→ Résumé de l’affaireLa SCI TRUFFLE, propriétaire d’un appartement en copropriété, a réalisé des travaux de rénovation sans autorisation préalable des copropriétaires. Après un protocole d’accord signé pour régler le différend, le syndicat des copropriétaires a assigné la SCI TRUFFLE en justice pour non-respect des engagements pris. Le syndicat demande la dépose des fenêtres et de la climatisation installées sans autorisation, ainsi que la diminution de la hauteur des brise-vues, sous astreinte. La SCI TRUFFLE n’ayant pas comparu, le tribunal devra statuer sur les demandes du syndicat. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
N° RG 24/52662 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4PNL
N° : 5-CH
Assignation du :
09 Avril 2024
[1]
[1] 1 Copie exécutoire
délivrée le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 09 août 2024
par Cristina APETROAIE, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Célia HADBOUN, Greffière.
DEMANDERESSE
Le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] représenté par son syndic, la société MAVILLE IMMOBILIER, société par actions simplifiée
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Alexandre SUAY de l’AARPI Delvolvé Poniatowski Suay Associés, avocats au barreau de PARIS – #C0542
DEFENDERESSE
S.C.I. TRUFFLE
[Adresse 1]
[Localité 3]
non représentée
DÉBATS
A l’audience du 07 Juin 2024, tenue publiquement, présidée par Cristina APETROAIE, Juge, assistée de Célia HADBOUN, Greffière,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
La SCI TRUFFLE est propriétaire du lot n°1 constituant un appartement situé au rez-de-chaussée de l’immeuble du [Adresse 1], soumis au statut de la copropriété.
La SCI TRUFFLE a souhaité engager des travaux de rénovation de son appartement, qui ont été acceptés par une assemblée générale des copropriétaires du 29 juin 2021.
Reprochant à la SCI TRUFFLE un manque de conformité desdits travaux avec ceux présentés et votés lors de l’assemblée générale du 29 juin 2021, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] s’est rapproché de la SCI TRUFFLE afin de trouver une solution amiable à ce différend.
Après l’échec d’une tentative de conciliation, les parties ont signé, le 15 décembre 2022, un protocole d’accord prévoyant notamment la convocation d’une assemblée générale avant le 15 décembre 2022 visant notamment à ratifier les travaux réalisés par la SCI TRUFFLE sans autorisation préalable des copropriétaires, la SCI TRUFFLE s’engageant de son côté, à diminuer la hauteur des brise-vues installés par ces soins et ce avant le 30 avril 2023.
Par un procès-verbal d’assemblée générale du 15 décembre 2022, les copropriétaires ont adopté l’ensemble des résolutions prévues au protocole, dont celles relatives à la ratification des travaux.
Faisant grief à la SCI TRUFFLE de ne pas avoir respecté ses engagements pris au titre du protocole, le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic en exercice a, par exploit en date du 9 avril 2024, fait assigner la SCI TRUFFLE devant le juge des référés du tribunal de céans, aux fins de voir :
« – A titre principal,
CONDAMNER la société TRUFFLE à procéder à la dépose, à ses frais exclusifs, des fenêtres installées sans autorisation de l’assemblée ainsi qu’à la remise en état de la façade de l’immeuble, sous contrôle de l’architecte de l’immeuble, et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard qui commencera à courir à compter d’un délai de huit (8) jours suivant la signification de l’ordonnance à intervenir ;
CONDAMNER la société TRUFFLE à procéder à la dépose, à ses frais exclusifs, de la climatisation installée sans autorisation de l’assemblée ainsi qu’à la remise en état de la façade de l’immeuble, sous contrôle de l’architecte de l’immeuble, et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard qui commencera à courir à compter d’un délai de huit (8) jours suivant la signification de l’ordonnance à intervenir ;
CONDAMNER la société TRUFFLE à diminuer la hauteur des brise-vues installés par ses soins, pour la ramener à celle de la grille entourant la terrasse privative de son lot, et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard qui commencera à courir à compter de l’expiration d’un délai de huit (8) jours suivant la signification de l’ordonnance à intervenir,
A titre subsidiaire,
DESIGNER tel commissaire de justice qu’il plaira à Madame ou Monsieur le Président de nommer avec pour mission de :
Se rendre sur place, accompagné de Monsieur [B] [N] architecte DPLG ou de tout autre architecte qu’il lui plaira, et de pénétrer dans le lot de la société TRUFFLE afin de procéder à des constatations permettant de s’assurer que les travaux de remplacement des fenêtres et d’installation d’une climatisation réalisés par la société TRUFFLE n’ont pas porté atteinte à la façade et/ou à la structure de l’immeuble et, le cas échéant, prescrire tous travaux de reprise des désordres, lors de la première visite ou au besoin, lors d’interventions ultérieures ;Autoriser le commissaire de justice instrumentaire à se faire assister, en tant que de besoin, de la force publique ou de deux témoins et d’un serrurier ;L’autoriser à procéder à ses opérations notamment en dehors des heures légales, et même les jours fériés ;En tout état de cause,
JUGER que Madame ou Monsieur le juge des référés de céans se réserve le droit de liquider l’astreinte ainsi prononcée,
CONDAMNER la société TRUFFLE à payer au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L’IMMEUBLE SIS [Adresse 1] la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. »
Bien que régulièrement citée par assignation remise à étude, la SCI TRUFFLE n’a pas comparu.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux conclusions déposées par les parties.
En vertu de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge fait droit à la demande s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Sur le trouble manifestement illicite
Le syndicat des copropriétaires fait valoir qu’en ne permettant pas à l’architecte de l’immeuble d’accéder à son lot pour vérifier que les travaux réalisés sans autorisation n’avaient porté atteinte ni à la façade ni à la structure de l’immeuble, la SCI TRUFFLE ne s’est pas conformée aux stipulations du protocole transactionnel du 15 décembre 2022 ; que cet accès et ces vérifications constituaient une condition de la ratification par les copropriétaires des travaux réalisés sans autorisation par la SCI TRUFFLE ; qu’en conséquence, les travaux réalisés par la défenderesse ne correspondent pas à ceux effectivement autorisés par l’assemblée générale du 29 juin 2021.
Aux termes de l’article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile, le président du tribunal peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le dommage imminent s’entend du dommage qui n’est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.
La seule méconnaissance d’une réglementation n’est pas suffisante pour caractériser l’illicéité d’un trouble.
Le juge des référés doit se placer, pour ordonner ou refuser des mesures conservatoires ou de remise en état, à la date à laquelle il prononce sa décision.
Il dispose d’un pouvoir souverain pour juger non seulement de l’imminence d’un dommage, mais aussi de la nécessité d’en prévenir la réalisation ; il en va de même s’agissant d’apprécier l’existence d’un trouble manifestement illicite et d’ordonner la mesure de remise en état qui lui paraît s’imposer pour le faire cesser.
Il est rappelé que la seule méconnaissance d’une réglementation ne suffit pas à caractériser l’illicéité d’un trouble. L’anormalité du trouble s’apprécie in concreto.
En l’espèce, il résulte du procès-verbal d’assemblée générale du 29 juin 2021, que les copropriétaires de l’immeuble ont voté, à la demande du gérant de la SCI TRUFFLE, l’ajout dans le lot appartenant à cette dernière, de sur-fenêtres anti-effractions, selon croquis réalisé par le gérant de la SCI, et l’installation d’une grille en tôle laquée noire au droit du jardin appartenant audit lot.
Le syndicat des copropriétaires reproche à la SCI TRUFFLE d’avoir en réalité, procédé au changement complet des fenêtres et des dormants existants, et d’avoir installé un vitrage opaque occasionnant une détérioration du parement de la façade, une grille en tôle plus élevée que celle figurant sur le croquis soumis à l’assemblée générale, outre l’installation d’une climatisation réversible qui a entraîné des percements sur la façade de l’immeuble pour raccorder l’unité installée dans le jardin de l’appartement à celle située à l’intérieur.
Le syndicat des copropriétaires produit, pour justifier de ces éléments, des photographies, qui ne peuvent toutefois être prises en considération, à défaut d’indication sur l’adresse de l’immeuble photographié et sur la date de leur prise de vue.
Cependant, il ressort du protocole d’accord du 15 décembre 2022, que les parties ont convenu de porter notamment deux résolutions à l’ordre du jour de l’assemblée spéciale du 15 décembre 2022, la première portant sur la ratification des travaux de remplacement des fenêtres, sous réserve expresse que « l’architecte de l’immeuble confirme par écrit au syndic que lesdits travaux n’ont pas causé désordres à la façade et qu’ils ne sont pas de nature à porter atteinte à sa structure », et la seconde sur l’installation de la climatisation, sous réserve expresse que « l’architecte de l’immeuble confirme par écrit au syndic que lesdits travaux n’ont pas causé désordres à la façade et qu’ils ne sont pas de nature à porter atteinte à sa structure ». Il était également stipulé qu’en cas d’adoption de ces résolutions et de ratification du protocole, la SCI TRUFFLE s’engageait à diminuer la hauteur des brise-vues pour la ramener à celle entourant la terrasse privative de son lot, et ce avant le 30 avril 2023.
Par un procès-verbal d’assemblée générale du même jour, les copropriétaires ont ratifié l’ensemble de ces résolutions, imposant en conséquence à la SCI TRUFFLE de diminuer la hauteur des brise-vues dans le délai qui lui était imparti, et de laisser accès à ses parties privatives afin que les vérifications nécessaires relatives à l’impact des travaux non autorisés sur la façade de l’immeuble et/ou sur sa structure puissent être effectuées.
Or il ressort du diagnostic du 5 mars 2024, établi par M. [B] [N], architecte, que celui-ci n’a pu obtenir d’autorisation d’accès aux parties privatives de la SCI TRUFFLE, de sorte qu’il indique n’avoir pu réaliser qu’une partie de la mission qui lui était confiée ; que la disposition du protocole prévoyant d’aligner la clôture opaque installée par la défenderesse avec le barreaudage existant n’a pas été exécutée au jour de sa visite le 29 février 2024 ; que lors du remplacement des fenêtres par la SCI TRUFFLE, l’harmonie générale de l’immeuble n’a pas été respectée puisque le matériau utilisé correspond à du PVC et non à du métal, que les effets visuels de vitrages traités en miroir sont désagréables, tout comme ceux de la surépaisseur des montants des fenêtres, et qu’il existe un raccord maladroit des parties latérales de la baie qui ont été peintes dans une couleur différente de celle de la façade.
Néanmoins, outre le fait qu’il ne ressort pas clairement des termes des résolutions votées la partie ayant la charge de mandater l’architecte de l’immeuble, puisqu’il est seulement indiqué que la ratification sera faite sous réserve expresse que l’architecte confirme au syndic une absence d’atteinte à la façade de l’immeuble et/ou à sa structure, il est relevé qu’aucune pièce produite au débat ne permet de justifier que l’architecte a sollicité la SCI TRUFFLE pour obtenir l’accès aux locaux de cette dernière, que ce diagnostic a été établi dans un cadre non contradictoire, et que les éléments qui y sont relatés datent du 29 février 2024, soit plusieurs mois avant l’audience, de sorte qu’il n’est pas démontré qu’à ce jour, les griefs reprochés à la SCI TRUFFLE perdurent.
Il s’ensuit que le trouble manifestement illicite n’est pas caractérisé et qu’il ne peut y avoir lieu à référé sur les demandes de dépose sous astreinte, et aux frais exclusifs de la défenderesse, des fenêtres et de la climatisation installées sans autorisation de l’assemblée, et de diminution de la hauteur des brise-vues.
Sur l’obligation de faire
L’article 835 alinéa 2 du code de procédure dispose que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Il appartient au demandeur de prouver l’existence de l’obligation.
La partie demanderesse sollicite la désignation d’un commissaire de justice afin de contraindre la SCI TRUFFLE à exécuter ses obligations découlant du protocole.
Or en l’espèce, s’il n’est certes pas sérieusement contestable que la ratification des travaux était conditionnée à la confirmation par l’architecte de l’immeuble qu’aucune atteinte n’avait été portée à la façade et/ou la structure de l’immeuble, il a cependant été développé précédemment que les résolutions votées ne font pas clairement apparaître qui du syndicat des copropriétaires ou de la SCI TRUFFLE devait mandater l’architecte, et que la partie demanderesse ne justifie pas de démarches particulières auprès de la SCI TRUFFLE afin de pouvoir accéder à ses locaux, de sorte que la mesure sollicitée apparaît disproportionnée.
Dans ces conditions, le syndicat des copropriétaires sera débouté de sa demande de désignation d’un commissaire de justice.
Sur les demandes accessoires
Succombant en ses prétentions, le syndicat des copropriétaires sera condamné aux dépens.
En revanche, il n’y a pas lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,
Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes de dépose sous astreinte, et aux frais exclusifs de la SCI TRUFFLE, des fenêtres et de la climatisation installées sans autorisation de l’assemblée ;
Disons n’y avoir lie à référé sur la demande de diminution de la hauteur des brise-vues ;
Déboutons le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] de sa demande de désignation d’un commissaire de justice ;
Condamnons le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] aux dépens ;
Disons n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelons que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
Fait à Paris le 09 août 2024
La Greffière, La Présidente,
Célia HADBOUN Cristina APETROAIE
Décision préparée avec le concours de [F] [W], juriste-assistante.