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15 avril 2022
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
19/02902
15/04/2022
ARRÊT N° 2022/252
N° RG 19/02902 – N° Portalis DBVI-V-B7D-NBQV
MD/KS
Décision déférée du 15 Mai 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de TOULOUSE ( 17/00401)
J [F]
SECTION COMMERCE CHAMBRE 2
[O] [L] épouse [I]
C/
SAS BRAND FRANCE
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU QUINZE AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
Madame [O] [L] épouse [I]
5 T Chemin des Carnières
31170 TOURNEFEUILLE
Représentée par Me Sonia BRUNET-RICHOU de la SCP CAMILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
SAS BRAND FRANCE
256 allée du Fétan
01600 TREVOUX
Représentée par Me Stéphane LEPLAIDEUR de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant , S.BLUME et M.DARIES chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUME, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.
FAITS ET PROCEDURE:
Madame [O] [I] a été embauchée par la Société SGB Comabi par contrat de travail du 22 septembre 1997 en qualité de secrétaire, niveau 2, échelon 1, coefficient 170 à temps complet.
La dite société devenait la Société HARSCO Infrastructure puis, par suite de rachat, la Société Brand France Sas.
En dernier lieu, Madame [I] exerçait depuis le 1er juillet 2011 les fonctions de secrétaire de service agence, à temps partiel niveau 4, échelon 1, coefficient 260, suivant la Convention Collective Nationale des Entreprises de Commerce, Location de Matériel de TP, de Bâtiment et de Manutention.
La salariée a été placée en arrêt de travail du 11 septembre 2013 au 4 octobre 2013.
Elle a été élue représentante au comité d’établissement Trévoux le 4 décembre 2013.
Un avenant a été proposé à Madame [I] le 28 octobre 2014 avec passage à temps complet, qu’elle a refusé par courrier du 12 novembre 2014,ce dont la société a pris acte le 26 novembre 2014.
Madame [I] a fait l’objet d’un avertissement en date du 31 mars 2015 en raison de propos insultants à l’égard de ses supérieurs hiérarchiques lors de l’entretien professionnel du 26 février 2015.
Elle a de nouveau été placée en arrêt maladie à compter du 17 mars jusqu’au 9 juillet 2015.
A la suite de la visite de reprise du 10 juillet 2015, elle a été déclarée inapte de manière définitive à son poste de travail dans l’entreprise.
Par courrier du 28 août, elle a été convoquée à un entretien préalable fixé
le 7 septembre 2015.
La société a saisi le 10 septembre 2015 puis le 30 octobre 2015 l’inspection du travail qui le 29 décembre 2015 a autorisé le licenciement de la salariée pour impossibilité de reclassement.
Madame [I] s’est vue notifier son licenciement le 31 décembre 2015 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
La salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 10 mars 2017 aux fins de faire reconnaître la nullité de son licenciement et de condamner l’employeur à lui verser diverses sommes.
Par jugement en date du 15 mai 2019, le conseil de prud’hommes de Toulouse, section commerce, en sa formation de départage, a :
-Débouté Madame [O] [L] épouse [I] de l’intégralité de ses demandes ;
-Jugé n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamné Madame [O] [L] épouse [I] aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 21 juin 2019, Madame [I] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
PRETENTIONS DES PARTIES:
Aux termes de ses dernières conclusions envoyées par voie électronique
le 20 septembre 2019, Madame [I] demande à la cour de :
-Juger qu’elle a été embauchée par la société SGB Comabi à compter
du 22 septembre 1997 et qu’en dernier lieu, elle était employée en qualité de secrétaire service agence par la société Sas Brand France à temps partiel à hauteur
de 32 heures par semaine depuis 2004 sur les horaires suivants : lundi, mardi, jeudi et vendredi 9H00 – 12H30 / 13H30 – 18H00 ;
-Réformer le Jugement dont appel en ce qu’il a maintenu l’avertissement
du 31 mars 2015
– Juger que l’avertissement est infondé et en prononcer la nullité ;
-Condamner la société Sas Brand France au paiement de la somme de 500 euros nets au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice ;
-Réformer le Jugement dont appel en ce qu’il a estimé que le harcèlement moral dont elle a été victime n’était pas caractérisé ;
-Juger qu’elle établit la preuve des pressions et harcèlement dont elle a été victime de la part de la société
-Juger que la société a tenté de lui imposer une modification des horaires de travail;
-Juger qu’elle a la qualité de salarié protégé et a régulièrement refusé la proposition de modification de ses horaires de travail de son contrat le 24 novembre 2014 ;
-Juger qu’elle a été placée en arrêt de travail à compter du 17 mars 2015 pour syndrome dépressif réactionnel et harcèlement au travail et a été déclarée inapte par le médecin du travail le 10 juillet 2015
-Juger que la déclaration d’inaptitude est la conséquence des pressions et dégradations des conditions de travail subies ;
En conséquence,
– Réformer le Jugement dont appel en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes,
– Prononcer la nullité du licenciement
– Condamner la Sas Brand France au paiement des sommes suivantes :
-31.400 € nets au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
-6.292,17 € bruts au titre de l’indemnité de préavis outre la somme de 629,21 € bruts de congés payés y afférents.
-Juger qu’elle a été partiellement remboursée de ces frais exposés pour son audition devant l’inspection du travail et est en droit de revendiquer le reliquat du remboursement des frais dus à hauteur de 219,30 € nets ;
-Condamner la société Sas Brand France au paiement de la somme de 291.30 euros nets au titre des remboursement de frais ;
-Ordonner la délivrance et la rectification des documents sociaux et notamment l’attestation Pôle Emploi et le certificat de travail, ainsi que les bulletins de paie de janvier à mars 2016 pour tenir compte des demandes et de la période de préavis ;
En tout état,
-Condamner la société au paiement de la somme de 4.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, envoyées par voie électronique
le 18 novembre 2019, la Sas Brand France demande à la cour de :
-Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
-Débouter Madame [I] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
A titre reconventionnel,
-Condamner Madame [I] aux entiers dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 21 janvier 2022.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION:
I/ Sur le harcèlement moral:
A/ Sur la compétence:
L’appelante indique que dès lors que le licenciement a été autorisé par l’inspection du travail, le salarié ne peut obtenir du juge prud’homal qu’il prononce la nullité de la rupture pour violation de son statut protecteur mais que le salarié peut obtenir réparation du préjudice résultant des manquements de l’employeur.
La société réplique qu’il appartient à l’Inspection du travail, sous contrôle du juge administratif, de vérifier si la dégradation de l’état de santé de la salariée ayant conduit à son inaptitude résulterait d’obstacles opposés par l’ employeur à l’exercice de ses fonctions représentatives et que le juge judiciaire ne peut statuer sur les éléments évoqués par la salariée en lien avec le statut de salarié protégé. Elle considère que les éléments soulevés par l’appelante concernant la récupération des temps de trajet et une modification unilatérale des conditions de travail relèvent de ce statut.
Sur ce:
Lorsque la demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, l’administration du travail doit vérifier que cette inaptitude est réelle et sérieuse et justifie son licenciement mais il ne lui appartient pas de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d’un harcèlement moral.
L’autorisation de licenciement donnée par l’inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations pendant la période antérieure au licenciement. Si tel est le cas, le salarié est fondé à solliciter la réparation du préjudice en résultant.
Par décision du 29 décembre 2015, l’inspection du travail a autorisé le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de la salariée, en précisant que ‘l’enquête n’a pas permis d’établir de lien entre la demande de licenciement et les mandats détenus par Mme [I]’.
Le refus à une période donnée de la récupération du temps de trajet pour participation à une réunion dans l’exercice du mandat syndical relève du statut protecteur et le juge judiciaire n’est pas compétent pour statuer.
Si l’appelante rappelle les règles applicables pour un salarié protégé s’agissant de la modification du temps de travail hebdomadaire et des horaires, elle n’invoque pas expressément une atteinte à son statut mais une pression de l’employeur pour lui imposer la modification et une incidence sur son état de santé.
Cette demande relève donc du juge judiciaire.
B/ Sur le fond:
Selon l’article L 1152-1 du code du travail, ‘aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel’.
Mme [I] soutient que son inaptitude trouve sa cause directe et certaine dans des actes de harcèlement moral commis par l’employeur.
Elle expose que ses conditions de travail et son état de santé se sont dégradés à compter du mois de septembre 2013 du fait du comportement délétère de ses supérieurs hiérarchiques:
– elle a été placée en arrêt de travail à compter du 01 septembre 2013
au 04 octobre 2013 pour burn-out et elle produit le certificat initial le mentionnant et celui de prolongation,
– elle a travaillé dans des conditions matérielles inadmissibles, ainsi au mois de novembre 2013, elle dénonçait l’absence d’éclairage dans son bureau depuis plus d’une semaine, les starters des néons devant être changés mais aucune intervention n’a eu lieu. Son supérieur Monsieur [D], Directeur de Région, lui a indiqué qu’il était préférable qu’elle change de bureau, a déconseillé et interdit toute intervention d’un électricien.
– elle a été victime du comportement agressif et déplacé de Monsieur [U] [N], responsable commercial, qu’elle a dénoncé, sans effet, par mail du 13 décembre 2013 auprès de Monsieur [K], chef d’agence,
– elle a subi un comportement désagréable de la part de Monsieur [K]:
. alors qu’elle le prévenait de son retard en raison d’un encombrement sur le périphérique, le 17 novembre 2014, par SMS à 8h57 indiquant: « périphérique bloqué aurais quelques minutes de retard », son supérieur a répondu « c’est déjà fait ».
. le 28 octobre 2014, un fournisseur adresse un devis et sollicite le bon de commande, Monsieur [K] lui transmet le mail en lui indiquant « merci de faire la commande de suite ! »,
. il ressort du compte rendu d’entretien préalable à l’avertissement notifié qu’elle était la seule salariée à qui Monsieur [K] ne disait pas bonjour.
– à partir d’octobre 2014, la société au travers de Monsieur [D] ou de Monsieur [K] va continuer son entreprise de déstabilisation:
.Monsieur [D], directeur régional, va établir un listing erroné des tâches qui seraient à effectuer par elle, à titre d’exemple, ce dernier estime qu’elle gère les panneaux d’affichage du site, or elle ne dispose pas des clefs dudit panneau d’affichage et elle établira à l’attention de son supérieur le listing de ses tâches effectuées au quotidien.
– en novembre 2014, elle va dénoncer la validation de son BTS (transformation du HCS), car à la suite de l’entretien du 23 décembre 2013, il avait été convenu afin de réactiver une nouvelle version, qu’elle devait refaire son entretien, ce qui n’a pas été fait et elle a découvert que son BTS a été validé en dépit du rejet qu’elle a opposé, tant par Monsieur [K] que Monsieur [D],
– s’agissant du contrat de travail, elle a dénoncé par courrier du 12 novembre 2014 la tentative de l’employeur de modification forcée du contrat de travail à la suite de la remise le 28 octobre 2014 par Monsieur [D] de plusieurs documents, dont elle considérait les motifs économiques non convaincants.
Elle explique que:
. le courrier d’accompagnement précisait qu’à compter du 17 novembre 2014, ses horaires de travail seraient répartis de la manière suivante : les lundi, mardi, jeudi et vendredi de 8h à midi et de 14h à 18h, alors que depuis sa demande formalisée
le 22 septembre 2004 à effet au 29 décembre 2004, elle était employée à hauteur de 32 heures par semaine les lundi, mardi, jeudi et vendredi de 9h à 12h30 et de 13h30 à 18h, les mercredis restant non travaillés.
. la proposition d’avenant joint prévoyait qu’à compter du 1er décembre 2014, elle exercerait ses fonctions à temps complet soit 35 heures par semaine,
. la fiche de poste était erronée ne correspondant pas à ses fonctions et tâches exercées au sein de l’entreprise.
Elle rappelait dans son courrier du 12 novembre 2014 qu’ayant la qualité de salarié protégé, elle était en droit de refuser toute modification de son contrat ou même de changement des conditions de travail, l’employeur ne pouvant l’imposer, quelle qu’en soit l’importance, la nature ou la cause et les clauses du contrat de travail.
Elle alertait le CHSCT de la situation et l’inspection du travail (le 24 novembre).
Par courrier recommandé du 24 novembre 2014, Madame [I] refusait la proposition de modification de son contrat et plus particulièrement de ses horaires de travail au regard de son statut de salarié protégé et du fait que son travail à temps partiel correspondait à ses obligations familiales impérieuses qu’elle ne pouvait ni modifier ni aménager en l’état. Elle ajoutait continuer à appliquer son contrat de
travail ( 9h-12h30,13h30-18h).
Elle affirme avoir subi des tentatives de modification de ses fonctions de manière détournée puisque sur demande de Monsieur [K], Madame [V] (service logistique et administration des ventes) l’a contactée en précisant qu’elle devait mettre en commun leur fiche de mission pour savoir qui faisait quoi et lui proposer un rendez-vous, ce dont elle n’était pas informée.
Elle ajoute que la relation s’est poursuivie dans un contexte difficile à la suite de ce refus, qu’elle a été convoquée à un entretien préalable à éventuelle sanction
le 2 mars 2015 et a fait l’objet d’un avertissement injustifié.
Elle a été placée en arrêt de travail à compter du 17 mars 2015 pour syndrome réactionnel du fait du comportement fautif de l’employeur et des pressions exercées sur elle pour lui faire accepter la modification de ses horaires de travail, ce qui a entraîné une altération grave de son état de santé, les arrêts de travail, puis elle a été déclarée inapte par le médecin du travail le 10 juillet 2015.
****
La Cour relève que s’agissant de l’alerte ancienne sur les conditions matérielles en novembre 2013, l’employeur a refusé l’intervention d’un électricien pour raison de coût mais a privilégié la seconde solution proposée par Madame [I] de changement de bureau dont elle n’indique pas qu’il n’ait pas été effectif. Elle ne produit aucune autre alerte.
Quant à la validation du BTS qui serait intervenue malgré son accord, Madame [I] ne démontre pas qu’elle devait repasser un entretien, ni qu’elle a subi un préjudice, la validation étant un acte favorable à l’intéressée.
Ces griefs ne seront pas retenus.
L’ensemble des autres éléments laisse présumer une situation de harcèlement moral et permet à l’employeur d’y répondre.
La société conteste tout fait de harcèlement et rétorque qu’elle n’a pas tenté de modifier les fonctions de l’appelante, ayant transmis une fiche de répartition des tâches indicative et dans le respect de son pouvoir de direction puis elle a pris acte du refus de Madame [I].
****
Sur ce:
1/ Sur le comportement désagréable ou agressif du supérieur hiérarchique ou autre collègue:
– Sur les termes du SMS du 17 novembre 2014 par lequel Monsieur [K], en réponse à la salariée l’informant de son retard, écrit: ‘ C’est déjà fait’, la société, contestant tout caractère désagréable, souligne qu’il ressort de l’échange de SMS versé par l’appelante que sur la période de trois semaines, soit 12 jours de travail, elle a accumulé 4 retards sans remarques désobligeantes.
La Cour considère qu’il s’agit d’un simple constat de la part du supérieur hiérarchique, qui n’a fait aucun commentaire sur les précédents retards.
– S’agissant du courriel du 28 octobre 2014 de Monsieur [K] à la suite d’un devis : « Merci de faire la commande de suite ! », l’employeur conteste tout ton véhément, relevant la forme de politesse et oppose que Madame [I] dénaturait les propos tenus.
La Cour retient que Monsieur [K] donne une directive en soulignant le caractère d’urgence s’expliquant par l’attente du bon de commande suite à établissement du devis.
– le 23 décembre 2014, Madame [I] se plaignait de l’agressivité d’un collaborateur Monsieur [N]: « [R], [U] vient une fois de plus de se montrer agressif avec moi. Je te l’écris car les paroles ne semblent plus porter leur fruit. Merci d’intervenir pour qu’il prenne la peine de nous parler comme à des humains et non comme à du bétail ».
La société réplique que l’appelante fait état d’un prétendu comportement agressif de la part du responsable commercial, sans préciser les propos incriminés ni en quoi son comportement aurait été déplacé et elle dénie avoir été informée préalablement oralement.
Compte tenu de la contestation de l’employeur et de l’absence d’autre élément corroborant ce grief, il ne sera pas retenu.
– Sur le fait que Monsieur [K] ne salue pas Madame [I] au contraire des autres salariés.
Cela a été relevé par le conseiller dans le compte-rendu de l’entretien préalable à sanction du 12 mars 2015 comme étant un fait de ce jour dans un contexte particulier et non comme étant une attitude constante, ce que ne démontre pas la salariée.
2/ Sur la modification des tâches et des horaires:
La société explicite qu’en octobre 2014, afin de clarifier les tâches de chacun, une fiche de fonction a été délivrée aux salariés dont l’appelante, à la suite d’un entretien organisé avec la hiérarchie, au cours duquel elle n’a pas contesté la répartition des tâches. Postérieurement elle s’y est opposée et a remis une nouvelle répartition des tâches qu’elle estimait devoir réaliser, tendant vers une diminution importante des tâches et responsabilités confiées.
L’intimée indique qu’elle n’a pas modifié les fonctions de secrétaire de service agence occupées par l’appelante.
Une réunion était organisée pour déterminer les tâches du personnel, raison pour laquelle par courriel du 25 novembre 2014, Madame [V] du service logistique et administration des ventes, a proposé à certains salariés de se rencontrer à cet effet. Elle ne se rendait pas à cette réunion, considérant qu’il s’agissait d’une pression.
Il n’est pas contesté par la société que l’entretien avec Madame [I] sur les tâches à exercer n’a pas fait l’objet d’un compte-rendu.
L’employeur exerce un pouvoir de direction lui permettant de procéder à une réorganisation des tâches et l’appelante ne démontre ni un abus dans cet exercice, ni une pression dans le fait qu’une réunion à cette fin, sur le conseil de Monsieur [K] et à laquelle elle avait répondu favorablement le même jour ( tel qu’il ressort du mail versé) ait été initiée en présence des seuls salariés.
Par ailleurs l’établissement des tâches de chacun, la proposition de travail à temps plein et de modification des horaires de travail, s’inscrivait dans une réorganisation des services commercial et administratif (dont faisait partie Madame [I]) dont l’employeur fait le choix et dont il apprécie la pertinence.
Les instances représentatives ont été consultées préalablement, tel qu’il résulte du dossier de consultation au CHSCT et CE et du procès-verbal de réunion du comité d’établissement du 20 novembre 2014, auquel l’appelante a participé, portant sur la consultation sur le changement d’horaire à l’agence de Toulouse.
Si le CE ‘regrette un manque de concertation préalable pour l’élaboration des horaires’, 4 avis favorables ont été prononcés et un contre.
Cette modification matérialisée par un tableau des anciens et nouveaux horaires pour les salariés du service administratif ne concernait donc pas spécifiquement Madame [I] et la société pouvait la lui proposer.
Celle-ci était, de par de son statut protecteur, en droit de la refuser, que cette réorganisation implique une modification du contrat ou un simple changement des conditions de travail.
Les documents remis le 28 octobre 2014 comportaient un courrier d’information sur les nouveaux horaires et une proposition d’avenant d’un passage à temps plein avec mention qu’à défaut de réponse au 27 novembre 2014, l’employeur considèrerait que l’intéressée avait refusé la modification du contrat.
Par courrier du 26 novembre 2014, la société répondait à Madame [I] que:
– elle lui donnait acte de son refus de modification du contrat de travail et que de ce fait, le contrat à temps partiel avec la répartition du temps de travail sur les jours de la semaine n’était pas modifié,
– s’agissant des horaires dans le cadre du temps partiel, elle rappelait:
. la connaissance par l’appelante des motivations ayant présidé à la proposition de la modification des horaires collectifs qui avait donné lieu à consultation du CHSCT et du Comité d’Etablissement,
. les horaires n’étaient pas contractualisés, l’avenant au contrat de travail mentionnant qu’ils lui sont communiqués par écrit par les moyens en vigueur dans l’entreprise et le changement résiduel (une demi-heure avant et une demi-heure après) ne constitue pas une modification du contrat et ne porte pas atteinte à l’exercice de son mandat,
. les horaires indiqués par elle ( 9h à 12h30 et de 13h30 à 18h) ne sont pas conformes à ceux en vigueur avant le 01 décembre 2014 et elle lui demande de s’y conformer (8h30-13h30, 13h30-17h30),
. lors des échanges et réunions, elle n’a pas invoqué des obligations familiales impérieuses.
La société prend acte du refus de la salariée de modifier ses horaires à compter du 01 décembre 2014.
La société n’a donc pas fait pression sur Madame [I] pour qu’elle accepte un passage à temps plein et les nouveaux horaires collectifs du service administratif auquel elle appartient.
Il existe seulement un positionnement différent des parties sur les horaires dits appliqués par l’appelante depuis septembre 2004 à la suite du retour de congé maternité sans qu’il en soit établi la contractualisation, l’avenant du 29 septembre 2004 fixant le temps partiel à 32 heures sur 4 jours mais pas la répartition d’horaires différents de ceux du service, l’intéressée reconnaissant l’exactitude de ces derniers.
3/ Sur l’avertissement du 31 mars 2015:
Aux termes de l’article L 1331-1 du Code du travail, constitue une sanction disciplinaire toute mesure autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
L’appelante considère que cet avertissement est injustifié et doit être annulé.
L’avertissement est ainsi rédigé: :
‘Comme suite à votre entretien du 12 mars 2015, je vous informe que toute entreprise vous sanctionne d’un avertissement pour le fait fautif suivant: jeudi 26 février dernier vers 16 heures, au cours d’un entretien en présence de [R] [K] et [B] [D], vous avez dit : « de toute façon vous êtes de mèche avec [H] [A] pour me faire un coup de putes ».
Ces faits ont été attestés par les personnes présentes dans les dispositions de forme requise par la justice et en connaissance des dispositions de l’article 441-7 du code pénal.
La victime principale [R] [K] a immédiatement dénoncé la situation à sa hiérarchie. Après avoir pris les mesures préliminaires qui s’imposent, je vous informe que depuis, l’entreprise a invité à consulter le médecin du travail et à appliquer la procédure de déclaration d’un accident du travail. Le CHSCTa été informé.
Ces propos sont totalement inacceptables dans notre entreprise. En effet, les désaccords entre personnes et la liberté d’expression permette des propos diffamatoires, ni les injures. (..).
Nous ne pouvons que déplorer que vous n’ayez tenu aucun compte de la mise en garde qui vous avait été fait par le chef d’agence par un courriel du 27 août 2009 à 16 heures, par lequel est d’or et déjà reproché des faits d’insultes dans le cadre d’un différend que vous aviez eu avec Monsieur [S].
Vous êtes sanctionnée d’un ultime avertissement. Si des faits similaires devaient de nouveau vous être reprochés, nous serions conduit à envisager votre licenciement pour faute grave’.
Madame [I] conteste avoir tenu les propos, objets de l’avertissement, lors de l’entretien d’évaluation du 26 février 2015.
Elle explique qu’il est intervenu dans un contexte de refus par elle de modification du contrat de travail, qu’il ressort de la lecture du compte-rendu de l’entretien préalable établi par Monsieur [T], salarié, l’ayant assistée qu’il lui a été reproché, outre les propos retenus dans l’avertissement, des retards répétés qui n’ont pas fait l’objet de sanctions.
Elle sollicite l’annulation de l’avertissement et le versement de 500 € de dommages et intérêts.
L’employeur conclut au bien-fondé de la sanction et au débouté de la demande de la salariée.
Sur ce:
L’entretien d’évaluation sur le bilan de compétence de Madame [I] pour l’année 2014 ne fait pas référence à l’incident objet de l’avertissement mais porte des appréciations sur le comportement de la salariée dans l’exécution de ses fonctions:
‘Manque de collaboration et d’implication dans les tâches avec ses collaborateurs directs (..). Aucune communication sur les missions individuelles avec ses collaborateurs occasionnant un certain trouble dans l’organisation du travail de ses collaborateurs (..) Considération déplacée à l’encontre de certains membres de l’équipe’.
En tout état de cause, comme le relève le premier juge, l’incident est corroboré par les pièces versées par l’employeur, à savoir le courriel de Monsieur [K], chef d’agence, du 27 février 2015 expliquant l’incident et l’attestation de Monsieur [D], directeur de région, présent lors de l’entretien d’évaluation.
À défaut d’élément probant de contradiction de la part de la salariée qui n’établit pas plus l’existence d’une mesure de rétorsion face à son refus de modification des conditions de travail, le grief est fondé et la sanction justifiée. Il n’y a pas lieu à son annulation.
4/ Sur les éléments médicaux:
Si Madame [I] a été placée en arrêt en septembre 2013 pour ‘burn-out’ ( sans que la salariée n’explique les conditions de sa survenance), elle a fait l’objet de visites médicales les 17 décembre 2012, 8 octobre 2013 et 18 novembre 2013, à la suite desquelles elle a été déclarée apte, sans qu’elle ait fait part de harcèlement.
L’appelante a été placée de nouveau en arrêt-maladie en mars 2015, à la suite de l’avertissement, les certificats mentionnant un syndrôme dépressif réactionnel à un harcèlement moral.
Or le médecin traitant n’a pu constater cette situation et n’a pu que faire référence aux dires de la patiente.
Si Madame [I] exprime un fort ressenti, ayant été destabilisée par la réorganisation de l’entreprise, les changements proposés remettant en cause ses habitudes de travail et la sanction prononcée, les éléments développés ne caractérisent pas des agissements répétés constitutifs de harcèlement moral ayant eu une incidence sur son état de santé.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de ses demandes afférentes à un harcèlement moral.
II/ Sur la demande de remboursement de frais:
L’appelante expose que:
-en sa qualité de salarié protégé, elle bénéficiait du remboursement de ses frais exposés dans le cadre de la procédure de licenciement suite aux convocations pour son audition par l’inspection du travail,
– à la suite d’une première convocation le 15 octobre 2015 devant l’inspection du travail de Bourg-en-Bresse, elle a transmis les éléments justificatifs de ses frais dont elle a été partiellement remboursée à hauteur de 172,01 €, au motif qu’elle avait pris un billet d’avion, alors que la gestion de la commande de billet était centralisée par Madame [Y] et que les frais remboursés l’étaient sur la base d’un aller-retour en train avec un aller-retour navette,
– dans le cadre de la deuxième convocation pour la deuxième audition le 29 octobre 2015, elle a informé son employeur et l’inspection du travail qu’elle ne s’y rendrait pas faute d’avoir été remboursée de ses premiers frais.
Elle réclame paiement du solde de 219,30 € nets.
La société conclut au débouté, rétorquant que la gestion des commandes de billet de train et d’avion est gérée par Madame [Y], en charge de rechercher le meilleur compromis entre les coûts et les contraintes horaires, procédure confirmée par Madame [Y], Monsieur [P] (représentant du personnel au CHSCT, CE et CCE) et Monsieur [T] (délégué syndical CFDT) et qui a été explicitée à l’inspection du travail.
Sur ce:
Au vu des éléments versés par l’employeur établissant le caractère effectif du remboursement de frais, Madame [I] sera déboutée de sa demande et le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé sur ce point.
III/ Sur les demandes annexes:
Madame [I] , partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.
L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS:
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Madame [O] [L] épouse [I] aux dépens d’appel,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C.DELVER S.BLUMÉ
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