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Une société qui n’a jamais indiqué à son cocontractant (webagency) qu’elle n’était pas satisfaite des prestations réalisées et notamment de la communication effectuée par le biais d’un site internet ou de sa page Facebook, ne peut exciper de la résiliation du contrat pour manquement du prestataire à ses obligations.
Les articles 1217 et 1219 du code civil, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, applicable en l’espèce, prévoient que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté ou l’a été imparfaitement, peut refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation et une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
Selon l’article 1353 du même code, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 04 JANVIER 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/04467 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OHBM
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 21 MAI 2019
TRIBUNAL DE COMMERCE DE RODEZ
N° RG 18001574
APPELANTE :
S.A.R.L. KRYMA prise en la personne de son gérant en exercice domicilié es qualité au siège social sis
[…]
[…]
Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
SAS AGENCE OBELIO représentée en la personne de son président en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis
[…]
[…]
Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES-SENMARTIN ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 19 Octobre 2021
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 NOVEMBRE 2021, en audience publique, Madame Anne-Claire BOURDON, Conseiller ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller
Mme Marianne ROCHETTE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Audrey VALERO
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.
*
* *
FAITS, PROCEDURE – PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
La SARL Kryma exerce, sous l’enseigne Chic Affaires, le commerce de détail de produits manufacturés, plus précisément d’articles de bazar à petit prix.
La SAS Agence Obelio est une agence de conseil, gestion des relations publiques et de la communication en matière d’utilisation des réseaux sociaux, spécialisée dans la création de site internet, leur maintenance et la communication associée aux entreprises.
Le 22 novembre 2016, la société Agence Obelio a transmis un devis à la société Kryma, que cette dernière a accepté, ajoutant la mention manuscrite «facturation sur 12 mois», portant sur diverses prestations :
«- Conception, rédaction et gestion création site internet pour 300 euros HT,
– Direction artistique pour 850 euros HT,
– Développement web pour 1 200 euros HT,
– Forfait maintenance pour 800 euros HT,
– Pack visibilité mensuel social media pour 6 000 euros HT soit 12 prestations à 500 euros HT chacune,
– Budget publicitaire Facebook mensuel pour 1 200 euros HT, soit 12 prestations à 100 euros HT chacune, soit un total de 10 350 euros HT, à savoir 12 420 euros TTC.»
Par lettre recommandée du 15 septembre 2017 (avis de réception non produit), la société Agence Obelio a mis en demeure la société Kryma de lui régler la somme de 3 105 euros correspondant aux factures des mois d’avril à juin 2017.
Par lettre recommandée du 19 septembre 2017 (avis de réception non produit), la société Kryma a notifié à la société Agence Obelio la rupture du contrat avec effet à la fin du premier semestre 2017, soit le 30 juin 2017, sollicitant la transmission des codes d’accès au site et à la page Facebook ainsi que des avoirs pour les mois de juillet et août 2017.
Par lettre recommandée du 4 octobre 2017 (avis de réception non produit), le conseil de la société Agence Obelio a mis en demeure la société Kryma de lui régler la somme de 5 175 euros correspondant aux factures des mois de juin à septembre 2017.
Par ordonnance portant injonction de payer en date du 26 mars 2018, le président du tribunal de commerce de Rodez a condamné la société Kryma à verser la somme de 12 240 euros en principal.
Statuant sur opposition, le tribunal de commerce de Rodez a, par jugement du 21 mai 2019 :
«- vu les articles 1405, 1418 et suivants du code de procédure civile,
– reçu l’opposition en date du 07 mai 2018 (…), l’a déclarée recevable et partiellement bien fondée ;
– dit que le présent jugement se substitue à ladite ordonnance ;
– condamné la SARL Kryma à payer à la SAS Agence Obelio la somme de 6093 euros correspondant d’une part aux prestations réalisées, soit la somme demandée moins les prestations mensuelles non réalisées, égale à la somme de 5 805 euros et d’autre part à la quote-part contractuelle des prestations mensuelles non réalisées d’octobre et novembre 2017 soit la somme de 288 euros,
– condamné la SARL Kryma à payer à la SAS Agence Obelio, la somme de 1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SARL Kryma à payer à la SAS Agence Obelio la somme de 500 euros au titre du préjudice subi et des frais d’hébergement maintenu pour le site réalisé ;
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,
– condamné la SARL Kryma aux entiers dépens (…).»
Par déclaration reçue le 27 juin 2019, la société Kryma a régulièrement relevé appel de ce jugement.
La mesure de médiation ordonnée le 17 septembre 2019 n’a pas prospéré.
La société Kryma demande à la cour, en l’état de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 14 août 2019, de :
«- (…) vu l’article 1217 alinéa 1 du code civil, l’article 1203 du code civil, l’article 463 du code de procédure civile et l’article 561 du code de procédure civile,
– infirmer le jugement (…),
– dire et juger :
– que la société Agence Obelio n’a pas respecté ses engagements envers elle en ne fournissant pas les prestations définies dans le contrat du 22 novembre 2016,
– qu’elle était en droit du fait de l’inexécution des obligations de la société Agence Obelio de refuser d’acquitter ses factures (…),
– que le contrat en date du 22 novembre 2016 a été rompu à compter du 30 juin 2017,
– qu’elle a payé à la société Agence Obelio l’ensemble des prestations réalisées,
– que la non exécution du contrat en date du 22 novembre 2016 par la société Agence Obelio lui a causé un préjudice,
– condamner la société Agence Obelio à lui verser la somme de 12 420 euros en réparation de son préjudice,
– condamner la société Agence Obelio à lui verser à la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux prescriptions de l’article 699 du code de procédure civile».
Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :
– la société Agence Obelio n’a pas exécuté ses prestations, puisqu’elle devait améliorer sa visibilité sur internet alors que l’accès au site internet se fait par un mot de passe que ni elle, ni le grand public ne connaît et que depuis octobre 2017, le site est inaccessible,
– les annonces (création d’un magasin et réouverture d’un autre) devant être diffusées sur le site internet l’ont été uniquement sur le réseau social Facebook, puis tardivement sur le site,
– elle a réglé les prestations dues jusqu’au 30 juin 2017 conformément à la rupture contractuelle,
– le tribunal a omis de statuer sur sa demande d’indemnisation, ce que la cour réparera, la non-exécution des prestations lui ayant causé un préjudice eu égard au mécontentement de ses clients, ce qui a engendré une perte de clientèle.
Formant appel incident, la société Agence Obelio sollicite de voir, aux termes de ses conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 27 janvier 2020 :
«- vu les dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil,
– infirmer le jugement rendu (…) et statuant à nouveau :
– condamner la société Kryma à lui payer :
– la somme de 7 128 euros au titre des prestations réalisées (…),
– la somme de 1 000 euros au titre du préjudice subi,
– la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure civile outre la somme de 1 500 euros allouée en première instance par le tribunal (…),
– condamner la société Kryma aux entiers dépens en ceux compris les frais de réalisation du constat d’huissier du 6 novembre 2018.’
Elle expose en substance que :
– le site internet a été réalisé et mis en service dès le 17 février 2017 (cf constat d’huissier du 6 novembre 2018) ; l’activation d’un mot de passe est le fruit de la rupture contractuelle,
– elle a animé la page Facebook (cf même constat d’huissier) avec plusieurs publications par mois malgré le désintérêt et l’absence de collaboration de la société Kryma,
– elle a correctement communiqué les événements concernant les deux magasins sur Facebook et sur le site, ayant également effectué une prestation non facturée (visuel publicitaire diffusé par la société Pub audit),
– la société Kryma n’a jamais émis de réserve sur la qualité du site et les publications Facebook,
– compte tenu de la résiliation du contrat en septembre, les prestations pour le site sont dues ainsi que celles pour le réseau social Facebook à hauteur de 720 euros TTC pendant dix mois, outre 20 % des sommes correspondant aux prestations non encore réalisées prévues par le contrat (soit 288 euros = 720 x 2 x 20 %), soit au total 11 268 euros alors qu’elle a payé 4 140 euros,
– elle a maintenu à ses frais l’abonnement auprès de l’hébergeur pour maintenir le site et son cocontractant est de mauvaise foi.
Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 19 octobre 2021.
MOTIFS de la DECISION :
1- Les articles 1217 et 1219 du code civil, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, applicable en l’espèce, prévoient que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté ou l’a été imparfaitement, peut refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation et une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
Selon l’article 1353 du même code, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Le contrat a commencé à recevoir exécution le 6 décembre 2016 (transfert du nom de domaine).
Pour s’opposer au paiement du solde de factures, la société Kryma formule trois griefs, reprochant à la société Agence Obélio de ne pouvoir, comme le grand public, accéder au site internet, d’avoir annoncé sur ce site la création d’un nouveau magasin sur la commune de Vabres l’Abbaye (ouverture le 29 mars) un mois après la date d’ouverture et d’y avoir annoncé également la réouverture après travaux du magasin situé à Requista (survenue le 7 juin) un mois après la date de réouverture.
Toutefois, elle ne produit strictement aucun élément à l’appui de ses reproches, à l’exception de son courrier de résiliation en date du 19 septembre 2017 et de courriers postérieurs.
La société Agence Obélio verse aux débats un procès-verbal de constat établi par un huissier de justice le 6 novembre 2018 au terme duquel il est établi que le caractère inaccessible du site internet découle de la résiliation du contrat, la société Agence Obélio étant restée l’administrateur du site, que le site est en état de fonctionner (divers onglets : «nos catalogues, nos magasins, nos univers, chèques cadeaux, contacts») et comporte une page, déversée le 31 mai 2017, annonçant la réouverture du magasin situé à Réquista, soit une semaine avant ladite réouverture, et que le réseau social Facebook, dont l’administrateur est également demeuré la société Agence Obélio, comporte plusieurs publications sous le nom «Chic affaires», soit 7 publications en décembre 2016 14 publications en janvier 2017, 11 publications en février 2017, 14 publications en mars 2017, 9 publications en avril 2017, 9 publications en mai 2017, 8 publications en juin 2017, 9 publications en juillet 2017, 8 publications en août 2017, 16 publications en septembre 2017, 10 publications en octobre 2017 et 5 publications en novembre 2017, au titre desquelles les 28 et 29 mars 2017, l’annonce de l’inauguration et de l’ouverture du magasin Chic affaires à Vabres l’Abbaye et le 7 juin suivant, l’annonce de la réouverture du magasin Chic affaires à Réquista.
La société Kryma n’a jamais indiqué à son cocontractant qu’elle n’était pas satisfaite des prestations réalisées et notamment de la communication effectuée par le biais du site ou de la page Facebook (sur laquelle quatre publications par mois était prévues) jusqu’à son courrier de résiliation le 19 septembre 2017.
Elle ne conteste pas que la société Agence Obélio a réalisé dans le cadre d’une prestation hors contrat un visuel publicitaire, destiné à la diffusion d’une bannière publicitaire pour l’ouverture du magasin de Vabres l’Abbaye.
La société Agence Obélio verse également aux débats des courriels ou SMS dans lesquels elle sollicite son client pour obtenir des informations afin d’animer le site ou la page Facebook (période de soldes…).
Les prestations concernant le site internet à hauteur de 3 780 euros TTC et l’animation de la page Facebook à hauteur de 720 euros TTC par mois (soit 7 200 euros pour 10 mois) sont justifiées jusqu’à la date de la résiliation le 19 septembre 2017 et la demande d’indemnisation de la société Kryma au titre de l’inexécution desdites prestations ne pourra prospérer.
La société Kryma s’est, ainsi, prévalue de manière anticipée de la résiliation du contrat, devant en application de celui-ci «régler une quote-part de 20 % des sommes correspondant aux prestations non encore réalisées».
La société Kryma ne conteste pas avoir réglé la somme de 4 140 euros, restant ainsi débitrice à hauteur de la somme de 7 128 euros (3 780 euros pour le site Internet + 7 200 euros pour la page Facebook + [288 euros = 720 euros x 2 mois x 20%] pour les prestations relatives à la page Facebook non encore exécutées), à laquelle elle sera condamnée.
Par ces motifs, le jugement sera confirmé, sauf sur le montant de la condamnation et complété quant au rejet de la demande de dommages-intérêts de la société Kryma.
2- La société Agence Obélio ne justifie ni avoir subi un préjudice, découlant de la rupture anticipée, autre que celui-ci indemnisé ci-dessus, ou de la mauvaise foi de son cocontractant, ni avoir maintenu les abonnements auprès de l’hébergeur pour le transfert du site au-delà du mois de novembre 2018 (date du procès-verbal de constat d’huissier et de la seule facture -d’un montant de 4,99 euros- versée aux débats) de sorte que sa demande d’indemnisation sera rejetée et le jugement sera infirmé de ce chef.
3- Succombant sur son appel, la société Kryma sera condamnée aux dépens et au vu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 2 500 euros, en ce compris le coût du procès-verbal de constat d’huissier, qui relève des frais irrépétibles, sa demande sur ce fondement étant rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Rodez du 21 mai 2019, sauf en ce qu’il a condamné la SARL Kryma à payer à la SAS Agence Obelio la somme de 6 093 euros et la somme de 500 euros,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne la SARL Kryma à payer la somme de 7 128 euros à la SAS Agence Obélio, au titre de la rupture anticipée du contrat,
Rejette la demande de dommages-intérêts formée par la SAS Agence Obélio,
Y ajoutant,
Rejette la demande de dommages-intérêts formée par la SARL Kryma,
Condamne la SARL Kryma à payer à la SAS Agence Obélia la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de la SARL Kryma fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL Kryma aux dépens d’appel.
Le greffier, le président,