Location de matériel : 1 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 18/07437

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Location de matériel : 1 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 18/07437
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1 juin 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
18/07437

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 01 JUIN 2022

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/07437 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B53PW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mars 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRETEIL – RG n° F 15/02570

APPELANTE

SA FRANCE TRAVAUX PUBLICS SERVICES prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-didier VOGELI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0264

INTIME

Monsieur [L] [U]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Ludivine DE LEENHEER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 185

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOST, Vice Présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 16 décembre 2021,chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Madame Véronique BOST, Vice Présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 16 décembre 2021

Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

– contradictoire

– mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Nicolas TRUC, Président et par Sonia BERKANE,Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [L] [U] a été embauché par la société FRANCE TRAVAUX PUBLICS SERVICES à compter du 15 septembre 2014 selon contrat à durée indéterminée en qualité de chauffeur-mécanicien.

La convention collective applicable est celle des entreprises de maintenance, distribution et location de matériel agricole et de travaux publics.

Par courrier du 6 juillet 2015, Monsieur [U] a été convoqué à un entretien préalable qui s’est tenu le 23 juillet.

Par courrier du 28 juillet 2015, la société FRANCE TRAVAUX PUBLICS SERVICES a notifié à M. [U] son licenciement pour faute simple à effet immédiat.

Constestant le bien fondé de son licenciement, M. [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Créteil.

Par jugement du 30 mars 2018, notifié le 1er juin 2018, le conseil de prud’hommes a :

– condamné la société FRANCE TRAVAUX PUBLICS SERVICES à verser à Monsieur [L] [U] les sommes de:

* 17 220 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de tenue professionnelle et d’accès aux locaux sanitaires,

* 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– donné acte à la la société FRANCE TRAVAUX PUBLICS SERVICES du règlement à Monsieur [L] [U] de la somme de 2 513,87 euros au titre de la prime de panier pour les années 2014 et 2015,

– débouté Monsieur [L] [U] de toutes ses autres demandes,

– ordonné à la société FRANCE TRAVAUX PUBLICS SERVICES la remise de l’attestation Pôle Emploi, le bulletin de salaire avec la mention des primes de panier pour la période 2014 et 2015, le tout conforme au présent jugement sous astreinte de 15 euros par jour de retard à compter de 15 jours de notification pour la totalité des documents, astreinte que le conseil se réserve le droit de liquider,

– mis les dépens à la charge de la partie succombante.

La société FRANCE TRAVAUX PUBLICS SERVICES a interjeté appel de ce jugement par déclaration déposée par voie électronique le 12 juin 2018.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits et des moyens développés, la société FRANCE TRAVAUX PUBLICS SERVICES demande à la cour de :

– infirmer le jugement incriminé en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [U] à titre d’indemnités pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse la somme de l7 220 euros (soit 7 mois de salaires),

– dire et juger le licenciement de M. [U] parfaitement fondé,

– en conséquence, débouter M. [U] de toute demande indemnitaire de ce chef,

– infirmer le jugement incriminé en ce qu’il l’a condamnée à verser à Monsieur [U], à titre de dommages et intérêts pour absence de tenue professionnelle neuve et d’accès aux locaux sanitaires, la somme de 3 000 euros

– dire et juge qu’elle a satisfait à l’ensemble de ses obligations,

– en conséquence, débouter M. [U] de toute demande indemnitaire de ce chef,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [U] du surplus de ses demandes,

– infirmer le jugement incriminé en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [U] la somme de l 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

– condamner M. [L] [U] au paiement d’une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,

– dire l’appel incident de M. [U] mal fondé,

– en conséquence, le débouter de l’ensemble de ses demandes,

– condamner M. [U] au paiement d’une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure Civile au titre de la procédure d’appel.

– le condamner aux entiers dépens.

Subsidiairement et si la cour retenait le licenciement sans cause réelle ni sérieuse :

– limiter la demande d’indemnisation de M. [U] pour rupture abusive à de plus justes proportions,

– dire que Monsieur [U] sera justement indemnisé par le versement d’une somme correspondant à un mois de salaire, soit 2 460 euros.

Elle expose que :

– la procédure de licenciement n’était pas irrégulière, le directeur administratif et financier agissant au nom de l’entreprise lors de l’entretien préalable,

– le conseil de prud’hommes a fondé sa décision sur un motif erroné dès lors qu’il a retenu une erreur matérielle dans la lettre de licenciement pour en déduire l’absence de caractère réel et sérieux du licenciement,

– elle n’avait pas épuisé son pouvoir disciplinaire concernant les faits du 19 juin 2015 dont elle n’a eu pleine et entière connaissance que le 29 juin 2015 postérieurement aux avertissements des 22 et 26 juin 2015,

– M. [U] a persisté dans ses comportements fautifs,

– M. [U] ne démontre pas le préjudice qu’il aurait subi du fait du licenciement.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 1er février 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits et des moyens développés, M. [U] demande à la cour de :

– confirmer le jugement du 30 mars 2018 du conseil de prud’hommes de Créteil en ce qu’il juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a fait droit à la demande de dommages et intérêts pour absence de tenue neuve et d’accès aux locaux sanitaires,

– réformer quant au quantum des sommes,

– infirmer pour le surplus

– le recevoir en son appel incident,

– condamner la société FRANCE TRAVAUX PUBLICS SERVICE à lui verser les sommes suivantes :

– dommages et intérêts pour rupture abusive (-8 mois) : 20 000 euros

– dommages et intérêts pour absence de fourniture de tenue neuve et d’accès aux locaux : 6 000 euros

– dommages et intérêts pour absence de relevé mensuel d’heures : 6 000 euros

– remise du certificat de travail, de l’attestation Pôle Emploi et des bulletins de paie conformes à l’arrêt à intervenir sous astreinte de 15 euros par jour de retard et par document,

– indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 3000 euros

– entiers dépens

– débouter la société FRANCE TRAVAUX PUBLICS SERVICE de toutes ses demandes, fins et prétentions.

Il expose que:

– en délivrant deux avertissements les 22 et 26 juin 2015, l’employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire concernant les faits du 16 juin 2015,

– l’employeur fait preuve d’un total manque de transparence sur les heures réalisées.

L’affaire était fixée à l’audience du 22 juin 2020. Les parties ayant refusé la procédure sans audience, elle a fait l’objet d’un renvoi à l’audience du 9 mars 2022.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 février 2022.

MOTIFS

Sur la tenue professionnelle et l’accès aux locaux

M. [U] soutient que l’employeur aurait manqué à ses obligations en ne lui fournissant pas de tenue de travail et en ne lui laissant pas l’accès aux installations sanitaires.

L’employeur produit deux attestations d’autres salariés, dont le responsable d’agence, qui affirment que M. [U] avait accès à l’atelier et aux vestiaires et qu’il disposait de clés. Ces attestations, qui ne sont pas corroborées par d’autres éléments, sont insuffisantes à établir que l’employeur a satisfait à ses obligations.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les relevés horaires

Aux termes de l’article 1 de l’arrêté du 6 juillet 2005 relatif aux modalités de téléchargement des données de conduite en matière de transport par route, le premier téléchargement des données de la carte d’un conducteur intervient au plus 28 jours après sa première mise en ‘uvre. L’intervalle de temps entre deux téléchargements des données électroniques de la carte d’un conducteur ne peut excéder 28 jours. Ces données téléchargées doivent être disponibles au sein de l’entreprise, dans l’établissement de rattachement du conducteur, pendant 365 jours.

La cour relève que cet arrêté n’instaure aucune obligation de remise au chauffeur des heures effectuées mensuellement.

Les relevés de M. [U] sont produits dans le cadre de la présente procédure ce dont il se déduit que la société respectait ses obligations quant à la conservation des données téléchargées et à leur disponibilité.

M. [U] produit des plannings dont il affirme qu’ils seraient en contradiction avec les relevés d’heures issus de l’appareil chronotaphygraphe mais ces plannings ne portent aucune indication permettant de les rattacher à l’activité de M. [U].

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [U] de sa demande de dommages et intérêts.

Sur le licenciement

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, est ainsi rédigée :

« Nous avons à déplorer de votre part des agissements constitutifs de fautes professionnelles. Il nous est apparu que vous n’avez pas sciemment respecté une fois de plus les règles de sérieux et de sécurité élémentaires dans votre travail :

Le 19 juin 2015, en récupérant une pelle auprès de notre client SADE à [Localité 8], vous avez déplacé des barrières et des plaques de protection, et fait tomber deux bordures sur une canalisation à 1,20 m de profondeur. Outre le coût de la réparation des dégâts exigé par notre client, vous avez mis en danger la sécurité des passants à pied ou motorisés, en laissant le chantier dans cet état et en ne signalant l’incident ni à la SADE ni à votre agence FRANCE TP.

Nous vous avons convoqué le 6 juillet 2015 pour un entretien préalable le 23 juillet 2015 auquel vous vous êtes présenté accompagné d’un conseiller (Monsieur [T] [W]) mais auquel vous avez refusé de participer. N’ayant pu recueillir d’explication auprès de vous le jour de l’entretien, nous n’avons pu modifier notre appréciation à ce sujet. Nous vous rappelons que vous aviez déjà été rappelé à l’ordre verbalement et par lettres recommandées à deux reprises :

Avertissement du 22 juin 2015 au sujet :

* Défaut des règles de sécurité du 12 juin 2015 : sur un chargement non arrimé lorsque vous avez quitté l’agence ; ce qui représente une infraction au code de la route, mais surtout un grave danger pour les usagers de la route, et aussi pour le matériel.

* D’un refus d’obéissance le 10 juin 2015 lorsque n’aviez pas récupéré la pelle 1808 prétextant trop d’embouteillages alors que votre temps de conduite n’était que de 3,32 h et le 11 juin 2015 lorsque n’aviez pas récupéré la pelle 2049 alors que votre temps de conduite n’était que de 3,43 h

Avertissement du 26 juin 2015 au sujet :

* D’un refus d’obéissance du 17 juin 2015 : sur le refus de transfert d’une pelle pour TERCA à [Localité 6] alors que vous aviez l’adresse précise et l’abandon d’une pelle destinée à notre client SADE à l’entrée du Technicentre de [Localité 7] alors que le chantier du client était à une demi-heure en temps de là.

* D’un refus d’obéissance du 18 juin 2015 : après le refus de récupérer une pelle pour la SADE à [Localité 4] (très proche de notre agence) prétextant n’avoir plus de temps de conduite nécessaire alors que vous n’aviez conduit que 4,37 h.

Compte tenu de ces rappels à l’ordre successifs sur la sécurité et l’ordre au sein de l’entreprise, nous considérons que votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible. Votre mépris des règles de sécurité et votre manque de conscience professionnelle nuit à l’organisation du travail dans l’entreprise.

Nous vous informons que nous avons en conséquence, décidé de vous licencier pour fautes professionnelles. Le licenciement prend donc effet immédiatement à la date du 28 juillet 2015, vous bénéficierez d’une indemnité compensatrice de préavis et d’une indemnité de licenciement. »

L’employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié, considérés par lui comme fautifs, choisit de n’en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction.

Il ressort de la lettre de licenciement que l’employeur fonde son licenciement sur des faits survenus le 19 juin 2015 et évoque deux avertissements des 22 et 26 juin qui visent d’autres faits mais ne font aucune référence aux faits du 19 juin.

M. [U] fait valoir qu’avec ces deux avertissements, l’employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire pour tous les faits antérieurs à ces dates.

L’employeur soutient qu’il n’aurait eu connaissance de l’ampleur des faits survenus le 19 juin que postérieurement aux avertissements des 22 et 26 juin lorsque le client concerné lui a adressé une réclamation le 29 juin et que le passage de M. [D] sur le chantier concerné ne lui avait pas permis de prendre la mesure des conséquences de la faute imputée à M. [U].

Il ressort des écritures des parties et des pièces produites que M. [D], responsable d’agence et supérieur hiérarchique de M. [U], s’est rendu sur le chantier sur lequel ce dernier aurait commis une faute dès le 20 juin. A cette date, l’employeur avait donc connaissance des faits invoqués dans la lettre de licenciement. La réclamation financière formée par le client, aux termes d’un courrier qui n’est pas daté, ne modifie pas la connaissance de l’ampleur de la faute.

L’employeur avait donc épuisé son pouvoir disciplinaire concernant les faits du 19 juin par les deux avertissements des 22 et 26 juin.

Le licenciement est en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Il est constant que M. [U] présentait moins de deux ans d’ancienneté au sein de la société.

En application de l’article L.1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable à l’espèce, le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Il sera alloué à M. [U] la somme de 7 500 euros en réparation du préjudice qu’il a subi tel qu’il est établi par les pièces produites.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les frais de procédure

La société FRANCE TRAVAUX PUBLICS SERVICES sera condamnée aux dépens.

L’équité ne commande pas de faire droit à la demande de M. [U] au titre des frais irrépétibles pour la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la société FRANCE TRAVAUX PUBLICS SERVICES à payer à M. [L] [U] la somme de 17 220 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

Statuant à nouveau,

Condamne la société FRANCE TRAVAUX PUBLICS SERVICES à payer à M. [L] [U] la somme de 7 500 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

Condamne la société FRANCE TRAVAUX PUBLICS SERVICES aux dépens.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

 


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