La commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport a émis, lors de sa réunion plénière du 20 novembre 2024, un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles », au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2025.
Selon le Rapport de la commission de la culture, les industries culturelles ont su s’adapter pendant une crise pandémique qui se trouve désormais derrière elles et sont maintenant revenues dans une forme de normalité.
Pour autant, la numérisation toujours plus avancée des modes de consommation les pousse, à des degrés divers, à faire évoluer leurs modèles économiques. La pandémie a cependant souligné leur contribution non seulement à la croissance, mais également au bien-être général de la population, peut-être encore plus sensible dans la période actuelle.
À ce titre, les avancées obtenues par le Sénat sur le financement du Centre national de la musique (CNM) dans la loi de finances pour 2024, ou bien la poursuite du soutien au secteur du jeu vidéo, sont autant de facteurs encourageants pour le futur, car ils marquent l’engagement constant des pouvoirs publics.
Sommaire
I. DES INDUSTRIES CULTURELLES EN PROGRESSION EN 2023
A. UN MARCHÉ DES INDUSTRIES CULTURELLES EN PROGRESSION
Entre 2022 et 2023, les industries culturelles ont connu une progression de 6 %, avec un chiffre d’affaires qui s’établit à 15 milliards d’euros.
Cette croissance, plus de six fois supérieure à celle du PIB, illustre une nouvelle fois l’intérêt grandissant des Français pour les oeuvres culturelles dans une période pourtant pleine d’incertitudes.
La progression n’est cependant pas uniforme. Si l’édition, moins touchée en 2022 par la crise pandémique, affiche une croissance modeste de 1,2 %, le cinéma, en phase de rattrapage, progresse de 22 %1(*).
De manière générale, les dépenses en programmes audiovisuels des Français croissent de 7 %, avec une dépense annuelle moyenne par foyer de 384 €.
Sources : bilan annuel du CNC pour l’audiovisuel, SNE pour l’édition
B. UN BUDGET STABLE, AU PRIX DU DÉCALAGE OU DE L’ABANDON D’UN PROJET PRÉSIDENTIEL
Les crédits du programme « Livre et industries culturelles » demeurent stables en euros courants, avec une très légère baisse de 0,4 % dans le projet de loi de finances pour 2025. Ils s’établissent ainsi à 357,9 millions d’euros.
La Bibliothèque nationale de France (BnF), qui représente à elle seule 70 % des crédits du programme, connait cependant une progression de 2 %, soit 4,7 millions d’euros (voir infra).
Compte tenu de cette hausse, la stabilité est obtenue en partie par la légère diminution des crédits consacrés aux autres opérateurs du programme :
– la Bibliothèque publique d’information (BPI), qui perd 1,6 million d’euros dévolus à son relogement, qu’elle devra donc assumer sur son fonds de roulement ;
– le Centre national du livre (CNL), dont les crédits de fonctionnement diminuent de 440 000 euros ;
– le Centre national de la musique (CNM), dont la dotation baisse de 1,3 million d’euros (voir infra).
Quel avenir pour la Maison du dessin de presse ?
Le projet de loi de finances pour 2025 semble acter le report sine die de la Maison du dessin de presse, annoncée par le Président de la République en janvier 2020 et dont l’ouverture était prévue en 2026. Le projet de loi de finances pour 2024 prévoyait en effet l’ouverture de 12,6 millions d’euros de crédits de paiement en 2025 et 2026 pour mener à bien ce projet. Les documents budgétaires ne mentionnent plus dorénavant, de manière laconique, que l’année 2027, sans qu’aucun crédit dédié n’y soit associé. Interrogée sur ce sujet lors de son audition devant la commission le 5 novembre 2024, la ministre a simplement souligné les difficultés du projet, liées aussi bien au financement qu’aux contenus à exposer, avec la question des caricatures.
II. LE CNM A-T-IL TROUVÉ SON RYTHME ?
A. UN ANNIVERSAIRE SOUS TENSION
1. Cinq ans, déjà !
Hasard du calendrier, la commission a entendu le Président du Centre national de la musique (CNM) le 30 octobre 20242(*), soit cinq ans jour pour jour après la promulgation de la loi de 2019 qui l’a créé et lui a fixé des objectifs particulièrement ambitieux.
Le CNM regroupe en son sein plusieurs leviers d’action précédemment assurés par différents acteurs publics et privés. Sa création a mis fin à la forme d’injustice dont souffrait le secteur de la musique qui, à la différence du cinéma avec le CNC ou du livre avec le CNL, ne disposait jusqu’à présent pas d’un organisme dédié où faire converger les débats relatifs à la musique enregistrée et au spectacle.
Les avis sur les projets de lois de finances des années précédentes ont accompagné et analysé le lancement du Centre, ainsi que les incertitudes budgétaires qui ont longtemps plané sur lui.
2. Un budget complexe à établir
La lecture du budget du CNM est particulièrement complexe, en raison des incertitudes qui entourent les prévisions de recettes, d’une part, et de reports de crédits d’un montant particulièrement élevé (37,9 millions d’euros en 2024, soit le quart du budget), d’autre part.
Pour l’essentiel, les ressources pérennes du CNM reposent sur une dotation de l’État et sur des taxes affectées.
Dans le projet de loi de finances pour 2025, la subvention s’inscrit en baisse de 1,3 million d’euros par rapport à 2024 pour s’établir à 25,65 millions d’euros, ce qui constitue la première diminution financière depuis la création du Centre.
Les deux taxes affectées devraient représenter en moyenne dans les années à venir d’après le contrat d’objectifs et de performance (COP) 2024-2028 les deux tiers des ressources du CNM :
– la taxe sur les spectacles de musiques actuelles et de variétés, qui représente 3,5 % du prix du billet ;
– la taxe sur l’écoute en ligne, dite taxe « streaming », qui frappe la consommation de musique par abonnement ou financée par la publicité.
B. DES RESSOURCES FISCALES QUI INTERROGENT
L’évolution du produit de ces deux taxes présentent aujourd’hui un certain degré d’incertitude qui nuit à la trajectoire financière du CNM.
1. La taxe sur les spectacles : quel plafonnement ?
Les fonds collectés par cette taxe sont redistribués aux acteurs de la filière selon une clé de répartition héritée de l’ancien Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) et arrêtée à l’article 45 du Règlement général des aides du CNM :
– 65 % sous la forme de droit de tirage pour contribuer, dans un délai de trois ans, à la production d’un nouveau spectacle, ce qui assure au redevable, sous réserve d’être affilié au CNM, de récupérer 65 % des sommes qu’il a versées au titre de la taxe ;
– 35 % en aides sélectives, destinées au financement des programmes et actions de soutien aux spectacles de chanson, de variétés et de jazz.
Initialement estimée à 32 millions d’euros en 2024, son montant devrait finalement s’avérer très nettement supérieur pour atteindre 50 millions d’euros, ce qui témoigne des excellents résultats du spectacle vivant.
Depuis 2016, le niveau de la taxe est plafonné à 50 millions d’euros, montant alors très éloigné de son rendement. L’article 33 du projet de loi de finances pour 2025 confirme ce niveau.
Le rendement de la taxe pourrait cependant être supérieur au plafond dès 2025. Au-delà de ce seuil, les sommes collectées sont affectées au budget général.
En cas de dépassement, ce mécanisme pose deux questions :
– d’une part, il revient à créer une forme de taxe additionnelle supportée par le seul secteur du spectacle vivant ;
– d’autre part, il pose un problème quant à l’affectation des taxes collectées après le dépassement. En effet, pour les spectacles qui auraient lieu une fois le plafond atteint, il n’y aurait plus de droit de tirage à hauteur de 65 %, puisque le CNM ne recevrait pas les sommes correspondantes, à moins que le Centre ne prélève sur ses autres ressources pour maintenir l’équité.
Dans ce contexte, il pourrait être opportun de réfléchir suivant deux axes :
– du côté du CNM, et comme cela a été exprimé par son Président lors de son audition devant la commission, à un réexamen des aides automatiques, au moins de leur niveau, en modifiant l’article 45 de son Règlement pour privilégier les aides sélectives ;
– du côté des pouvoirs publics, à un rehaussement ou à une suppression du plafond de 50 millions d’euros.
2. La taxe streaming : encore un effort !
Le sujet de la création d’une taxe sur les écoutes en ligne a été porté par la commission de la culture de longue date, lors de l’examen des crédits, mais également par l’intermédiaire de la mission confiée en 2023 à l’ancien rapporteur pour avis Julien Bargeton, qui plaidait pour cette solution. La commission a également consacré au financement du CNM une table ronde le 19 octobre 20223(*), qui avait permis de mesurer les oppositions à cette proposition d’une partie de la profession.
Finalement, à l’initiative du Sénat, qui a adopté un amendement conjoint des commissions de la culture et des finances, l’article 53 de la loi de finances pour 2024 a bien créé la taxe streaming, affectée au CNM.
La commission, qui a soutenu cette initiative, se réjouit donc tout particulièrement de voir ce dispositif ambitieux enfin promulgué.
Sa mise en place pour l’exercice 2024 a cependant posé plusieurs difficultés.
Tout d’abord, et comme il était prévisible, elle a été reçue avec une certaine hostilité par les plateformes de streaming. Spotify en particulier a augmenté au mois de mai le prix de son abonnement pour répercuter le prix de la taxe sur les consommateurs. Le prix a cependant été également augmenté dans d’autres pays qui n’ont pas mis en place de taxation spécifique. La plateforme a également publiquement annoncé des désinvestissements en France.
Ensuite, la circulaire d’application n’a toujours pas été publiée par le ministère des comptes publics, ce qui crée une incertitude sur ses modalités de mise en oeuvre.
Enfin, et au moins en partie en conséquence, le rendement est moindre qu’espéré. Initialement estimée à 18 millions d’euros, puis à 15 millions dans le budget du CNM, elle devrait finalement s’établir à un peu moins de 10 millions d’euros en 2024.
Depuis sa création il y a cinq ans, le CNM a consacré une bonne partie de son temps à créer et conforter les moyens budgétaires nécessaires pour mener les actions de soutien au secteur qui lui sont assignées par la loi. Pour la commission, il serait temps que ces questions soient enfin définitivement résolues en 2025 pour que le Centre puisse consacrer son temps et son énergie à ses missions premières.
III. L’ÉDITION : TOUJOURS PAS D’ACCORD ENTRE AUTEURS ET ÉDITEURS
A. UN SECTEUR DE L’ÉDITION EN PHASE D’ATTERRISSAGE
Le chiffre d’affaires du secteur de l’édition est resté quasiment stable entre 2022 et 2023, avec une progression d’un peu plus de 1 %. La légère baisse des ventes a été compensée par la hausse de 2,6 % du prix du livre.
Si les ventes de la catégorie littérature progressent de 5 % en 2023, on note pour la première fois une baisse significative des ventes de bandes dessinées, en particulier des mangas (- 17 %).
Les années à venir pourraient bénéficier des nouveaux programmes scolaires, ce secteur étant par nature très cyclique et représentant 10 % des ventes.
Évolution du chiffre d’affaires et des ventes de livre
(en millions d’euros et d’exemplaires)
Un contournement de la loi du 30 décembre 2021 par Amazon ?
Disposition phare de l’article 1er la loi du 30 décembre 2021, l’interdiction de la gratuité de livraison pour les livres doit permettre aux librairies de lutter à armes égales contre les plateformes de vente en ligne. Amazon, qui a beaucoup combattu cette mesure, a cependant imaginé en novembre 2024 une forme de contournement. Le texte prévoit en effet la gratuité si l’ouvrage est retiré « dans un commerce de vente au détail de livre », afin de faciliter le « click and collect ». La société américaine a choisi d’interpréter cette facilité de manière très large, en proposant le retrait dans les commerces, notamment les grandes surfaces, qui proposent des livres à la vente. Sans préjuger de la décision qui sera prise dans le cadre d’une démarche contentieuse, cette interprétation ne semble en rien conforme à la volonté du législateur, qui cherchait précisément à protéger les librairies.
Nouveautés publiées
Comme l’ont relevé les précédents rapports pour avis, le marché du livre est marqué depuis plusieurs années par une forme de surproduction, qui nuit à l’accessibilité des oeuvres en limitant leur exposition.
Après un pic en 2019, avec près de 45 000 nouveautés publiées, on observe un mouvement général de repli, avec un peu moins de 37 000 nouveautés en 2023, soit une baisse de 18 % en 5 ans.
B. UNE ÉTUDE QUI MET LE FEU AUX POUDRES
Le rapporteur pour avis avait évoqué dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2024 la complexité des relations entre les auteurs et les éditeurs, largement structurées par les dispositions du code de la propriété intellectuelle (CPI). Ce dernier a déjà été réformé en 2014, puis en 2021 avec la loi du 30 décembre 2021 visant à conforter l’économie du livre et à renforcer l’équité et la confiance entre ses acteurs4(*).
Une nouvelle mission de médiation a depuis lors abouti à l’accord du 20 décembre 2022 entre auteurs et éditeurs, qui doit permettre des avancées en matière de transparence et d’équilibre contractuel.
Cependant, si les progrès ont été notables, ils n’ont pas concerné la question centrale de la rémunération. La ministre de la Culture a donc chargé ses services d’accompagner, durant l’année 2023, le dialogue entre auteurs et éditeurs sur des thématiques pouvant donner lieu à un meilleur encadrement des pratiques de rémunération.
Les difficultés liées à un encadrement de la rémunération des auteurs
La question de la rémunération rassemble plusieurs problématiques, comme la sécurisation et l’encadrement des sommes versées à l’auteur en amont de la publication (minimum garanti), la systématisation de la progressivité des taux de rémunération des auteurs, les modalités de rémunération applicables aux ventes de livres à l’étranger et aux ventes de livres soldés ou encore les prestations supplémentaires confiées aux auteurs en lien avec la production de l’oeuvre ou sa promotion, telles que la rédaction d’une quatrième de couverture ou la présence d’un auteur sur un salon.
Les organisations professionnelles ne sont pas parvenues à s’accorder sur l’ensemble des thématiques débattues.
Certains sujets ont ainsi divisé au sein même des organismes représentants les auteurs, comme le régime des minima garantis. Certains défendent l’idée que les minima garantis doivent être considérés comme la contrepartie d’une prestation commandée par l’éditeur et que les rapports entre auteur et éditeur relèvent successivement de deux cadres contractuels : d’une part celui du contrat de louage d’ouvrage ou de commande et, d’autre part, celui du contrat d’édition.
En février 2024, le Syndicat national des éditeurs (SNE) a rendu publiques les conclusions d’une étude sur le partage de la valeur ajoutée entre auteurs et éditeurs5(*) qui a suscité une forte controverse avec les auteurs. Ces derniers considèrent que l’étude est biaisée, car elle n’aborde pas les gains de la diffusion-distribution, pour l’essentiel détenue par les grands groupes, et ne renseigne pas sur la disparité des conditions de rémunération des auteurs.
Selon l’étude du SNE, les éditeurs et les auteurs se répartissent 49 % de la valeur du livre. Selon l’étude :
– les droits d’auteur représentent 24,8 % de cette fraction ;
– la part des éditeurs s’établit à 17,8 %, dont 12,9 % de frais de structure ;
– le résultat d’exploitation des éditeurs serait de 4,9 % avant impôt.
Les organisations d’auteurs et de détaillants ont donc demandé au ministère de la culture la réalisation d’une nouvelle étude permettant d’éclairer ces aspects du secteur. La ministre y a répondu favorablement lors du Festival du livre de Paris 2024 et les conclusions sont attendues pour 2025.
La commission note que les progrès ont été modestes en 2024, et que de nombreuses incompréhensions subsistent entre les éditeurs et des auteurs eux-mêmes divisés. Il souhaite que 2025 permette d’aboutir enfin sur la question centrale de la rémunération, sur une base objectivée et partagée par tous.
IV. LA DIFFICILE GESTION DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE
A. LE SOUTIEN CONSTANT DU MINISTÈRE DE LA CULTURE À SON PREMIER OPÉRATEUR
En 2025, la dotation de la BnF progresse de 4,74 millions d’euros, pour s’établir à 251,6 millions d’euros pour le fonctionnement et l’investissement. La BnF est le premier opérateur du ministère de la culture, et représente 70 % des crédits du programme.
Comme les rapports pour avis l’indiquent depuis des années, les dépenses de l’établissement sont très dépendantes d’éléments exogènes, comme la hausse des prix de l’énergie ou du point d’indice de la fonction publique. L’État a cependant accompagné la BnF à la fois sur son fonctionnement courant et ses investissements, avec une dotation qui aura progressé de 16 % entre 2021 et 2025.
Une fréquentation record
La BnF a enregistré en 2023 un niveau de fréquentation qui efface le précédent record de 2019, avec 1,5 million de visiteurs sur l’ensemble des sites. Ce succès est particulièrement celui de la salle Ovale du Quadrilatère Richelieu, dont l’accès est gratuit depuis sa réouverture en septembre 2022, et qui attire en moyenne 1 200 visiteurs par jour. Il a été tout particulièrement mis à l’honneur durant la visite d’État du roi Charles III en France en septembre 2023, et durant la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.
Cependant, dans les années à venir, la BnF aura à faire face à un mur d’investissement pour l’entretien de son patrimoine, en particulier du site François Mitterrand, qui représente un ensemble de 200 000 m², dont 54 000 pour les salles de lecture et un hectare de jardin-forêt.
Ainsi, le remplacement du système de sécurité incendie demandé par la Préfecture de police de Paris, pour un coût de 12 millions d’euros, le remplacement des éclairages, pour 10 millions d’euros, celui des 57 ascenseurs pour 10 millions d’euros ou encore le renouvellement des armoires de climatisation, pèsera de manière très significative sur les finances de la BnF au moins jusqu’en 2030.
B. DEUX GRANDS PROJETS POUR LA BNF
Après l’achèvement des travaux du Quadrilatère Richelieu pour un coût total de 247,6 millions d’euros, les deux principaux chantiers de la BnF dans les années à venir sont la construction du centre de stockage d’Amiens et la mise en oeuvre du dépôt légal numérique.
1. Le centre de stockage d’Amiens
Annoncée en novembre 2021, la construction du nouveau centre de stockage situé à Amiens devrait s’échelonner entre 2026 et 2029.
Le coût total du projet a été évalué à 96,2 millions d’euros, qui se répartissent entre les différents partenaires. Les dernières estimations font cependant état d’un surcout prévisible compris entre 10 et 15 % du budget initial.
2. La mise en place du dépôt légal numérique
L’expérimentation du dépôt légal des documents numériques constitue un très important chantier de la BnF. L’article 5 de la loi du 30 décembre 2021 visant à améliorer l’économie du livre et à renforcer l’équité entre ses acteurs instaure le dépôt légal des documents numériques : livres numériques, musique, vidéo, multimédia et sons dématérialisés, et aussi photographies, cartes, plans et partitions numériques.
Quatre ans après l’adoption de la loi, les modalités et les dispositions techniques de ce nouveau dépôt légal ne seront cependant pas fixées au mieux avant le premier semestre 2025. Les travaux techniques préparatoires ont toutefois été engagés afin de concevoir les outils de collecte les plus efficients possible pour assurer cette nouvelle mission.
La gestion de la BnF demeure donc particulièrement complexe, tributaire tout à la fois de charges sur lesquelles l’établissement n’a que peu de maitrise, et maitre d’oeuvre de grands projets qui s’étalent sur plusieurs années. L’engagement de l’État demeure essentiel pour continuer à faire vivre l’héritière de la bibliothèque du Roi, fondée en 1368, ce qui en fait l’une des plus anciennes institutions françaises.
V. LA FIN DE L’EUPHORIE DANS LE JEU VIDÉO ?
A. UN SECTEUR ENCORE DYNAMIQUE EN 2023
En 2023, le marché du jeu vidéo a atteint un niveau historique, avec 6,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires, en progression de 10 % par rapport à 2022. Ces résultats exceptionnels confirment la force du cycle entamé en 2020 avec la période de confinement.
Notes : données du Syndicat des éditeurs de logiciel de loisirs (SELL) tenant compte des ventes de matériels dédiés au jeu
La très forte progression du marché des consoles de jeu est principalement portée par la fin de la pénurie de composants électroniques, qui a créé des goulets d’étranglement dans la production et la disponibilité des consoles de nouvelle génération, en particulier la PS5 de Sony. Les jeux vendus sur console sont désormais très largement dématérialisés, avec 65 % des ventes.
Les ventes sur le marché du PC sont en recul de 8,5 %, essentiellement en raison de la fin d’un cycle d’équipement des ménages, notamment en écrans dédiés. Les ventes de jeux sont en progression, à 98 % en format dématérialisé.
Le marché du jeu sur mobile connait une progression de 5 % en 2023. Il dépasse ainsi son niveau historique de 2020, année où le confinement avait largement bénéficié à cette pratique.
Au-delà des chiffres de ventes, le profil des jeux vendus sur chacun de ces supports est différent. Alors que les joueurs de consoles privilégient très largement les jeux d’action, d’aventure et de sport (avec notamment les simulations de football), les joueurs PC plébiscitent les jeux de rôle et de stratégie. La pratique est sensiblement différente dans l’écosystème mobile, avec des jeux plus rapides et conviviaux, à 99 % gratuits, et qui génèrent des revenus par les achats dans le jeu et la publicité.
Le jeu vidéo est devenu la première industrie culturelle, et une pratique très largement partagée par l’ensemble de la population.
Cette évolution des pratiques culturelles, véritable révolution des loisirs, s’étend sur un large champ, qui va des jeux de stratégie complexe au « casual gaming » pratiqués quelques minutes par jour sur son téléphone, l’un n’excluant pas l’autre.
Chez certains publics, notamment les plus jeunes, l’usage insuffisamment contrôlé du jeu vidéo est cependant susceptible de développer des phénomènes de dépendance, comme le souligne l’association e-enfance6(*), qui met en garde contre le caractère hautement addictif de certains jeux.
La commission estime qu’il est essentiel que le monde du jeu vidéo prenne la pleine mesure de sa nouvelle responsabilité et oeuvre à la mise en place de pratiques plus vertueuses.
B. DES NUAGES QUI S’AMONCELLENT EN 2024
Habitué à battre année après année des records de vente, le secteur du jeu vidéo semble cependant traversé par le doute depuis le début de l’année 2024.
L’atmosphère à la Paris Games Week, qui s’est tenue du 27 au 31 octobre derniers, était ainsi plus pessimiste qu’à l’accoutumée, notamment en raison des déboires du studio français Ubisoft et au-delà, de nombreux studios indépendants.
Si cette situation peut s’expliquer par le traditionnel « milieu de cycle », avec des matériels désormais installés chez les consommateurs, elle révèle également un véritable changement structurel dans l’économie du jeu vidéo.
· Tout d’abord, l’industrie semble se diriger vers une période que l’on ne peut pas encore qualifier de récession, mais a minima de normalisation. Les retards dans les productions durant la période de confinement ont été rattrapés, mais se sont traduits par un nombre de sorties très élevé en 2024, notamment de jeux à très fort budget (« blockbusters ») que le marché n’a pas été en mesure d’absorber malgré sa croissance.
· Ensuite, les coûts de production ont connu une très forte croissance, en raison de l’inflation d’une part, de l’ambition des développeurs d’autre part. Cependant, le jeu vidéo partage avec les industries culturelles la caractéristique d’être très concentré sur quelques titres qui rencontrent un grand succès. Dès lors, plusieurs studios ont enregistré des échecs lourds de conséquences quand des dizaines, voire des centaines de millions d’euros ont été dépensés pour la création et le marketing. Ainsi, entre 10 et 13 000 licenciements ont été constatés dans l’industrie en 2024.
· Enfin, l’industrie du jeu vidéo est entrée dans une phase de concentration, dont a témoigné de manière spectaculaire le rachat par Microsoft de l’éditeur Activision Blizzard pour 75 milliards de dollars, finalisé en octobre 2023, et qui s’est traduit dès janvier par 1 900 emplois supprimés.
L’année 2025 sera marquée par deux événements attendus par la profession : l’arrivée de la nouvelle console Nintendo et la sortie du très attendu nouvel opus de la saga GTA de l’éditeur Rockstar, dont le coût de développement est estimé à deux milliards de dollars7(*).
Source : Sénat