Location de matériel : 17 juin 2020 Cour d’appel de Paris RG n° 18/23452

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Location de matériel : 17 juin 2020 Cour d’appel de Paris RG n° 18/23452
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17 juin 2020
Cour d’appel de Paris
RG n°
18/23452

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 17 JUIN 2020

(n° , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 18/23452 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6U3G

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Octobre 2018 – Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2016045271

APPELANTES

– SARL DOCUMENT CONCEPT 87-23

Ayant son siège social : [Adresse 3]

[Localité 6]

N° SIRET : 413 906 462 (LIMOGES)

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

– SCP BTSG, prise en la personne de Me [E] [H], ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL DOCUMENT CONCEPT 87-23, désigné à cette fonction par décision du Tribunal de commerce de LIMOGES en date du 23 septembre 2015

Exerçant ses fonctions : [Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 6]

– SELARL [K], prise en la personne de Me [D] [K], ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la SARL DOCUMENT CONCEPT 87-23, désigné à cette fonction par décision du Tribunal de LIMOGES en date du 12 décembre 2016

Exerçant ses fonctions : [Adresse 4]

[Localité 6]

– SARL J.D. HOLDING

Ayant son siège social : [Adresse 1]

[Localité 7]

N° SIRET : 442 924 288 (LIMOGES)

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentées par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

Ayant pour avocat plaidant : Me Patrice MIHAILOV, avocat au barreau de PARIS, toque : C0093

INTIMÉE

SASU XEROX

Ayant son siège social : [Adresse 5]

[Adresse 9]

[Localité 8]

N° SIRET : 602 055 311 (BOBIGNY°

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Stéphane FERTIER de l’AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

Ayant pour avocat plaidant : Me Anne-Sophie SABATIER de l’ASSOCIATION L.E.A – Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : K0159

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 Février 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre

Madame Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Monsieur Dominique GILLES, Conseiller

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Agnès BODARD-HERMANT dans les conditions prévues par l’article 804 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute de la présente décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Xerox est spécialisée dans la fabrication et le commerce d’équipements de bureau et distribue ses produits et services d’impression quasi exclusivement auprès de clients professionnels composés d’entreprises de toute taille et de tout secteur d’activité.

Elle distribue ses produits et services sur l’ensemble du territoire :

– ‘directement, à hauteur de 35 % de ses ventes, auprès des Grands Comptes et des professionnels des Arts Graphiques ;

– ‘indirectement, à hauteur de 65% de ses ventes, par l’intermédiaire d’un réseau de distribution composé de 99 concessionnaires Xerox monomarque (qui représentent 95% des ventes du réseau indirect) et d’une dizaine de revendeurs agréés multimarques (qui représentent moins de 5% des ventes du réseau indirect). Le réseau de concessionnaires Xerox existe depuis 35 ans.

La société Document Concept 87 & 23 dont la société JD Holding est l’actionnaire majoritaire a pour activité, en France et à l’étranger, l’achat, la vente, la location de matériel de bureautique informatique et consommable ainsi que le conseil en gestion et le traitement du document copié.

A compter de la fin 2007, les sociétés Xerox et la société Document Concept 87 & 23, concessionnaire à [Localité 6] ont conclu des contrats successifs de concession à durée déterminée de trois ans renouvelable, le dernier renouvellement datant du 25 avril 2014, à effet du 30 novembre 2013 expirant le 30 novembre 2016.

Au titre des services Xerox, le concessionnaire propose à la vente trois types de contrat de maintenance dits ‘PagePack’, ‘eClick’ et ‘ServicePack’, conclus directement entre le client et concessionnaire qui la sous-traite à la société Xerox.

Courant 2015, la société Xerox a mis en oeuvre les conditions générales de ces contrats l’autorisant à suspendre ses prestations de maintenance auprès de la société Document Concept 87 & 23, suivant les procédures dites ‘Hold’, en cas de retards de paiement de ses factures malgré mise en demeure et ‘Full Hold’, en l’absence de régularisation de ces retards et, en juin 2015, elle l’a mise en demeure de lui régler la somme de 225.881,36 euros dans un délai de 30 jours.

Par jugement du 23 septembre 2015, le tribunal de commerce de Limoges a arrêté un plan de redressement judiciaire à l’encontre de la société Document Concept et a nommé Maître [K] en qualité d’Administrateur judiciaire, et Maître [H] en qualité de Mandataire judiciaire.

Par jugement du 12 décembre 2016, ce tribunal a arrêté un plan de continuation au profit de la société Document Concept.

Par acte du 28 juin 2016, la société Document Concept 87 & 23, Maître [K] ès qualités d’administrateur judiciaire, et Maître [H] ès qualités de mandataire judiciaire, estimant que la société Xerox avait mis en oeuvre de mauvaise foi ces dispositions des conditions générales des contrats de maintenance qu’ils tiennent pour illicites au regard du droit des contrats et des dispositions du code de commerce relatives au déséquilibre significatif l’ont assignée en responsabilité devant le tribunal de commerce de Paris qui, par jugement du 3 octobre 2018, a :

– dit recevable l’intervention volontaire de SARL JD Holding,

– débouté SARL Document Concept 87 & 23 de ses demandes de dommages et intérêts fondées sur la mauvaise foi dans l’exécution du contrat,

– débouté SARL Document Concept 87 & 23 de son action en nullité des causes des conditions générales du contrat de concession relatives à la sous-traitance de la Maintenance par SASU Xerox,

– débouté SARL Document Concept 87 & 23 de ses demandes fondées sur le déséquilibre significatif,

– débouté SARL Document Concept 87 & 23 de ses demandes fondées sur la rupture brutale des relations commerciales établies,

– débouté SARL JD Holding de ses demandes de dommages et intérêts,

– débouté SASU Xerox de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamné in solidum SARL Document Concept 87 & 23 et SARL JD Holding à payer à SASU Xerox, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 20.000 euros

– ordonné l’exécution provisoire,

– condamné in solidum SARL Document Concept 87 & 23 et SARL JD Holding aux dépens de l’instance.

Les sociétés Document Concept 87 & 23 et JD Holding, ainsi que les sociétés [K] et BTSG, ès qualités sont appelantes de ce jugement suivant déclaration du 2 novembre 2018.

Vu leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 3 février 2020 par lesquelles il est demandé à la Cour de l’infirmer en totalité et statuant à nouveau :

– mettre hors de cause la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [E] [H], compte tenu de ce que, conformément aux termes du jugement du 12 Décembre 2016, le dépôt de l’état des créances a mis fin à sa mission;

– donner acte à la société JD Holding de son désistement d’appel;

– débouter la société Xerox de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Vu les dispositions des articles 1134 et 1135 du code civil,

– dire et juger que la société Xerox a suspendu de mauvaise foi la fourniture du service de maintenance, artificiellement gonflé l’importance du retard de paiement allégué, compromis sans justification la vente de machines neuves et adopté un comportement malveillant, dans le but de s’approprier la clientèle de son concessionnaire;

– subsidiairement, et vu les dispositions des articles 1165, 1131 et 1174 du code civil :

* dire et juger que la clause des conditions générales de maintenance mise en ‘uvre aux dépens de la société Document Concept 87 & 23 contrevient à l’effet relatif des contrats, est dépourvue de cause et est potestative;

* en conséquence, prononcer la nullité des articles 15.5, 15.6, 15.9 et 15.10 des conditions générales PagePack, celle des articles 13.9, 13.10, 13.13 et 13.14 des conditions générales eClick, et celle des articles 10.5, 10.6, 10.9 et 10.10 des conditions générales ServicePack;

– plus subsidiairement et vu les dispositions de l’article L 442-6. I. 2° du code de commerce :

*dire et juger que la clause des conditions générales de maintenance mise en ‘uvre aux dépens de la société Document Concept 87 & 23 crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;

* en conséquence, prononcer la nullité des articles 15.5, 15.6, 15.9 et 15.10 des conditions générales PagePack, celle des articles 13.9, 13.10, 13.13 et 13.14 des conditions générales eClick, et celle des articles 10.5, 10.6, 10.9 et 10.10 des conditions générales ServicePack ;

* en tout état de cause, dire et juger que la société Xerox s’est fautivement fondée sur ce dispositif pour suspendre de manière générale la fourniture de son service après-vente et compromettre la vente des équipements neufs ;

– encore plus subsidiairement et vu les dispositions de l’article L 442-6. I. 5° du code de commerce,

* dire et juger qu’en compromettant soudainement la poursuite de l’activité de son distributeur, la société Xerox a brutalement rompu les relations commerciales ;

– dans tous les cas,

* dire et juger que le comportement fautif de la société Xerox a causé à la société Document Concept 87 & 23 un préjudice dont elle doit réparation.

* en conséquence, condamner la société Xerox à payer à titre de dommages et intérêts à la société Document Concept 87 & 23 une somme de 1.417.296 euros;

* En application des dispositions des articles 1153.1 et 1154 du code civil, assortir ces condamnations de la production d’intérêts et de leur capitalisation, à compter de l’assignation.

– condamner la société Xerox au paiement d’une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel, recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions de la société Xerox, intimée, déposées et notifiées le 31 janvier 2020 par lesquelles il est demandé à la Cour de :

Vu l’article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016,

Vu l’article L. 442-6 I 2° et 5° du code de commerce dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 24 avril 2019,

– débouter les appelantes de toutes leurs demandes ;

– confirmer le jugement entrepris toutes ses dispositions ;

– condamner in solidum les appelantes au paiement d’une indemnité de procédure de 30.000 euros et aux dépens et autoriser Maître Stéphane Fertier, avocat postulant, à faire usage de l’article 699 du code de Procédure Civile.

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

A titre liminaire, il convient de rappeler qu’au terme de l’article 954 alinéa 2 et 3 du code de procédure civile, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens invoqués au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Il convient en outre de faire droit à la demande de mise hors de cause la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [E] [H], compte tenu de ce qu’au terme du jugement du 12 Décembre 2016, le dépôt de l’état des créances a mis fin à sa mission.

Enfin, il y a lieu de donner acte à la société JD Holding de son désistement d’appel qui, au vu des articles 400 et suivants du code de procédure civile, est parfait faute de demande adverse et, en conséquence, de constater le dessaisissement de la cour la concernant.

Quant au fond du litige, il n’est pas en débat :

– que la société Document Concept 87 & 23 sous traite à la société Xerox la maintenance des matériels qu’elle vend à ses clients directs, tous professionnels, lorsque la vente est assortie d’un contrats de maintenance dont les conditions générales sont prévues en annexes F et H du contrat de concession,

– que chacun des trois types de contrats de maintenance litigieux comportent des dispositions analogues concernant les procédures contestées dites ‘Hold’ et ‘Full Hold’, précisément décrites par le jugement entrepris auquel il est renvoyé, qui permettent à la société Xerox :

* pour la procédure ‘Hold’, de suspendre toute commande de nouveaux contrats de maintenance, en cas de retards de paiement des factures de maintenance sous-traitée par la société Xerox plus de trente jours après leur émission, malgré mise en demeure

* pour la procédure ‘Full Hold’, de suspendre également la maintenance des contrats en cours jusqu’à régularisation des factures impayées.

En revanche, les parties s’opposent sur les conditions de leur mise en oeuvre et, subsidiairement, sur leur caractère licite au regard du droit des contrats et des dispositions du code de commerce relatives au déséquilibre significatif.

1 – Sur la mauvaise foi prétendue dans la mise en oeuvre des dispositions contractuelles en examen

Vu les articles 1134 et 1135 du code civil, relatifs à la bonne foi contractuelle,

Le jugement entrepris rejette les demandes des appelantes à ce titre, après avoir décrit l’historique des relations contractuelles des parties et la chronologie du litige né à la suite de retards de paiement récurrents à compter de janvier 2015, retenant que la société Xerox était fondée à invoquer l’exception d’inexécution, compte tenu des manquements suffisamment graves de la société Document Concept 87 & 23, à compter du début de l’année 2015, à ses obligations :

– de relevé des compteurs permettant la facturation, le prix de la maintenance étant composé d’un prix à la page quand le contrat est sans engagement de volume ou d’un forfait facturé trimestriellement d’avance avec un prix à la page supplémentaire, dans le cas contraire,

– de contestation dans les délais et selon les procédures prévues de ses factures sur le portail QMS d’Internet dédié,

– de paiement de ses factures, qu’elle n’a pas contestées jusqu’au 3 juin 2015, faisant état de problèmes internes ponctuels et s’engageant à régulariser rapidement.

Le jugement entrepris retient en outre :

– que la société Document Concept 87 & 23 a réglé le 24 juillet 2015 un montant impayé de 105 168 euros et qu’elle a reconnu sa dette le 31 juillet 2015 en acceptant un moratoire pour régler la somme de 139 803 euros tenant compte de ce précédent paiement, ce qui suffit à établir la situation chronique et importante des impayés à cette date,

– que ce moratoire n’a pas été respecté, la société Xerox mettant à nouveau en demeure la société Document Concept 87 & 23 pour un montant de 238 016 euros le 1er septembre 2015,

– que le 19 novembre 2015, l’administrateur judiciaire a largement accepté la créance de 413 446 euros déclarée par la société Xerox,

– que chaque fois que la société Xerox a mis en oeuvre les mesures de suspension prévues par les dispositions contractuelles litigieuses, la société Document Concept 87 & 23 avait d’importants retards de paiement, alors même que la société Xerox avait fait preuve de patience et de compréhension, ne suspendant pas les contrats de maintenance en cours quand le contrat l’y autorisait, d’abord pour laisser la société Document Concept 87 & 23 régler ses problèmes chroniques de sous effectifs, ensuite quand elle lui a annoncé être entrée en négociation pour céder sa concession, puis quand le moratoire a été accepté et enfin quand elle a déposé son bilan.

Il suffira d’ajouter ce qui suit.

Il n’est pas utilement soutenu que la société Xerox a brutalement et artificiellement aggravé la situation de trésorerie de la société Document Concept 87 & 23, en l’état de la chronologie ci-dessus rappelée ainsi que :

– du paiement de la somme de 105 168 euros le 24 juillet 2015,

– de la reconnaissance de dette du 31 juillet 2015 à hauteur de 139 803 euros tenant compte de ce précédent paiement,

– de l’absence de contestation des factures jusqu’au 3 juin 2015

– et de la fixation définitive de la créance de la société Xerox au passif de la procédure collective de la société Document Concept 87 & 23 à la somme de 287 655 euros (pièce 26).

Au surplus, ‘la complète paralysie de l’activité de l’entreprise’ résultant prétendument des sanctions contractuelles n’est pas établie pour les motifs qui suivent.

S’agissant de la procédure dite ‘Hold’, la suspension de commande de nouveaux contrats de maintenance en litige a eu lieu une première fois pour 15 jours en juin 2014 puis du 5 juin au 5 octobre 2015 ainsi qu’en atteste la pièce 59 de l’intimée, que la pièce 94 des appelantes ne suffit pas à invalider, en ce qu’elle contient elle-même plus de 20 pièces qui ne sont pas explicitées et dont aucun extrait n’est cité.

Il n’est pas établi que cette suspension a fautivement compromis la vente des machines dès lors que celle-ci peut avoir lieu sans contrat de maintenance, peu important à cet égard que la maintenance ne puisse être traitée que par la société Xerox si la vente est assortie de ce service (article 4.5 du contrat de concession), étant observé que la société Document Concept 87 & 23 assure directement la maintenance des équipements Xerox depuis le 31 janvier 2019 (pièce intimée 68).

En effet, la société Xerox est fondée à limiter le stock de ses machines vendues avec de tels contrats puisqu’elle devrait réaliser la prestation de maintenance de ces nouveaux contrats sans être payée de ses prestations de maintenance antérieures alors que la société Document Concept 87 & 23 sera, elle, payée directement par son client, percevant au surplus la marge qu’elle aura elle-même librement fixée. De même, le grief tenant à l’absence de fourniture du code Pin nécessaire à la mise en service des machines n’est susceptible d’étayer la paralysie prétendue de toute vente que si elle concerne l’activation de la machine vendue sans contrat de maintenance, alors que ce grief est contesté et que ni les conclusions des appelantes ni les pièces produites ne permettent de s’assurer que tel est le cas.

Quant à la mise en oeuvre par la société Xerox de la procédure dite ‘Full Hold’, elle est établie du 3 au 15 juin 2015 puis du 7 au 24 septembre 2015 (pièces intimée 59 et 24 ; même observation que ci-dessus pour la pièce appelantes 95). Elle n’a pas pu avoir pour effet la paralysie de l’activité de son concessionnaire dès lors que la machine du client bénéficiaire d’un contrat de maintenance continue à fonctionner avec les consommables en cours, lesquels peuvent être obtenus directement auprès de la société Xerox, hors contrats de maintenance. Par ailleurs, si les interventions techniques sont effectivement différées au delà de cette mesure de suspension, les difficultés invoquées par les appelantes ne suffisent pas à établir cette paralysie, eu égard à un parc de plus de 500 machines dès lors qu’elles font état d’une cinquantaine de lettres de résiliation sans toutefois préciser en quoi elles sont chacune fondées sur la mesure de suspension contestée et de protestations de quelques clients (Pièces appelantes 42, 53,78, 73-77 et 91 appelantes).

Ce d’autant :

– que cette procédure dite ‘ Full Hold’ a été de courte durée soit, au vu des pièces produites, 11 jours du 4 au 15 juin 2015 puis 17 jours du 7 au 24 septembre 2015, date à laquelle la société Xerox a repris ses prestations de maintenance compte tenu du jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Document Concept 87 & 23 (pièce intimée 24, p.16),

– que la créance de la société Xerox a été définitivement fixée au passif de la procédure collective de la société Document Concept 87 & 23 à la somme de 287 655 euros (pièce 26), celle-ci n’étant donc pas fondée à la contester, notamment comme correspondant, sans plus de précision d’ailleurs, à un service suspendu.

Enfin et au vu de ce qui précède, les appelantes n’étayent pas leur affirmation selon laquelle la société Xerox, qui n’a pas réussi à ‘extorquer’ à la société Document Concept 87 & 23 la signature du moratoire proposé en mai 2015 obligeant celle-ci à lui transmettre sa clientèle en cas de résiliation ( pièces appelante 13), ‘a mis en oeuvre un processus d’éviction plus brutal qui tendait aux mêmes fins exactement’, processus ‘habituel et manifestement encouragé par la complète impunité dont elle a bénéficié jusqu’ici comme le relève l’examen des [7] contentieux survenus dans les mêmes circonstances’ dont elles citent de courts extraits (conclusions p. 37-40) qui ne suffisent pas à étayer cette affirmation à défaut d’analyse circonstanciée de ces décisions à cet égard.

Il ne résulte donc aucune mauvaise foi dans la mise en oeuvre sur la période de janvier à septembre 2015 des sanctions litigieuses par la société Xerox qui a légitimement tenté de limiter son préjudice sans disproportion par rapport à son propre chiffre d’affaires dès lors que la défaillance de son concessionnaire depuis janvier 2015 était récurrente et importante en juin 2015, rapportée au chiffre d’affaires annuel de celui-ci pour la maintenance en litige cette année là, de l’ordre d’un million d’euros (pièce appelantes 86 et point 102 des conclusions de l’intimée) et que celui-ci n’a pas été en mesure d’y remédier en dépit de ses démarches amiables répétées ayant permis la conclusion d’un moratoire, non respecté.

2 – Sur la nullité prétendue des dispositions contractuelles en examen

Vu les articles 1165, 1131, 1174 et 1184 du code civil anciens,

Les appelantes soutiennent à ce titre que la société Xerox ne peut sanctionner l’inexécution d’un contrat par la suspension de son service dans un autre contrat, une telle sanction, qui prend en otage les clients du concessionnaire qu’il discrédite et qui paralyse complètement son activité :

– méconnaissant l’effet relatif des contrats,

– étant dépourvue de cause comme étant justifiée par une cause étrangère au contrat concerné,

– s’analysant en une clause potestative,

– la contrainte ainsi exercée n’ayant rien à voir avec l’exception d’inexécution s’agissant :

* de contrats distincts en l’absence de rapport d’obligation résultant du contrat de concession pour la maintenance et les contrats de maintenance survivant aux contrats de concession,

* portant sur des objets différents,

* donnant lieu à des facturations distinctes peu important que la société Xerox considère les paiements dans le cadre d’un compte unique.

Le jugement entrepris rejette ces demandes retenant que :

– le contrat de maintenance conclu entre la société Document Concept 87 & 23 et son client d’une part et le contrat de concession entre la société Document Concept 87 & 23 et la société Xerox d’autre part forment un ensemble contractuel indivisible, ainsi que le retient expressément le dispositif de la décision rendue le 19 décembre 2016 par l’ADLC qui, saisie par une association de concessionnaires, rejette leurs demandes après avoir examiné l’organisation commerciale et le système de distribution de la société Xerox, estimant qu’aucun de leurs griefs n’est fondé,

– que la sanction contestée est causée par la défaillance de la société Document Concept 87 & 23 qui n’a pas payé les prestations de maintenance de la société Xerox alors qu’elle a en été payé par le client final du prix, qu’elle fixe elle-même sa marge en facturant son client plus cher que ce qu’elle paie à la société Xerox et que celle-ci lui accorde un encours de crédit important qui représente environ 20% de son chiffre d’affaires,

– que la société Document Concept 87 & 23 procède par affirmation quant au caractère potestatif des clauses incriminées qui ne reçoivent application qu’en cas de défaillance dans le paiement des factures de sous-traitance,

– que les clauses relatives à l’exception d’inexécution d’une prestation récurrente telles que celles en examen sont usuelles dans ce type d’activité,

– que l’Autorité de la Concurrence, dont le jugement entrepris reproduit les motifs à ce sujet, a retenu dans la décision précitée que l’équilibre du contrat de concession est fondé sur un partage des tâches, le fabriquant étant à la fois vendeur et prestataire après-vente de ses propres appareils tandis que le concessionnaire est un pur revendeur sur le marché de détail, ‘sous-traitant la totalité du service de maintenance à Xérox sans supporter de coûts supplémentaires tout en prélevant une marge de service’ pour la facturation et l’encaissement du prix auprès de l’utilisateur.

Il suffira d’ajouter ce qui suit.

Certes, les conditions générales des contrats de maintenance sont annexées au contrat de concession (annexe F et H) pour éclairer la portée de son article 4.5 qui envisage une simple faculté pour le concessionnaire de faire souscrire à ses clients des contrats de maintenance sous-traités par la société Xerox.

Néanmoins au terme de l’article 11.2 du contrat de concession sa ‘force obligatoire s’étend au préambule et aux annexes’.

Ainsi, en cas de souscription effective de contrats de maintenance, il en résulte un ensemble contractuel équilibré tel que décrit tant par le jugement entrepris que par l’ADLC dans sa décision du 19 décembre 2016 dont l’analyse concrète et globale tenant compte du contexte de sa conclusions et de son économie, encore détaillée au point 3 qui suit, ne permet pas de retenir la disproportion alléguée de la sanction constituée par les procédures de ‘Hold’ et ‘Full Hold’.

A cet égard, la société Xerox effectue et supporte seule le coût des prestations de maintenance tandis qu’elles sont payées par l’utilisateur au concessionnaire qui perçoit en outre sa marge, librement fixée et bénéficie d’un encours de crédit lui permettant de ne payer les factures de ces prestations qu’à 30 jours de leur émission par la société Xerox.

Et les appelantes ne démontrent pas la paralysie de l’activité du concessionnaire résultant prétendument de l’interdiction de toute vente assortie d’un contrat de maintenance ou de la suspension de tous les contrats de maintenance en cours, même non concernés par les factures de maintenance impayées, dès lors que, comme jugé au point 1, la maintenance n’est pas une condition de fonctionnement de l’équipement mais un service optionnel (article 4.5 du contrat de concession) et que cette maintenance est toujours possible en cas de suspension des contrats en cours, hors contrat de maintenance.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande tendant au prononcé de la nullité, au regard du droit des contrats, des clauses litigieuses des conditions générales du contrat de concession relatives à la sous-traitance de la maintenance par la société Xerox.

3 – Sur le déséquilibre significatif allégué

Selon l’article L. 442-6, I, 2° ancien du code de commerce: «Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (‘) 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties».

Les deux éléments constitutifs de cette pratique restrictive de concurrence sont, en premier lieu, la soumission ou la tentative de soumission et, en second lieu, l’existence d’obligations créant un déséquilibre significatif. L’insertion de clauses dans une convention type ou un contrat d’adhésion qui ne donne lieu à aucune négociation effective des clauses litigieuses peut constituer ce premier élément. L’existence d’obligations créant un déséquilibre significatif peut notamment se déduire d’une absence totale de réciprocité ou de contrepartie à une obligation, ou encore d’une disproportion importante entre les obligations respectives des parties.

Les clauses sont appréciées dans leur contexte, au regard de l’économie du contrat et in concreto. La preuve d’un rééquilibrage du contrat par une autre clause incombe à l’entreprise mise en cause et peut résulter de l’analyse des clauses du contrat au regard d’autres conventions des parties. Enfin, les effets des pratiques n’ont pas à être pris en compte ou recherchés.

Les appelantes soutiennent au titre du déséquilibre significatif que ‘le jeu des articles précités est parfaitement disproportionné au seul objectif du recouvrement d’une créance et tend plutôt à briser la résistance du concessionnaire en cas de survenance d’un litige et, le cas échéant à précipiter son éviction’.

Le jugement entrepris rejette leurs demandes de ce chef aux motifs qu’elles n’étayent pas leur argumentaire quant à la soumission invoquée, qu’en outre le contrat de concession a été renouvelé à plusieurs reprises et que, surabondamment, la décision de l’ADLC précitée dont il reproduit les termes à ce sujet considère que l’équilibre du contrat est fondé sur un partage des tâches et énumère les avantages offerts aux concessionnaires par les contrats de maintenance.

Il suffira d’ajouter ce qui suit.

Quant au déséquilibre significatif, les clauses litigieuses instituant les procédures de Hold et Full Hold ont certes pour effet de permettre la suspension de la possibilité de conclure de nouveaux contrats de maintenance ou la suspension des contrats de maintenance en cours, en cas d’impayés malgré mise en demeure, même si ceux-ci ne concernent pas la totalité des contrats de maintenance suspendus et sans réciprocité.

Néanmoins, la société Xerox soutient à bon droit que ces clauses ne sont pas manifestement disproportionnées en ce qu’il existe, en vertu du contrat de concession et des conditions générales et de prix des contrats de maintenance, une justification objective à celles-ci qui rééquilibre les droits et obligations des parties dès lors, notamment que :

– la société Document Concept 87 & 23 fixe sa marge, au taux de 27% en 2015 soit 300keuros (pièce appelantes 86) correspondant à la facturation et la perception du prix des prestations de maintenance,

– elle bénéficie en outre d’un avantage non négligeable en terme de trésorerie qui lui permet d’être payée par son client utilisateur, pour un service qu’elle n’assure pas elle-même, avant d’avoir à le payer à la société Xerox dans les trente jours de l’émission de sa facture, au delà de l’encours de crédit dont elle bénéficie au terme du contrat de concession (pièces intimées 1 : art 6.1 et annexe F du contrat de concession ; 36 et 59 ) , égal à une fois et demi le montant mensuel moyen facturé au titre des prestations de maintenance sous-traitées et dont le jugement entrepris relève sans être critiqué, en page 12, l’importance, comme équivalant à environ 20% de son chiffre d’affaires,

– enfin, les appelantes reconnaissent que les contrats de maintenance ‘constituent le principal actif de la concession et sont la condition nécessaire à son existence’ (conclusions p. 10), étant observé que la maintenance Xerox est certifiée ISO 9001 (pièce intimée 65), gage de qualité et rappelé qu’elle n’est pas une condition de fonctionnement des machines.

Ce d’autant :

– que les appelantes soutiennent que ces clauses sont non négociables comme intégrées à un contrat d’adhésion, sans justifier toutefois que la société Document Concept 87 & 23 a vainement cherché à les négocier, alors qu’il n’est pas contesté que la société Document Concept 87 & 23 n’est pas partie au litige concernant l’association des concessionnaires qui revendiquent un changement de modèle économique afin d’assurer eux même la maintenance (conclusions intimée p. 117-118).

– qu’à la faveur de ce grief et du litige (conclusions p. 48, §2 renvoyant aux p. 26-28 et p. 4 §4), elles remettent en cause, en soi, le recours à la sous-traitance de la maintenance de ses produits par la société Xerox, conformément au partage des tâches sur lequel repose l’équilibre du contrat, ainsi que l’ADLC l’a retenu dans la décision précitée, alors même que la société Document Concept 87 & 23 a choisi de renouveler ce contrat à deux reprises en 2010 et 2013.

Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef également.

4 – sur la prétendue rupture brutale

Vu l’article L442-6 I 5° ancien du code de commerce,

A l’instar du jugement entrepris, la cour retient que la demande à ce titre doit être rejetée.

En effet, les appelantes soutiennent vainement que la société Xerox a rompu brutalement la relation commerciale établie avec la société Document Concept 87 & 23 en ne notifiant pas la résiliation du contrat de concession, ni celle des contrats de maintenance tout en prenant des mesures qui ont eu pour effet de compromettre la poursuite normale de l’activité de la société Document Concept 87 & 23 et de la conduire à la déconfiture.

En effet, la société Xerox aurait pu rompre les contrats en cause – soit, au 30 novembre 2016, un parc de 547 contrats de maintenance actifs – pour manquements graves de la société Document Concept 87 & 23 à son obligation essentielle de paiement des prestations de maintenance dues, ce qu’elle n’a pas fait avant le 31 janvier 2019 – alléguant de nouveaux impayés postérieurement à l’adoption du plan de continuation (pièce intimée 67-69) – laissant courir ces contrats de maintenance au profit de la société Document Concept 87 & 23 jusqu’à leurs termes contractuels respectifs sans que les parties aient souhaité conclure un nouveau contrat de concession, la société Document Concept 87 & 23 percevant le prix de l’entretien qu’elle facture aux utilisateurs des équipements alors que les prestations d’entretien sont assurées par la société Xerox en qualité de sous-traitant.

Au demeurant, la mise en oeuvre des clauses contestées relatives à la sanction des impayés ne caractérise pas une rupture brutale , s’agissant de mesures provisoires prises suite à la défaillance de la société Document Concept 87 & 23 qui, ainsi qu’il a été jugé au point 1, n’établit pas la complète paralysie de son activité qui en serait prétendument résultée.

En outre, la chronologie des faits témoigne de la patience et de la mesure de la société Xerox qui, malgré mises en demeure infructueuses relatives des impayés conséquents au regard du total de la facturation annuelle de la maintenance en 2015, a accordé à la société Document Concept 87 & 23, outre un encours crédit important, des délais qu’elle n’a pas respectés bien qu’elle soit directement payée par ses clients directs des prestations de maintenance ainsi impayées à la société Xerox, pour lesquelles elle a au surplus librement fixé sa marge.

Le jugement entrepris sera donc confirmé du chef de la rupture brutale alléguée.

5 – sur les demandes accessoires

Conformément aux articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société JD Holding et la société Document Concept 87 & 23 , partie perdante, doivent supporter la charge des dépens sans pouvoir prétendre à une indemnité de procédure et l’équité commande de les condamner à ce dernier titre dans les termes du dispositif de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

MET hors de cause la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [E] [H] ;

DONNE acte à la société JD Holding de son désistement d’appel ;

CONSTATE, en conséquence, le dessaisissement de la Cour la concernant ;

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

CONDAMNE in solidum la société JD Holding et la société Document Concept 87 & 23 aux dépens d’appel, distraits conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la société JD Holding et la société Document Concept 87 & 23 à payer à la société Xerox une indemnité de procédure de 10.000 euros et rejette toute autre demande.

Le Greffier Le Président

Cécile PENG Marie-Laure DALLERY

 


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