Location de matériel : 10 novembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02959

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Location de matériel : 10 novembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02959
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10 novembre 2022
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
21/02959

N° RG 21/02959 – N° Portalis DBVM-V-B7F-

K6JL

C8

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

Me Lea MENDOZA

la SCP ALPAZUR AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 10 NOVEMBRE 2022

Appel d’un jugement (N° RG 2020J00068)

rendu par le Tribunal de Commerce de GAP

en date du 14 mai 2021

suivant déclaration d’appel du 02 juillet 2021

APPELANTE :

S.A.S.U. ASCOE immatriculée au RCS de MANOSQUE sous le numéro 851 020 693 prise en la personne de son représentant légal, son Président, Monsieur [J] [I].

[Adresse 7]

[Localité 1]

représentée par Me Lea MENDOZA, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me ROSSI, de la SELARL MANENTI & CO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉES :

S.A.R.L. SOCIETE D’EXPLOITATION DE L’ENTREPRISE [O] inscrite au RCS de GAP sous le numéro 327 253 696, prise en la personne de son représentant légal, son gérant Monsieur [X] [O].

[Adresse 6]

[Localité 2]

S.A.R.L. EURO MAT SARL inscrite au RCS de GAP sous le numéro 417 979 549 dont le siège social est situé [Adresse 6], prise en la personne de son représentant légal, son gérant Monsieur [X] [O]

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentées et plaidant par Me Nicolas WIERZBINSKI de la SCP ALPAZUR AVOCATS, avocat au barreau des HAUTES-ALPES

PARTIE INTERVENANTE :

M. [J] [I]

né le 13 Mars 1978 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Lea MENDOZA, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me ROSSI, de la SELARL MANENTI & CO, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Alice RICHET, Greffière et en présence de Mme Clémence RUILLAT et Mme Sophie CAPITAINE, Greffières stagiaires.

DÉBATS :

A l’audience publique du 14 septembre 2022, Mme FIGUET, Présidente, a été entendue en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,

EXPOSE DU LITIGE

La société d’exploitation de l’entreprise [O] (ci-après SEE [O]), gérée par monsieur [X] [O], a pour activité les travaux publics et le bâtiment.

La société Euro Mat, gérée aussi par monsieur [X] [O], a pour activité la location de matériel de travaux publics et camions.

Par acte du 7 mai 2019, la société SEE [O] et la société Euro Mat ont conclu avec la société Ascoe, société en cours d’immatriculation, représentée par son gérant monsieur [J] [I], une convention d’assistance et de conseil avec une mission d’assistance à la prise d’affaires, au suivi de l’exploitation chantier et à la mise en place d’outils permettant la gestion des chantiers, une mission de représentation de la société SEE [O] auprès des décideurs locaux et autres intervenants de chantier et une mission de prospection commerciale, ceci pour une durée de 12 mois à compter du 7 mai2019, moyennant une rémunération forfaitaire de 950 euros HT par jour travaillé, outre 150 euros HT par jour travaillé au titre des frais de déplacement et d’hébergement et un remboursement des frais de restauration sur justificatif.

Par mail du 16 février 2020, le gérant de la société SEE [O] et de la société Euro Mat mettait fin à la collaboration avec la société Ascoe au motif que le travail produit est sommaire, que les éléments pour établir le bilan n’ont pas été communiqués et que malgré plusieurs remarques, la situation s’aggrave.

Par mail du 22 février 2020, la société Ascoe en la personne de monsieur [J] [I] prenait bonne note de la volonté unilatérale de monsieur [X] [O] de mettre fin au contrat les liant, lui adressait la facture de février 2020 et lui demander de régler sous huitaine les factures de novembre et décembre 2019 et janvier 2020.

Par courriers du 21 avril 2021, la société Ascoe a mis en demeure la société SEE [O] et la société Euro Mat de lui régler respectivement les sommes de 27.556,87 euros et 3.826,309 euros.

Sur l’assignation délivrée par la société Ascoe, le juge des référés l’a déboutée de ses demandes par ordonnance du 30 septembre 2020.

Statuant sur l’assignation délivrée le 19 août 2020 par la société Ascoe en paiement de factures et en allocation de dommages et intérêts pour rupture avant terme et sans motif, le tribunal de commerce de Gap a par jugement du 14 mai 2021 :

– déclaré irrecevable la société Ascoe pour défaut de qualité à agir,

– condamné la société Ascoe aux dépens de l’instance.

Par déclaration du 2 juillet 2021, la société Ascoe a interjeté appel de la décision en ce qu’elle a déclaré irrecevable la société Ascoe pour défaut de qualité à agir et l’a condamnée aux dépens de l’instance.

Prétentions et moyens de la société Ascoe et de monsieur [I]

Par conclusions remises et notifiées le 7 septembre 2022, elle demande à la cour de :

– infirmer le jugement du 15 mai 2021 du tribunal de commerce de Gap en ce qu’il a déclaré irrecevable la société Ascoe pour défaut de qualité à agir,

statuant à nouveau :

A titre principal,

– juger que la société Ascoe a repris la convention d’assistance et de conseil du 7 mai 2019,

– juger que la société Ascoe a qualité pour agir sur le fondement de l’inexécution de la convention d’assistance et de conseil du 7 mai 2019 par les sociétés SEE [O] et Euromat,

– condamner la société SEE [O] à payer à la société Ascoe la somme de 23 592.89 euros TTC en dommages et intérêts visant à réparer son préjudice résultant de la rupture anticipée de la convention d’assistance et de conseil du 7 mai 2019,

– condamner la société Euromat à payer à la société Ascoe la somme de 23 327.30 euros TTC en dommages et intérêts visant à compenser son préjudice,

– condamner la société SEE [O] à payer à la société Ascoe :

* la somme de 27 556,87 euros due au titre des factures échues,

* les intérêts au taux légal de 2,61 % sur la somme de 27 556,87 euros à compter du 21 avril 2020,

* la somme de 160 euros au titre des indemnités de recouvrement des 4 factures n°2019 11/14 du mois de novembre 2019 de 11 340 euros TTC, n°2019 12/16 du mois de décembre 2019 de 6 600 euros TTC, n°2020 01/02 du mois de janvier 2020 de 4 800 euros TTC, n°2020 02/03 du mois de février 2020 de 3 960 euros TTC,

– condamner la société Euromat à payer à la société Ascoe :

* la somme de 3 836,309 euros due au titre des factures échues,

* les intérêts au taux légal de 2,61% sur la somme de 3 836,306 euros à compter du 21 avril 2020,

* la somme de 40 euros au titre des indemnités de recouvrement, correspondant à la facture n°2020 01/01 du mois de janvier 2020 d’un montant de 3 690 euros TTC,

A titre subsidiaire,

– constater que faute de reprise des actes au profit de la société Ascoe en formation, son dirigeant et associé unique, monsieur [I], est seul cocontractant des sociétés SEE Gaudyet Euromat s’agissant de la convention d’assistance et de conseil et qu’il est donc bien fondé à solliciter paiement de la prestation accomplie par ses soins,

– juger que monsieur [I] a qualité pour agir aux présentes,

– recevoir son intervention volontaire en cause d’appel,

– condamner la société SEE [O] à payer à monsieur [I] la somme de 23 592.89 euros TTC en dommages et intérêts visant à réparer son préjudice résultant de la rupture anticipée de la convention d’assistance et de conseil du 7 mai 2019,

– condamner la société Euromat à payer à monsieur [I] la somme de 23 327.30 euros TTC en dommages et intérêts visant à compenser son préjudice,

– condamner la société SEE [O] à payer à monsieur[I] :

* la somme de 27 556,87 euros due au titre des factures échues,

* les intérêts au taux légal de 2,61% sur la somme de 27 556,87 euros à compter du 21 avril 2020,

* la somme de 160 euros au titre des indemnités de recouvrement des 4 factures n°2019 11/14 du mois de novembre 2019 de 11 340 euros TTC, n°2019 12/16 du mois de décembre 2019 de 6 600 euros TTC, n°2020 01/02 du mois de janvier 2020 de 4 800 euros TTC, n°2020 02/03 du mois de février 2020 de 3 960 euros TTC,

– condamner la société Euromat à payer à monsieur [I] :

* la somme de 3 836,309 euros due au titre des factures échues,

* les intérêts au taux légal de 2,61% sur la somme de 3 836,306 euros à compter du 21 avril 2020,

* la somme de 40 euros au titre des indemnités de recouvrement, correspondant à la facture n°2020 01/01 du mois de janvier 2020 d’un montant de 3 690 euros TTC,

En tout état de cause,

– débouter la société SEE [O] et la société Euromat de l’intégralité de leurs demandes

– condamner chacune des sociétés SEE [O] et Euromat à payer en cause d’appel à monsieur [I] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et à la société Ascoe la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner in solidum la société SEE [O] et la société Euromat aux entiers dépens.

Sur la procédure, elle fait remarquer que les conclusions des intimées remises le 4 octobre 2021qui ne sollicitent pas la réformation du jugement ne constituent pas un appel incident et qu’en conséquence, les intimées ne peuvent se prévaloir de l’article 919 du code de procédure civile pour soulever l’irrecevabilité des conclusions d’appelant n°2 et de la pièce 23, irrecevabilité soulevée au demeurant de façon déloyale au tout dernier moment.

Sur sa qualité à agir, elle fait observer qu’aux termes de l’article 1843 du code civil, de l’article 6 alinéa 4 du décret du 3 juillet 1978 et de l’article L 210-6 du code du commerce, la reprise d’un acte par la société en formation est automatique à l’immatriculation si l’acte est annexé aux statuts ou si un mandat spécial a été donné à l’un des fondateurs pour conclure l’acte mais peut aussi être réalisée par une assemblée générale votant la reprise de l’acte si celui-ci n’a pas été annexé aux statuts ou conclu en vertu d’un mandat spécial, étant relevé que si la société a un seul associé, le reprise est acté sur le registre des décisions. Elle indique qu’en l’espèce, l’associé unique de la société Ascoe a repris par procès-verbal du 24 mai 2019, retranscrit dans le registre des assemblées générales et enregistré au greffe du tribunal de commerce de Manosque, tous engagements souscrits en son nom préalablement à son immatriculation et par conséquent la convention d’assistance et de conseil du 7 mai 2019 ; qu’en relevant que la société Ascoe ne justifie pas du dépôt du procès-verbal en annexe des statuts déposés au registre du commerce et des sociétés et donc de son opposabilité au tiers, le tribunal a ajouté une condition non prévue par la loi n’ayant pas lieu d’être, l’acte de reprise étant déclaratif et non constitutif de droits ainsi que l’a jugé la Cour de cassation le 9 juillet 2003, n°902 ; que dès lors, la société Ascoe ayant bien repris la convention d’assistance et de conseil, elle a qualité à agir pour tout différend trouvant son origine dans l’exécution du contrat.

Elle note au demeurant que la société SEE [O] et la société Euromat se sont acquittées d’une partie des factures entre les mains de la société Ascoe et qu’elles reconnaissent dans leurs écritures avoir pleinement conscience que

monsieur [I] dispenserait ses prestations de services au travers d’une société qu’il entendait créer à cet effet.

Subsidiairement, elle fait valoir que monsieur [I] qui a signé la convention en qualité de futur président a exécuté la convention en sa qualité de dirigeant et d’associé unique ; que son intervention volontaire est recevable dès lors qu’elle résulte de la décision du premier juge qui a dénié la qualité à agir de la société Ascoe dont il est le dirigeant; qu’il s’agit bien de juger les questions nées de l’intervention d’un tiers.

Sur la rupture abusive, elle fait valoir que les sociétés SEE [O] et Euro Mat ne lui ont fait parvenir aucune mise en demeure motivant leur décision de résilier le contrat et respectant le formalisme imposé tant par l’article 1226 du code civil que par le contrat; que celui-ci a été résilié de manière brutale ; qu’elle a correctement accompli ses prestations; qu’elle a été mise devant le fait accompli et aucune résiliation amiable ne peut être déduite de la situation; que l’argumentation des sociétés SEE [O] et Euro Mat selon laquelle elles auraient simplement souhaité ne pas reconduire le contrat à son terme ne ressort pas des échanges de mails dont elle se prévaut.

Sur le préjudice, elle indique qu’il convient de retenir la moyenne mensuelle de chiffre d’affaires dont elle a été privée du fait de la rupture avant terme du contrat, étant relevé qu’au regard de son activité exclusive de conseil, elle dispose d’une marge brute strictement identique à son chiffre d’affaires.

Sur le non paiement des factures, elle relève qu’il appartient aux sociétés SEE [O] et Euro Mat d’apporter la preuve du manquement de la société Ascoe à ses obligations au titre du contrat pour s’opposer au paiement; que le défaut de comptes rendus écrits et l’absence de la société Ascoe au siège ne constituent pas une inexécution suffisamment grave justifiant le non paiement; que les comptes rendus ont été faits à l’oral et il n’avait jamais été réclamé auparavant de comptes rendus écrits ; que n’étant pas salariée, elle n’était pas tenue à une présence particulière sur le site d’autant que de nombreuses missions devaient être exécutées hors des locaux; que depuis l’arrivée de la société Ascoe, les chantiers présentent tous une marge brute positive bien supérieure aux résultats précédents; que grâce à son action, la société SEE [O] a remporté un important contrat; qu’elle a proposé des outils de gestion; qu’elle a rédigé une documentation technique de certains chantiers, une documentation sur l’organisation de la société SEE [O] ainsi qu’une plaquette sur le matériel; qu’elle est intervenue dans la rédaction d’un protocole transactionnel ; qu’elle a échangé de nombreux mails sur le suivi des chantiers avec les autres intervenants; qu’elle n’avait pas à suppléer le gérant dans ses fonctions, l’assistance supposant un minimum d’implication et de collaboration de la part de ses clientes ; que la contestation du paiement des factures n’a surgi que dans le cadre de la présente instance.

Sur les demandes reconventionnelles des sociétés SEE [O] et Euro Mat, elle expose qu’elles ne justifient pas de manquements leur ayant causé un préjudice, leurs allégations étant dénuées de fondement; que contrairement à ce qui est soutenu, la société Ascoe n’a jamais voulu ébranler les sociétés pour les racheter à moindre coût.

Prétentions et moyens des sociétés SEE [O] et Euro Mat

Par conclusions remises et notifiées le 2 septembre 2022, elles demandent à la cour de :

– dire irrecevables et écarter des débats les conclusions et la pièce n°23 communiquées par la société Ascoe et monsieur [I] le 6 avril 2022, car plus de trois mois après les conclusions d’intimé avec appel incident du 4 avril 2021 des sociétés [O] et Euro Mat,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré irrecevable la société Ascoe pour défaut de qualité à agir,

– déclarer la société Ascoe irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité pour agir,

– déclarer monsieur [I] irrecevable en son intervention volontaire,

– constater que les sociétés [O] et Euro Mat n’ont pas mis un terme à la relation contractuelle de manière brutale, anticipée, avant terme et sans motif,

– constater que la société Ascoe a cessé ses prestations à compter du 16 février 2020,

– dire et juger que la société Ascoe ne justifie pas de la réalité et du quantum des prestations dont elle demande le paiement à l’encontre des sociétés [O] et Euro Mat,

– juger que la société Ascoe n’a pas respecté ses obligations contractuelles,

– débouter la société Ascoe et monsieur [I] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

– condamner la société Ascoe et monsieur [I] à payer 31 575 € à titre de dommages intérêts à la société SEE [O] à raison de l’inexécution de ses obligations contractuelles,

– condamner la société Ascoe et monsieur [I] à payer 2.720,45 € à la société SEE [O] à titre de remboursement des frais de repas, location d’un échafaudage et remboursement de deux demi-journées non travaillées (23.01.2020 et 10.02.2020),

– condamner la société Ascoe et monsieur [I] à payer 24.225 € à titre de dommages intérêts à la société Euromat à raison de l’inexécution de ses obligations contractuelles,

– condamner la société Ascoe et monsieur [I] aux dépens,

– condamner la société Ascoe et monsieur [I] à payer 3 500 € à la société SEE [O] et 3 500 € à la société Euromat sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elles font observer que la société Ascoe et monsieur [I] ont répliqué le 6 avril 2022, soit plus de 3 mois après qu’elles ont notifié le 4 octobre 2021 leurs conclusions d’intimé avec appel incident ce qui entraîne l’irrecevabilité des conclusions du 6 avril 2022.

Sur le défaut de qualité pour agir de la société Ascoe, elles considèrent qu’il appartient à cette société de justifier de la reprise du contrat litigieux conclu avant son immatriculation; que la possibilité de reprise des engagements par une décision prise à la majorité des associés suppose l’absence de clause contraire dans les statuts; que faute de produire les statuts, la société Ascoe ne permet pas à la cour de vérifier ce point; qu’en outre, les procès-verbaux de l’associé unique ne sont pas signés et la date à laquelle le registre a été paraphé par le greffier du tribunal de commerce n’a pas été mentionnée; que dès lors, il n’est pas justifié de la reprise du contrat litigieux et le jugement doit être confirmé.

Sur l’intervention volontaire de monsieur [I], elles font remarquer que l’intervenant volontaire en cause d’appel ne peut venir présenter des demandes de condamnations personnelles non soumises au premier juge, que monsieur [I] n’intervient pas seulement pour venir en appui à la société Ascoe ou préserver ses droits mais pour présenter à titre personnel des demandes de condamnation non formées en première instance.

Sur la résiliation anticipée, elles exposent que monsieur [O] n’a pas résilié le contrat mais a seulement fait part à monsieur [I] de sa volonté de mettre fin à leur collaboration dans le cadre contractuel compte tenu des carences du prestataire; que le mail du 16 février 2020 ne fait état que d’une intention pour l’avenir du contrat, à savoir sa non-reconduction tacite, et ne constitue pas une résiliation immédiate ; qu’au demeurant, les parties ont poursuivi leurs échanges postérieurement au 16 février2020 ; que le mail ne

peut valoir comme courrier de résiliation et en tout état de cause n’aurait pu valoir qu’un mois après une mise en demeure restée sans effet; que la fin anticipée du contrat est intervenue par l’effet de la réponse de la société Ascoe et de l’arrêt de ses diligences ; qu’il s’agit donc d’une résiliation amiable.

Elles relèvent par ailleurs qu’il est faux de prétendre que monsieur [I] aurait donné toute satisfaction; qu’alors que le contrat prévoit des comptes-rendus écrits, la société Ascoe n’a pas adressé de tels comptes-rendus malgré plusieurs demandes en ce sens ; qu’elle n’a fourni que deux feuillets sommaires pour décembre 2019 et janvier 2020; que ceci constitue un manquement grave; que monsieur [I] n’a fait que recopier la documentation propre aux sociétés [O] et Euro Mat qui existait avant son arrivée; que dans la gestion d’un chantier, il a fait appel à un sous-traitant sans en parler à monsieur [O] générant ainsi des difficultés et des coûts financiers supplémentaires ; que dans un autre chantier, son absence de vérification a entraîné des retards très importants; que la rupture du contrat est donc du fait de monsieur [I], conscient de ses carences ; qu’ayant cessé ses prestations, la société Ascoe n’est pas fondée à en réclamer le paiement même au travers de dommages et intérêts.

Subsidiairement, sur le montant des dommages et intérêts, elles indiquent que les diligences de la société Ascoe étaient en diminution significative depuis plusieurs mois ; qu’il n’est pas justifié de la marge réalisée sur les facturations réalisées.

Sur l’inexécution de ses obligations par le prestataire, elles soulignent l’absence de production et communication de comptes-rendu, les deux seuls feuillets produits étant lacunaires, et la non présence du conseil au siège social et sur les chantiers alors que le contrat prévoyait une présence d’au moins 4 jours par semaine. Elles considèrent donc que du fait de l’inobservation de ses obligations contractuelles, la société Ascoe n’aurait pas dû facturer les prestations prévues au contrat. Elles ajoutent que les factures produites ne correspondaient pas au travail réalisé.

Elles indiquent que les erreurs multiples de monsieur [I], notamment sur les offres de prix, sont la cause de pertes très importantes pour l’entreprise; que l’augmentation de chiffre d’affaires ne couvre même pas les honoraires et frais de mission facturés par monsieur [I] ; qu’elles n’ont pas amélioré leur organisation et leur rentabilité.

Elles relèvent que les remboursements par la société Ascoe au titre des repas ne sont pas justifiés, les membres du personnel invités n’ayant pas droit à des indemnités repas ; qu’elle a emprunté un échafaudage pendant un mois représentant 1.220 euros ; qu’elle est redevable d’un avoir pour deux journées non travaillées.

Elles précisent que leur préjudice financier correspond à minima à la moitié des sommes facturées.

Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction est intervenue le 8 septembre 2022.

Motifs de la décision

1) Sur l’irrecevabilité des conclusions notifiées le 6 avril 2022 et de la pièce n°23

Aux termes de l’article 910 du code de procédure civile, l’intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification qui lui en est faite pour remettre ses conclusions au greffe.

En application de l’article 906 du même code, les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables.

Dans ses conclusions notifiées le 4 octobre 2021, la société SEE [O] et la société Euro Mat ont sollicité la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré irrecevable la société Ascoe pour défaut de qualité à agir et ont formé différentes prétentions sans toutefois demander l’infirmation du jugement. Ses conclusions ne constituent donc pas un appel incident dont est saisie la cour.

Dès lors, la société SEE [O] et la société Euro Mat ne peuvent se prévaloir des dispositions de l’article 910 du code de procédure civile pour considérer que l’appelante devait conclure dans les trois mois des conclusions notifiées le 4 octobre 2021.

Par ailleurs, la cour relève que les parties peuvent jusqu’à la clôture de l’instruction conclure à nouveau, étant relevé que les conclusions remises le 6 avril 2022 par la société Ascoe et monsieur [I] étaient destinées au moins en partie à développer l’appel principal.

En conséquence, la société SEE [O] et la société Euro Mat seront déboutées de leur demande visant à déclarer irrecevables et à écarter des débats les conclusions et la pièce n°23 communiquées par la société Ascoe et monsieur [I] le 6 avril 2022.

2) Sur la qualité à agir de la société Ascoe

La convention d’assistance et de conseil a été conclue entre les sociétés [O] et Euro Mat et la société Ascoe, société en cours de formation, représentée par son gérant, Monsieur [J] [I].

Aux termes de l’article L 210-6 du code de commerce, les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société.

En application de l’article 6 du décret du 3 juillet 1978, la reprise des engagements par la société alors immatriculée peut résulter :

– d’un état des actes accomplis pour le compte de la société en formation avec l’indication, pour chacun d’eux, de l’engagement qui en résulterait pour la société, état présenté aux associés avant la signature des statuts et annexé à ces statuts dont la signature emporte reprise,

– d’un mandat spécial donné par les associés dans les statuts ou par acte séparé à l’un d’entre eux ou au gérant non associé de prendre des engagements déterminés pour le compte de la société, l’immatriculation de la société emportant reprise desdits engagements,

– après immatriculation de la société, de la seule décision prise, sauf clause contraire des statuts, à la majorité des associés.

Contrairement à ce que soutiennent les intimées, la société Ascoe versent aux débats ses statuts duquel il résulte que les décisions collectives sont prises à l’unanimité. Ce point est toutefois indifférent dès lors que cette société ne comporte qu’un seul associé.

Dans le cas où la société ne comporte qu’un seul associé, la décision de reprise des engagements après immatriculation de la société est prise par l’associé unique.

Mais aux termes de l’article R 225-22 du code du commerce, cette décision doit être constatée par un procès-verbal établi sur un registre spécial tenu au siège social et coté et paraphé soit par un juge du tribunal de commerce, soit par un

juge du tribunal d’instance, soit par le maire de la commune du siège social ou un adjoint au maire. Si les procès-verbaux peuvent aussi être établis sur des feuilles mobiles numérotées sans discontinuité, elles doivent être paraphées dans les conditions prévues à l’alinéa précédent et revêtues du sceau de l’autorité qui les a paraphées.

En l’espèce, il est versé aux débats un procès-verbal des décisions de l’associé unique du 24 mai 2019 aux termes duquel la société reprend à son compte la convention d’assistance et de conseil du 7 mai 2019 conclue avec les sociétés [O] et Euro Mat.

Contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, il est indifférent que le procès-verbal n’a pas été déposé en annexe des statuts déposés au registre du commerce, cette condition n’étant pas exigée pour une reprise après immatriculation de la société.

En revanche, comme le relèvent les intimées, cette décision n’est pas signée. En outre, cette feuille mobile n’est ni numérotée, ni paraphée dans les conditions de l’article R 225-22 du code du commerce.

Ce procès-verbal ne peut donc valoir reprise des engagements par la société Ascoe.

En conséquence, ne pouvant se prévaloir de la reprise de la convention d’assistance et de conseil du 7 mai 2019 conclue avec les sociétés [O] et Euro Mat, la société Ascoe n’a pas qualité à agir sur le fondement de cette convention.

La décision du tribunal sera confirmée par substitution de motifs.

3) Sur l’intervention volontaire de Monsieur [J] [I]

Il est constant que sont irrecevables les interventions volontaires en cause d’appel qui ont pour objet de demander des condamnations personnelles non soumises aux premiers juges.

En l’espèce, Monsieur [J] [I] sollicite une condamnation à son profit qui n’a pas été soumise aux premiers juges.

En outre, son intervention ne peut être justifiée par une prétendue évolution du litige alors que dès la première instance, la qualité à agir de la société Ascoe était contestée.

Par ailleurs, l’article 564 du code de procédure civile relative aux demandes nouvelles invoqué par Monsieur [J] [I] est sans lien avec l’appréciation de la recevabilité de son intervention volontaire.

En conséquence, son intervention volontaire sera déclarée irrecevable.

4) Sur les demandes des sociétés SEE [O] et la société Euro Mat en allocation des dommages et intérêts

Ces sociétés s’étant limitées à solliciter la confirmation du jugement et n’ayant pas sollicité son infirmation, il n’y a pas lieu de statuer sur ces demandes.

5) Sur les mesures accessoires

La société Ascoe et Monsieur [J] [I] qui succombent en appel seront condamnés aux dépens d’appel et à payer la somme de 1.500 euros à la société [O] et la somme de 1.500 euros à la société Euro Mat sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déboute la société SEE [O] et la société Euro Mat de leur demande visant à déclarer irrecevables et à écarter des débats les conclusions et la pièce n°23 communiquées par la société Ascoe et monsieur [I] le 6 avril 2022.

Confirme le jugement rendu le 14 mai 2021 par le tribunal de commerce de Gap en ses dispositions soumises à la cour.

Déclare irrecevable l’intervention volontaire de Monsieur [J] [I].

Condamne la société Ascoe et Monsieur [J] [I] aux dépens d’appel.

Condamne la société Ascoe et Monsieur [J] [I] à payer la somme de 1.500 euros à la société [O] et la somme de 1.500 euros à la société Euro Mat sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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