Livraison tardive d’une solution SaaS : qui est responsable ? 

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Livraison tardive d’une solution SaaS : qui est responsable ? 

Critères d’appréciation du retard de livraison

S’il est déterminant de fixer une date de livraison à une solution logicielle de type SaaS, cette date n’est pas déterminante si le projet évolue avec de nouvelles demandes d’évolution logicielle formulées par le Client (demande d’ajout de droits transversaux, changement d’abonnement, abonnement gratuits etc).  

Par ailleurs, pour apprécier la responsabilité du prestataire en présence d’un retard important de livraison, les juridictions prennent en compte la nouveauté d’un outil logiciel qui n’existe pas encore sur le marché et devant être élaboré ‘sur mesure’, à savoir, intégralement personnalisé selon les volontés du client, ce qui exige du temps, de nombreux échanges entre le prestataire et son client, l’implication totale du client dans le projet, des tests, des corrections, des ajustements, etc avant toute mise en production.

A nouvelles demandes, nouveaux délais  

Toute demande de la part du Client, de modifications et d’évolutions du contenu ou des modalités de fonctionnement de la plateforme SaaS ne peut que repousser la date de livraison du produit.

En la cause, il n’était pas démontré que l’absence de livraison du produit était imputable au prestataire.  

Affaire Loadinbox c/ Hegyd

Afin de commercialiser un service de type ‘Software As a service’ (mode SaaS), permettant aux clients de gérer leurs contrats et différents documents via un accès Internet sur une plate-forme informatique, la SAS Loadinbox s’est rapprochée de la société Hegyd spécialisée dans le développement de l’e-business et notamment le développement, la conception, l’hébergement et la maintenance d’outils logiciels SaaS.

Selon cette proposition commerciale, l’outil en mode SaaS à créer devait répondre aux objectifs suivants :

— créer un service à forte valeur ajoutée permettant l’historisation de contrats et de documents,

— proposer un système intelligent permettant de suivre l’évolution de ces contrats,

— créer un espace d’échange entre différents publics et ainsi permettre un dynamisme en temps réel,

— améliorer l’ergonomie et la recherche d’informations avec un outil intuitif, simple et pédagogique afin de les rendre autonomes leur faire gagner du temps,

— améliorer et faciliter la gestion de cet espace côué Loadinbox’

Le projet était découpé en lots et en livrables à la charge de la SARL Hegyd.

La SAS Loadinbox a reproché des retards dans la réalisation du projet à la SARL Hegyd.

Aucun délai n’a été contractuellement fixé entre les Parties. 

Il ressort des divers échanges et comptes-rendus que le planning n’a pas été respecté, la date d’achèvement étant plusieurs fois reportée avant que la société Hegyd annonce, le 11 juin 2015, une mise en production le 24 juin 2015, date qui n’a pas été tenue, ce que la société Loadinbox dénonçait dans ses deux mises en demeure successives du 26 juin 2015 et du 3 août 2015 en soulignant que le retard de livraison était d’un an par rapport à la date indiquée dans la proposition initiale de la société. 

Les mails échangés et les compte-rendus établis par la société Hegyd sur l’évolution du projet, les développements correctifs mis en oeuvre, la liste des ‘tickets’ résolus ou à résoudre encore au cours de l’été 2015 montrent que le produit n’était pas finalisé puisqu’il existait toujours des ‘tickets bloquants’.

Les anomalies suivantes étaient constatées : un dédoublement des fiches contrats, un dédoublement des dossiers en saisie, un non-enregistrement des modifications malgré le fait que le site via un bouton le signale et passe au vert, une impossibilité d’accès.

Il n’était pas établi que la plateforme était opérationnelle dès le 3 juillet 2015, même si cela était présenté comme tel par le prestataire. 

Dépassement de date de livraison dans les projets complexes et sur mesure 

Toutefois, le seul dépassement de la date indicative de livraison, même reportée à plusieurs reprises, ne saurait suffire à caractériser une inexécution par le prestataire de ses obligations.

En effet, il n’était pas démontré que la nécessité de procéder à des développements correctifs au fur et à mesure du développement du produit ait été anormale dans ce type de projet complexe à concevoir, d’autant plus qu’il s’agissait de mettre en oeuvre un outil qui n’existait pas encore sur le marché, devant être élaboré ‘sur mesure’, c’est-à-dire, ainsi que le précise la société Hegyd, intégralement personnalisé selon les volontés du client, ce qui exige du temps, de nombreux échanges entre le prestataire et son client, l’implication totale du client dans le projet, des tests, des corrections, des ajustements, etc avant toute mise en production.

Une responsabilité partagée 

Le seul fait qu’à chaque étape, des éléments nécessaires à la finalisation du projet étaient demandés à la société Loadinbox ne permettait pas d’imputer le retard à l’une ou l’autre des parties dans la mesure où il n’était pas possible de savoir si les informations manquantes caractérisaient une conception insuffisamment aboutie du projet, un manque d’anticipation de la part de la société Hegyd des difficultés auxquelles elle allait être confrontée dans son exécution ou faisaient suite à des demandes d’évolution de la part de la société Loadinbox.

Il est certain que la mise en oeuvre du projet ne dépendait pas seulement de la société Hegyd mais également de la société Loadinbox qui, en vertu du contrat, dès le lancement du projet, une équipe de suivi composée d’un décideur et d’un chargé de projet, laquelle ‘permettra de garantir la bonne conduite du projet, l’adaptation aux besoins métiers et le respect des délais’.

La progression de l’élaboration de la plate-forme dépendait donc aussi de la capacité de la société Loadinbox à définir ses propres attentes. Or, sur ce point, le projet a, dans un premier temps, était confié du côté de la société Loadinbox à des personnes qui n’avaient manifestement pas les compétences voulues, ce qui a contribué au retard du programme.

Le client devait aussi, préalablement, identifier ses besoins et définir les fonctionnalités que le logiciel devait remplir afin que la société Hegyd puisse transcrire ces données en langage informatique pour les implémenter dans le logiciel lorsque cela est techniquement réalisable.

Ce rôle incombant au client apparaissait à travers les nombreux échanges produits aux débats.


COUR D’APPEL D’ANGERS

CHAMBRE A – COMMERCIALE

CC/IM

AFFAIRE N° RG 20/00079 –��N° Portalis DBVP-V-B7E-ET2G

Jugement du 11 Décembre 2019

Tribunal de Commerce d’ANGERS

n° d’inscription au RG de première instance 16/8257

ARRET DU 24 JANVIER 2023

APPELANTE :

SAS LOADINBOX

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Inès RUBINEL, avocat postulant au barreau d’ANGERS, en qualité d’administratrice provisoire de Me Benoît GEORGE, associé de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat au barreau d’ANGERS, et Me Yves BREBAN, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMEES :

S.A.R.L. HEGYD

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Thierry GUYARD de la SELARL 08H08 AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 20160025

SARL MEDARB agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 71200058, et Me Bertrand JARDEL, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 08 Novembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre, qui a été préalablement entendue en son rapport et M. BENMIMOUNE, conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

Mme PARINGAUX, conseillère

M. BENMIMOUNE, conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 24 janvier 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société (SAS) Loadinbox, immatriculée le 7 octobre 2013, a pour activités, entres autres, d’édition de logiciels applicatifs, de gestion des contrats et d’aide à la direction des affaires d’entreprises.

Les associés fondateurs de la SAS Loadinbox étaient : la société civile ES 61 (gérée par M. [Y] [M]) à hauteur de 45% du capital, la société civile Zazen (gérée par M. [P] [H]) à hauteur de 45% du capital, et la SARL Medarb (gérée par M. [X]) à hauteur de 10% du capital.

Jusqu’au 11 mars 2015, selon ses statuts constitutifs, la SARL Medarb, représentée par son gérant M. [X], était présidente de la SAS Loadinbox.

La société Medarb a été créée le 18 juillet 2013 par M. [Z] [X]. Elle a pour objet social la recherche, le développement interdisciplinaire, principalement en sciences humaines, sociales, étude économique, financière et technique des projets, et toutes prestations de services non réglementées. Elle a facturé mensuellement à la SAS Loadinbox des prestations, que la SAS Loadinboxindique avoir acquittées pour une somme de 227.300,66 euros TTC.

Afin de commercialiser un service de type ‘Software As a service’ (mode SaaS), permettant aux clients de gérer leurs contrats et différents documents via un accès Internet sur une plate-forme informatique, la SAS Loadinbox s’est rapprochée de la société Hegyd spécialisée dans le développement de l’e-business et notamment le développement, la conception, l’hébergement et la maintenance d’outils logiciels SaaS.

Le 24 janvier 2014, la SAS Loadinbox, sous la signature de M. [Z] [X], en qualité de président, a accepté une proposition commerciale de la SARL Hegyd, accompagnée d’un document intitulé ‘contrat de conception, de réalisation, d’installation, d’hébergement, de maintenance et de référencement d’un site Internet’.

Cette proposition commerciale prévoyait diverses prestations de conception (dont les spécifications fonctionnelles détaillées), de réalisation (d’un front office et outil d’administration), l’intégration, les tests de la solution et la recette, pour un montant total de 84.400 euros H (101.280 euros TTC), outre des options, dont la mise en place de l’hébergement et la maintenance en conditions opérationnelles.

Selon cette proposition commerciale, l’outil en mode SaaS à créer devait répondre aux objectifs suivants :

‘- créer un service à forte valeur ajoutée permettant l’historisation de contrats et de documents,

— proposer un système intelligent permettant de suivre l’évolution de ces contrats,

— créer un espace d’échange entre différents publics et ainsi permettre un dynamisme en temps réel,

— améliorer l’ergonomie et la recherche d’informations avec un outil intuitif, simple et pédagogique afin de les rendre autonomes leur faire gagner du temps,

— améliorer et faciliter la gestion de cet espace côué Loadinbox’

Le projet était découpé en lots et en livrables à la charge de la SARL Hegyd.

La SAS Loadinbox a reproché des retards dans la réalisation du projet à la SARL Hegyd.

Suivant procès-verbal d’assemblée générale ordinaire du 11 mars 2015 et jusqu’au 1er août 2016, M. [Y] [M] a été nommé en tant que président de la SAS Loadinbox.

Par lettre du 26 juin 2015, la SAS Loadinbox a mis en demeure la SARL Hegyd de tenir ses engagements dans un délai de 8 jours, invoquant un retard sur le planning initial de ses prestations.

Par lettre réponse du 2 juillet 2015, la SARL Hegyd a observé que la SAS Loadinbox n’avait pas réglé trois de ses factures des 31 juillet 2014, 30 août 2014 et 30 septembre 2014, pour des montants respectifs de 8.056,80 euros TTC, 4.028,40 euros TTC et 4.028,40 euros TTC, soit un montant total de 16.113,60 euros TTC.

Pour sa part, la SARL Medarb s’est plainte du refus de la SAS Loadinbox de régler ses factures d’août et septembre 2015.

Selon acte du 31 août 2015, la SARL Medarb a cédé sa participation au capital de la SAS Loadinbox aux autres associés, les sociétés civiles Zazen et ES 61, pour un prix de 7.500 euros.

Par chèque du 24 septembre 2015, la SAS Loadinbox a réglé à la SARL Hegyd une somme de 16.253,60 euros (soit 16.113,60 euros TTC outre un acompte de 140 euros TTC), portant à 105 621,60 euros TTC le total des sommes payées par elle.

Par mail du 30 septembre 2015 adressé à MM. [M] et [H], M. [X] a reproché à ces derniers de lui avoir imposé, sans préavis, une modification unilatérale des conditions contractuelles dont ils étaient convenus en juillet 2013 ainsi que la cession de sa participation dans la SAS Loadinbox. Retraçant l’historique de ses prestations, il a estimé qu’il était impossible de poursuivre leur collaboration sans le complet règlement de ses prestations d’août et de septembre, dont il a joint les factures, assorti d’un minimum de garantie en terme d’activité et de fonctionnement. Il a précisé que si MM. [M] et [H] voulaient mettre fin à leurs relations, il leur appartenait de lui présenter une proposition d’indemnisation.

La SARL Medarb s’est prévalue de ce que la SAS Loadinbox avait mis fin à la relation commerciale qu’elles entretenaient, fin septembre 2015.

Le 11 décembre 2015, M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris afin de voir requalifier sa relation contractuelle avec Inlex/Loadinbox en contrat de travail.

M. [X] a soutenu, dans le cadre de la procédure devant le conseil des prud’hommes de Paris ayant donné lieu à un jugement du 29 mars 2017, puis à un arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 novembre 2017, qu’en dépit de la rupture apparente de son contrat de travail, les relations de travail se sont poursuivies exactement dans les mêmes conditions de fait et qu’il a continué de travailler dans un lien de subordination à l’égard de MM. [M] et [H] ; que ces derniers, à compter de novembre 2014, l’ont progressivement mis à l’écart et qu’il n’a pas eu d’autre choix de prendre acte de la rupture de la relation contractuelle en septembre 2015 puis de saisir le 11 décembre 2015 le conseil de prud’hommes de Paris, les intimées soulevant alors une exception d’incompétence de cette juridiction au profit du tribunal de commerce de Paris.

Un procès-verbal de constat d’huissier mandaté par la SAS Loadinbox pour procéder à des constatations sur le bon fonctionnement de la plateforme et à toutes constatations afin de préserver les droits, moyens et actions de la SAS Loadinbox, a été dressé le 15 décembre 2015.

A la suite du constat, la SAS Loadinbox, représentée par son président M. [M], a finalement décidé de faire appel à une société tierce pour faire réaliser un audit technique puis reprendre la suite du projet que menait la SARL Hegyd.

Par mail du 15 décembre 2015, M. [M] a indiqué à la SARL Hegyd qu’il réfléchissait à la direction à prendre mais lui demandait en l’état de ne plus effectuer de modification sur la solution.

Selon facture du 21 décembre 2015, la SARL Hegyd a sollicité de la SAS Loadinboxqu’elle lui paie pour solder amiablement leurs comptes, un avoir de 528 euros TTC pour les développements des nouvelles fonctionnalités qu’elle lui avait demandées, et une somme de 5.500 euros TTC pour les développements réalisés et livrés lors du rendez-vous en présence de l’huissier.

Par lettre du 13 janvier 2016, la SAS Loadinbox a demandé à la SARL Hegyd de lui verser une indemnité transactionnelle de 70.000 euros correspondant prétendument au trop payé par rapport aux prestations reçues.

Selon procès-verbal du 11 mai 2016, l’assemblée générale de la SAS Loadinbox a donné quitus à l’ancien président et au nouveau président pour l’exercice écoulé.

Par actes d’huissier du 7 juin 2016, la SAS Loadinbox a fait assigner la SARL Medarb et la SARL Hegyd devant le tribunal de commerce d’Angers.

Par jugement du 6 septembre 2017, le tribunal de commerce d’Angers a prononcé un sursis à statuer dans l’attente de la décision définitive des juridictions sociales dans l’affaire opposant M. [X] aux sociétés Loadinbox et Inlex.

Par arrêt du 16 novembre 2017, sur l’appel du jugement du conseil des prud’hommes de Paris du 29 mars 2017, la cour d’appel de Paris a rejeté le contredit formé par M. [X] et a déclaré le conseil de prud’hommes de Paris incompétent au profit de la juridiction commerciale de Paris. Elle a retenu que la preuve de la réalité du lien de subordination alléguée n’est pas rapportée, et a confirmé que les parties n’étaient pas liées par un contrat de travail.

Le pourvoi en cassation déposé par M. [X] le 16 janvier 2018 à l’encontre de cet arrêt a fait l’objet d’une ordonnance de déchéance du 19 juillet 2018.

En l’état de ses dernières écritures devant le tribunal de commerce d’Angers, la SAS Loadinbox a demandé à la juridiction saisie de, sur le fondement de l’article 1134 du code civil et au vu des dispositions contractuelles :

— la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions,

y faisant droit,

— déclarer non fondées les sociétés Hegyd et Medarb en toutes leurs demandes, fins et prétentions et les en débouter,

— sur les demandes reconventionnelles de la société Medarb, débouter la société Medarb de sa demande de paiement de ses factures et de sa demande d’indemnisation fondée sur la prétendue rupture des relations, et sur cette dernière demande, à titre subsidiaire, se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Rennes,

en conséquence,

— lui donner acte de sa reprise d’instance,

— condamner la SARL Hegyd à lui payer la somme en principal de 88.018 euros HT, outre les intérêts légaux capitalisés à compter du 15 décembre 2015, date du procès-verbal contradictoire, à titre de dommages et intérêts au regard de ses manquements contractuels et ce compte tenu des sommes payées,

— condamner la SARL Medarb à lui payer la somme en principal de 189.417,22 euros HT, outre les intérêts légaux capitalisés à compter du 15 décembre 2015, date du procès-verbal contradictoire, à titre de dommages et intérêts au regard de ses manquements contractuels et ce compte tenu des sommes payées,

— condamner in solidum les sociétés Hegyd et Medarb à lui payer la somme de 105.400 euros HT au regard des sommes qu’elle a payées pour la reprise du projet, des dépenses de communication, des préjudices financiers et d’atteinte à l’image de la marque,

— condamner in solidum les mêmes à lui payer la somme de 300.000 euros au regard des préjudices financiers subis du fait de la non-exploitation du site et de la perte de revenus récurrents en résultant et l’atteinte à l’image de sa marque,

— ordonner à titre de complément de dommages et intérêts la publication du jugement à intervenir à son profit et dire que cette publication sera réalisée dans 3 revues ou journaux de son choix sans que le coût des publications ne puisse excéder la somme de 50.000 euros et condamner in solidum les sociétés Hegyd et Medarb au paiement de cette somme entre les mains de Monsieur le bâtonnier d’Angers et dire que cette somme devra être consignée 8 jours au plus tard après la date du prononcé du jugement à intervenir, sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard à compter dudit prononcé,

— l’autoriser, à compter du jour du prononcé du jugement à intervenir, à publier sur son site de communication au public en ligne et sans limitation de durée, le jugement à intervenir dans son intégralité ou par extraits,

— condamner in solidum les sociétés Hegyd et Medarb à lui payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— prononcer également la condamnation in solidum des sociétés Hegyd et Medarb aux entiers dépens,

— ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant toutes voies de recours, et ce sans constitution de garantie.

En défense, la SARL Hegyd a sollicité du tribunal qu’au visa des articles 1134, 1147 et 1382 du code civil dans leur version en vigueur jusqu’au 1er octobre 2016, il prenne acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice quant à l’incident de compétence soulevé par la SAS Loadinbox, déboute la demanderesse de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions. A titre reconventionnel, elle a entendu voir dire recevables et bien fondées ses demandes et condamner la SAS Loadinbox à lui payer la somme de 4.972 euros en paiement de la facture du 21 décembre 2015 déduction faite de l’avoir du même jour, ainsi que la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts, constater que l’action de la demanderesse procède d’un abus de procédure au sens de l’article 1382 du code civil, la condamner dès lors à lui payer une somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts. Elle a sollicité du tribunal qu’il ordonne l’exécution provisoire des condamnations prononcées contre la demanderesse, et qu’il la condamne à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l’instance.

De son côté, la SARL Medarb a conclu, sur le fondement des articles 1134 du code civil, 122 et suivants du code de procédure civile, L. 442-6 du code de commerce et L. 422-12 du code de la propriété intellectuelle, à titre liminaire, à ce que le tribunal dise que le statut de président de la société Loadinbox par M. [Y] [M], au jour de la délivrance de l’assignation, viole les dispositions d’ordre public réglementant son titre de conseil en propriété industrielle et le prive du droit de représenter la société Loadinbox dans son action en justice à son encontre, et déclare en conséquence l’assignation délivrée à son encontre irrecevable. Sur le fond, elle a demandé au tribunal de débouter la demanderesse de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions, de la condamner à lui régler la somme de 17.640 euros TTC au titre de factures impayées, outre les intérêts de retard au taux de trois fois l’intérêt légal à compter de leur date déchéance et 40 euros par facture impayée au titre des frais de recouvrement, outre la somme de 90.000 euros d’indemnité au titre de la rupture brutale des relations commerciales dont elle a été victime, et une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; le tout avec exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant toute voie de recours.

Par jugement du 11 décembre 2019, le tribunal de commerce d’Angers a :

— jugé recevable l’action de la SAS Loadinbox dans la présente affaire,

— prononcé son incompétence sur les faits de rupture brutale de la relation commerciale et renvoyé l’affaire au tribunal de commerce de Rennes pour ce qui concerne l’intégralité de la demande reconventionnelle de la SARL Medarb, à savoir : l’indemnité pour la rupture brutale des relations commerciales, mais également le paiement de deux factures d’août et septembre 2015 pour un montant total de 17.640 euros TTC, outre les intérêts de retard et frais de recouvrement,

— dit que, faute pour les parties de présenter une déclaration d’appel dans le délai de 15 jours à compter de la notification du présent jugement conformément aux dispositions de l’article 83 du code de procédure civile, le dossier de l’affaire sera renvoyé devant la juridiction désignée et fera l’objet d’une transmission par le greffe, avec copie de la décision de renvoi en application de la règle de l’article 82 du code de procédure civile,

— dit à Monsieur le greffier du tribunal de commerce d’Angers de procéder à la notification du présent jugement aux parties, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, conformément aux dispositions de l’article 84 du code de procédure civile, et le cas échéant, par lettre simple à leurs représentants,

— rappelé que la présente instance est suspendue jusqu’à l’expiration du délai pour former appel et, en cas d’appel, jusqu’à ce que la cour d’appel ait rendu sa décision en conformité avec les règles de l’article 80 du code de procédure civile,

— dit qu’aucun manquement contractuel ne peut être retenu à l’encontre de la société Medarb et débouté la SAS Loadinbox de ses demandes de condamnation à l’encontre de la société Medarb au titre de manquements contractuels,

— débouté la société Loadinbox de sa demande de condamnation de la société Hegyd au regard de ses manquements contractuels,

— débouté la société Loadinbox de sa demande de condamnation in solidum des sociétés Hegyd et Medarb à lui payer la somme de 105.400 euros HT au regard des sommes qu’elle a payées pour la reprise du projet, les dépenses de communication, des préjudices financiers et de son atteinte à l’image de marque,

— débouté la société Loadinbox de sa demande de condamnation in solidum des sociétés Hegyd et Medarb à lui payer la somme de 300.000 euros au regard des préjudices financiers subis du fait de la non-exploitation du site et de la perte de revenus récurrents en résultant et l’atteinte à l’image de marque de la société Loadinbox,

— n’a pas ordonné la publication du jugement à intervenir et dit ne pas avoir lieu à condamner in solidum les sociétés Hegyd et Medarb au paiement des frais de publication,

— autorisé la société Loadinbox à publier sur son site de communication en ligne, et sans limitation de durée, le jugement à intervenir, dans son intégralité et non sous forme d’extraits, à compter du jour du prononcé du jugement,

— condamné la société Loadinbox à payer à la société Hegyd la somme de 4.972 euros TTC au titre de la facture n°FC 2542 compensée par l’avoir n°FC 2541 du 21 décembre 2015,

— débouté la société Hegyd de sa demande reconventionnelle de condamnation de la société Loadinbox à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts,

— jugé que la société Loadinbox n’a pas fait acte d’abus de procédure au sens de l’article 1382 du code civil et a débouté la société Hegyd de sa demande de dommages-intérêts formulée à ce titre,

— dit qu’il n’y a pas lieu d’appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile entre la société Loadinbox et la société Medarb,

— condamné la société Loadinbox à payer la somme de 5.000 euros à la société Hegyd au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit ne pas y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,

— condamné la société Loadinbox aux dépens.

Pour statuer ainsi sur la demande de la société Loadinbox contre la société Hegyd, le tribunal a retenu que :

‘ les travaux se sont déroulés sans incident majeur début 2014 puis ont pris du retard sur la fin de l’année 2014, mais que la société Hegyd attendait des éléments qui étaient bloquants pour la réalisation ;

‘ le produit était pratiquement au stade de la mise en service en juillet 2015 ;

‘ les relations entre la société Loadinbox et la société Hegud se sont crispées en milieu d’année 2015 et la société Loadinbox a mis en demeure son prestataire d’assurer ses engagements puis elles se sont normalisées en septembre 2015 et des évolutions ont été commandées à la société Hegyd ;

‘ alors que la réalisation du projet a continué sur le 2ème semestre 2015, y compris la réalisation d’évolutions, un constat dénué de force probante a été dressé par un huissier en décembre 2015 ;

‘ aucune expertise judiciaire n’a été sollicitée par les parties, de sorte que le tribunal ne pouvait mesurer la gravité des quelques anomalies qui ont été répertoriées, ni la conformité du produit par rapport à ses spécifications ;

‘ il n’est pas établi que la société Hegyd ait été défaillante dans ses prestations.

Par déclaration du 16 janvier 2020, la SAS Loadinbox a interjeté appel de ce jugement, en ce qu’il dit qu’aucun manquement contractuel ne peut être retenu à l’encontre de la société Medarb et l’a déboutée de ses demandes de condamnation à l’encontre de la société Medarb au titre de manquements contractuels, l’a déboutée de sa demande de condamnation de la société Hegyd au regard de ses manquements contractuels, l’a déboutée de sa demande de condamnation in solidum des sociétés Hegyd et Medarb à lui payer la somme de 105.400 euros HT au regard des sommes qu’elle a payées pour la reprise du projet, les dépenses de communication, des préjudices financiers et de son atteinte à l’image de marque, l’a déboutée de sa demande de condamnation in solidum des sociétés Hegyd et Medarb à lui payer la somme de 300.000 euros au regard des préjudices financiers subis du fait de la non-exploitation du site et de la perte de revenus récurrents en résultant et l’atteinte à l’image de sa marque, n’a pas ordonné la publication du jugement à intervenir et dit ne pas avoir lieu à condamner in solidum les sociétés Hegyd et Medarb au paiement des frais de publication, l’a condamnée à payer à la société Hegyd la somme de 4.972 euros TTC au titre de la facture n°FC 2542 compensée par l’avoir n°FC 2541 du 21 décembre 2015, dit qu’il n’y a pas lieu d’appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile entre elle et la société Medarb, l’a condamnée à payer la somme de 5.000 euros à la société Hegyd au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ; intimant la SARL Hegyd et la SARL Medarb.

Un appel incident a été formé par la SARL Medarb.

La SARL Hegyd a régularisé un appel incident.

Suivant avis aux parties du 5 mars 2021, le conseiller de la mise en état les a invitées à s’interroger sur l’opportunité d’une médiation judiciaire pour trouver une solution à l’affaire.

Une partie s’est opposée à la mise en oeuvre d’une telle mesure le 12 mai 2021.

Les parties ont toutes conclu.

Une ordonnance du 10 octobre 2022 a clôturé l’instruction de l’affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La SAS Loadinbox demande à la cour de :

— la déclarer recevable et bien fondée en son appel et en toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions,

y faisant droit,

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :

* dit qu’aucun manquement contractuel ne peut être retenu à l’encontre de la société Medarb et la déboute de ses demandes de condamnation à l’encontre de la société Medarb au titre de manquements contractuels,

* la déboute de sa demande de condamnation de la société Hegyd au regard de ses manquements contractuels,

* la déboute de sa demande de condamnation in solidum des sociétés Hegyd et Medarb à lui payer la somme de 105.400 euros HT au regard des sommes qu’elle a payées pour la reprise du projet, les dépenses de communication, des préjudices financiers et de son atteinte à l’image de marque,

* la déboute de sa demande de condamnation in solidum des sociétés Hegyd et Medarb à lui payer la somme de 300.000 euros au regard des préjudices financiers subis du fait de la non-exploitation du site et de la perte de revenus récurrents en résultant et l’atteinte à l’image de sa marque,

* n’ordonne pas la publication du jugement à intervenir et dit ne pas avoir lieu à condamner in solidum des sociétés Hegyd et Medarb au paiement des frais de publication,

* la condamne à payer à la société Hegyd la somme de 4.972 euros TTC au titre de la facture n°FC 2542 compensée par l’avoir n°FC 2541 du 21 décembre 2015,

* dit qu’il n’y a pas lieu d’appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile entre elle et la société Medarb,

* la condamne à payer la somme de 5.000 euros à la société Hegyd au titre de l’article 700 du code de procédure civile

* la condamne aux dépens,

— déclarer non fondées les sociétés Hegyd et Medarb en toutes leurs demandes, fins et prétentions,

— débouter les sociétés Medarb et Hegyd de toutes leurs demandes et de leurs appels incidents et notamment pour la société Medarb de ses demandes au titre de l’irrecevabilité de l’assignation et du renvoi devant le tribunal de commerce de Rennes, et pour la société Hegyd, de ses demandes outre de sa demande de condamnation à son encontre au regard de son appel incident,

en conséquence,

— confirmer le jugement entrepris sur la reprise d’instance et la recevabilité de son action,

— infirmer le jugement pour le surplus et par voie de conséquence eu égard aux manquements contractuels des sociétés Medarb et Hegyd,

— condamner la SARL Hegyd à lui payer la somme en principal de 88.018 euros HT, outre les intérêts légaux capitalisés à compter du 15 décembre 2015, date du procès-verbal contradictoire, à titre de dommages et intérêts au regard de ses manquements contractuels et ce compte tenu des sommes payées,

— condamner la SARL Medarb à lui payer la somme en principal de 189.417,22 euros HT, outre les intérêts légaux capitalisés à compter du 15 décembre 2015, date du procès-verbal contradictoire, à titre de dommages et intérêts au regard de ses manquements contractuels et ce compte tenu des sommes payées,

— condamner in solidum les sociétés Hegyd et Medarb à lui payer la somme de 105.400 euros HT au regard des sommes qu’elle a payée pour la reprise du projet, des dépenses de communication, des préjudices financiers et d’atteinte à l’image de la marque,

— condamner in solidum les mêmes à lui payer la somme de 300.000 euros au regard des préjudices financiers subis du fait de la non-exploitation du site et de la perte de revenus récurrents en résultant et l’atteinte à l’image de sa marque,

— ordonner à titre de complément de dommages et intérêts la publication de l’arrêt à intervenir à son profit et dire que cette publication sera réalisée dans 3 revues ou journaux de son choix sans que le coût des publications ne puisse excéder la somme de 50.000 euros et condamner in solidum les sociétés Hegyd et Medarb au paiement de cette somme entre les mains de Monsieur le bâtonnier d’Angers et dire que cette somme devra être consignée 8 jours au plus tard après la date du prononcé du jugement à intervenir, sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard à compter dudit prononcé,

— l’autoriser, à compter du jour du prononcé du jugement à intervenir, à publier, sur son site de communication au public en ligne et sans limitation de durée, le jugement à intervenir dans son intégralité ou par extraits,

— infirmer le jugement en ce qu’il a fait droit au paiement de la somme de 4.972 euros au titre du solde de facture et ce compte tenu des manquements de la société Hegyd et en ce qu’il a fait droit à la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et débouter la société Hegyd de ses demandes sur ces fondements,

— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Hegyd de ses demandes de dommages et intérêts et d’abus de procédure,

— condamner in solidum les sociétés Hegyd et Medarb à lui payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.

La SARL Medarb prie la cour de :

— la recevoir en son appel incident, ainsi qu’en ses demandes, fins et conclusions déclarés fondés,

— y faisant droit, infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* dit que l’assignation délivrée par la société Loadinbox, représentée par M. [Y] [M] était recevable,

* renvoyé l’affaire devant le tribunal de commerce de Rennes concernant l’intégralité de sa demande reconventionnelle, en ce compris la demande de règlement de factures impayées par Loadinbox,

statuant à nouveau,

à titre liminaire,

— déclarer l’assignation délivrée à son encontre irrecevable,

sur le fond,

— débouter la société Loadinbox de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

— condamner la société Loadinbox à lui régler la somme de 17.640 euros TTC au titre des factures impayées, outre les intérêts de retard au taux de trois fois l’intérêt légal à compter de leur date d’échéance et 40 euros par facture impayée au titre des frais de recouvrement,

— condamner la société Loadinbox à lui régler la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

— pour le surplus, constater que l’appel incident de la société Hegyd n’est pas dirigé contre elle.

La SARL Hegyd prie la cour de :

— dire et juger la société Loadinbox mal fondée en son appel principal,

— en conséquence, l’en débouter, ainsi que de toutes demandes, fins et conclusions,

— confirmer dès lors le jugement entrepris en ce qu’il :

* dit qu’aucun manquement contractuel ne peut être retenu à l’encontre de la société Medarb et débouté la SAS Loadinbox de ses demandes de condamnation à l’encontre de la société Medarb au titre de manquements contractuels,

* déboute la société Loadinbox de sa demande de condamnation à son encontre au regard de ses manquements contractuels,

* déboute la société Loadinbox de sa demande de condamnation in solidum d’elle-même et de la société Medarb à lui payer la somme de 105.400 euros HT au regard des sommes qu’elle a payées pour la reprise du projet, les dépenses de communication, des préjudices financiers et de son atteinte à l’image de marque,

* déboute la société Loadinbox de sa demande de condamnation in solidum d’elle-même et de la société Medarb à lui payer la somme de 300.000 euros au regard des préjudices financiers subis du fait de la non-exploitation du site et de la perte de revenus récurrents en résultant et l’atteinte à l’image de marque de la société Loadinbox,

* n’ordonne pas la publication du jugement à intervenir et dit ne pas avoir lieu à condamner in solidum elle-même et la société Medarb au paiement des frais de publication,

* condamne la société Loadinbox à lui payer la somme de 4.972 euros TTC au titre de la facture n°FC 2542 compensée par l’avoir n°FC 2541 du 21 décembre 2015,

* dit qu’il n’y a pas lieu d’appliquer les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile entre la société Loadinbox et la société Medarb,

* condamne la société Loadinbox à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamne la société Loadinbox aux dépens,

— la dire et juger recevable et bien fondée en son appel incident,

y faisant droit et infirmant,

— condamner la société Loadinbox à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts,

— constater que l’action de la société Loadinbox procède d’un abus de procédure au sens de l’article 1382 du code civil,

— la condamner dès lors à lui payer une somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts,

— condamner en outre la société Loadinbox à lui payer une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les entiers dépens d’appel, dont le recouvrement sera poursuivi par la SELAS Guyard-Nasri, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

— le 12 février 2021 pour la SAS Loadinbox,

— le 19 février 2021 pour la SARL Medarb,

— le 19 novembre 2020 pour la SARL Hegyd.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’action de la société Loadinbox

La société Medarb soulève l’irrecevabilité de l’action de la société Loadinbox pour avoir été engagée par M. [M] qui, tout en exerçant la profession de conseil en propriété industrielle, avait, alors, la qualité de président de la SAS Loadinbox, ce qui, selon elle, n’est pas autorisé par les dispositions de l’article L 422-12, 2° du code de propriété Intellectuelle selon lesquelles la profession de conseil en propriété industrielle est incompatible avec la qualité de président ou dirigeant d’une société par actions simplifiée, à moins que cette société n’ait pour objet l’exercice de la profession de conseil en propriété industrielle ou d’une profession prévue au titre IV bis de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 précitée ou la gestion d’intérêts professionnels connexes ou d’intérêts familiaux. Elle soutient qu’il s’agit là d’une fin de non-recevoir.

Elle ajoute que le droit d’agir en justice s’apprécie au moment de l’introduction de l’action.

La société Loadinbox invoque, en premier lieu, les dernières dispositions du texte précité qui prévoient une dérogation à l’incompatibilité lorsque la société a pour objet la gestion d’intérêts professionnels connexes ou d’intérêts familiaux en prétendant que tel était le cas de la société Loadinbox.

En second lieu, elle fait valoir la régularisation de la fin de non-recevoir en indiquant que l’action a été poursuivie par la nouvelle présidente de la société Loadinbox après la démission de M. [M], le 1er août 2016.

L’incompatibilité de M. [M], à la supposer avérée, ne constituerait qu’un défaut de pouvoir pour représenter la société Loadinbox et non un défaut de qualité de celle-ci à agir.

Le défaut de pouvoir d’une personne à représenter la personne morale au nom de laquelle l’action est menée constitue une nullité de fond qui est régularisable avant que le juge statue en vertu des dispositions de l’article 121 du code de procédure civile.

Dans le cas présent, la société Loadinbox a changé de président et, depuis lors, a maintenu la procédure qui avait été engagée par M. [M] en son nom, de sorte que toute éventuelle irrégularité à ce titre avait été régularisée et l’action était recevable au jour où le tribunal a statué, ce qu’il a exactement retenu. Par suite, il est sans intérêt pour l’issue du litige de statuer sur le point de savoir si tel était le cas lors de l’introduction de l’instance.

Sur les demandes de la société Loadinbox dirigées contre la société Hegyd :

La société Loadinbox reproche à la société Hegyd, professionnelle et spécialisée dans le domaine du projet dont elle était chargée, l’inexécution par elle de ses obligations contractuelles en ayant été incapable de respecter les délais qu’elle s’était elle-même fixés et ainsi pris un retard considérable de presque deux ans pour finalement échouer à fournir un outil répondant aux objectifs poursuivis et exempt d’anomalies permettant son exploitation. Elle fait valoir que cet échec est établi par un procès-verbal de constat dressé en décembre 2015 par un huissier de justice et par un audit technique réalisé par une société tierce.

La société Hegyd impute à la société Loadinbox la responsabilité des retards successifs dans la livraison du produit et prétend que la plate-forme était opérationnelle lorsque la société Loadinbox a rompu leurs relations. Elle fait notamment valoir que c’est en raison de l’incapacité de la société Loadinbox à mener et finaliser le projet, de son choix de faire évoluer le produit plutôt que de le commercialiser en l’état, du retard qu’elle a mis pour valider les différentes options, que l’outil n’a pas pu être exploité. Elle écarte toute carence de sa part dans le traitement des anomalies constatées au fur et à mesure de l’évolution du programme.

Sur ce,

La plate-forme digitale à créer devait faciliter la gestion des contrats et, notamment, permettre aux utilisateurs de gérer, en fonction du contenu des contrats et de leur date de signature ou d’entrée en vigueur, les dates de renouvellement, de reconduction ou encore de préavis permettant en toute sécurité juridique de mettre fin à une relation contractuelle. La société Loadinboxprécise qu’il s’agissait d’un service novateur devant intégrer des mises en relation avec des experts dans les domaines concernés.

La proposition commerciale qui avait été acceptée ne faisant qu’en définir les contours, le produit que devait créer la société Hegyd requerrait la contribution de la société Loadinbox pour en préciser les détails et valider les différentes options.

Il fallait, en particulier, définir la gestion des droits des utilisateurs permettant, selon la qualification de ces derniers, de distinguer leurs droits dans la gestion des contrats insérés dans le service et la plate-forme.

Aucun délai n’a été contractuellement fixé.

La société Hegyd a néanmoins établi régulièrement des calendriers que la société Loadinbox lui reproche de ne jamais avoir tenus, sans l’avoir informée d’éventuelles difficultés techniques ou de compréhension qui auraient pu engendrer une dérive du projet.

Il ressort des pièces du dossier que, le 6 juin 2014, la société Hegyp a établi, à la demande de la société Loadinbox, un rétro-planning complet faisant apparaître que le lot n° 0 avait été achevé comme prévu le 2 avril 2014, que le lot n° 1 avait été achevé le 28 avril 2014 avec quatre jours de retard par rapport au planning, que le lot n° 2 devait être achevé le 9 juin 2014, qu’après cette phase, serait fournie, après une première série de tests, un accès à la recette et la société Loadinbox pourrait alors recetter les trois premiers lots pendant que le lot n°3, dont l’achèvement était prévu le 4 juillet 2014, serait suivi d’un testing de validation le 21 juillet 2014, ce qui devait rattraper le retard pris.

Il sera noté que dans un mail précédant du 25 avril 2014, la société Hegyd a fait un point détaillé sur les questions qui restaient en suspens et sur lesquelles elle demandait à la société Loadinbox de se positionner et que, dans son mail du 6 juin 2014, la société Hegyd donne la liste des éléments qui lui étaient nécessaires pour finaliser le projet, notamment la validation et le retour des spécifications fonctionnelles avant le 18 juin, ce qui ne sera fait que le 7 juillet 2014.

Il ressort des divers échanges et comptes-rendus que, le 2 septembre 2014, la société Hegyd avait débuté la phase de recette développement et recette client, la validation étant prévue le 15 septembre 2014, que, le 16 octobre 2014, le développement des rôles et droits était en cours et que la date de livraison des corrections et anomalies était estimée au 10 novembre 2014. Ce compte-rendu du 16 octobre 2014 fait mention de ce qu’un chiffrage a été fait sur l’ensemble des demandes d’évolutions et qu’il serait communiqué à Loadinbox.

Le compte-rendu de la réunion de travail du 11 juin 2015 fait par la société Hegydmontre qu’il existait encore des ‘bugs’ à résoudre mais que la date définitive pour la mise en production était fixée le 24 juin 2015.

Ainsi, la société Loadinbox souligne à juste titre que le planning n’a pas été respecté, la date d’achèvement étant plusieurs fois reportée avant que la société Hegyd annonce, le 11 juin 2015, une mise en production le 24 juin 2015, date qui n’a pas été tenue, ce que la société Loadinbox dénonçait dans ses deux mises en demeure successives du 26 juin 2015 et du 3 août 2015 en soulignant que le retard de livraison était d’un an par rapport à la date indiquée dans la proposition initiale de la société et en mettant en avant, pour caractériser la carence de la société Hegyd, le retard dans l’élaboration des éléments relatifs à la gestion des droits et un retard de près de quinze jours dans la résolution d’un ‘bug’.

Les mails échangés et les compte-rendus établis par la société Hegyd sur l’évolution du projet, les développements correctifs mis en oeuvre, la liste des ‘tickets’ résolus ou à résoudre encore au cours de l’été 2015 montrent que le produit n’était pas finalisé puisqu’il existait toujours des ‘tickets bloquants’. Les anomalies suivantes étaient constatées : un dédoublement des fiches contrats, un dédoublement des dossiers en saisie, un non-enregistrement des modifications malgré le fait que le site via un bouton le signale et passe au vert, une impossibilité d’accès.

Au vu de ces constatations et contrairement à ce que prétend la société Hegyd, il n’est pas établi que la plateforme était opérationnelle dès le 3 juillet 2015, même si cela était présenté comme tel par M. [X] qui indiquait alors que «c’est fonctionnel. Il leur [à Hegyd] reste un point à régler sur les droits mais ça peut venir un peu plus tard» puis par e-mail du 9 juillet 2015 : «Je suis en train de faire les derniers ajustements avec Hegyd mais les fonctionnalités clés de l’application sont en place et opérationnelles. (‘) les modifications à venir sont des améliorations qui n’ont aucun impact sur la version actuelle (enrichissement du tableau des droits)» mais qui, ce faisant, relevait bien que des ajustements restaient à faire.

Le projet avait donc pris un retard d’un an à l’été 2015.

Mais le seul dépassement de la date indicative de livraison, même reportée à plusieurs reprises, ne saurait suffire à ce stade à caractériser une inexécution par la société Hegyd de ses obligations.

En effet, il n’est pas démontré que la nécessité de procéder à des développements correctifs au fur et à mesure du développement du produit ait été anormale dans ce type de projet complexe à concevoir, d’autant plus qu’il s’agissait de mettre en oeuvre un outil qui n’existait pas encore sur le marché, devant être élaboré ‘sur mesure’, c’est-à-dire, ainsi que le précise la société Hegyd, intégralement personnalisé selon les volontés du client, ce qui exige du temps, de nombreux échanges entre le prestataire et son client, l’implication totale du client dans le projet, des tests, des corrections, des ajustements, etc avant toute mise en production.

Le seul fait qu’à chaque étape, des éléments nécessaires à la finalisation du projet étaient demandés à la société Loadinbox ne permet pas d’imputer le retard à l’une ou l’autre des parties dans la mesure où il n’est pas possible de savoir si les informations manquantes caractérisaient une conception insuffisamment aboutie du projet, un manque d’anticipation de la part de la société Hegyd des difficultés auxquelles elle allait être confrontée dans son exécution ou faisaient suite à des demandes d’évolution de la part de la société Loadinbox.

Il est certain que la mise en oeuvre du projet ne dépendait pas seulement de la société Hegyd mais également de la société Loadinbox qui, en vertu du contrat, devait constituer, comme le rappelle la première, dès le lancement du projet, une équipe de suivi composée d’un décideur et d’un chargé de projet, laquelle ‘permettra de garantir la bonne conduite du projet, l’adaptation aux besoins métiers et le respect des délais’.

La société Hegyd fait donc valoir à juste titre, comme elle l’a d’ailleurs fait en réponse à la demande de la société Loadinbox d’indemnisation pour inexécution du contrat, que la progression de l’élaboration de la plate-forme dépendait aussi de la capacité de la société Loadinbox à définir ses propres attentes. Or, sur ce point, la société Hegyd indique, sans être démentie, que le projet a, dans un premier temps, était confié du côté de la société Loadinbox à une personne engagée en contrat de qualification, à laquelle s’est substitué M. [X] jusqu’à la démission de la société Medarb de la présidence de la société Loadinbox et, par la suite, par M. [M], en soulignant que la succession d’interlocuteurs dont certains n’avaient manifestement pas les compétences voulues, a contribué au retard du programme.

Le client devait aussi, préalablement, identifier ses besoins et définir les fonctionnalités que le logiciel devait remplir afin que la société Hegyd puisse transcrire ces données en langage informatique pour les implémenter dans le logiciel lorsque cela est techniquement réalisable.

Ce rôle incombant au client apparaît à travers les nombreux échanges qui sont produits aux débats.

La société Hegyd explique que la société Loadinbox a, de façon répétée, remis en cause certaines fonctionnalités pourtant préalablement validées mais qu’elle a toujours fait en sorte de répondre à ces demandes, même si cela allait au-delà du périmètre du projet initialement prévu. Elle donne comme exemple, la gestion des droits que la société Loadinbox a fait évoluer. Elle établit avoir dû rédiger de nouvelles spécifications.

Selon la société Medarb, au mois de septembre 2015 n’étaient pas réglés, du côté de la société Loadinbox : les droits des revendeurs (droit de consultation sur une filiale et de modification sur une autre), les conditions générales de ventes (non terminées), dont les conditions d’acceptation et de sauvegarde et d’hébergement de cette validation ne sont pas arrêtées, les assurances, l’ouverture de pop up pour gérer certaines questions, les paiements et leurs conséquences sur les CGV, et fin septembre 2015, le projet évoluait encore avec de nouvelles demandes d’évolution sur les droits transversaux pour les experts, changement d’abonnement et d’abonnement gratuits.

Ces demandes ressortent, notamment, d’un échange de mails entre les 14 et 19 septembre 2015 entre la société Hegyd et M. [M] au cours duquel la première proposait d’avancer sur la gestion des droits transversaux et changement d’abonnements qui constituaient de nouvelles demandes, dans le cadre d’une évolution, après la sortie de ‘V1″ en expliquant que ‘cela ne serait pas bloquant pour faire avancer le projet et surtout commencer à le commercialiser’, après avoir souligné que les modifications attendues sur la gestion des droits devaient entraîner une lourde adaptation du code actuel.

Or, force est de constater que la société Loadinbox n’apporte pas d’éléments contraires sur ces points et qu’elle a, après ses mises en demeure adressées au mois de juin 2015, accepté de payer, le 24 septembre 2015, une somme de 16 253,60 euros en paiement des factures de la société Hegyd incluant la dernière en date du 21 septembre 2015 portant sur la modification relative à la place du numéro de téléphone mobile, à la création d’une aide contextuelle par l’intégration de quinze pop-ups, la modification des droit et rôle (faite gratuitement) et la gestion des droits transversaux et changement d’abonnement.

La société Loadinbox, qui n’apporte aucun élément pour évaluer les conséquences techniques des changements demandés, prétend, sans le démontrer, que sa demande de modifications était extrêmement minime et ne peut expliquer le retard déjà acquis.

Pourtant, il est relevé que les précisions apportées sur ladite facture aux deux derniers développements qui y sont portés démontrent que la société Loadinboxa demandé des évolutions significatives puisqu’il s’agissait d’ajouter une centralisation des droits au niveau de l’utilisateur et de rédiger des spécifications fonctionnelles sur la notion de droits transversaux pour les experts et sur la notion de changement d’abonnement et d’abonnements gratuits.

D’ailleurs, dans son courriel du 5 août 2015, M. [M] qualifiait lui-même deux modifications demandées de ‘majeures’, étendues, le 14 août 2015, aux données récoltées et à leurs connexions entre elles.

Or, toute demande de la part de la société Loadinbox de modifications et d’évolutions du contenu ou des modalités de fonctionnement de la plate-forme ne pouvait que repousser la date de livraison du produit.

Il en résulte qu’il n’est pas démontré que l’absence de livraison du produit au cours du second semestre 2015 serait imputable à la société Hegyd.

D’ailleurs, la société Hegyd fait justement observer que la société Loadinboxreconnaît elle-même la réalité d’un suivi du projet insuffisant de son côté, tout en tentant d’en imputer la responsabilité à la société Medarb à qui elle prétend en avoir délégué la maîtrise.

Il reste que la plate-forme n’était toujours pas mise en service au début de l’année 2016, ce qui a amené la société Loadinbox à notifier sa décision de mettre fin aux relations contractuelles. En réponse, par lettre du 6 février 2016, la société Hegyda fait valoir que l’outil était en phase de validation finale en reprochant à la société Loadinbox d’avoir, à ce stade, remis en cause son fonctionnement et que la validation n’avait pu avoir lieu parce qu’elle n’a pas pu avoir, de sa part, les retours attendus sur les derniers ajustements.

Les mails échangés à la fin de l’année 2015 montrent qu’alors que la société Hegyddevait procéder à une recette commune avec la société Loadinbox, celle-ci a convoqué les représentants de la société Hegyd à une réunion pour, sans les prévenir, faire procéder à des constatations en leur présence par un huissier de justice avant, par mail du 23 décembre 2015, de leur demander de stopper leurs actions.

Dans sa lettre de rupture du 13 janvier 2016, la société Loadinbox mettait en avant :

‘- de grosses failles de sécurité : tous les contrats de tous les clients de la base sont visibles par n’importe quel client indistinctement ;

— une faille grave dans le contrôle des dates de saisie des contrats ;

— les alertes de délai arrivent un jour trop tard, alors qu’il s’agit de la plus-value essentielle de l’outil ;

— des défauts de conceptions qui entraînent une incapacité à exploiter commercialement l’outil : il faut plus de trente minutes pour s’inscrire et autant de temps pour enregistrer un contrat.’

En réponse, la société Hegyd, après avoir mis en cause l’insuffisante collaboration de la société Loadinbox en affirmant que la validation finale n’avait pu avoir lieu en l’absence de retour sur les derniers ajustements et que, sur les derniers mois, la société Loadinbox avait remis en cause ses travaux sans lui fournir les informations nécessaires à l’achèvement du projet, a contesté les griefs qui lui étaient faits. Sur la défaillance de sécurité, elle a indiqué que les rôles et droits avaient été revus à trois reprises au cours du projet, qu’elle l’avait alertée des risques qui pouvaient en résulter sur le plan de la sécurité et que ce type de faille aurait pu être traité à l’aide d’un correctif dans le cadre de la phase de tests et vérifications qu’elle n’avait pu mener ou encore à l’issue de l’audit de sécurité qui est généralement réalisé avant la commercialisation de ce genre d’outil ; que s’agissant du contrôle des dates de saisie des contrats, une adaptation était possible si nécessaire et que les alertes de délai prévues correspondaient précisément à ce qui lui avait demandé ; qu’elle avait pu simuler une inscription pour une entreprise avec deux établissements en moins de trois minutes et que le temps requis pour l’enregistrement du contrat résulte de l’importance des données à saisir mais que lorsque les données sont rassemblées, il faut à peine plus de deux minutes pour créer un contrat et son dossier associé.

Pour établir que la plate-forme n’était pas opérationnelle, la société Loadinbox se prévaut d’un procès-verbal de constat dressé le 15 décembre 2015 par un huissier de justice au cours d’une réunion à laquelle les représentants de la société Hegydétaient présents et qui a constaté l’impossibilité d’effectuer une sélection d’un taux de TVA lors de son inscription en test, la possibilité pour un utilisateur de choisir une date de préavis contractuel antérieure à la date d’entrée en vigueur du contrat renseigné, la déconnexion automatique de l’utilisateur après vingt minutes de connexion, le non-fonctionnement des envois de notification d’accès avec des mots de passe, l’existence de message d’erreur 404 lors de la notification d’accès, le non-enregistrement des données renseignées par l’huissier lui-même et par le représentant de la société Hegyd, l’impossibilité de créer des alertes pour l’utilisateur.

Elle se prévaut également de ce qu’elle désigne comme étant un ‘audit de sécurité’ établi par une société ‘tierce’ qui mettrait en lumière que la sécurité n’était pas atteinte ni réalisée, que de simples utilisateurs pouvaient modifier les contrats, que l’accès aux contrats contenus dans la base était possible depuis une simple Url de sorte que chaque utilisateur pouvait avoir accès à d’autres contrats que les siens et de plus aux contrats d’autres clients.

Sur la base de ces constatations, la société Loadinbox prétend que le site conçu par la société Hegyd ne permettait pas une gestion des alertes et n’offrait pas de sécurité en laissant la possibilité de saisir des dates de préavis incompatibles avec la durée de contrats, et en ne permettant pas aux utilisateurs de poursuivre une connexion après vingt minutes de temps.

La société Hegyd soutient que le procès-verbal de constatations ne respecte pas les exigences techniques requises pour les constats sur internet, et plus particulièrement celles fixées par la norme Afnor NFZ67-147 dans la mesure où il n’est pas fait mention de l’adresse IP qui identifie le matériel, de la suppression des caches avant consultation, de la vérification de la déconnexion à un serveur Proxy, de la suppression des cookies et de l’heure de début des constatations, de sorte qu’il ne peut donc être certifié que les moyens utilisés n’interfèrent en rien avec le contenu du site internet auquel il est accédé. Elle conteste le moyen en réponse de la société Loadinbox selon lequel les pré-requis décrits ne s’appliqueraient pas en l’espèce au motif que le constat en cause n’aurait pas été fait sur le réseau internet en accès libre et public parce que le site était inexploitable et uniquement visible sur une plate-forme de test. Elle ne lui attribue aucune valeur probante, et ce d’autant qu’elle fait valoir qu’il a été réalisé dans des circonstances particulièrement déloyales et en méconnaissance du principe du contradictoire, contrairement à ce qui est prétendu dès lors que les représentants de la société Hegyd, lorsqu’ils ont été conviés par M. [M] à se présenter dans les locaux de la société Loadinbox pour réaliser une recette informelle, n’ont pas été informés de la présence d’un huissier chargé d’effectuer ‘toutes constatations utiles’, en sorte qu’ils n’ont pu donner leur accord à cette démarche, se trouvant purement et simplement mis devant le fait accompli. Elle ajoute que sur les huit pages de constatations du procès-verbal de l’huissier qui représentent une centaine d’actions sur la plate-forme, seulement sept actions se sont révélées problématiques. Or, ces actions étaient toutes conformes aux règles de calcul validées par Loadinbox et/ou auraient pu faire l’objet de menus ajustements.

La norme Afnor NF Z67-147 de septembre 2010 relative au mode opératoire de constat sur internet effectué par huissier de justice impose à ce dernier de s’assurer d’un environnement neutre qui ne va pas altérer les résultats obtenus : identification du matériel servant aux constatations, configuration de la connexion réseau à l’internet, établissement d’un environnement de constatation assaini de toutes navigations antérieures, et fixation du lieu des constatations. Elle n’a pas de valeur contraignante mais il n’en reste pas moins que les prescriptions recommandées permettent d’éviter tout interférence avec le matériel utilisé.

Dans le cas présent, l’huissier n’a pas suivi les règles préconisées, ayant simplement utilisé l’ordinateur de la préposée de la société Inlex qui était chargée du suivi du dossier du côté de la société Loadinbox.

Mais il n’est pas démontré que la norme Afnor précitée trouvait à s’appliquer dès lors qu’il ne ressort pas des constatations de l’huissier de justice qu’il a dû se connecter à internet et qu’aucun élément n’est produit pour venir contredire l’affirmation selon laquelle ses opérations n’ont eu lieu qu’à partir d’une plate-forme de test.

Néanmoins, le procès-verbal de constat dressé par l’huissier de justice, indépendamment de sa valeur probante, ne suffit pas à déterminer si les anomalies relevées étaient mineures, s’il pouvait facilement ou non y être remédié, si le produit pouvait être considéré comme fini. Il ne permet pas de connaître les causes des dysfonctionnements afin de pouvoir déterminer les responsabilités, ce qui requiert l’avis d’un spécialiste.

Le document que présente la société Loadinbox comme un audit fonctionnel et technique a été, en réalité, établi par une entreprise qu’elle a chargée de terminer le travail réalisé par la société Hegyd. Dans ces conditions, en l’absence d’indépendance de ce prestataire à l’égard de la société Loadinbox, et alors que ses opérations n’ont pas été menées contradictoirement, aucune valeur probante ne sera accordée au rapport qu’elle a établi.

En l’état des éléments produits, à défaut d’expertise, comme les premiers juges, la cour n’est pas en mesure de se prononcer sur la question de savoir si le site était ou non potentiellement opérationnel ou sur le point de l’être lorsque la société Loadinbox a mis fin au projet ni, si tel n’était le cas, d’en connaître les causes. La preuve de l’inexécution par la société Hegyd de ses obligations n’est pas rapportée.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes de la société Loadinbox dirigées la société Medarb

La société Loadinbox, qui prétend avoir confié à la société Medarb la responsabilité du projet en qualité d’assistant à la maîtrise d’ouvrage, activité que la société Medarb lui a facturée 9 000 euros par mois, lui reproche d’avoir manqué à ses obligations de conseil et de suivi de ce projet en ayant laissé dériver le projet et en lui communiquant des informations tronquées l’empêchant d’être mise en mesure de contraindre la société Hegyd au respect de ses obligations.

La société Medarb, qui souligne qu’aucun écrit n’existe entre la société Loadinboxet elle, conteste être intervenue dans le projet comme assistante à la maîtrise d’ouvrage. Elle ajoute, outre le fait que la notion d’assistance à maîtrise d’ouvrage dans le domaine informatique serait très vague et mal définie, que la société Loadinbox était parfaitement informée, sous sa présidence, de l’intégralité du suivi du projet, eu égard au montage des sociétés loadinbox et Medarb et au fait que ses associés, MM [M] et [H], figurent en copie de tous les mails qui ont été échangés avec la société Hegyd et qu’ils sont, d’ailleurs, régulièrement intervenus directement auprès de la société Hegyd, témoignant ainsi de leur parfaite information sur les progrès de ce prestataire. Elle fait observer que le développement du projet a été poursuivi durant plusieurs mois après qu’elle en a été déchargée et la société Loadinox avait alors les moyens de prendre des mesures pour contraindre la société Hegyd à terminer le projet.

La société Medarb rappelle que M. [X] avait été, du 1er juin 2012 au 31 juillet 2013, date de rupture conventionnelle de son contrat de travail, salarié de la société Inlex en qualité de secrétaire général ; que la SAS Loadinbox est une société soeur de la société Inlex IP Expertise, cabinet de conseil en propriété industrielle, dirigée par MM. [H] et [M], tous deux conseils en propriété industrielle ; que la SAS Loadinbox, représentée par la SARL Medarb, en qualité de président, elle-même représentée par M. [X] avait conclu une convention d’assistance technique, juridique et financière avec la SAS Inlex IP Expertise, qui lui a confié des missions dans les domaines de l’administration interne, de l’administration technique, des ressources humaines et de la gestion budgétaire et du contrôle de gestion, ces prestations étant rémunérées au prix forfaitaire annuel et révisable de 240.000 euros HT ; qu’à ce titre, la SAS Loadinbox a adressé des factures mensuelles à la SAS Inlex IP Expertise ; qu’en réalité, M. [X] poursuivait la même activité que celle de secrétaire général qu’il exerçait auparavant au sein de la société Inlex, mais désormais par l’intermédiaire des sociétés Loadinbox et Medarb. Ainsi, la société Medarb prétend qu’elle était à la fois présidente de Loadinbox mais aussi prestataire de services de Inlex au titre de l’assistance juridique et financière et que la société Loadinbox refacturait à la société Inlex intégralement ses prestations et très amplement, ce qui revenait à celle-ci à faire financer son développement par la société Inlex.

Elle explique que l’intitulé de sa facturation à la société Loadinbox n’avait pour seul but que de permettre à celle-ci d’obtenir un crédit d’impôt recherche sur le projet confié à Hegyd.

La société Loadinbox répond que la société Medarb était parfaitement indépendante dans sa facturation et dans sa politique contractuelle et maintient qu’elle avait la maîtrise du projet Hegyd.

Il convient de rappeler que M. [X] était le représentant légal de la société Medarb, laquelle dirigeait la société Loadinbox jusqu’au 11 mars 2015.

Ainsi que le relève la société Hegyd qui déclare qu’elle n’a jamais eu connaissance de ce que M. [X], qui était son premier interlocuteur, serait intervenu au nom de la société Medarb, dont elle ignorait l’existence, et non pas au nom de la société Loadinbox, il est constaté que la proposition commerciale d’Hegyd mentionne le nom de M. [X] en tant que ‘président’et l’adresse [Courriel 6] dans les ‘informations générales’de la page de garde ; que tous les budgets de la proposition commerciale portent la signature manuscrite de M. [X] ; le nom de ce dernier et l’adresse [Courriel 6] sont indiqués dans les «références client» des factures d’Hegyd. Il est ajouté, sans que cela soit démenti, que M. [X] travaillait dans les bureaux de la société Inlex.

Le nom de la société Medarb ne figure dans aucun des documents échangés avec la société Hegyd. Il apparaît, au contraire, qu’à l’égard de celle-ci, M. [X] n’a agi qu’au nom de la société Loadinbox.

Au soutien de son affirmation selon laquelle la société Medarb était chargée par elle d’une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage, la société Loadinbox ne produit que des factures établies par la société Medarb qui mentionnent ‘AMOA’.

Le seul fait que la société ait facturé à la société Loadinbox des prestations qu’elle a intitulées ‘recherche et développement – AMOA’ sans qu’aucun élément ne soit produit au débat permettant de rattacher cette prestation au projet mené avec la société Hegyd ni de définir son champ d’intervention et de responsabilité, ne suffit pas à prouver l’existence d’un contrat d’assistance à maîtrise d’oeuvre relativement à ce projet ni à établir que la société Medarb aurait été tenue à l’égard de la société Loadinbox aux obligations qu’elle lui reproche de ne pas avoir exécutées dans l’élaboration de la plate-forme et le suivi des travaux.

Sur les demandes de la société Hegyd dirigées contre société Loadinbox

La société Hegyd demande le paiement du solde de ses factures. Au vu de ce qui précède, il apparaît que les travaux facturés ont été exécutés sans qu’il soit démontré qu’ils auraient été incorrectement exécutés. La demande sera donc accueillie et le jugement confirmé de ce chef.

La société Hegyd demande réparation du préjudice qu’elle prétend avoir subi du fait de ce qu’elle qualifie d’errements de la société Loadinbox dans la gestion du projet. Cette demande a été rejetée par les premiers juges par des motifs pertinents que la cour adopte.

La société Hegyd demande de sanctionner l’abus de procédure dont procède la présente instance. Toutefois, un tel abus n’est pas caractérisé ainsi que les premiers juges l’ont justement retenu.

Sur les demandes de la société Medarb dirigées contre la société Loadinbox

Le tribunal s’est déclaré incompétent pour statuer sur les faits de rupture brutale de la relation commerciale prévus à l’article L. 442-1 du code de commerce, conformément aux dispositions des articles L. 442-4 et D. 442-3 du même code et a renvoyé l’affaire au tribunal de commerce de Rennes pour statuer sur l’intégralité de la demande reconventionnelle de la société Medarb, incluant ainsi la demande de paiement de deux factures d’août et septembre 2015 pour un montant total de 17.640 euros TTC, (n°1026 du 30 septembre 2015 pour 8 640 € TTC et n°1025 du 20 août 2015 à hauteur de 9 000 € TTC), outre les intérêts de retard et frais de recouvrement.

Pour se déclarer incompétent également sur la demande en paiement des deux factures, les premiers juges ont relevé que lesdites factures étaient contemporaines de la rupture des relations commerciales entre les deux parties et dont la cause peut être éventuellement être liée à cette rupture.

La société Medarb soutient que le tribunal a ordonné à tort le renvoi de cette dernière demande.

La société Medarb explique que, par mail du 17 septembre 2015, M. [X] a détaillé les prestations accomplies sur août et début septembre en soulignant que depuis fin août la société Loadinbox avait imposé unilatéralement à la société Medarb une modification des conditions contractuelles convenues et mises en ‘uvre depuis 2013, à savoir une facturation forfaitaire de 90 000 € répartie sur 12 mois.

De son côté, il a été vu ci-avant que la société Loadinbox admet que la société Medarb lui facturait tous les mois 9 000 euros par mois mais soutient que c’était en contrepartie de la mission de AMOA qu’elle lui prête.

La facture du 30 septembre 2015 des prestations prétendument exécutées aux mois d’août et septembre 2015, soit en partie après la rupture des relations commerciales située à la fin du mois d’août 2015 et alors que les prestations du mois d’août 2015 font l’objet de la facture du 24 août 2015, apparaît être liée au contentieux relatif à la rupture brutale des relations commerciales.

En revanche la facture de 9 000 euros établie avant la rupture des relations commerciales en vertu d’une convention dont l’existence est admise par les deux parties n’entre pas dans la compétence spéciale édictée à l’article L. 442-4 du code de commerce.

Le jugement sera infirmé de ce seul chef.

Au vu des motifs qui précèdent sur l’absence de preuve de l’inexécution par la société Medarb de ses obligations découlant de cette convention verbale, il y a lieu d’accueillir la demande en paiement de la facture du 24 août 2015 avec intérêts de retard au taux de trois fois l’intérêt légal à compter de la date d’échéance, du 24 août 2015, et 40 euros au titre des frais de recouvrement, en application de l’article L. 441-6 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008, applicable en la cause.

Sur les demandes accessoires

La société Loadinbox, qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel et à payer à la société Hegyd et à la société Medarb, chacune, la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour connaître de la demande en paiement formée par la société Medarb contre la société Loadinbox au titre de la facture du 24 août 2015 ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Se déclare compétente pour statuer sur cette demande ;

Condamne la société Loadinbox à payer à la société Medarb la somme de 9 000 euros au titre de la facture n°1025 du 20 août 2015 avec intérêts de retard au taux de trois fois l’intérêt légal à compter du 24 août 2015, et 40 euros au titre des frais de recouvrement.

Y ajoutant,

Condamne la société Loadinbox aux dépens d’appel qui seront recouvrés selon les modalités fixées à l’article 699 du code de procédure civile.

Condamne la société Loadinbox à payer à la société Hegyd et à la société Medarb, chacune, la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL


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