférée à la Cour : jugement du 06 octobre 2017 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3ème chambre 3ème section – RG n°16/05094
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE
S.A.R.L. LOOK AT SCIENCES, agissant en la personne de sa gérante, Mme [U] [O], domiciliée en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 1]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 491 570 792
Représentée par Me Elisabeth DE AZEVEDO, avocat au barreau de PARIS, toque D 754
INTERVENANTE VOLONTAIRE EN REPRISE D’INSTANCE et comme telle INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE
SORBONNE UNIVERSITE, venant aux droits de l’UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE (UPMC)
Etablissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, agissant en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Sylvie CHARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque L 079
Assistée de Me Juliette FELIX plaidant pour la SCP HERALD ANCIENNEMENT GRANRUT et substituant Me Jean CASTELAIN, avocat au barreau de PARIS, toque P 14
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 février 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne-Marie GABER, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mme Anne-Marie GABER a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Anne-Marie GABER, Présidente
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
Mme Françoise BARUTEL, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Anne-Marie GABER, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
Vu le jugement contradictoire du 6 octobre 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,
Vu l’appel interjeté le 17 novembre 2017 par la société Look At Sciences,
Vu les conclusions d’intervention volontaire du 11 mai 2018 de l’établissement public Sorbonne Université (la Sorbonne) venant aux droits de l’Université Pierre et Marie Curie (UPMC) intimée,
Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées, par voie électronique, le 16 février 2019 de la société appelante,
Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées, par voie électronique, le 5 février 2019 de la Sorbonne venant aux droits de l’UPMC, intimée et incidemment appelante,
Vu l’ordonnance de clôture du 21 février 2019,
Vu la note d’audience du 27 février 2019 prenant acte de l’ouverture du DVD saisi,
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise, aux écritures précédemment visées des parties et à la note d’audience.
Il sera simplement rappelé que la société Look At Sciences, producteur, qui se présente comme spécialiste connu du documentaire scientifique, a conclu le 22 juin 2015 avec l’UPMC, agissant pour le compte de l’IHP (Institut Henri Poincaré) qui en est une école interne, une convention de cession des droits ayant pour objet la réalisation d’une oeuvre audiovisuelle documentaire intitulée « Einstein et la relativité générale : une histoire singulière» (le ‘Film’, ou le ‘Documentaire’), et devant s’achever à l’expiration de la cession de droits définie à l’article 6 du contrat.
Aux termes de cet article, le producteur cédait à titre non exclusif à l’UPMC, en contrepartie du financement apporté par cette dernière, les droits d’exploitation non commerciale pour une durée illimitée sur tous supports en vue de la représentation du Film dans le cadre de ses activités d’enseignement et de recherche.
Ayant découvert que des vidéogrammes (supports DVD), reproduisant, selon elle, sans son autorisation, le Film, ainsi que des éléments de rushs issus du tournage non compris dans la version définitive du Film sous la rubrique bonus, étaient édités et distribués par l’IHP, que ce dernier à l’occasion du centenaire de la relativité générale présentait une exposition intitulée «Einstein et la relativité générale : une histoire singulière» dans le cadre de laquelle étaient distribués gratuitement au public les vidéogrammes et diffusés sur écran les bonus litigieux, et que 20 exemplaires desdits vidéogrammes étaient également distribués via un jeu concours au bénéfice d’un magazine d’abonnement payant, la société Look At Sciences a, dûment autorisée par le délégataire du président du tribunal de grande instance de Paris, fait pratiquer une saisie-contrefaçon le 18 février 2016 dans les locaux de l’IHP, puis sollicité le 4 mars 2016 la transmission des documents relatifs à l’exploitation reprochée.
Selon jugement dont appel, du 6 octobre 2017, elle a fait assigner l’UPMC devant le tribunal de grande instance de Paris le 18 mars 2016 en contrefaçon de droits d’auteur ainsi qu’en concurrence déloyale et parasitisme, et a également invoqué des manquements aux obligations contractuelles.
Les premiers juges ont, aux termes de cette décision :
– déclaré la société Look At Sciences irrecevable à agir en contrefaçon au titre des prises de vues non montées du tournage du Documentaire,
– débouté ladite société de ses demandes en contrefaçon de droits d’auteur fondées sur l’exploitation par l’UPMC du Documentaire, ainsi que de ses demandes au titre de la responsabilité contractuelle et de la concurrence déloyale et parasitaire,
– débouté l’UPMC de ses demandes reconventionnelles au titre des droits d’archives nécessaires à l’exploitation du Documentaire, des frais supportés par elle dans le cadre de la production du dit Documentaire, et du préjudice d’image invoqué résultant des diffusions du film sur YouTube,
– rejeté les demandes présentées par la société Look At Sciences visant à voir condamner l’UPMC à la garantir contre toute demande de paiement de la société Getty Images au titre de l’exploitation par celle-ci du Documentaire et des bonus de celui-ci,
– condamné la société Look At Sciences à verser à l’UPMC 7 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Look At Sciences, appelante, qui soutient que la Sorbonne n’est pas cessionnaire des droits d’exploitation sous forme de vidéogramme ‘pour un usage privé du public’ du Documentaire, ni des rushs, ni de la musique originale d'[A] [U], ni de l’animation graphique de [P] [C], demande :
– de faire cesser l’atteinte portée à ses droits en faisant injonction à la Sorbonne :
‘ d’une interdiction de reproduire, publier, et diffuser le Documentaire sous forme d’édition vidéogramme destinée à ‘un usage privé du public’ ainsi que d’exploiter des prises de vues non montées du tournage (rushs) sous quelque forme que ce soit,
‘ d’un arrêt total de toute publication, distribution et diffusion des exemplaires de l’édition vidéogramme du Film et de diffusion des rushs non montés,
– de la condamner à lui payer 66 750 euros au titre de l’atteinte à ses droits patrimoniaux en réparation du préjudice subi et 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de lui enjoindre sous astreinte de la garantir contre toute demande de paiement de la société Getty Images au titre de l’utilisation de leurs archives sur vidéogrammes et par projection, sur première présentation de la facture de cette dernière.
La Sorbonne, venant aux droits de l’UPMC, appelante incidente, réitère ses demandes de remboursement de la somme de 36 202 euros, sauf à parfaire, au titre de l’ensemble des frais imprévus qu’elle a dû supporter en raison du manquement de la société Look At Sciences à l’obligation de financement, et de paiement de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice d’image subi, et réclame l’allocation d’une somme supplémentaire de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur la recevabilité à agir
L’intimée conteste la recevabilité à agir de l’appelante au titre de :
– ses prétentions fondées sur les articles L. 215-1 du code de la propriété intellectuelle et 544 du code civil, et sa demande relative à « l’exploitation de la musique originale et de l’animation graphique dans le menu interactif et dans les rushes d’interviews en bonus, ainsi que des mentions publicitaires non respectées sur la jaquette du vidéogramme »,
– ses demandes afférentes aux droits de propriété matérielle ou incorporelle sur les rushs non montés,
– ses demandes relatives à l’utilisation d’extraits musicaux et graphiques.
La société Look At Sciences prétend par contre qu’elle est recevable à agir en contrefaçon au titre de l’exploitation du Documentaire sous forme d’édition vidéogramme, des prises de vues non montées du tournage de ce Documentaire (rushs) sous forme d’édition vidéogramme et par projection, de la musique originale dudit Documentaire, montée avec les rushs, en édition vidéogramme et par projection, et de l”uvre graphique animée, montée avec les rushs, en édition vidéogramme et par projection,
Sur la musique et les graphismes
‘ La Sorbonne oppose, en premier lieu, l’existence d’une demande nouvelle s’agissant de l’exploitation de la musique et de l’animation graphique.
A cet égard, il sera relevé que la société Look At Sciences se contente d’élever, à concurrence de 10 000 euros, sa demande de première instance tendant à l’indemnisation du préjudice subi pour atteinte à ses droits patrimoniaux, laquelle s’établissait alors à 56 750 euros, ce qui résulte tant du montant de sa demande actuelle à ce titre (66 750 euros) que des motifs de ses écritures (pages 33, 36 et 37/46), même si elle précise avoir ainsi entendu valoriser de façon séparée le préjudice né de l’atteinte portée à ses droits sur la musique et l’animation graphique du Film (page 16/46) et apparaît également y inclure le non respect des mentions publicitaires (page 36 et 37/46).
En outre, il ressort des énonciations du jugement (page 4) qu’elle se prévalait en première instance du fait que les musiques commandées avaient été utilisées comme habillage des menus interactifs des DVD et des bonus.
Il ne peut pas dès lors être considéré que la demande incluant au titre de la contrefaçon l’utilisation de la musique et de l’animation graphique ne tendraient pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge.
Il n’y a donc pas lieu à irrecevabilité de ce chef.
‘ La Sorbonne soutient, en second lieu, que la société Look At Sciences est irrecevable à agir au titre de l’utilisation des extraits musicaux et graphiques, faute d’avoir appelé les auteurs concernés dans la cause et faute d’établir l’originalité des oeuvres visées.
Il sera observé que l’originalité relève de l’appréciation du bien fondé de la demande.
Par ailleurs, la société Look At Sciences justifie être titulaire de droits des auteurs de la musique et des graphismes du Film par la production de contrats de cession. Elle verse en effet au débat :
-un contrat ‘de commande, de cession de droit et d’interprétation d’une oeuvre musicale originale’ du 24 septembre 2015 conclu avec M. [U], compositeur chargé d’écrire une partition musicale à incorporer dans le Film, d’interpréter et d’enregistrer la musique et de la mixer et mastériser, qui emporte cession des droits d’auteur-compositeur au producteur, auquel est ainsi notamment concédé (article II du contrat) le droit exclusif de représenter et d’exploiter tout montage d’extraits auxquels sera incorporée l’oeuvre musicale du compositeur publiquement ou non sous forme entre autres de vidéogrammes et ce pour toute la durée de la protection du droit d’auteur,
-le contrat de conception graphique et d’animation du Film signé le 16 mai 2015 avec M. [P] [C], graphiste, qui a cédé à titre exclusif au producteur le droit d’exploiter sa production sous forme d’oeuvre audiovisuelle, et ses droits de reproduction, de représentation ainsi que les autres droits d’exploitation définis au contrat découlant de sa collaboration à ladite oeuvre, pour la durée de la protection légale des droits d’auteur.
Il importe peu que ces auteurs aient ensuite donné, ou non, leur accord à la Sorbonne venant aux droits de l’UPMC, étant ajouté que si cette dernière se prévaut d’un mail (pièce 18 adverse) celui-ci ne constitue que l’autorisation donnée par l’auteur de la musique à M. [A], à savoir le réalisateur du Film, et non une autorisation donnée au producteur.
Il s’infère de l’ensemble de ces éléments que la société appelante est recevable à agir au titre des droits patrimoniaux des auteurs de la musique et de l’animation graphique du Film.
Sur les rushs
‘ La Sorbonne venant aux droits de l’UPMC maintient que l’appelante ne détient aucun droit de propriété intellectuelle sur les rushs qui ne constituent pas l’oeuvre audiovisuelle finale, lesquels appartiendraient au réalisateur.
Les premiers juges ont retenu que les demandes formées par la société Look At Sciences au titre des droits d’auteur sur les rushs réalisés lors du tournage du Film sont irrecevables, après avoir justement rappelé les dispositions de l’article L 132-4 du code de la propriété intellectuelle précisant que le contrat qui lie le producteur aux auteurs d’une oeuvre audiovisuelle, tel le réalisateur, emporte sauf clause contraire cession au profit du producteur des droits exclusifs d’exploitation de cette oeuvre.
Certes les rushs sont des plans filmés ou séquences d’images sonorisées, s’agissant en l’espèce d’interviews filmées non montées dans le Documentaire. Cependant si la société Look At Sciences a conclu le 16 mars 2015 avec M. [A], réalisateur précité, un contrat de cession de ses droits d’auteur (rédaction du scénario et des commentaires), celui-ci prévoit en son article 13 que ni l’un ni l’autre ne pourra utiliser ou exploiter les rushes non montés ‘sauf autorisation réciproque expresse et préalable’.
Dès lors, à défaut d’établir qu’une telle autorisation lui a été consentie par le réalisateur, lequel n’est pas attrait en la cause, il ne peut être admis que la société Look At Sciences est recevable à agir comme cessionnaire du droit d’exploiter lesdits rushs.
La décision entreprise ne peut, en conséquence, qu’être confirmée en ce qu’elle a déclaré la société Look At Sciences irrecevable en ses demandes sur ce fondement.
‘ S’il n’apparaît pas que la société Look At Sciences visait en première instance l’article L 251-1 du code de la propriété intellectuelle, elle faisait état de sa qualité de producteur et incriminait l’édition d’un vidéogramme. L’atteinte aux droits du producteur de vidéogramme relève par ailleurs de droit privatifs incorporels, s’agissant d’un droit voisin du droit d’auteur. Si le contrat conclu avec la Sorbonne ne vise pas particulièrement les rushs non utilisés dans le montage du Film il ressort cependant de ce qui précède que le producteur ne peut pas utiliser ou exploiter les rushs non montés sans l’autorisation du réalisateur et que faute de cette autorisation il est irrecevable à se prévaloir d’atteintes à ses droits sur ces rushs, le producteur d’un vidéogramme de l’oeuvre audiovisuelle ne pouvant en tout état de cause détenir plus de droits que le producteur de ladite oeuvre sur des épreuves de tournage non montées.
‘ L’appelante soutient encore que la Sorbonne a porté atteinte à ses droits réels sur la matrice des rushs et il est opposé que ces prétentions fondées non plus sur les droits d’auteur mais sur des droits de propriété matérielle sont irrecevables comme formées pour la première fois en appel.
Il sera relevé que la société Look At Sciences ne vise, pas plus qu’en première instance (selon les énonciations du jugement, en page 3), l’article 544 du code civil mais elle y faisait état de la propriété ‘corporelle’ des rushs ainsi qu’il ressort de la motivation de la décision entreprise (page 6).
Par ailleurs si l’atteinte à la propriété d’une matrice de rushs constitue effectivement une atteinte au droit de propriété matérielle d’un bien et n’a pour fondement l’atteinte patrimoniale à un droit privatif immatériel, il ne saurait être considéré que, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, il s’agirait d’une demande nouvelle, et partant irrecevable, puisque l’usage du master du film et du master des rushs du film était expressément visé à ce titre en première instance (page 3 du jugement). Il n’y a donc pas lieu à irrecevabilité de ce dernier chef.
Sur les mentions publicitaires
La Sorbonne soutient enfin que la demande au titre du non respect de mentions publicitaires sur la jaquette du vidéogramme ou l’absence de copyright de la société Look At Sciences sur la jaquette du DVD est nouvelle en cause d’appel.
Cette demande est toutefois formée au titre de l’exécution de la convention du 22 juin 2015 déjà soumise aux premiers juges. Elle ne sera donc pas, non plus, déclarée irrecevable comme nouvelle.
Sur la contrefaçon
Il est reproché à l’intimée venant aux droits de l’UPMC une reproduction de la musique et de l’animation graphique du Film séparément de l’exploitation du Documentaire et une édition vidéogramme (édition sous forme de DVD de 1 000 exemplaires) pour ‘un usage privé du public’ dont la Sorbonne précise, qu’outre les 20 exemplaires précités mis en jeu à l’occasion du jeu concours, seuls 60 ont été distribués gratuitement aux visiteurs de l’exposition susvisée.
Il ne saurait être considéré que les extraits musicaux et graphiques de l’oeuvre audiovisuelle au titre de laquelle la société Look At Sciences est déclarée recevable à agir en contrefaçon, sont dépourvus d’originalité, celle-ci s’avérant suffisamment caractérisée dans ses écritures (pages 11 et 12/46) ) et revêtant une physionomie particulière (musicale ou graphique) qui traduit l’empreinte de la personnalité de leur auteur respectif, étant observé que l’originalité de l’oeuvre audiovisuelle prise dans son ensemble n’est pas discutée ainsi que relevé par la société Look At Sciences (page 18/46 de ses conclusions).
Par contre, il ne saurait être considéré que l’utilisation de ces extraits pour les menus interactifs du DVD ou de leur bonus caractériserait des faits de contrefaçon comme constituant une exploitation séparée du Documentaire alors que manifestement elle est liée à l’exploitation de celui-ci ne s’agissant que d’en favoriser l’accès ou de le valoriser.
Les premiers juges ont retenu qu’il n’est pas justifié d’une exploitation contraire aux dispositions contractuelles et que la reproduction et la diffusion de vidéogrammes du Film ne pouvait s’analyser comme des actes de contrefaçon au préjudice de la société Look At Sciences.
Il n’est pas sans intérêt de relever que préalablement à la conclusion du contrat la société Look At Sciences indiquait, selon mail du 9 février 2015, que l’achat de droit donnerait à l’IHP ‘la liberté d’utiliser comme bon [lui] semble le film’ et qu’elle avait précisé par mail du 29 septembre 2014 que le nombre de DVD de la convention était indicatif arguant de ‘la liberté d’en copier davantage’.
La convention de cession de droits consentie par cette dernière rappelle expressément, dans son exposé préalable, que l’oeuvre pourrait être exploitée en vidéogrammes du commerce.
L’article 6 de la convention intitulée ‘Cession de droits non commerciaux’ précise par ailleurs clairement que le producteur cède à compter de la date d’achèvement du Film les droits d’exploitation non commerciale, sur tous supports existants et à venir en vue de la représentation dudit Film, en intégralité ou en extraits, dans le cadre de leurs activités.
Cet article définit l’exploitation commerciale en précisant qu’il convient ainsi d’entendre ‘notamment’ l’exploitation dans les réseaux éducatifs et culturels, la représentation publique en tous lieux payante ou non, notamment dans tout marché, festival ou manifestation de promotion, l’utilisation à des fins d’expérimentation et l’utilisation dans un cadre promotionnel.
Pour cette dernière utilisation il est précisé que ‘Ce droit est accordé pour toute reproduction ou représentation du Film ou d’extraits dudit Film pour annoncer ou faire la promotion des activités des Etablissements y compris pour une diffusion par les sites internet’.
Si aux termes de l’article 3-3 du contrat, intitulé ‘Éléments à transmettre à l’UPMC et droits d’exploitation commerciale’, la société Look at Science s’engage à remettre une version master du Film ainsi que 5 DVD et certifie que l’ensemble des éléments promotionnels pourront être reproduits et représentés sur les sites internet il ne saurait en être déduit que la cession convenue se limiterait à la diffusion de la version master du Documentaire sur les sites internet à l’exclusion de toute autre exploitation.
En effet l’article 2 du contrat rappelle expressément que la cession de droits est définie à l’article 6 du contrat précité et celle-ci comprend dans un cadre promotionnel un large droit de reproduction, non limité à une diffusion par les sites internet, mais les incluant, conformément à ce qui est prévu à l’article 3 invoqué par la société Look At Sciences.
Il ne saurait, en définitive, être considéré que l’édition d’un vidéogramme ‘pour un usage privé du public’ en lien avec les activités de l’UPMC aux droits de laquelle se trouve la Sorbonne ne serait pas autorisée, dès lors que des DVD devaient être remis à cette dernière, et que le préambule du contrat précisait que l’exploitation en vidéogramme était envisagée et que l’école interne de l’UPMC souhaitait contribuer à la réalisation souhaitée par le producteur à des fins de valorisation scientifique et pédagogique.
L’édition et la distribution gratuite au public de vidéogrammes reproduisant le Documentaire, préalablement annoncée à la société Look At Sciences par le réalisateur (mails des 17 et 21 novembre 2015) et effectivement intervenue dans le cadre d’une exposition intitulée ‘Einstein et la relativité générale : une histoire singulière’ au sein de l’institut Henri Poincaré (IHP) dont il n’est pas contesté qu’elle s’est déroulée du 19 novembre 2015 au 19 février 2016, relèvent manifestement des activités de l’UPMC aux droits de laquelle se trouve la Sorbonne.
Il en est de même de la distribution de ces vidéogrammes dans le cadre d’un jeu concours au bénéfice d’un magazine payant ‘Ciel et espace’ ressortant d’un partenariat ( marché) de promotion des activités de ladite Université, qui ne peut ainsi s’analyser en une exploitation contrefaisante du Documentaire sous forme d’édition vidéogramme.
Les demandes de ces chefs ne peuvent, en conséquence, qu’être rejetées et la décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a débouté la société Look At Sciences de ses demandes en contrefaçon fondées sur l’exploitation du Documentaire.
Sur la responsabilité contractuelle
Il ressort de ce qui précède qu’en elle-même l’exploitation du Documentaire sous forme d’édition vidéogramme ‘pour un usage privé du public’ ne constitue pas une violation des obligations contractuelles de la Sorbonne venant aux droits de l’UPMC.
La société Look at Science soutient cependant que la Sorbonne a adopté un comportement fautif et déloyal dans l’exécution de la convention de cession de droits signée le 22 juin 2015 du fait de la conservation des masters des rushs, en ce compris la musique originale et l”uvre graphique animée du Documentaire, de leurs exploitations, du non-respect des mentions génériques.
Ainsi que rappelé par les premiers juges les rushs n’ayant fait l’objet d’aucune cession de droits dans le cadre du contrat conclu entre le producteur et le réalisateur le 16 mars 2015 leur exploitation par l’UPMC, aux droits de laquelle se trouve la Sorbonne, ne peut caractériser une inexécution fautive au préjudice de la société Look At Sciences.
Par ailleurs le contrat prévoyait la remise d’une version master du Film à l’IHP.
Il ne saurait dès lors être considéré qu’il existe une atteinte aux droits réels de propriété de la société Look At Sciences.
Il est également actuellement reproché à la Sorbonne venant aux droits de l’UPMC le fait que l’IHP apparaît sur la jaquette présenter le vidéogramme contesté aux côtés de RMC, sans aucun copyright et que les crédits publicitaires ne seraient pas observés.
Il sera relevé que contractuellement la société Look At Sciences (article 5 du contrat intitulé ‘Communication et publicité’) s’est engagée à faite figurer la mention de la participation de l’Institut et à communiquer les obligations publicitaires sans être tenue responsable d’éventuels manquements sur ce point. Il n’est pas prévu d’obligations à la charge de son contractant ni justifié d’un préjudice de la société Look At Sciences compte tenu de l’exploitation qui a été faite du DVD litigieux par l’IHP dans le cadre de la promotion des activités de l’UPMC, étant observé que l’appelante indique (page 7/46 de ses écritures) que son nom en tant que producteur est mentionné sur la jaquette du DVD. Ce chef de demande sera dès lors rejeté.
La décision dont appel sera donc confirmée en ce qu’elle a débouté la société Look At Sciences de ses demandes au titre de la responsabilité contractuelle.
Sur la responsabilité délictuelle
A titre subsidiaire, la société Look At Sciences prétend que la Sorbonne lui a causé un dommage du fait de sa concurrence déloyale et parasitaire, de l’atteinte aux droits réels sur les masters des rushs et de l’atteinte aux droits de producteur de vidéogramme.
S’agissant de griefs non retenus au titre de la contrefaçon ou de la responsabilité contractuelle, les premiers juges ont pu relever que l’UPMC s’étant limitée à une exploitation non commerciale du Film, telle que prévue aux termes de la convention, elle ne peut se voir imputer aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité délictuelle que ce soit sur le fondement de la concurrence déloyale ou sur celui d’agissements parasitaires.
Le jugement entrepris sera, en conséquence, confirmé en ce qu’il a débouté la société Look At Sciences également de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.
Sur la demande de garantie
L’appelante soutient enfin que la Sorbonne a choisi, sans l’en informer, d’habiller les exemplaires vidéogrammes d’une jaquette reproduisant une photographie appartenant à la société Getty Images, ainsi que d’illustrer les bonus et le menu interactif du vidéogramme par des archives de celle-ci.
Toutefois la société Look At Sciences ne saurait valablement se prévaloir d’un préjudice qui ne lui est pas personnel, et n’est pas fondée à demander garantie d’une réclamation en paiement future dont le caractère certain n’est nullement établi.
Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande présentée de ce chef.
Sur les autres demandes
L’intimée, appelante incidente, maintient que la société Look At Sciences devait contractuellement obtenir les cessions de droits et autorisations nécessaires à l’exploitation du documentaire pour une durée de 30 ans, que les frais avancés par l’UPMC doivent être mis à sa charge et que le producteur n’a pas rempli son obligation de faire cesser toute diffusion illicite du Documentaire.
Sur l’injonction de régularisation de cessions
La Sorbonne soutient que la société Look At Sciences aurait dû acquérir les droits portant sur les images d’archives utilisées dans le Film pour sa durée d’exploitation.
Aux termes du contrat (article 3.2) il est prévu que le producteur obtiendra toutes autorisations nécessaires à la réalisation du Film.
Certes la société Look At Sciences s’est fait céder les droits des auteurs et réalisateur pour une durée de 30 ans et ne justifie de l’obtention d’une cession de droits d’archives (sociétés Getty Images International et Dolfy Agency) que pour une durée moindre.
Cependant ainsi que retenu en première instance aucune disposition de la convention ne spécifiait une durée requise d’acquisition des droits sur les archives, le producteur s’étant seulement engagé à acquitter les montants dus au titre des autorisations nécessaires à la réalisation du Film. Par ailleurs, s’il est tenu de garantir l’UPMC de tout recours, il sera observé que la durée d’autorisation des droits d’archives (de 5 ans selon pièce 17 de l’appelante) apparaît toujours en cours et il n’est nullement justifié de la nécessité actuelle de régulariser une nouvelle cession.
Le rejet de la demande d’injonction à ce titre sera donc confirmé.
Sur le remboursement des frais engagés
La Sorbonne maintient avoir indûment engagé 36 202 euros pour financer le Documentaire précisant qu’il s’agit à hauteur de 19 515 euros du temps de travail du salarié de l’UPMC aux droits de laquelle elle se trouve, et pour le surplus de l’achat d’un disque dur ainsi que du coût du prêt de salles de montage et post production, de matériel et de lieu de tournage.
Il sera relevé que le décompte produit à cet égard (pièce 15 de l’intimée) n’est ni signé ni certifié et qu’il n’est produit aucune facture pour en justifier, seuls étant versés au débats des bulletins de paye du réalisateur , [S] [A], agent contractuel de l’Université, ainsi que des tarifs indicatifs de location de matériel de tournage.
Par ailleurs, ainsi qu’exactement rappelé par les premiers juges, si l’UPMC ne s’était engagée lors de la signature du contrat, prévoyant le budget prévisionnel, qu’à faire apport d’une somme forfaire hors taxes de 20 000 euros sur présentation de facture, les modalités de cet apport ont évolué postérieurement. Il ressort en effet d’un courriel du 2 novembre 2015 émanant de [H] [N] (directeur adjoint) sur la participation de l’IHP qu’il était proposé un apport en industrie d’un ‘ordre de grandeur de 20 000 euros’.
Aucun élément ne permet de considérer que les moyens matériels et humains supplémentaires engagés ne constituent pas, à l’instar du financement initialement prévu, la contrepartie des droits non commerciaux cédés sur l’oeuvre en définitive réalisée, qu’elle a pu exploiter, et dont seul le coût prévisionnel avait pu être initialement précisé, et le tribunal a pu relever qu’un remboursement n’a au demeurant été sollicité que dans le cadre de la présente instance, laquelle a été initiée par le producteur.
Le jugement dont appel sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté ce chef de demande qui ne s’avère pas suffisamment justifié.
Sur les diffusions du documentaire sur YouTube
La Sorbonne aux droits de l’UPMC reproche au producteur de ne pas s’être soucié de faire supprimer des comptes sur You Tube proposant en accès libre le Documentaire assorti de publicités, et ne le faisant que tardivement suite à son signalement, ce qui aurait porté atteinte à l’image de l’institution.
Toutefois il est établi que les vidéos en cause ont été supprimées, et ainsi que rappelé par le tribunal une veille systématique ne saurait être imposée au producteur. Ce dernier justifie par ailleurs avoir adressé à You Tube des demandes d’interruption de diffusion.
Il ne saurait dès lors être considéré à suffisance que la société Look At Sciences a engagé sa responsabilité de ce chef à l’encontre de l’UPMC, et la décision entreprise sera également confirmée sur ce point.
PAR CES MOTIFS,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;
Condamne la société Look At Sciences aux dépens, et, vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à ce titre à la Sorbonne Université venant aux droits de l’UPMC une somme complémentaire de 3 000 euros pour les frais irrépétibles d’appel.
La Greffière La Présidente