Livreur blessé : la responsabilité de l’employeur et reconnaissance de la faute inexcusable

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Livreur blessé : la responsabilité de l’employeur et reconnaissance de la faute inexcusable

FAITS

M. [V] [C] a été embauché par la SASU [6] en tant que chauffeur livreur le 1er juin 2019. Le 4 juin 2019, il a subi un accident du travail en ouvrant un carton avec un cutter, dont la lame s’est brisée et a blessé son œil. La déclaration de cet accident a été faite le 11 juillet 2019. La CPAM de [Localité 5] a reconnu le caractère professionnel de l’accident le 4 novembre 2019, fixant la date de Jonction au 24 septembre 2020 et le taux d’incapacité permanente partielle à 40%. M. [C] a été licencié pour inaptitude le 9 décembre 2020.

PROCÉDURE

Le 12 février 2021, M. [C] a saisi la Caisse Primaire d’Assurance Maladie et le tribunal judiciaire de Paris pour faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur et obtenir une indemnisation. Par jugement du 29 août 2022, le tribunal a déclaré l’acte introductif d’instance régulier et a débouté M. [C] de ses demandes. Ce jugement a été notifié le 9 septembre 2022, et M. [C] a interjeté appel le 23 septembre 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [C] demande à la cour de confirmer la régularité de l’acte introductif et la recevabilité de son action, tout en infirmant le jugement sur la reconnaissance de la faute inexcusable de la société [6]. Il souhaite également une majoration de sa rente, la nomination d’un expert judiciaire pour évaluer ses préjudices, et des provisions financières. De son côté, la société [6] demande la confirmation du jugement de première instance, arguant qu’elle n’a pas commis de faute inexcusable et que M. [C] ne prouve pas l’existence de préjudices non indemnisés. La CPAM se déclare neutre sur la faute inexcusable, tout en demandant des précisions sur l’expertise.

FAUTE INEXCUSABLE

L’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale stipule que la faute inexcusable de l’employeur engage sa responsabilité en cas d’accident du travail. L’employeur doit prendre des mesures pour assurer la sécurité des travailleurs, et son manquement à cette obligation peut constituer une faute inexcusable. M. [C] soutient qu’il n’a pas reçu de formation adéquate ni d’équipement de protection, tandis que la société [6] affirme avoir mis en place des mesures de sécurité, y compris des cutters à lame rétractable. La cour a constaté que M. [C] n’a pas prouvé que l’employeur avait conscience du danger ni qu’il n’avait pas pris les mesures nécessaires pour protéger ses employés.

CONCLUSION

La cour a reçu l’appel de M. [C], a confirmé le jugement du tribunal judiciaire de Paris, et a déclaré l’arrêt commun à la CPAM de [Localité 5]. Il n’y a pas lieu d’appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et M. [C] a été condamné aux dépens.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de sécurité au travail ?

L’article L. 4121-1 du Code du travail stipule que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur doit également veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

En vertu de l’article L. 4121-2, l’employeur doit mettre en œuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention, qui incluent :

1° Éviter les risques ;

2° Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, notamment en ce qui concerne la conception des postes de travail.

Ces obligations visent à garantir un environnement de travail sûr et à prévenir les accidents du travail.

Qu’est-ce que la faute inexcusable de l’employeur ?

La faute inexcusable de l’employeur est définie par l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale. Cet article précise que lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

Pour qu’une faute inexcusable soit reconnue, il faut prouver que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est important de noter que la simple exposition au risque ne suffit pas à caractériser la faute inexcusable. L’employeur doit avoir manqué à son obligation de sécurité, ce qui peut être établi par des preuves démontrant qu’il n’a pas pris les mesures adéquates pour protéger ses employés.

Comment se prouve la faute inexcusable de l’employeur ?

La charge de la preuve de la faute inexcusable incombe au salarié. Il doit démontrer que son employeur, qui devait ou aurait dû avoir conscience du danger, n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

La preuve de la conscience du danger s’apprécie in abstracto, c’est-à-dire par rapport à ce que doit savoir un employeur conscient de ses devoirs et obligations dans son secteur d’activité.

Il est également essentiel que le salarié prouve que l’accident est survenu en raison de la négligence de l’employeur. Cela peut inclure des éléments tels que l’absence de formation adéquate, l’absence d’équipements de protection, ou des outils inadaptés.

Quels sont les recours possibles en cas de reconnaissance de la faute inexcusable ?

En cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, la victime a droit à une indemnisation complémentaire. Cette indemnisation peut couvrir divers préjudices, tels que :

– Les frais médicaux non remboursés ;
– La perte de revenus ;
– Les préjudices moraux et physiques.

L’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale précise que cette indemnisation est définie par les articles suivants, qui détaillent les modalités de calcul et d’attribution des indemnités.

De plus, la victime peut demander la majoration de sa rente d’incapacité permanente à son taux maximum, ainsi que la nomination d’un expert judiciaire pour évaluer les préjudices subis.

Quelles sont les conséquences d’un jugement déboutant la demande de reconnaissance de faute inexcusable ?

Lorsqu’un jugement déboute un salarié de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable, cela signifie que la cour n’a pas trouvé de preuves suffisantes pour établir la responsabilité de l’employeur.

Les conséquences peuvent inclure :

– Le salarié ne pourra pas bénéficier d’une indemnisation complémentaire pour son accident de travail ;
– Il devra supporter les dépens de la procédure, comme stipulé dans le jugement ;
– La décision peut être confirmée en appel, rendant la situation définitive.

Il est également possible que le salarié soit condamné à verser des frais à l’employeur, notamment au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, si la cour estime que la demande était infondée.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 novembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
22/08758
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 15 Novembre 2024

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 22/08758 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGQLT

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Août 2022 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 21/00376

APPELANT

Monsieur [V] [C]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté par Me Maïtena LAVELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0317 substituée par Me Pauline FROGET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0503

INTIMEES

LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 5]

Département Risques Professionnels

[Localité 4]

représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. [6]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Saïd AKIFI, avocat au barreau de PARIS, toque : A213

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Septembre 2024,en audience publique et double rapporteur, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre et Madame Fabienne ROUGE, présidente, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre

Madame Fabienne ROUGE, présidente

Monsieur Gilles REVELLES, conseiller

Greffier : Madame Agnès ALLARDI, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par Monsieur [V] [C] d’un jugement prononcé le 29 août 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Paris dans un litige l’opposant à la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 5] et la SASU [6].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [V] [C] a été embauché par la SASU [6] en qualité de chauffeur livreur le 1er juin 2019.

Le 4 juin 2019, il a été victime d’ un accident du travail : ‘en ouvrant un carton avec un cutter, cet outil s’est brisé et son oeil a été atteint par la lame du cutter’. La déclaration d’accident du travail a été rédigée le 11 juillet 2019.

Par décision du 4 novembre 2019, la CPAM de [Localité 5] a reconnu le caractère professionnel de l’accident et l’a pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels. La caisse a fixé la date de Jonction au 24 septembre 2020 et le taux d’incapacité permanente partielle à 40%. Il était licencié pour inaptitude le 9 décembre 2020.

Par une requête datée du 12 février 2021, Monsieur [C] a saisi la Caisse Primaire d’Assurance Maladie et le pôle social du tribunal judiciaire de Paris aux fins de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de son accident du travail et faire indemniser son préjudice.

Par jugement du 29 août 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :

– déclaré régulier l’acte introductif d’instance ;

– déclaré recevable l’action de Monsieur [V] [C] ;

– sur le fond, débouté Monsieur [V] [C] de son recours et de l’intégralité de ses demandes ;

– dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté Monsieur [V] [C] et la SASU [6] de leurs demandes respectives tendant à obtenir une indemnité de procédure ;

– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement ;

– dit que Monsieur [V] [C] devra supporter les éventuels dépens.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception remise le 9 septembre 2022 à Monsieur [V] [C] qui en a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 23 septembre 2022.

Par conclusions n°3, déposées par voie de RPVA le 23 avril 2024, reprises oralement à l’audience du 19 septembre 2024 par son conseil, Monsieur [V] [C], demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

déclaré régulier l’acte introductif d’instance ;

déclaré recevable son action ;

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société [6] dans la survenance de son accident du travail le 4 juin 2019 ;

En conséquence :

– condamner la société [6] au titre de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ;

En conséquence :

– ordonner la majoration de sa rente à son taux maximum ;

– procéder à la nomination d’un expert judiciaire, lequel aura pour mission de :

convoquer les parties ;

se faire remettre son entier dossier médical ;

examiner M. [C] ;

décrire les lésions résultant directement et exclusivement de l’accident de travail qu’il a déclaré le 4 juin 2019 ;

déterminer le déficit fonctionnel temporaire et le quantifier ;

fixer son taux de déficit fonctionnel permanent ;

évaluer le pretium doloris en lien direct et exclusif avec l’accident de travail précité ;

déterminer s’il a subi un préjudice esthétique et un préjudice d’agrément en lien direct et exclusif avec sa maladie professionnelle ;

déterminer s’il a subi un préjudice sexuel ;

déterminer la tierce personne avant Jonction ;

déterminer s’il doit procéder à l’aménagement de son logement et/ou de son véhicule;

déposer un pré-rapport qui sera soumis au contradictoire des parties qui pourront présenter des dires ;

déposer un rapport et l’adresser aux parties ;

– condamner la CPAM de [Localité 5] à lui verser une provision d’un montant de 20 000 euros à valoir sur ses préjudices ;

– condamner la société [6] à verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions n°3, déposées par voie de RPVA le 31 juillet 2024, et reprises oralement à l’audience du 19 septembre 2024 par son conseil, la société [6], intimée, demande à la cour de :

– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 29 août 2022 ;

Statuer à nouveau,

– la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;

– juger qu’elle n’a commis aucune faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

– juger que Monsieur [V] [C] ne démontre pas l’existence de préjudices non indemnisés au titre du livre IV de nature à justifier la mise en ‘uvre d’une procédure d’expertise ;

En conséquence,

– débouter Monsieur [V] [C] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son ancien employeur ;

– débouter Monsieur [V] [C] de sa demande d’expertise ;

– condamner Monsieur [V] [C] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions déposées à l’audience et reprises oralement la Caisse Primaire d’Assurance Maladie demande à la cour de lui donner acte du fait qu’elle s’en rapporte sur l’existence de la faute inexcusable :

– dans l’hypothèse où la cour retiendrait la faute inexcusable de l’employeur de limiter la mission de l’expert aux postes de préjudices indemnisables au titre de la faute inexcusable ;

– dire que la mission de l’expert ne pourra inclure une évaluation de la perte de chance promotionnelle ;

– donner acte à la caisse de ce qu’elle s’en rapporte sur la demande provisionnelle de M. [C]

– rappeler que l’Assurance Maladie de [Localité 5] avancera les sommes éventuellement allouées à M. [C] dont elle récupérera le montant sur l’employeur en ce compris les frais d’expertise ;

– condamner tout succombant aux dépens.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l’article 446-2 et de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l’audience du 19 septembre 2024 qu’elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE

-Sur la faute inexcusable

L’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale prévoit que : ‘Lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.’

Par ailleurs, l’article L. 4121-1 du code du travail dispose que :

‘L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

‘Ces mesures comprennent :

‘1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;

‘2° Des actions d’information et de formation ;

‘3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

‘L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.’

L’article L. 4121-2 du même code précisant que :

‘L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

‘1° Eviter les risques ;

‘2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

‘3° Combattre les risques à la source ;

‘4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

‘5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

‘6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

‘7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1;

‘8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

‘9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.’

Il se déduit de la combinaison de ces textes que l’employeur est tenu envers le salarié d’une obligation légale de sécurité et de protection de la santé et a obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Il a, en particulier, l’obligation de veiller à l’adaptation des mesures de sécurité pour tenir compte des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

Le manquement à cette obligation de sécurité a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été l’origine déterminante de l’accident du travail subi par le salarié, mais il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes y compris la faute d’imprudence de la victime, auraient concouru au dommage.

Il incombe au salarié de prouver que son employeur, qui devait ou qui aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé, n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver, étant rappelé que la simple exposition au risque ne suffit pas à caractériser la faute inexcusable de l’employeur ; aucune faute ne peut être établie lorsque l’employeur a pris toutes les mesures en son pouvoir pour éviter l’apparition de la lésion compte tenu de la conscience du danger qu’il pouvait avoir.

La conscience du danger, dont la preuve incombe à la victime, ne vise pas une connaissance effective du danger que devait en avoir son auteur. Elle s’apprécie in abstracto par rapport à ce que doit savoir, dans son secteur d’activité, un employeur conscient de ses devoirs et obligations.

La déclaration d’accident du travail mentionne : ‘ouverture de carton contenant du mobilier plaie du globe de l’oeil droit avec un cutter qui s’est brisé au niveau de l’oeil.’

M. [C] expose qu’il n’a jamais bénéficié d’une quelconque formation par son employeur pour l’exercice de ses fonctions et qu’aucun équipement de protection individuelle ne lui a été remis. Il considère que l’employeur ne pouvait ignorer les risques liés à la manipulation d’un cutter qui est un objet dangereux et qu’ il aurait dû avoir conscience du danger.

M. [C] indique que le jour de l’accident il a utilisé un premier cutter qui s’est cassé; son responsable lui a remis le sien qui s’est immédiatement brisé lorsque le salarié a voulu ouvrir le carton. Il soutient que les outils mis à sa disposition étaient inadaptés puisqu’ils se sont cassés l’un après l’autre. Il conteste le fait que le cutter rétractable photographié par l’entreprise soit celui qui ait été mis à sa disposition, la facture d’achat ne démontrant pas à elle seule la remise de ce cutter au salarié. Il conteste le témoignage de M [Z] [X] en indiquant que celui-ci est entré dans l’entreprise après son accident. Il relève que le document unique d’évaluation des risques versé aux débats est postérieur à son accident.

La société soutient que l’assuré n’apporte pas la preuve de la caractérisation de la faute inexcusable ni celle d’une exposition au risque de façon habituelle dans l’entreprise, de la conscience qu’a eu ou qu’aurait dû avoir l’employeur du danger auquel il exposait le salarié et de l’absence de mesures de protection mises en place par l’employeur.

Elle précise qu’elle a bien mis en place des moyens de protection, notamment un cutter avec lame rétractable – mise à disposition confirmée par la fiche entreprise et le document unique d’évaluation des risques. Elle produit une attestation d’un salarié affirmant que tous les matins le gérant de la société organisait une réunion pour informer les salariés des conditions de sécurité et leur remettre un cutter à lame rétractable, ainsi que la facture d’achat de 10 cutters à lame rétractable. Elle affirme également que le poste du salarié ne figurait pas dans la liste des postes à risques dans le DUERP.

Enfin, elle estime que l’accident n’est dû qu’à la faute du salarié qui avait prêté son cutter et a emprunté un cutter à lame non rétractable à une autre personne.

Elle verse aux débats deux photographies de cutter, l’une montrant un cutter avec lame rétractable et l’autre un cutter plus long dont la lame est cassée. Il sera observé que le cutter utilisé lors de l’accident n’est pas déterminé et qu’aucun élément ne permet de considérer que le cutter qui s’est brisé dans l’oeil de M [C] est le cutter à lame rétractable qui aurait dysfonctionné. M. [C] ne dépose comme pièce que la déclaration d’accident du travail.

La date de la facture de l’achat de 10 cutters de sécurité rétractile est antérieure à l’arrivée de M. [C] puisqu’elle date du 16 février 2019. L’attestation de M. [X] dont l’embauche date du 1er avil 2019 ainsi que cela résulte de son contrat de travail et du bulletin de salaire versés aux débats mentionne que l’employeur remettait un cutter à lame rétractable à ses salariés, chaque matin. Celui-ci était donc présent dans l’entreprise lors de l’accident. Son témoignage conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile, est donc recevable et rien ne permet de ne pas le prendre en considération.

M. [C] sur lequel repose la charge de la preuve de la conscience du danger qu’aurait dû avoir son employeur et le défaut de mesure de protection échoue à démontrer la conscience du danger qu’aurait dû avoir son employeur. Il n’établit pas ne pas avoir reçu de cutter à lame rétractable ni que le cutter à lame rétractable a été utilisé lors de l’accident et n’a pas rempli sa fonction protectrice.

Le seul fait que le document unique d’évaluation des risques professionnels soit postérieur à son accident ne suffit pas à démontrer la conscience du danger et l’insuffisance du cutter à lame rétractable pour assurer la protection des salariés de l’entreprise.

Le jugement qui a débouté M. [C] de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de la société [6] sera confirmé.

L’arrêt sera déclaré commun à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 5].

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

REÇOIT l’appel de M. [C] ;

DÉCLARE l’arrêt commun à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 5] ;

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 29 août 2022 en ses dispositions soumises à la cour ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [C] aux dépens.

La greffière Le président


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