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10 novembre 2022
Cour d’appel de Lyon
RG n°
19/05061
N° RG 19/05061 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MPWI
Décision du
Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE
Au fond
du 15 mai 2019
RG : 2017j00790
SARL BROCHEXPRESS
C/
S.A.S. CURTY PRECISION
SAS FIREM
SA BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 10 Novembre 2022
APPELANTE :
SARL BROCHEXPRESS prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Me Julien MARGOTTON de la SELARL PRIOU – MARGOTTON, avocat au barreau de LYON, toque : T.1287
INTIMÉES :
S.A.S. CURTY PRECISION prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475 et ayant pour avocat plaidant Me Yves CLERGUE de la SELARL CLERGUE ABRIAL, avocat au barreau de ST ETIENNE
SAS FIREM prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représentée par Me Sophie LAURENDON de la SELARL ADK, avocat au barreau de LYON, toque : 1086
SA BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE LORRAINE CHAMPAGNE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Roger TUDELA de la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1813 et ayant pour avocat plaidant Me Pascal SIGRIST du cabinet SIGRIST & ASSOCIES, avocat au barreau de Paris
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 19 Février 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 Septembre 2022
Date de mise à disposition : 10 Novembre 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Patricia GONZALEZ, présidente
– Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée
– Aurore JULLIEN, conseillère
assistées pendant les débats de William BOUKADIA, greffier.
A l’audience, un membre de la Cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu prononcé et signé par Madame Patricia GONZALEZ, Présidente, à l’audience publique du 10 Novembre 2022, date indiquée à l’issue des débats, par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Anne-Laure TUDELA-LOPEZ, greffière placée, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 23 janvier 2007, la SAS Curty Précision, spécialisée dans la fabrication de pièces mécaniques de précision a commandé à la SAS Huron un ‘centre de fraisage et d’usinage’ de type KX 50L. Ce matériel a été financé selon contrat de location de matériel à usage professionnel régularisé le 3 mai 2007 avec la SAS Gefi Capital cédé à la SA Banque Populaire Lorraine Champagne – Lorequip Bail le 30 octobre 2007.
Le 11 mars 2014, la société Curty Précision a déclaré à son assurance un sinistre ‘bris de machine’ concernant son centre d’usinage Huron survenu le 7 mars 2014.
Le cabinet VRS Vering, mandaté par l’assureur de la société Curty Précision a déposé un rapport le 4 avril 2014 concluant à la possible remise en état de la broche détériorée moyennant une dépense globale de 25.418 euros.
Selon devis du 14 mars 2014 signé et courriel du 19 mars 2014 portant indication de son acceptation, la société Curty Précision a confié à la société Brochexpress la remise en état de la pièce.
Le 20 mars 2014, la société Brochexpress a procédé dans les locaux de la société Curty Précision au démontage de la broche et l’a emportée afin de la réparer.
Selon contrat du 24 avril 2014, la société Brochexpress a sous traité à la société Firem la réparation d’un câble d’alimentation du stator de la broche qui avait été sectionné.
Le 24 avril 2014, la société Brochexpress a procédé à remontage de la broche dans les locaux de la société Curty Précision, mais constatant une fuite d’huile, l’a démontée à nouveau et emporté dans ses ateliers pour réparation.
Le 30 avril 2014, la société Brochexpress a procédé au remontage de la broche sur la machine.
Le 19 mai 2014, la société Brochexpress est intervenue à la demande de la société Curty Précision et a conclu à une panne aléatoire. De nouveaux dysfonctionnements se sont présentés entre le 23 septembre et le 13 octobre 2014 conduisant la société Brochexpress à intervenir successivement les 23,25 et 29 septembre 2014, puis le 17 octobre par suite de nouvelles pannes de la broche survenues le 7 octobre puis le 13 octobre.
Selon procès-verbal du 17 octobre 2014, Me [E], huissier de justice mandaté par la société Curty Précision a procédé à la constatation des désordres affectant la broche.
Selon devis du 30 septembre 2014 la société Curty Précision a acquis auprès de la société Huron une nouvelle broche en remplacement de celle défectueuse. Le 31 octobre 2014, la société Huron, fournisseur de la machine a procédé à son installation dans les locaux de la société Curty Précision.
Par acte du 4 décembre 2014, la société Curty Précision a assigné en référé devant le président du tribunal de commerce de Saint-Étienne la société Brochexpress aux fins de voir prononcer une mesure d’expertise. Par ordonnance du 20 janvier 2015, le président du tribunal de commerce a fait droit à cette demande et a désigné M. [J], en qualité d’expert, qui s’est ensuite adjoint un sapiteur financier, M. [R], avec pour mission de se prononcer sur les préjudices économiques invoqués par la société Curty Précision.
Par ordonnance du 28 avril 2015, les opérations d’expertise ont été étendues à la SAS Firem, sous-traitant de la société Brochexpress.
Le 13 janvier 2017, M. [J] a déposé son rapport auquel était joint celui du sapiteur financier.
Par actes des 28 et 29 septembre 2017, la société Curty Précision a assigné la société Brochexpress et la Banque Populaire Lorraine Champagne – Loréquip Bail devant le tribunal de commerce de Saint-Étienne en réparation de ses préjudices.
Par acte du 11 octobre 2017, la société Brochexpress a appelé en garantie la société Firem. Par jugement du 25 octobre 2017, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a ordonné la jonction des procédures.
Par jugement du 15 mai 2019, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a :
– mis la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, venant aux droits de la Banque Populaire Lorraine Champagne – Loréquip Bail hors de cause,
– retenu une répartition des responsabilités à hauteur de 75 % pour la société Brochexpress et de 25 % pour la société Firem pour Ia période du 13 octobre au 3 novembre 2014,
– dit que 384 heures de production ont été perdues,
– condamné, au titre de Ia perte d’expIoitation, Ia société Brochexpress à payer à la société Curty Précision Ia somme de 24.083 euros outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
– condamné, au titre de Ia perte d’expIoitation, la société Firem à payer à la société Brochexpress Ia somme de 763 euros outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
– condamné, au titre du recours à Ia sous-traitance, la société Brochexpress à payer à Ia société Curty Précision la somme de 3.500 euros outre intérêts au taux légaI à compter du prononcé du jugement,
– condamné, au titre du recours à la sous-traitance, la société Firem à payer à la société Brochexpress la somme de 875 euros outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
– débouté la société Curty Précision de ses demandes d’indemnités pour commandes perdues et perte de client,
– débouté la société Curty Précision de sa demande d’indemnités pour préjudice matériel,
– condamné la société Brochexpress à payer à la société Curty Précision la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Brochexpress à payer à Ia Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, venant aux droits de la Banque Populaire Lorraine Champagne Lorequip Bail, la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Firem à payer à la société Brochexpress la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– imputé les dépens à la société Brochexpress y compris les frais d’expertise judiciaire,
– rejeté la demande d’exécution provisoire,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes.
La société Brochexpress a interjeté appel par acte du 15 juillet 2019 (enregistré sous le numéro RG 19/04984). Par ordonnance du 3 décembre 2019, le conseiller de la mise en état a déclaré caduque cette déclaration.
Par acte du 17 juillet 2019, la société Brochexpress a régularisé une seconde déclaration d’appel (enregistrée sous le numéro RG 19/05061), par laquelle elle demande l’infirmation du jugement sauf en ce que le tribunal a débouté la société Curty Précision de ses demandes d’indemnités pour commandes perdues et perte de client et en ce qu’il a débouté la société Curty Précision de sa demande d’indemnité pour préjudice matériel.
Par ordonnance du 3 mars 2020, le conseiller de la mise en état a déclaré recevable l’appel formé par la société Brochexpress. Par arrêt du 17 décembre 2020, la cour d’appel de Lyon a confirmé l’ordonnance du 3 mars 2020.
Par ordonnance du 19 novembre 2019, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d’appel régularisée le 1er août 2019 par la société Brochexpress à l’encontre des sociétés Curty Précision et Firem (enregistrée sous le numéro RG 19/05637).
Par conclusions du 24 février 2020, la société Brochexpress demande à la cour, par voie d’infirmation du jugement, de’:
– dire et juger que les dysfonctionnements ayant affectés la broche de la société Curty Précision proviennent exclusivement du choix opéré par la société Firem qu’elle a fait dans la technique de réparation utilisée à savoir la technique de brasage du câble et dans son exécution qui s’est révélée défectueuse dans la mesure où elle lui a confié cette prestation en sous-traitance,
– dire et juger qu’elle sera donc mise hors de cause puisque la survenance des désordres résulte exclusivement de l’intervention de la société Firem et que les dysfonctionnements de la broche qui s’en sont suivis n’en sont que la conséquence,
– prononcer sa mise hors de cause,
à titre subsidiaire,
– condamner la société Firem à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son égard au bénéfice de la société Curty Précision,
à titre infiniment subsidiaire,
– dire et juger que le préjudice allégué par la société Curty Précision résultant des dysfonctionnements ponctuels et minimes de sa broche est inexistant,
– dire et juger qu’en décidant de se désister de son appel à l’encontre du jugement rendu par les premiers juges dans ses conclusions de désistement du 30 janvier 2020, la société Curty Précision a acquiescé sans réserve à cette décision,
– dire et juger que la société Curty Précision n’est plus recevable et bien fondée dans ces conditions à solliciter une indemnisation supérieure à celle obtenue devant les premiers juges à hauteur de 24.083 euros au titre de la perte d’exploitation et 3.500 euros au titre du recours à la sous-traitance, ayant été déboutée pour le surplus de ses demandes,
en tout état de cause,
– rejeter l’intégralité des demandes fins et conclusions des sociétés Curty Précision, Firem et Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à son encontre,
– condamner la société Curty Précision ou qui mieux le devra à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– déclarer l’arrêt à intervenir commun et opposable à la Banque Populaire Lorraine Champagne Lorequip Bail,
– condamner la même en tous les dépens.
Par conclusions du 21 décembre 2020 fondées sur les articles 1134 et 1147 anciens du code civil, la société Curty Précision demande à la cour de’:
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions concernant les condamnations prononcées à son profit à l’encontre de la société Brochexpress à raison de 24.083 euros et de 3.500 euros avec intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement,
– dire et juger que la société Brochexpress est tenue d’une obligation de résultat concernant l’exécution de la réparation de la broche Cytec du centre d’usinage Huron,
– dire et juger que la société Brochexpress n’a pas rempli l’obligation de résultat à laquelle elle était tenue, la broche objet du devis du 14 mars 2014 n’ayant pas été livrée dans les délais impartis, et correctement réparée,
– dire et juger que l’inexécution de l’obligation de résultat à laquelle la société Brochexpress était tenue vis-à-vis de la société Curty Précision, est due à sa faute de conception et d’exécution résultant d’une solution de réparation inadaptée,
– retenir la responsabilité contractuelle de la société Brochexpress au titre des désordres ayant affecté la réparation effectuée par ses soins sur la broche Cytec du centre d’usinage Huron de la société Curty Précision,
– juger qu’à son égard, la société Brochexpress est exclusivement responsable du préjudice subi sur toute la période allant du 7 avril 2014 au 3 novembre 2014, et devra répondre seule du préjudice résultant directement de ses fautes,
– débouter les appelants de l’intégralité de leurs demandes fins et moyens,
– confirmer le jugement en ce qui concerne la mise hors de cause de BPALC,
– confirmer le jugement en ce qu’il lui a alloué la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– et y ajoutant condamner la société Brochexpress à lui payer la somme complémentaire de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– ainsi qu’aux entiers dépens qui comprendront les frais d’expertise dont elle a fait l’avance à raison de 7.500 euros.
Par conclusions du 7 septembre 2020 fondées sur les articles 1134 ancien du code civil et 403 du code de procédure civile, la société Firem demande à la cour de’:
à titre principal,
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a prononcé des condamnations à son encontre,
– dire et juger qu’aucun manquement n’est caractérisé à son encontre s’agissant de la réalisation de la prestation qui lui avait été commandée par la société Brochexpress,
– dire et juger qu’il ne peut lui être fait grief au titre du choix de la solution technique de réparation,
– dire et juger que la société Brochexpress est infondée en sa demande de garantie à son encontre,
– débouter la société Brochexpress ou toute autre partie, de l’ensemble de leurs demandes à son encontre,
à titre subsidiaire,
– juger que le désistement d’appel de la société Curty Précision emporte acquiescement au jugement, de sorte que le montant global du préjudice éventuellement reconnu à la société Curty Précision ne pourra excéder 27.583 euros tel qu’évalué aux termes du jugement,
– confirmer dans toutes ses dispositions le jugement déféré, en rappelant notamment que la part de responsabilité mise à sa charge ne peut excéder celle retenue par l’expert judiciaire, à savoir 25 % des dommages allégués pour la seule période du 13 octobre au 3 novembre 2014, et que le quantum des éventuelles condamnations en principal à son encontre ne saurait excéder le montant retenu par le tribunal, soit la somme de 763 + 875 = 1.638 euros,
– débouter la société Brochexpress ou toute autre partie de leurs demandes plus amples ou contraires et de l’ensemble de leurs demandes à son encontre,
en tout état de cause,
– condamner la société Brochexpress à lui verser la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles,
– condamner la société Brochexpress aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
Par conclusions du 10 janvier 2020, la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne venant aux droits de la Banque Populaire Lorraine Champagne demande à la cour de’:
– dire que la société Brochexpress ne formule aucune demande à son encontre,
– dire que la société Curty Précision demande expressément sa mise hors de cause,
en conséquence
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a mise hors de cause,
– condamner la partie succombante à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel, ces derniers étant distraits au profit de la SAS Tudela & associés.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 19 février 2021, les débats étant fixés au 28 septembre 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
La cour observe en outre que la société Brochexpress n’entend pas voir infirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société Curty Précision de ses demandes d’indemnités pour commandes perdues et perte de client et de sa demande d’indemnité pour préjudice matériel. La société Curty Précision n’a pas interjeté appel incident de ces chefs de jugement. En conséquences, ces dispositions du jugement, non critiquées, seront confirmées.
Enfin, le contrat ayant été conclu avant le 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, complétée par la loi du 20 avril 2018 ratifiant cette ordonnance, il demeure soumis à la loi ancienne, y compris pour ses effets légaux et pour ses dispositions d’ordre public, conformément à l’article 9 de l’ordonnance.
Sur la mise hors de cause de la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne
C’est par des motifs pertinents, adoptés par la cour, que les premiers juges ont mis hors de cause la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, après avoir relevé qu’aucune demande n’est formulée par les parties à son encontre.
Par ailleurs, contrairement à ce que sollicite la société Brochexpress il n’y a pas lieu de déclarer commun et opposable l’arrêt à la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne Lorequip Bail, alors que la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, qui vient aux droits de cette dernière est partie à la présente procédure.
Sur les fautes et les responsabilités
Au soutien de sa demande de mise hors de cause, la société Brochexpress fait valoir que l’expert judiciaire, qui a retenu que les désordres sont dus à la soudure d’un câble de phase alors que le solution correcte consistait à changer le câble au niveau du bobinage, n’a pas tiré les conséquences de ses constatations, puisque c’est la société Firem, tenue en sa qualité de sous-traitant à une obligation de résultat, qui a fait le choix de la technique de réparation par brasage et qui l’a mal exécuté. Elle soutient avoir laissé la société Firem libre de mettre en ‘uvre la technique de réparation la plus appropriée, choix dans lequel elle n’avait pas à s’immiscer, contestant avoir donné toute directive en ce sens, comme cela résulte d’ailleurs du libellé de la facture émise le 24 avril 2014 par la société Firem qui mentionne « remise en état, connexions, essais, mesures ». Elle indique que le sous traitant est tenu d’une obligation de conseil à l’égard de l’entrepreneur principal et ne peut se contenter de suivre les instructions si il les estime contraires aux règles de l’art. Elle estime sans fondement les allégations de son sous-traitant selon lesquelles il serait intervenu en urgence pour rendre un service de dépannage, lesquelles sont au demeurant sans incidence sur l’obligation de résultat dont il est débiteur. Elle affirme que selon l’expert judiciaire la réparation malencontreuse du câble par la société Firem est à l’origine des dysfonctionnements ayant affecté la broche. Enfin, la société Brochexpress considère que la détermination des responsabilités par l’expert est également incohérente s’agissant des périodes retenues, puisque tous les dysfonctionnements de la broche, postérieurs au mois de mars 2014, date à laquelle a été réalisée la soudure défectueuse à l’origine de ces pannes sont imputables à la seule société Firem.
Pour sa part, au soutien de sa demande d’infirmation du jugement qui a retenu partiellement sa responsabilité en accueillant l’appel en garantie formé par la société Brochexpress à son encontre, la société Firem expose que l’expert n’a relevé aucun manquement s’agissant de la réalisation de la prestation commandée par l’appelante. Elle conteste toute faute quant au choix de la solution technique de réparation, alors qu’elle a été requise pour une intervention en urgence portant sur le stator nu du moteur et non sur la broche complète et que seule la société Brochexpress avait la possibilité et la compétence pour apprécier la fiabilité de la réparation et sa criticité au regard de la nécessaire pression à exercer sur le câble rendu rigide par la soudure, pour le loger derrière la flasque, support palier. Elle affirme n’avoir fait qu’exécuter la réparation que la société Brochexpress souhaitait urgemment voir réaliser, aux conditions tant techniques que tarifaires dictées par cette dernière, de sorte que le manque d’analyse du risque que conférait le remontage du stater dans le rotor est exclusivement imputable à cette dernière. Elle estime qu’en lui imputant une part de responsabilité dans le choix du mode de réparation, l’expert n’a pas tiré des conséquences de ses constations, alors qu’en relevant qu’elle n’avait qu’une connaissance partielle de l’environnement mécanique dès lors qu’elle ne réalisait par la maintenance complète de la broche, il a estimé qu’elle ne disposait pas des informations nécessaires pour choisir une solution technique qui aurait permis d’éviter le sinistre.
La société Curty Précision, fait quant à elle valoir qu’elle a contracté avec la seule société Brochexpress, laquelle était tenue d’une obligation de résultat, de sorte qu’elle doit répondre de l’entier préjudice causé par les dysfonctionnements de la broche, sans qu’il puisse lui être opposé un quelconque débat sur un partage de responsabilité, auquel elle est étrangère, alors qu’elle n’a pas été informée d’un recours à la sous-traitance et ne l’a donc pas accepté.
Conformément à l’article 1710 du code civil, le louage d’ouvrage est un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles.
L’obligation de l’entrepreneur est de résultat lorsque le travail porte sur une chose. Ainsi, tout réparateur de machine assume une obligation de résultat, qui crée à son encontre une présomption de faute et une présomption de causalité entre la prestation fournie et le dommage invoqué.
Le sous-traitant est également débiteur d’une obligation contractuelle de résultat à l’égard de l’entrepreneur principal, mais également d’une obligation d’information et de conseil; il ne peut pas se contenter de suivre ses instructions s’il les estime contraires aux règles de l’art. Il doit également le conseiller s’il estime qu’il conviendrait de faire autrement. Néanmoins il n’y a d’obligation de conseil à la charge du sous-traitant, que dans la mesure où il a une compétence supérieure à celle de l’entrepreneur principal.
En l’espèce, il est constant que selon devis du 14 mars 2014 accepté le 19 mars 2014, la société Curty Précision a confié à la société Brochexpress la remise en état d’une broche de centre d’usinage, suite à une avarie survenue le 7 mars 2014, laquelle a sous-traité à la société Firem la réparation d’un câble d’alimentation du stator de la broche qui avait été sectionné.
Dans son rapport du 16 janvier 2017, l’expert judiciaire, mandaté suite aux pannes constatées sur la machine postérieurement aux réparations opérées par les deux sociétés, relève que la réparation du câble de la broche par la société Firem, par brasage de la soudure a été parfaitement réalisée, la continuité électrique étant correctement assurée suite à cette intervention.
Il retient en revanche que les désordres consécutifs à cette réparation trouvent leur origine dans la rupture de cette soudure d’un câble de phase survenue lors des démontages et remontages effectués par la société Brochexpress pour les opérations de maintenance, lesquelles ont anormalement sollicité en traction la brasure, conduisant à endommager l’isolant ce qui a provoqué un arc électrique qui a généré la panne électrique de la broche. Il relève par ailleurs le caractère inadapté du choix de la soudure par brasage, de moindre résistance qu’une méthode par changement complet du câble et qui augmente son diamètre, générant une gêne lors de son passage dans un espace confiné telle que la machine. Ainsi, il en conclu que ces opérations de montage, démontage, conjuguées au choix d’une soudure par brasage au lieu d’un changement complet de câble ont conduit à la défaillance.
S’agissant des responsabilités, il considère que les opérations de montages démontages dues à la maintenance qui ont endommagé l’isolant et provoqué un court circuit sont imputables à la seule société Brochexpress. S’agissant du choix de la solution technique, dont il affirme qu’elle nécessite de bien connaître l’environnement dans lequel est inséré le câble et les sollicitations exercées sur celui-ci lors des opérations de maintenance, il estime que la société Brochexpress, de part sa réalisation de la maintenance de la broche, connaissait bien le problème de l’augmentation du diamètre du câble et des difficultés de passage de sorte qu’elle ne pouvait pas se contenter d’une soudure qui n’assurait pas la continuité électrique et que la société Firem, qui ne réalisait pas la maintenance complète de la broche n’avait qu’une connaissance partielle de l’environnement mécanique. Il impute cette faute tenant au mauvais choix du mode de réparation de la soudure par part égale entre les deux sociétés et fixe globalement la responsabilité de la société Brochexpress et de la société Firem dans la survenance du dommage respectivement à 75 % et à 25 %.
Il ressort de ces constatations, que contrairement à ce que soutient la société Brochexpress, l’expert judiciaire n’impute pas les dysfonctionnements de la broche à une mauvaise exécution de la reprise du câble par brasage par la société Firem, alors qu’il ne relève aucun manquement de cette dernière aux règles de l’art, comme il le précise encore en réponse aux dires de l’appelante (page 15 du rapport) en retenant que : « la brasure réalisée par Firem a été testée au niveau électrique et a montré que le courant circulait normalement. De même lorsque la broche a été remontée, il a été constaté un fonctionnement correct, ce qui confirme le bon fonctionnement de la réparation d’un point de vue électrique ».
Par ailleurs, si l’appelante impute à la société Firem le choix de la technique de réparation par brasage, cette allégation, contestée par le sous-traitant, est contredite par les dires oraux de M. [F], représentant de la société Brochexpress, recueillis par l’expert lors des opérations d’expertise et consignés en page 11 et 12 de son rapport, dans les termes suivants : « M. [F] indique avoir commandé une réparation de ce câble à Firem pour une somme de 158 euros en choisissant une réparation par brasage. M. [F] indique avoir choisi la technique d’assemblage par brasage pour le coût. Un brasage coûte 158 euros et l’assemblage au niveau du bobinage 1.000 euros ». A ce titre, le seul libellé, imprécis de la facture émise le 24 avril 2014 par la société Firem indiquant : « remise en état, connexions, essais, mesures », n’est pas de nature à établir l’existence d’un rôle décisif de la société Firem dans le choix du mode de soudure du fil et donc à remettre en cause les déclarations de M. [F].
Enfin, le moyen fondé sur un manquement de la société Firem à son devoir de conseil ne peut davantage prospérer, alors qu’étant établi que les désordres proviennent d’un choix de réparation incompatible avec les man’uvres nécessaires aux opérations de maintenance de la broche, il n’est ni allégué, ni a fortiori démontré que la société Firem, spécialisée dans le négoce, la location, la réparation et l’entretien de tous appareils électriques et de fournitures industrielles, avait une compétence supérieure à celle de l’entreprise Brochexpress, spécialisée dans la maintenance de broche, impliquant un devoir de conseil à l’égard de l’entreprise principale et alors au surplus, que la société Firem, n’avait qu’une connaissance partielle de l’environnement mécanique de la broche et a présenté à la société Brochexpress les deux solutions de reprise du câble, comme en attestent les dires oraux de son conseil consignés par l’expert judiciaire dans son rapport, et non contestés par l’appelante, qui dans ces dernières écritures soutient seulement ne pas être l’auteur du choix entre les deux techniques.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la société Firem qui a parfaitement exécutée sa prestation de soudure du câble, a satisfait pleinement à son obligation de résultat, de sorte que c’est à tort que les premiers juges ont mis à sa charge une part de responsabilité dans la survenance du dommage et l’ont condamnée à garantir la société Brochexpress des condamnations mises à sa charge à hauteur de 763 euros. Le jugement déféré doit être infirmé sur ce point.
En revanche, la société Brochexpress qui a délibérément choisi la solution de reprise du câble de la broche la moins coûteuse, incompatible avec les man’uvres effectuées sur la machine lors des opérations de maintenance et insusceptible de garantir la pérennité de la réparation dont elle avait la charge, a manqué à son obligation de résultat à l’égard de la société Curty Précision. Le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société Brochexpress dans la survenance du dommage à l’égard de la société Curty Précision.
Sur les préjudices de la société Curty Précision
La société Brochexpress relève d’abord que la société Curty Précision est irrecevable en ses demandes qui excéderaient le montant des condamnations prononcées en première instance dès lors que, en se désistant par conclusions du 30 janvier 2020 de l’appel qu’elle avait interjeté contre le jugement déféré, elle a acquiescé à ce jugement conformément à l’article 403 du code de procédure civile.
S’agissant du préjudice tenant à la perte de marge brute, elle reproche à l’expert de lui avoir imputé la responsabilité de l’arrêt de la machine pendant 19 jours pour le mois d’avril 2014 alors que :
– le délai de réparation de 10 jours figurant au devis accepté par la société Curty Précision le 19 mars 2014 était indicatif et non impératif, conformément aux stipulations des conditions générales de vente, lesquelles ont également été acceptées, sans qu’elle puisse alléguer de son absence de signature y figurant alors qu’elle a produit en justice devant le juge des référés le devis faisant corps avec ces conditions générales,
– dans le cadre de la réparation, elle a dû procéder à la reprise du palier qui n’était pas prévu dans le devis, ce qui a retardé ses travaux,
– la société Curty Précision n’a exigé aucune livraison à une date certaine et impérative et ne produit qu’un seul courriel de relance du 11 avril 2014,
– contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, elle n’était pas informée de l’urgence de la situation dès lors que son attention n’a jamais été attirée sur ce point par la société Curty Précision,
Elle estime également que l’expert ne pouvait lui imputer l’arrêt de la machine du 16 au 19 mai, du 22 au 30 mai et le 30 juin 2014, alors qu’il relève lui-même que la machine fonctionnait du 30 avril au 23 septembre 2014. S’agissant de la période d’arrêt du 18 au 25 septembre, elle affirme que seuls le 23 septembre et le 25 septembre ont été retenus par l’expert. Si elle admet que la machine n’a pas fonctionné le 7 octobre, elle conteste toute imputabilité de l’absence de fonctionnement pour la période du 1er au 13 octobre, sauf à faire double emploi avec la journée du 7 octobre. S’agissant de la période du 13 octobre au 3 novembre, elle estime que seuls trois jours, du 13 au 17 octobre peuvent être pris en considération, alors que la société Curty Précision a refusé, à compter de cette date, qu’elle intervienne pour réparer la broche. Elle admet donc une perte de marge brute de 4.543 euros, dont il convient de déduire une marge brute résultant du recours à la sous-traitance d’un montant de 6.743 euros, soit une somme supérieure au préjudice allégué.
S’agissant du préjudice tenant au surcoût résultant du recours à la sous-traitance, elle relève que si l’expert l’a chiffré à 9.000 euros concernant essentiellement le mois d’octobre, ce recours à la sous-traitance ne résulte pas de la panne de la machine qui a durée du 7 au 13 octobre, mais d’une augmentation de l’activité à laquelle elle est étrangère et au départ du responsable d’atelier et de cinq autres salariés sur l’année 2014. Elle indique que si le tribunal a retenu seulement 7 jours de recours à la sous-traitance sur les 18 retenus par l’expert, elle considère que ce chiffre est en contradiction avec 4 jours de panne retenus par ce même tribunal pour les mois d’octobre et novembre 2014.
La société Curty Précision soutient pour sa part que l’appelante était tenue par un délai de livraison de 10 jours comme indiqué sur le devis, et que les conditions générales prévoyant le caractère indicatif de ce délai ne lui sont pas opposables, alors qu’elle ne les a pas signées et que sa signature apposée sur le devis figurant au recto du document n’équivaut pas à une acceptation des conditions figurant au verso. Elle estime au contraire qu’on peut considérer que si elle a donné son accord au recto c’est qu’elle refusait d’accepter les conditions. Elle ajoute que la date de livraison était pour elle primordiale, de sorte que l’appelante a manqué à son obligation de loyauté en n’attirant pas son attention sur l’absence d’impérativité du délai de 10 jours.
Elle indique s’être plainte du retard à plusieurs reprises, notamment par courriels du 4 avril 2014 soit le lendemain de l’expiration du délai de 10 jours, puis le 11 avril 2014 et la nécessité de remplacer une pièce invoquée par la société Brochexpress ne caractérise pas une raison indépendante de sa volonté, alors qu’aux termes de son devis, elle était censée avoir au préalable procédé à toutes les vérifications utiles à la réalisation des travaux de remise en état. Elle estime que la seconde livraison avortée le 24 avril qui a généré un retard de 6 jours dans la mise en fonctionnement de la machine le 30 avril est imputable à l’appelante et que les jours de panne retenus par l’expert sont parfaitement démontrés. Elle déclare accepter la décision du tribunal de ne pas imputer à la société Brochexpress la période d’immobilisation du centre d’usinage entre le 13 octobre et le 3 novembre 2014.
Au soutien de sa demande en réparation de son préjudice lié au recours à la sous-traitance supplémentaire, l’intimée expose que bien que le tribunal a minoré le montant de la charge supplémentaire retenue par l’expert à hauteur de 9.000 euros pour le mois d’octobre, elle accepte cette décision. Elle soutient enfin que l’expert et son sapiteur ont tenus compte des autres factures de recours à la sous-traitance dans le chiffrage du préjudice.
Conformément à l’article 1147 ancien du code civil, le cocontractant qui sollicite indemnisation au titre d’un manquement contractuel doit démontrer l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre ce manquement et le dommage allégué.
A titre liminaire, la cour observe que la société Curty Précision sollicite la confirmation du jugement déféré s’agissant de l’indemnisation accordée, de sorte que le moyen d’irrecevabilité soulevé par l’appelante s’agissant des demandes qui excéderaient le montant des condamnations prononcées en première instance, ne peut prospérer.
S’agissant du préjudice tenant à la perte de marge brute résultant de l’immobilisation de la machine consécutivement à la panne, il est d’abord relevé que le devis de réparation émis par la société Brochexpress stipule un délai de réparation de 10 jours et que la clause d’exécution figurant aux conditions générales de vente est ainsi libellée : « les dates d’achèvement des travaux sont estimées au mieux, mais ne sont pas garanties. Brochexpress fera tout effort raisonnable pour respecter les délais spécifiés, mais ne pourra être tenu pour responsable de circonstances ou événements indépendants de sa volonté et ayant entraîné des retards dans l’achèvement des travaux ».
Or, la société Curty Précision ne saurait utilement soutenir que sa signature apposée au seul recto du devis équivaut à un refus des conditions générales de vente inscrite au verso, lesquelles figurent sur la même page que la dernière partie du devis chiffrant le déplacement technique sur site dont il n’est ni allégué ni a fortiori démontré qu’elle n’a pas été accepté conformément au reste du chiffrage. Il s’en suit que la signature apposée au bas du recto du devis s’analyse en une acceptation de l’ensemble du document qui se poursuit sur le verso et dont l’intimée à eu parfaitement connaissance, ce qu’elle ne conteste au demeurant pas. Le moyen tiré de la déloyauté de l’appelante de ne pas avoir attiré son attention sur le caractère indicatif du délai, ne saurait ainsi davantage prospérer. Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que les conditions générales lui sont ainsi opposables.
Par ailleurs, il n’est pas contesté que préalablement à la réparation stipulée au contrat, la société Brochexpress a dû procéder au remplacement du palier avant de la broche, laquelle nécessité n’a été mise en lumière que lors du démontage de la machine le 20 mars 2014 soit postérieurement à l’établissement du devis le 14 mars 2014, de sorte qu’elle constitue un événements indépendant de sa volonté au sens des stipulations contractuelles précitées.
Il ressort également de la lecture des correspondance entre les parties, que suite à la réclamation de la société Curty Précision le 4 avril 2014, l’appelante lui a confirmé selon courriel du même jour une intervention pour le jeudi 10 avril ou vendredi 11 avril au plus tard, précisant : « nous avons eu avoir eu besoin de chromer l’arbre du joint tournant. Celui-ci doit revenir en nos locaux pour rectification lundi. Nous pourrons commencer le remontage et l’équilibrage à partir de mardi matin » et qu’en réponse au courriel de réclamation de la société Curty Précision du 11 avril 2014 faisant état de l’absence de remontage de la pièce, la société Brochexpress lui a répondu le 15 avril 2014 en ces termes : « nous avons eu notre fournisseur concernant votre pièce qui est au traitement, celle-ci nous revient en nos locaux au plus tard vendredi 18 avril. Il nous faudra ensuite trois jours pour le remontage et les essais de l’électrobroche, nous interviendrons dès celle-ci terminée.
Or, il est constant que la société Brochexpress n’est intervenue que le 24 avril 2014 dans les locaux de la société Curty Précision pour procéder au remontage de la broche, laquelle a dû être démontée le même jour compte tenu d’une fuite d’huile affectant le nez de la broche, le remontage ayant été réalisé le 30 avril 2014
Il se déduit de ces éléments que si la société Brochexpress justifie de son impossibilité de procéder au remontage de la machine jusqu’au 18 avril du fait de l’intervention d’un fournisseur, motif indépendant de sa volonté, en revanche, cette dernière qui s’est engagée expressément à intervenir dans les trois jours à compter de cette date, soit le 21 avril, n’a pourtant procédé à un premier remontage de la broche que le 26 avril sans qu’aucune explication ne soit donnée sur les causes de ce retard, puis à un second remontage le 30 avril, compte tenu d’une fuite d’huile dont il n’est ni allégué ni a fortiori démontré qu’elle n’est pas imputable à une mauvaise qualité de la réparation qu’elle a réalisée.
En conséquence, et nonobstant le caractère indicatif du délai de 10 jours fixé pour procéder à la réparation de la broche, lequel expirait le 3 avril 2014, la société Curty Précision, qui dès le 11 avril lui faisait part de l’urgence de la réparation, attirant son attention sur le fait que le retard mettait en péril également d’autres prestataires en attente de la repose de la broche, était légitimement en droit d’obtenir une exécution de la prestation dès le 21 avril, de sorte que les 10 jours d’immobilisation de la machine entre le 21 avril et le 30 avril 2014 trouvent leur origine dans un manquement de l’appelante à son engagement contractuel. L’intimée est donc en droit d’en obtenir indemnisation.
Pour ce qui concerne le décompte des jours d’immobilisation du centre d’usinage sur la période de mai à octobre, la cour observe que pour déterminer le nombre de jours d’immobilisation du centre d’usinage, ensuite convertis en heures, les experts n’ont procédé à aucune vérification de la réalité des jours d’immobilisation tels qu’allégués par la société Curty Précision, se limitant à constater une cohérence entre la diminution du nombre de jours et donc d’heures de fonctionnement alléguée et la baisse du nombre d’heures constatée entre l’année 2014 et les années 2013/2015, ainsi qu’une diminution du nombre d’heures réalisées sur la période de panne revendiquée, lesquels éléments ne permettent pas de justifier de la réalité des jours d’immobilisation, dont le quantum retenu ne résulte que des propres déclarations de l’intimée.
En revanche, il est constant que sur la période du 30 avril au 17 octobre 2014, la société Curty Précision a été confrontée à plusieurs avaries de la broche litigieuse, ayant nécessité l’intervention de la société Brochexpress, laquelle ne conteste pas que la machine était alors immobilisée. Il ressort ainsi de l’examen des rapports d’intervention de la société Brochexpress versé aux débats par les deux parties, que la machine a fait l’objet d’une panne aléatoire le 19 mai 2014, d’une fuite du nez de broche et d’une avarie sur un joint tournant le 23 septembre 2014, d’un démontage du système de serrage le 25 septembre avec remontage le 29 septembre 2014 et enfin d’un démontage du capot le 17 octobre 2014. L’appelante admet en outre que la machine était immobilisée par suite d’une panne le 7 octobre 2014 et reconnaît qu’une panne s’est déroulée du 13 au 17 octobre, soit trois jours d’immobilisation.
Il est également admis par les parties qu’à compter de cette date, et nonobstant l’absence d’expiration de la garantie de la société Brochexpress, l’intimée s’est opposée à toute nouvelle intervention de cette dernière, étant précisé que selon devis du 30 septembre 2014, la société Curty Précision a procédé à la commande d’une nouvelle broche auprès de la société Huron en remplacement de la broche défaillante, de sorte que c’est à juste titre que les premiers juges ont écarté toute indemnisation de la société Curty Précision au titre de la période postérieure au 17 octobre 2014.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il est établi que les dysfonctionnements de la broche imputables à la mauvaise réparation réalisée par la société Brochexpress ont entraîné une immobilisation du centre d’usinage durant 9 jours. L’intimée est donc bien fondée à en obtenir indemnisation.
Pour ce qui concerne le décompte et de la conversion des jours d’immobilisation en heures d’indemnisations du centre d’usinage, il ressort de la lecture du rapport de l’expert judiciaire et de celui de son sapiteur, que le compteur horaire de la machine a été neutralisé le 16 mai 2011, de sorte que les conversions des jours d’indemnisations demandées par la société Curty Précision en heures d’indemnisations ont été réalisées à partir des seules heures de pointage des opérateurs machine, minorées par les experts, qui ont retenu 95% de temps humain affecté au fonctionnement de la machine afin de tenir compte du fait que la machine fonctionne également à certains moments sans intervention humaine. La cour observe néanmoins que ce mode de calcul de conversion des jours en heure d’immobilisation, admis par le jugement déféré, est également admis par l’appelante, qui réfute uniquement le nombre de jours et donc d’heures d’immobilisation de la machine retenus comme imputable à la panne.
Au regard de l’ensemble de ces éléments et étant relevé que l’appelante ne conteste ni le taux de facturation machine horaire de 126,82 euros, ni le pourcentage de marge sur coût variable de 63,3 %, ni le montant de la perte horaire d’exploitation de 80,277 euros tels que fixés par l’expert et retenus par le jugement déféré, il convient de chiffrer le préjudice de perte de marge brute de la société Curty Précision comme suit :
– période du 3 avril au 30 avril = 10 jours, soit 95 heures, soit 7.626,31 euros
– période du 30 avril au 17 octobre 2014’ = 9 jours, soit 86 heures, soit 6.903,22 euros,
Soit la somme totale de 14.529,53 euros de laquelle il convient de déduire la somme non contestée de 6.743 euros arrêtée par l’expert et correspondant au chiffre d’affaire réalisé par la société Curty Précision du fait du recours supplémentaire à la sous-traitance sur cette période.
En conséquence, il convient de condamner la société Brochexpress a payer à la société Curty Précision la somme de 7.786,53 euros (14.529,53 euros – 6.743 euros) en réparation de son préjudice de perte sur marge brute.
S’agissant du préjudice résultant du surcoût généré par le recours à la sous-traitance pour pallier la défaillance de la machine, le sapiteur relève une augmentation de 69 % du recours à la sous-traitance en 2014 par rapport à 2013, puis une diminution de 14 % en 2015. Il relève que l’analyse du compte 6111000 relatif à la sous-traitance fait apparaître des factures pour un montant de 11.270 euros, contre une moyenne mensuelle de 2.000 euros au 30 septembre 2014, et en déduit que le surcoût imputable à l’immobilisation de la machine consécutivement à la panne s’élève à la somme de 9.000 euros, soit la différence entre ces deux sommes.
Or, il ressort également des constations de l’expert, que la société Curty Précision a fait face au départ en septembre et octobre 2014 de quatre salariés travaillant sur les machines et d’un chef d’atelier. Pour autant, contrairement à ce que soutient l’intimée, et comme l’affirme au contraire justement l’appelante, ni l’expert, ni son sapiteur, pourtant invités dans le cadre d’un dire à se prononcer sur le rôle causal de cette suppression de postes d’agents de production, n’ont procédé à une appréciation de cette donnée dans l’analyse des facteurs à l’origine d’une augmentation du recours à la sous-traitance au mois d’octobre 2014.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments, que la preuve d’un lien de causalité entre le dysfonctionnement de la broche et ce recours supplémentaire à la sous-traitance n’est pas établi, faute de démontrer que les 4 jours d’immobilisation de la machine en octobre 2014 par suite de la panne sont exclusivement à l’origine de ce recours supplémentaire à la sous-traitance, alors qu’il est incontestable que le départ de plusieurs agents de production à limité la capacité de production de la société sur cette période. C’est donc à tort que les premiers juges ont condamné la société Brochexpress à indemniser la société Curty Précision au titre de ce poste de préjudice et le jugement déféré doit être infirmé de ce chef.
Sur les dépens et sur l’article 700 du code de procédure civile
Succombant dans son action, la société Brochexpress doit supporter les dépens de première instance et d’appel comme la totalité des frais irrépétibles exposés et verser à la société Curty Précision une indemnité de procédure de 3.000 euros à hauteur d’appel, ce qui conduit également à confirmer la condamnation prononcée à son profit à ce titre en première instance.
Il convient également de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Brochexpress à payer à la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, venant aux droits de la Banque Populaire Lorraine Champagne Lorequip Bail une indemnité de procédure de 300 euros.
En revanche, la demande de la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, venant aux droits de la Banque Populaire Lorraine Champagne Lorequip Bail de condamner la partie succombante à lui verser la somme de 2.000 euros, qui constitue une demande indéterminée ne saurait prospérer. Enfin, il y a lieu de condamner la société Brochexpress a payer à la société Firem la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 au titre de la première instance et de l’appel, ce qui conduit à infirmer le jugement déféré sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a :
– mis hors de cause la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, venant aux droits de la Banque Populaire Lorraine Champagne – Lorequip Bail,
– débouté la société Curty Précision de ses demandes d’indemnités pour commandes perdues et perte de clients et de sa demande d’indemnités pour préjudice matériel,
– condamné la société Brochexpress à payer à la société Curty Précision la somme de 4.000 euros et à Ia Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, venant aux droits de la Banque Populaire Lorraine Champagne Lorequip Bail, la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– imputé les dépens à la société Brochexpress y compris les frais d’expertise judiciaire et débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Statuant à nouveau et ajoutant,
Condamne la société Brochexpress à payer à la société Curty Précision la somme de 7.786,53 euros en réparation de son préjudice de perte sur marge brute,
Déboute la société Curty Précision de sa demande au titre de la réparation de son préjudice tenant au surcoût généré par le recours à la sous-traitance,
Déboute la société Brochexpress de son appel en garantie formé contre la société Firem,
Dit n’y avoir lieu à déclarer l’arrêt commun et opposable à la société Banque Populaire Lorraine Champagne Lorequip Bail,
Condamne la société Brochexpress à verser à la société Curty Précision une indemnité de procédure de 3.000 euros à hauteur d’appel,
Condamne la société Brochexpress a payer à la société Firem la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 au titre de la première instance et de l’appel,
Déboute la demande de la société Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne, venant aux droits de la Banque Populaire Lorraine Champagne Lorequip Bail de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Condamne la société Brochexpress aux dépens d’appel, ces derniers avec droit de recouvrement.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE