Liquidation et intérêts : enjeux financiers et demandes de délais de paiement en contexte de défaillance économique

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Liquidation et intérêts : enjeux financiers et demandes de délais de paiement en contexte de défaillance économique

La SA Caisse d’épargne et de prévoyance d’Ile de France a accordé un prêt de 1.013.000 € à la société Floro pour des travaux d’aménagement, remboursable en 90 mensualités. En janvier 2018, des parts sociales de Floro ont été cédées à Messieurs [X] et [O] [F]. En septembre 2018, ces derniers ont remplacé les cautions initiales par leurs propres engagements, Monsieur [O] [F] se portant caution pour un montant de 310.130,89 €. En mars 2019, Floro a été placée en redressement judiciaire, et la banque a déclaré sa créance. Après une mise en demeure restée sans réponse, la banque a assigné Monsieur [O] [F] en paiement. Le tribunal a d’abord déclaré son incompétence, puis a prononcé la liquidation judiciaire de Floro en octobre 2022.

La banque a demandé le paiement de la somme due par Monsieur [O] [F], qui a contesté la validité de son engagement de caution, arguant qu’il n’avait pas rédigé la mention manuscrite requise par la loi. Il a également demandé la déchéance des intérêts pour non-respect par la banque de son obligation d’information annuelle. Le tribunal a rejeté la demande de nullité du cautionnement, considérant que Monsieur [O] [F] avait connaissance de son engagement et avait commis une fraude en détournant le formalisme requis. La demande de déchéance des intérêts a été jugée sans objet, et le tribunal a condamné Monsieur [O] [F] à payer la somme de 310.130,89 € à la banque, avec intérêts, ainsi qu’une somme de 3.000 € au titre des frais de justice.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

9 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
21/14233
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le :

à
Me SOLA
Me JULIEN

9ème chambre 1ère section

N° RG 21/14233
N° Portalis 352J-W-B7F-CVR53

N° MINUTE : 11

Assignation du :
08 Septembre 2021

JUGEMENT
rendu le 09 Septembre 2024
DEMANDERESSE

S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Michèle SOLA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0133

DÉFENDEUR

Monsieur [O] [F]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Philippe JULIEN de la SCP PDGB, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #U0001

Décision du 09 Septembre 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 21/14233 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVR53

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente
Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente
Patrick NAVARRI, Juge

assistéS de Chloé DOS SANTOS, Greffière.

DÉBATS

A l’audience du 03 Juin 2024 tenue en audience publique devant Marine PARNAUDEAU, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue le 09 Septembre 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing-privé en date du 2 mai 2012, la SA Caisse d’épargne et de prévoyance d’Ile de France a consenti à la société Floro qui exploitait un restaurant à [Localité 5], un prêt n°9027843 d’un montant de 1.013.000 €, remboursable en 90 mensualités, au taux annuel de 4,05%, destiné à financer des travaux d’aménagement.

Par acte sous seing-privé du 22 janvier 2018, Madame [J] et Madame [K] ont cédé à Messieurs [X] [F] et [O] [F], représentant la société Holding Compagny en formation, l’ensemble de leurs parts sociales détenues dans la société Floro.

Par acte sous seing-privé du 19 avril 2018, Monsieur [X] [F] et son père, Monsieur [O] [F] ont constitué la SAS Holding Compagny. Ils détiennent chacun 50 % des parts sociales.

Suivant un avenant en date du 7 septembre 2018, les engagements de caution de Mesdames [J] et [K] ont été supprimés et ont été recueillis les engagements de caution de Messieurs [X] et [O] [F].

Par acte sous seing-privé du 7 septembre 2018, Monsieur [O] [F] s’est porté caution solidaire et indivisible envers la CAISSE D’EPARGNE en garantie envers la SA Caisse d’épargne et de prévoyance d’Ile de France du remboursement du prêt souscrit par la société Floro dans la limite de la somme de 310.130,89 €.

Par jugement du 13 mars 2019, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Floro.

Par courrier recommandé du 18 avril 2019, la banque a régulièrement déclaré sa créance au titre du prêt susvisé entre les mains du mandataire judiciaire pour un montant de 462.994,75 € et sa créance pour un montant total de 49.986,21 € au titre du solde débiteur du compte de dépôt.

Par courrier recommandé du 24 avril 2019, la SA Caisse d’épargne et de prévoyance d’Ile de France a mis en demeure notamment Monsieur [O] [F], pris en sa qualité de caution, d’avoir à lui payer la somme de 310.130,89 €, à l’issue de la période d’observation dont faisait l’objet la société Floro.

Cette mise en demeure est demeurée infructueuse.

Par ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce de Paris du 14 octobre 2020, la créance d’un montant de 49.986,21 € de la CAISSE D’EPARGNE au titre du solde débiteur du compte de dépôt a été admise à titre chirographaire au passif du redressement judiciaire de la société Floro. De même, la créance déclarée au titre du prêt susvisée a été admise dans son intégralité.

Par acte d’huissier du 22 décembre 2020, la SA Caisse d’épargne et de prévoyance d’Ile de France a fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris Monsieur [O] [F], pris en sa qualité de caution, en paiement.

Par jugement du 8 septembre 2021, le tribunal de commerce de Paris s’est notamment déclaré incompétent pour statuer sur les demandes formées à l’égard de Monsieur [O] [F] au profit du tribunal judiciaire de Paris.

Par jugement du 25 octobre 2022, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire de la société Floro.

L’ordonnance de clôture du 14 novembre 2022 a été rabattue le 23 janvier 2023 par le juge de la mise en état.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives communiquées par le biais du RPVA le 24 juillet 2023, la SA Caisse d’épargne et de prévoyance d’Ile de France demande au tribunal au visa des articles 1343-2, 1905 et suivants, 2288 et suivants du code civil et de l’article L.511-4 du code des procédures civiles d’exécution, de :
– Recevoir la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE en ses demandes et l’en déclarer bien-fondée,
“- Déclarer monsieur [O] [F] irrecevable en sa demande de nullité,
– Condamner monsieur [O] [F], en sa qualité de caution, à payer à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE, au titre du prêt n°9027843, la somme de 310.130,89 €, correspondant au montant de son engagement de caution, outre les intérêts au taux contractuel de 4,05% majoré des pénalités de trois points, soit 7,05%, à compter du 26 avril 2019, date de réception de la mise en demeure,
– Dire que les intérêts produits seront capitalisés chaque année pour produire à leur tour intérêts, conformément à l’article 1343-2 du Code civil,
– Débouter monsieur [O] [F] de ses demandes,
– Condamner monsieur [O] [F] à payer à la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE-FRANCE la somme de 6.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
– Le condamner aux entiers dépens et autoriser maître Michèle SOLA à les recouvrer sur le fondement de l’article 699 du Code de procédure civile.
– Rappeler que l’exécution provisoire de la décision à intervenir est de droit.”

La SA Caisse d’épargne et de prévoyance d’Ile de France affirme que la demande de nullité de son engagement formée par la caution est irrecevable puisque Monsieur [O] [F] a reconnu la validité de son acte de cautionnement devant le tribunal de commerce de Paris, qu’il s’agit d’un aveu judiciaire, qu’il est interdit de se contredire au détriment d’autrui et que le défendeur indique désormais avoir fait rédiger par son assistante la mention manuscrite litigieuse, caractérisant ainsi une fraude.
Elle relève également que cette dénégation d’écriture et de signature est dénuée de sérieux, pour avoir été énoncée pour la première fois par conclusions récapitulatives du 16 novembre 2023 par le défendeur. Elle observe que les signatures apposées par ce dernier sur l’avenant du 7 septembre 2008 – qu’il ne dénie pas – et sur son acte de cautionnement sont identiques. De plus, elle note qu’en raison de son caractère non contradictoire, le rapport d’expertise produit par la caution lui est inopposable et que les éléments de comparaison remis à l’expert ne sont pas contemporains de l’acte de cautionnement querellé.

Elle soutient que sa demande est bien-fondée dès lors qu’elle fait valoir qu’elle est titulaire à l’égard du débiteur principal d’une créance de 49.986,21 €, que la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’endroit de la société Floro rend cette créance intégralement exigible et qu’elle se fonde sur l’acte de cautionnement de Monsieur [O] [F]. La banque souligne aussi que la demande de déchéance du droit aux intérêts n’a aucune incidence en l’espèce puisque la somme à concurrence de laquelle la caution s’est engagée est inférieure aux sommes restant dues.

La SA Caisse d’épargne et de prévoyance d’Ile de France ajoute que la demande de délais de paiement doit être rejetée, compte tenu de l’ancienneté de la créance, du patrimoine immobilier de la caution et faute pour le défendeur de justifier de ses revenus et charges actuels.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives communiquées par le biais du RPVA le 15 décembre 2023, Monsieur [O] [F] demande au tribunal, au visa de l’article 287 du code de procédure civile, des articles L. 331-1 et L. 331-2 du code de la consommation dans leur version applicable aux faits de l’espèce, de l’ancien article L.313-22 du code monétaire et financier et le nouvel article 2302 du code civil, des articles 1343-5 et, 1128, 1131, 1376 et 1353 du code civil, de :
“ A titre principal,
-Prononcer la nullité du cautionnement prétendument souscrit par M. [O] [F], M. [F] n’ayant pas rédigé la mention manuscrite exigée par la loi ni même signée ledit cautionnement, et vérifier pour ce faire, si nécessaire, l’écrit contesté conformément aux articles 287 et suivants du Code de procédure civile,
-Débouter LA CAISSE D’EPARGNE de sa demande de condamnation sur le fondement de l’acte de caution en date du 7 septembre 2018,

A titre subsidiaire,
-Prononcer, la déchéance de tous les intérêts échus et pénalités à compter de mars 2019, pour non-respect par la CAISSE D’EPARGNE de son obligation annuelle d’information prévue à l’ancien article L.313.-22 du code monétaire et financier,
-Débouter la CAISSE D’EPARGNE de sa condamnation à hauteur de 310 130,89 € outre les intérêts au taux contractuel de 4,05% majorés des pénalités de trois point, faute pour elle de justifier des sommes restant dues à date,
-Débouter la CAISSE D’EPARGNE de sa demande visant à faire condamner M. [F] à la somme de 310 130,89 € outre les intérêts au taux contractuel de 4,05% majorés des pénalités de trois point, l’engagement de caution de M. [F] étant limité à la somme de 310 130,89 € en principal, intérêts et pénalités aucune condamnation ne pouvant intervenir au-delà de ce montant,
– Accorder à M. [O] [F] un délai de paiement en 24 mensualités payable le 15 de chaque mois à compter du mois suivant la signification de la décision à intervenir ;
– Dire que M. [O] [F] pourra se libérer de la somme de 310 130, 89 € en 23 mensualités de 1500 €, la 24ème mensualité devant solder la dette restant due ;
– Condamner la CAISSE D’EPARGNE à verser à M. [O] [T] la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la CAISSE D’EPARGNE aux entiers dépens.”

Le défendeur argue de la nullité de son engagement en qualité de caution, soutenant n’avoir apposé ni la mention manuscrite prévue par la loi et ni sa signature. Il déclare que les deux actes de cautionnement signés respectivement par lui-même et son fils font état de mentions manuscrites identiques, rédigées selon toute vraisemblance par l’assistante de Monsieur [O] [F]. Il conteste avoir admis s’être engagé en qualité de caution devant le tribunal de commerce dès lors que son argumentaire venait au soutien de l’exception d’incompétence qu’il soulevait, avant toute défense au fond et que le cautionnement n’était envisagé qu’en son principe à titre éventuel. Il conteste toute intention frauduleuse, soulignant que la fraude n’est au surplus pas établie par la banque. Monsieur [F] reconnait, par ailleurs, le caractère non contradictoire du rapport d’expertise qu’il verse aux débats.

La caution précise que la banque ne justifie pas du montant de sa créance. Monsieur [F] souligne, par ailleurs, que les trois lettres d’information annuelle qui lui ont été adressées en 2020, 2021 et 2022 ne rappellent pas le terme de l’engagement de la caution si bien que la banque doit être déchue de son droit aux intérêts.

Monsieur [F] ajoute qu’il sera contraint de trouver de nouveaux financements ou de réaliser des actifs dans l’hypothèse où des délais de paiement lui seraient octroyés, afin de désintéresser intégralement la banque de sa créance.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 18 mars 2024.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l’exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

EXPOSE DES MOTIFS

1. Sur la nullité de l’engagement de caution

Aux termes de l’ancien article 2288 du code civil, celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même.

Aux termes de l’ancien article 2292 du code civil, le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l’étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.

Aux termes de l’ancien article 2293 alinéa 1er du code civil, le cautionnement indéfini d’une obligation principale s’étend à tous les accessoires de la dette, même aux frais de la première demande, et à tous ceux postérieurs à la dénonciation qui en est faite à la caution.

Les articles L.331-1 et L. 331-2 du code de la consommation imposent à la caution personne physique qui s’engage envers un créancier professionnel de faire précéder sa signature d’une mention manuscrite dont les termes sont précisés par ces articles. Les articles L.343-1 et L.343-2 prévoient que cette mention manuscrite doit figurer sur l’acte de cautionnement à peine de nullité.

Cependant, il résulte du principe fraus omnia corrumpit que la fraude commise par la caution dans la rédaction des mentions manuscrites légales, prescrites, à peine de nullité du cautionnement, par les articles L. 341-2 et L. 341-3, devenus L. 331-1 et L. 343-2 et L. 331-2 et L. 343-3, du code de la consommation interdit à cette dernière de se prévaloir de ces dispositions.

En l’espèce, il est établi que la SA Caisse d’épargne et de prévoyance d’Ile de France a fait assigner Monsieur [O] [F] en exécution d’un acte de cautionnement solidaire souscrit par ce dernier dans la limite de 310.130,89 € et pour une durée de 59 mois, le 7 septembre 2018.

Si Monsieur [O] [F] dénie avoir rédigé la mention manuscrite et signé lui-même l’acte de cautionnement, objet du présent litige, il ne conteste pas être l’auteur des paraphes figurant sur chacune des pages de cet acte.

De même, il ressort du rapport d’expertise graphologique, amiable et non contradictoire, du 18 janvier 2023 versé aux débats et débattu contradictoirement entre les parties dans le cadre de la présente instance que la mention manuscrite et la signature contenues dans l’acte de cautionnement n’émanent pas de la main de Monsieur [O] [F].

Toutefois, dans le cadre de cette instance, Monsieur [O] [F] a, au soutien de l’exception d’incompétence qu’il soulevait dans son premier jeu d’écritures soumises au tribunal de commerce de Paris, précisé :  » n’agissant pas en qualité de commerçant et ayant seulement cautionné une partie de l’engagement souscrit par le restaurant de mon fils, M. [O] [F] n’avait aucun intérêt patrimonial ni personnel ni déterminant au règlement de cette dette « .
Dans son second jeu de conclusions devant cette même juridiction, l’intéressé a fait valoir :  » De la même manière, on ne voit pas en quoi, le fait que M. [O] [F] ait apposé la mention manuscrite sur l’acte de caution serait de nature à démontrer son implication dans la société FLORO « .

Dans ses dernières conclusions récapitulatives, le défendeur fait observer que les mentions manuscrites présentes respectivement sur son acte de cautionnement et sur celui de son fils sont  » identiques, rédigées selon toute vraisemblance par l’assistante de M. [O] [F] « .

Si les défenses au fond peuvent être invoquées en tout état de cause et si les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux au soutien de leurs prétentions, force est de relever que les moyens développés devant le tribunal de commerce par Monsieur [O] [F] ne sauraient constituer un estoppel rendant irrecevable sa demande tendant à voir déclarer nul son engagement en qualité de caution.

Il y a lieu de relever que l’avenant au crédit n°9027843 dont chaque page a été paraphée par Monsieur [O] [F] et qu’il a signé le 7 septembre 2018, en faisant précéder sa signature de la mention  » bon pour acceptation en qualité de caution  » – paraphes et signature dont l’intéressé ne conteste pas être l’auteur – fait état, au titre des garanties du prêt de la société Floro, notamment de l’engagement en qualité de caution, de Monsieur [O] [F] à hauteur de 50% du montant querellé. Un paraphe est un signe manuscrit, le plus souvent une version partielle d’une signature, dont l’objectif est précisément de s’assurer que le signataire a lu l’acte en entier et qu’aucune page intermédiaire n’a été retranchée ou rajoutée.

Il découle de ce qui précède que Monsieur [O] [F] avait une nécessaire connaissance de l’engagement considéré, dans lequel il avait un intérêt certain et une implication dans le montage de l’opération, par l’intermédiaire de la société Floro et de la société Holding Compagny. Il avait de ce fait une parfaite connaissance de l’engagement qu’il souscrivait.

Monsieur [O] [F] dénie avoir écrit de sa main la mention manuscrite imposée par le code de la consommation et considère qu’elle a pu être écrite par l’assistante de son fils. Cependant, au moment où il a paraphé et signé l’acte de cautionnement, il ne pouvait ignorer qu’il n’avait pas rédigé lui-même la mention manuscrite. Dans ces conditions, Monsieur [O] [F] se prévaut désormais d’un formalisme de protection dont il a pourtant accepté le détournement, commettant ainsi une fraude. En raison de cette faute intentionnelle, Monsieur [O] [F] ne peut invoquer la nullité du cautionnement.

Par conséquent, sa demande de nullité du cautionnement sera rejetée.

2. Sur le bien-fondé de la demande reconventionnelle de déchéance du droit aux intérêts pour manquement de la banque à son obligation d’information annuelle à l’égard de la caution

L’article L. 313-22 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au présent litige, dispose que les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Au visa de cette disposition, Monsieur [O] [F] prétend que la Caisse d’épargne ne rapporte pas la preuve de l’information annuelle qui lui aurait été délivrée concernant le montant de son engagement de caution.

Si en application des dispositions susvisées, la banque n’a pas à prouver que la caution a bien reçu les lettres d’information, il lui incombe en revanche de rapporter la preuve, par tout moyen, de l’envoi effectif de ces missives avant le 31 mars de chaque année.

La sanction du non-respect de cette obligation consiste en la déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels et non aux intérêts légaux.

Dans la mesure où l’engagement souscrit par Monsieur [O] [F] en qualité de caution est limité à hauteur de 310.130,89 € et où la banque sollicite la condamnation de l’intéressé à une somme inférieure au montant du capital dont le débiteur principal est redevable à son égard (pièce 16 de la demanderesse faisant apparaitre une somme de 462.994,75 € en principal et de règlements reçus d’un montant total de 46.492,82 €), il n’y a pas lieu de décharger la caution d’intérêts qui ne sont pas réclamés. La demande de déchéance du droit aux intérêts présentée par Monsieur [O] [F] est donc sans objet.

3. Sur le bien-fondé de la demande en paiement

L’article 2288 (ancien 2011) du code civil dispose que celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même. L’article 2290 (ancien 2013) du code civil précise que le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses. L’article 2292 (ancien 2015) du code civil dispose qu’il ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.

Il est stipulé dans les clauses du contrat de cautionnement que :
– le montant du cautionnement inclut le principal, les intérêts et le cas échéant, les commissions, frais, accessoires et intérêts de retard,
– en cas de défaillance du cautionné pour quelque cause que ce soit, la caution sera tenue de payer à la banque ce que lui doit le cautionné, y compris les sommes devenues exigibles par anticipation.

Décision du 09 Septembre 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 21/14233 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVR53

La SA Caisse d’épargne et de prévoyance d’Ile de France justifie par la production du contrat de prêt et de son avenant, du jugement de redressement judiciaire de la société Floro, du jugement de résolution du plan de redressement judiciaire et de l’ouverture à l’égard de la société Floro en liquidation judiciaire (BODACC des 10 et 11 novembre 2022), de sa déclaration de créance entre les mains du mandataire judiciaire de la société Floro, de la décision du juge commissaire du tribunal de commerce de Paris (statuant en matière d’admission de créance), avoir obtenu l’admission au passif du redressement judiciaire la société Floro, une créance pour un montant de 462.994,75 €, correspondant au capital restant dû au titre du prêt.

Compte tenu du contrat de prêt et de son avenant, de la procédure de liquidation judiciaire dont fait l’objet la société Floro, du décompte de la créance, de l’acte de cautionnement solidaire de Monsieur [O] [F] et du courrier de mise en demeure qui lui a été adressé, Monsieur [O] [F], en sa qualité de caution solidaire de la société Floro, sera donc condamné au paiement de la somme de 310.130,89 €.

Il y a lieu de rappeler que la société Floro est en liquidation judiciaire. En conséquence, en application de l’article L. 622-28 du code de commerce, il y a lieu de dire que cette somme de 310.130,89 € sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2020.

L’article 1343-2 du code civil prévoyant la capitalisation de droit des intérêts dès lors qu’il s’agit d’intérêts dus pour une année au moins, le tribunal fera droit à la demande formée à ce titre et dira que les intérêts dus pour une année entière à compter de la demande en justice, c’est à dire du 22 décembre 2020, date de signification de l’assignation, produiront eux-mêmes intérêts à compter du 22 décembre 2021.

4. Sur la demande reconventionnelle de délais de paiement

Aux termes de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l’espèce, Monsieur [O] [F] ne justifie ni de ses revenus actuels, les seuls avis d’imposition produits aux débats se rapportant aux années 2021 et 2022, ni de ses charges actuelles ni de la consistance réelle de son patrimoine, de sorte qu’il n’est pas possible d’apprécier la situation financière globale du défendeur, qui ne démontre pas davantage sa capacité à s’acquitter de sa dette dans un délai de deux ans.

Par conséquent, Monsieur [O] [F] sera débouté de sa demande de délais de paiement.

5. Sur les demandes accessoires

Monsieur [O] [F], partie perdante au procès, sera condamné aux dépens, avec distraction au profit de Maître Michèle Sola.

L’équité commande de condamner Monsieur [O] [F] à payer une somme de 3.000 € à la SA Caisse d’épargne et de prévoyance d’Ile de France afin de compenser les frais de justice non compris dans les dépens qu’elle a dû exposer afin d’assurer la défense de ses intérêts, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire de la présente décision, nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe de la juridiction, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,

CONDAMNE Monsieur [O] [F] à payer à la société SA Caisse d’épargne et de prévoyance d’Ile de France la somme de 310.130,89 € avec intérêts au taux légal, à compter du 22 décembre 2020 ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts et dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice produiront eux-mêmes intérêts à compter du 22 décembre 2021 ;

DÉCLARE sans objet la demande de déchéance du droit aux intérêts présentée par Monsieur [O] [F] ;

DÉBOUTE Monsieur [O] [F] de toutes ses demandes ;

CONDAMNE Monsieur [O] [F] à payer à la société SA Caisse d’épargne et de prévoyance d’Ile de France la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [O] [F] aux dépens, avec distraction au profit de Maître Michèle Sola ;

ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision.

Fait et jugé à Paris le 09 Septembre 2024.

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE


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