Liquidation et Expulsion : Les Enjeux d’une Procédure Collective en Cours

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Liquidation et Expulsion : Les Enjeux d’une Procédure Collective en Cours

Ouverture de la procédure de liquidation judiciaire

Le tribunal de commerce de Bobigny a décidé, le 13 mai 2024, d’ouvrir une procédure de liquidation judiciaire immédiate pour la société SAS MA France, sans maintien de l’activité. Maître [P] [K] et la SELARL [F] MJ ont été désignés comme liquidateurs.

Ordonnance d’expulsion

Le 15 octobre 2024, le juge des requêtes a ordonné l’expulsion de toutes les personnes occupant les locaux de MA France, à l’exception des salariés protégés non licenciés, qui ne peuvent accéder qu’au local syndical. En cas de non-respect, une astreinte de 1.000 euros par jour de retard a été imposée.

Assignation des salariés protégés

Le même jour, le juge a autorisé les liquidateurs à assigner quatre salariés protégés devant le tribunal pour obtenir leur expulsion, en raison du refus de l’inspection du travail d’autoriser leur licenciement.

Audience du 24 octobre 2024

Lors de l’audience, les liquidateurs ont demandé la confirmation de l’ordonnance d’expulsion et ont soutenu que les défendeurs bloquaient le site, ce qui entravait la liquidation judiciaire. Ils ont également contesté la recevabilité de la tierce opposition formée par les défendeurs.

Arguments des défendeurs

Les salariés protégés et les syndicats ont demandé au juge d’interdire l’intervention de sociétés de sécurité sur le site, arguant que les liquidateurs n’avaient pas qualité pour agir en référé. Ils ont également affirmé que les agents de sécurité avaient tenté d’intimider les salariés.

Décision du tribunal

Le tribunal a confirmé l’ordonnance d’expulsion, précisant que seuls les salariés protégés non licenciés pouvaient accéder aux locaux pour exercer leur mandat. Les liquidateurs ont été autorisés à procéder à l’expulsion des autres occupants.

Interdiction d’intervention des agents de sécurité

La demande d’interdiction d’intervention des agents de sécurité a été rejetée, le tribunal n’ayant pas trouvé de preuves d’immixtion dans le conflit de travail.

Demande de provision

La demande de provision pour dommages-intérêts formulée par les défendeurs a été rejetée, le tribunal considérant qu’il existait une contestation sérieuse sur l’existence du préjudice allégué.

Décision finale

Le tribunal a statué en faveur des liquidateurs, ordonnant l’expulsion des occupants non autorisés et laissant chaque partie responsable de ses propres dépens. L’exécution de la décision a été ordonnée au seul vu de la minute.

Quelles sont les conséquences juridiques de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire ?

L’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire entraîne des conséquences significatives pour la société concernée. Selon l’article L 641-9 du Code de commerce, « Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l’activité professionnelle, même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée.

Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur. »

Ainsi, la société MA France, une fois la liquidation judiciaire ouverte, ne peut plus gérer ses biens.

Les liquidateurs, en l’occurrence Maître [P] [K] et la SELARL [F] MJ, sont les seuls habilités à agir pour sauvegarder et réaliser l’actif de l’entreprise.

Cela signifie que toute action en justice ou décision concernant les biens de la société doit être entreprise par les liquidateurs, ce qui est essentiel pour protéger les droits des créanciers et assurer une gestion ordonnée des actifs.

Quels sont les droits des salariés protégés dans le cadre d’une liquidation judiciaire ?

Les salariés protégés, tels que définis par le Code du travail, bénéficient de protections spécifiques, même en cas de liquidation judiciaire. L’article L 2411-1 du Code du travail stipule que « les représentants du personnel bénéficient d’une protection contre le licenciement. »

Dans le cadre de la liquidation judiciaire, ces salariés ne peuvent être licenciés sans l’autorisation de l’inspection du travail, comme le souligne l’article L 1233-3 du même code.

Dans le cas présent, les salariés protégés de la société MA France, Messieurs [X] [D], [T] [B], [Y] [O] et [H] [U], ont été reconnus comme ayant le droit d’accéder au local syndical, mais leur présence dans d’autres locaux de l’entreprise est limitée.

Le tribunal a précisé que leur accès doit se limiter à l’exercice de leur mandat, ce qui est conforme à la protection qui leur est accordée par la loi.

Quelles sont les conditions pour ordonner une expulsion en référé ?

L’article 835 du Code de procédure civile permet au juge de prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état en référé, même en présence d’une contestation sérieuse, pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent est défini comme un dommage qui n’est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation actuelle perdure.

Le trouble manifestement illicite, quant à lui, désigne toute perturbation résultant d’un fait qui constitue une violation évidente de la règle de droit.

Dans le cas de la société MA France, le tribunal a constaté que la présence de personnes non autorisées dans les locaux constituait un trouble manifestement illicite, car cela portait atteinte au droit de propriété de l’entreprise.

Ainsi, l’expulsion a été ordonnée, sauf pour les salariés protégés, qui ont des droits spécifiques d’accès.

Quelles sont les implications de l’astreinte en cas de non-respect d’une ordonnance d’expulsion ?

L’astreinte est une mesure coercitive prévue par l’article 131-1 du Code de procédure civile, qui permet de sanctionner le non-respect d’une décision de justice.

Dans le cadre de l’ordonnance d’expulsion, le tribunal a fixé une astreinte de 1.000 euros par jour de retard pour chaque personne qui ne quitterait pas les lieux dans le délai imparti.

Cette astreinte vise à inciter les occupants à se conformer à l’ordonnance et à garantir l’exécution rapide de la décision.

Elle est calculée à partir de la date de signification de l’ordonnance et continue jusqu’à ce que l’expulsion soit réalisée.

L’astreinte est donc un outil efficace pour assurer le respect des décisions judiciaires et protéger les droits des liquidateurs dans le cadre de la liquidation judiciaire.

Quelles sont les conditions d’interdiction d’intervention des agents de sécurité dans un conflit du travail ?

L’article L 612-4 du Code de la sécurité intérieure interdit aux agents de sécurité de s’immiscer dans le déroulement d’un conflit du travail.

Cette interdiction vise à protéger le droit des travailleurs à mener des actions collectives sans intimidation.

Dans le cas présent, les défendeurs ont demandé l’interdiction d’intervention des agents de sécurité sur le site de la société MA France tant que le conflit du travail est en cours.

Cependant, le tribunal a constaté qu’aucune preuve n’établissait que les agents de sécurité avaient excédé leurs attributions ou s’étaient immiscés dans le conflit.

De plus, la nécessité de sécuriser le site, qui contient encore des biens mobiliers, a été reconnue.

Ainsi, la demande d’interdiction a été rejetée, soulignant l’importance de la sécurité des biens tout en respectant les droits des travailleurs.


 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

13 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Bobigny
RG
24/01732
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-
Chambre 1/Section 5
N° du dossier : N° RG 24/01732 – N° Portalis DB3S-W-B7I-2B6Z

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 13 NOVEMBRE 2024
MINUTE N° 24/03337
—————-

Nous, Madame Anne BELIN, Première Vice-Présidente, au Tribunal judiciaire de BOBIGNY, statuant en référés, assistée de Madame Tiaihau TEFAFANO, Greffière,

Après avoir entendu les parties à notre audience du 24 octobre 2024 avons mis l’affaire en délibéré et avons rendu ce jour, par mise à disposition au greffe du tribunal en application des dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile, la décision dont la teneur suit :

ENTRE :

Maître [P] [K], Mandataire judiciaire,
demeurant [Adresse 8]

représenté par Me Isilde QUENAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1515

La SELARL [F] MJ, représenté par Maître [L] [F],
dont le siège social est sis [Adresse 6]

représentée par Me Isilde QUENAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1515

ET :

Monsieur [X] [D],
demeurant [Adresse 3]

représenté par Maître Emmanuel GAYAT de la SELAS JDS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0028

Monsieur [T] [B],
demeurant [Adresse 7]

représenté par Maître Emmanuel GAYAT de la SELAS JDS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0028

Monsieur [Y] [O],
demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Emmanuel GAYAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0028

Monsieur [H] [U],
demeurant demeurant [Adresse 5]

représenté par Maître Emmanuel GAYAT de la SELAS JDS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0028

La Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT, INTERVENANT VOLONTAIRE,
dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Maître Emmanuel GAYAT de la SELAS JDS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0028

L’Union des Syndicats CGT de Seine-Saint-Denis, INTERVENANT VOLONTAIRE,
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Emmanuel GAYAT de la SELAS JDS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0028

EXPOSE DU LITIGE

Par décision du 13 mai 2024, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de liquidation judiciaire immédiate sans maintien de l’activité à l’égard de la société SAS MA France et nommé en qualité de liquidateurs Maître [P] [K] et la SELARL [F] MJ.

Suivant ordonnance du 15 octobre 2024, le juge des requêtes de ce tribunal a fait droit à la requête présentée par Maître [P] [K] et la SELARL [F] MJ, es qualité, et il a :
ordonné l’expulsion de toutes les personnes qui occupent les locaux de la société MA France situés [Adresse 10] à [Localité 9], seuls les salariés protégés non licenciés pouvant avoir accès uniquement au local syndical, à l’exclusion des autres locaux de l’usine ; ordonné qu’à défaut de quitter les lieux au vu de la seule minute, lesdites personnes devront régler chacune aux co-liquidateurs une astreinte de 1.000 euros par jour de retard ; désigné tout commissaire de justice compétent avec mission de procéder à l’expulsion de tout occupant empêchant l’accès aux locaux de MA France, ou occupant les locaux de MA France, autres que les salariés protégés non licenciés et pour les seuls besoins d’accès au local syndical ; dit que l’huissier commis pourra se faire assister du commissaire de police ou du commandant de gendarmerie territorialement compétent, et qu’il bénéficiera du concours de la force publique.
Suivant ordonnance du même jour, le juge des requêtes a autorisé Maître [P] [K] et la SELARL [F] MJ, es qualité, à assigner à heure indiquée devant le président de ce tribunal, à l’audience du 24 octobre 2024, Messieurs [X] [D], [T] [B], [Y] [O] et [H] [U], salariés protégés de la société MA France dont l’inspection du travail a refusé l’autorisation de licenciement.

L’assignation a été délivrée le 16 octobre 2024.

A l’audience du 24 octobre 2024, Maître [P] [K] et la SELARL [F] MJ, es qualité, ont sollicité du juge des référés qu’il :
déclare irrecevable la tierce opposition incidente formée à l’encontre de l’ordonnance sur requête du 15 octobre 2024 ;
prononce l’expulsion de Messieurs [X] [D], [T] [B], [Y] [O] et [H] [U], et de toutes les personnes qui occupent les locaux de la société MA France de leur chef sis [Adresse 10] à [Localité 9], à l’exception des seuls les salariés protégés non licenciés pouvant avoir accès uniquement au local syndical, à l’exclusion des autres locaux de l’usine ; juge qu’à défaut de quitter les lieux dans les 24 heures à compter de la signification de l’ordonnance, lesdites personnes devront leur régler chacune une astreinte de 1.000 euros par jour de retard ; désigne tout commissaire de justice compétent avec mission de procéder à l’expulsion de tout occupant des locaux de MA France, ou empêchant l’accès aux locaux de MA France, autres que les salariés protégés non licenciés pour les seuls besoins d’accès au local syndical ; juge que le commissaire de justice pourra se faire assister le cas échéant d’un serrurier ;juge que le commissaire de justice pourra se faire assister du commissaire de police ou du commandant de gendarmerie territorialement compétent, et qu’il bénéficiera du concours de la force publique ;déboute les défendeurs de l’ensemble de leurs prétentions.
Ils expliquent préalablement que :
leurs demandes sont recevables dès lors qu’à compter du jugement de liquidation judiciaire, les droits et actions de la société MA France ne peuvent être exercés que par le biais du liquidateur ;la qualité à défendre des quatre défendeurs est établie, en ce qu’ils occupent les locaux de la société MA France et font obstruction au déroulement des opérations de la liquidation judiciaire, ainsi qu’à la restitution des actifs à des tiers.
Sur l’irrecevabilité de la tierce opposition formée à titre incident par les défendeurs, ils indiquent que (i) la Cour de cassation a jugé que la tierce opposition incidente à l’encontre d’une ordonnance sur requête n’était pas recevable ; (ii) que les défendeurs n’ont aucun intérêt à agir, n’étant pas visés par l’ordonnance sur requête dès lors qu’ils ne sont pas non identifiés et font l’objet de la présente procédure qui est distincte ; (iii) que leur défense est contradictoire avec leur affirmation selon laquelle ils ne sont pas occupants du site, qu’ils ne le bloquent aucunement et qu’ils ne sont pas des meneurs.
Ils ajoutent qu’en tout état de cause cette décision est fondée et ne doit pas être retractée dès lors qu’il est établi que des individus, pour partie non identifiés et non identifiables, occupent en toute illégalité le site, ce qui fait obstacle à toute procédure contradictoire à leur encontre.

Ils font ensuite valoir en substance que :
le dommage imminent est démontré par l’état des locaux qui font courir un danger à ses occupants ;le trouble manifestement illicite est constitué par l’occupation de l’usine, laquelle fait obstacle à la restitution des biens qui sont revendiqués par des tiers, ce qui porte atteinte à leur droit de propriété, outre qu’elle fait obstacle à la mise en sécurité du site, et empêche à la réalisation des actifs, alors même que les fonctions des co-liquidateurs sont de vérifier le passif et de réaliser les actifs de la société.
Sur la demande reconventionnelle tendant à voir interdire l’intervention d’une société de sécurité pour sécuriser le site, ils expliquent qu’elle ne repose sur aucun fondement juridique, que les agents de sécurité ne s’immiscent pas dans le conflit, que le site était déjà gardienné avant l’ouverture de la procédure collective, et que la sécurité du site, des biens et des personnes relève de leur responsabilité.

En réplique, Messieurs [X] [D], [T] [B], [Y] [O] et [H] [U], ainsi que la fédération des travailleurs de la métallurgie CGT et l’Union des syndicats CGT de Seine-Saint-Denis, déclarant toutes deux intervenir volontairement à l’instance, ont demandé au juge des référés de :
prendre acte de l’intervention volontaire de la fédération des travailleurs de la métallurgie CGT et de l’Union des syndicats CGT de Seine-Saint-Denis ; faire interdiction aux demandeurs de recourir aux personnes visées à l’article L 611-1 du code de la sécurité intérieure pour intervenir sur le site d’[Localité 9] de la société MA France tant que durera le conflit du travail en cours ; assortir cette interdiction d’une astreinte de 10.000 euros par infraction constatée, c’est-à-dire par intervention d’un agent de sécurité au cours d’une des journées de ce conflit du travail ; condamner les mandataires liquidateurs de la société à leur verser à chacun une provision sur dommages et intérêts à hauteur de 5.000 euros ; constater que l’ensemble des demandes présentées sont irrecevables faute pour les demandeurs de justifier d’une qualité pour agir et faute pour les personnes assignées de disposer de la qualité pour y défendre ; subsidiairement, dire n’y avoir lieu à référé, faute de caractérisation d’un trouble manifestement illicite ou d’un dommage imminent ;condamner les demandeurs à leur payer à chacun la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; les condamner aux dépens ;rétracter l’ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal judiciaire de Bobigny le 15 octobre 2024.
Sur la recevabilité des demandes adverses, ils font valoir que les mandataires liquidateurs, s’ils peuvent représenter la société MA France, en liquidation, dans le cadre d’une action intentée par elle pour faire valoir ses droits, n’ont pas qualité pour solliciter le juge des référés en lieu et place de la société, de surcroît en présentant des demandes à leurs profits personnels. Ils ajoutent qu’il n’est pas démontré l’intérêt à défendre de Messieurs [D], [B], [O] et [U] dès lors qu’ils ne sont ni les instigateurs, ni les meneurs des actions conduites collectivement par les anciens salariés de MA France et les salariés protégés non licenciés, et qu’aucun grief n’est articulé personnellement à l’encontre de ceux-ci.

Sur le fond, ils exposent que :
les agents de sécurité mis en place par les liquidateurs sont intervenus à de nombreuses reprises pour tenter d’intimider les salariés mobilisés afin d’organiser des actions, coordonner leurs revendications, et tenter d’obtenir de meilleures conditions de départ, ce qui constitue sans conteste une immixtion illicite dans le conflit de travail MA France, et une infraction pénale ; outre que la société SIMSECURITE PRIVEE a été sollicitée par le mandataire liquidateur et que celui-ci est donc complice par instruction donnée des infractions commises ;l’infraction ainsi caractérisée avec l’évidence nécessaire justifie que le juge de référés alloue une provision sur dommages-intérêts tant aux salariés directement victimes qu’aux organisations syndicales agissant dans l’intérêt collectif de la profession sur le fondement de l’article L 2132-3 du code du travail ;afin de prévenir toute réitération, dont le risque caractérise un dommage imminent, il est légitime de faire interdiction, sous astreinte, aux mandataires de faire appel à un service de sécurité ;l’usine MA France n’est pas occupée ; les salariés et anciens salariés se rendent régulièrement sur le site, en dehors de l’usine, autour du local du CSE afin de se réunir comme la loi et la jurisprudence les y autorisent depuis le mois d’avril 2024 sans que les mandataires n’aient estimé que cette situation constituait un quelconque trouble ; les mandataires liquidateurs et le commissaire-priseur ont pu librement visiter l’usine et effectuer des inventaires ; aucun dispositif de blocage n’a été mis en place par les salariés qui ne se sont jamais opposé à la moindre initiative des mandataires ;ils ne s’opposent ni à la récupération des biens, ni à la remise en état des locaux ;l’ordonnance sur requête doit être retractée car il n’existe aucun motif qui justifie la décision prise ; ils ajoutent que cette ordonnance n’a pas été signifiée ni présentée aux salariés et anciens salariés de la société MA France.
Après la clôture des débats, la décision a été mise en délibéré au 13 novembre 2024, et les parties autorisées à communiquer en cours de délibéré une note relativement au calendrier des opérations de restitution des actifs, et ce jusqu’au 5 novembre 2024.

Par note du 29 octobre 2024, Maître [P] [K] et la SELARL [F] MJ, es qualité, ont exposé qu’il est prévu que ces opérations aient lieu entre le 6 novembre 2024 et le 19 novembre 2024, précisant que toutes les sociétés concernées n’ont pas encore communiqué la date de leur intervention.

Par note du 5 novembre 2024, Messieurs [X] [D], [T] [B], [Y] [O] et [H] [U], la fédération des travailleurs de la métallurgie CGT et l’Union des syndicats CGT de Seine-Saint-Denis répliquent (i) qu’il ne semble pas possible de faire débuter les opérations de récupération en amont de la date de délibéré, dans la mesure où il n’aura pas été statué sur les demandes relatives à l’intervention des agents de sécurité ; (ii) qu’ils n’ont pas l’intention d’intervenir pour empêcher l’opération de restitution, mais seront présents sur le site au titre de leur mandat comme la loi le leur permet ; (iii) qu’il est fait état en demande de deux dates indicatives d’enlèvement de biens par la société ALGECO les 18 et 19 novembre 2024, alors que les locaux syndicaux se trouvent dans les modules ALGECO du site et qu’il doit être fourni aux sections syndicales des locaux tant que le contrat des salariés protégés n’a pas été rompu.
Ils rappellent en outre ne pas être opposés à la réalisation de travaux de mise en sécurité du site.

Les notes en délibérés communiquées après le 5 novembre 2024 seront écartées des débats en ce qu’elles sont tardives au regard de la date fixée au terme des débats.

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé, des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

MOTIFS

sur l’intervention volontaire

Il convient, en application des articles 328 et suivants du code de procédure civile, de recevoir l’intervention volontaire de la fédération des travailleurs de la métallurgie CGT et de l’Union des syndicats CGT de Seine-Saint-Denis, qui se rattache aux prétentions initiales par un lien suffisant.

sur la recevabilité des demandes formées par Maître [P] [K] et la SELARL [F] MJ

L’article L 641-9 du code de commerce, « Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l’activité professionnelle, même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ».

En l’espèce, la présente action vise à permettre la sauvegarde et la réalisation sans obstacle de l’actif de l’entreprise.

S’agissant d’une action concernant le patrimoine de celle-ci, c’est donc régulièrement qu’elle a été introduite par les co-liquidateurs.

Par ailleurs, les défendeurs possèdent un intérêt à défendre dès lors qu’il leur est reproché un blocage du site de l’entreprise. Et la question de savoir si cette allégation est fondée ou non relève du débat de fond.

Les demandes formées par Maître [P] [K] et la SELARL [F] MJ sont pas conséquent recevables.

sur la recevabilité de la demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 15 octobre 2024

En application de l’article 496 du code de procédure civile, « S’il n’est pas fait droit à la requête, appel peut être interjeté à moins que l’ordonnance n’émane du premier président de la cour d’appel. Le délai d’appel est de quinze jours. L’appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse.
S’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance ».

Et l’article 497 du même code précise que « Le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire ».

Il résulte de ces dispositions que l’objet du recours formé contre une ordonnance rendue sur requête est de permettre un examen contradictoire des motifs initialement présentés par le requérant, par le juge ayant rendu l’ordonnance.

En l’espèce, le recours est formé à l’encontre de l’ordonnance sur requête du 15 octobre 2024 par les défendeurs, en présence des requérants initiaux, dans le cadre d’une procédure qui les opposent contradictoirement devant le président du tribunal judiciaire, lequel est l’auteur de l’ordonnance critiquée. En cela, il respecte les conditions précitées.

Par ailleurs, Messieurs [X] [D], [T] [B], [Y] [O] et [H] [U] sont intéressés à voir rétracter l’ordonnance en ce qu’elle vise des personnes dont il est soutenu qu’elles occupent avec eux les locaux de l’entreprise.

Le recours formé contre l’ordonnance du 15 octobre 2024 est dès lors recevable.

sur la demande d’expulsion

L’article 835 du code de procédure civile prévoit que le juge peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent visé par cette disposition s’entend du dommage qui n’est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer.

Le trouble manifestement illicite désigne quant à lui toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

Tant le trouble manifestement excessif que le dommage imminent s’apprécient le jour de l’audience.

Au cas présent, il n’est pas contesté que la société MA France, qui fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, n’a plus d’activité, et que les salariés ont fait l’objet de mesure de licenciement, à l’exception des représentants du personnel.

Dès lors, ne peuvent accéder aux locaux de l’entreprise que les organes de la procédure collective, les personnes autorisées par ceux-ci, et les salariés protégés non licenciés auxquels les deux parties reconnaissent le droit d’occuper le local syndical.

La présence de toute autre personne sur les lieux constitue un trouble manifestement illicite en ce qu’elle porte atteinte au droit de propriété de l’entreprise.

L’ordonnance du 15 octobre 2024 sera par conséquent confirmée, selon les modalités qui seront précisées au dispositif, sous la réserve suivante relative aux salariés protégés.

Il est rappelé à cet égard que la présence des salariés protégés dans les locaux de la société MA France se limite à l’exercice de leur mandat. Dès lors que celle-ci n’a plus aucune activité et que les salariés autres que les représentants du personnel ont fait l’objet de mesures de licenciement, les salariés protégés n’ont aucun motif de se rendre dans les locaux de l’entreprise autres que le local syndical, les commodités qui en dépendent, et les modalités d’accès à ceux-ci.

Dans ces circonstances, il ne sera pas autorisé leur expulsion du site de l’entreprise, d’une part au motif qu’ils doivent pouvoir accéder aux locaux afin de rejoindre le local syndical mis à leur disposition, et d’autre part qu’autoriser leur expulsion « hors des locaux autres que syndicaux » comme il est sollicité en demande est en l’état impossible, le tribunal n’étant pas en mesure, en l’état des pièces produites, de déterminer avec précision la localisation du local concerné, des commodités qui en dépendent et les modalités d’accès à ceux-ci.

Il sera enfin donné acte aux défendeurs de leur engagement pris à l’audience de ne pas faire obstacle aux opérations de restitution et de mise en sécurité du site.

sur la demande d’interdiction de recourir aux personnes visées à l’article L 611-1 du code de la sécurité intérieure pour intervenir sur le site d’[Localité 9] de la société MA France tant que durera le conflit du travail en cours

En application de l’article L 611-1 du code la sécurité intérieure, « Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu’elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités qui consistent :
1° A fournir des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles ainsi que la sécurité des personnes se trouvant dans ces immeubles ;
2° A transporter et à surveiller, jusqu’à leur livraison effective, des bijoux représentant une valeur d’au moins 100 000 euros, des fonds, sauf, pour les employés de La Poste ou des établissements de crédit habilités par leur employeur, lorsque leur montant est inférieur à 5 335 euros, ou des métaux précieux ainsi qu’à assurer le traitement des fonds transportés ;
3° A protéger l’intégrité physique des personnes ».

L’article L 612-4 du même code ajoute qu’ « Il est interdit aux personnes exerçant une activité mentionnée à l’article L 611-1 ainsi qu’à leurs agents de s’immiscer, à quelque moment et sous quelque forme que ce soit, dans le déroulement d’un conflit du travail ou d’événements s’y rapportant. Il leur est également interdit de se livrer à une surveillance relative aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou aux appartenances syndicales des personnes ».

En l’espèce, aucune des pièces produites n’établit que les agents de sécurité diligentés sur le site ont excédé leurs attributions et se sont immiscés dans le conflit du travail opposant salariés et anciens salariés de la société MA France à leur employeur.

En outre, en l’état des pièces produites, et compte tenu de la superficie des locaux et de la circonstance qu’ils contiennent encore des biens mobiliers, il ne peut qu’être constaté la nécessité de faire gardienner le site.

La demande visant à son interdiction sera par conséquent rejetée.

sur la demande de provision

En application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.

En l’espèce, les défendeurs sollicitent l’indemnisation des dommages qu’ils ont subis à la suite d’une entrave à la liberté de déplacement des représentants du personnel et de la violation de l’article L 612-4 du code de la sécurité intérieure, contestées en demande.

Il résulte de l’ensemble des éléments rappelés supra une contestation sérieuse tenant au principe même du préjudice allégué.

La demande de provision sera donc rejetée.

sur les demandes accessoires

En application de l’article 696 du code de procédure civile, « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Par ailleurs, l’article 700 du même code dispose que le juge peut condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, et que pour ce faire, il tient notamment compte de l’équité.

En l’espèce, les circonstances du litige justifient que chacune des parties conserve la charge des dépens qu’elle a exposés et il est équitable de juger qu’il en sera de même s’agissant des frais irrépétibles.

Enfin, l’article 489 du code de procédure civile prévoit que le juge peut, en cas de nécessité, ordonner que l’exécution de la décision aura lieu au seul vu de la minute.

Les circonstances de l’espèce justifient l’application de ces dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance de référé, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort ;

Recevons l’intervention volontaire de la fédération des travailleurs de la métallurgie CGT et de l’Union des syndicats CGT de Seine-Saint-Denis ;

Déclarons recevables les demandes formées par Maître [P] [K] et la SELARL [F] MJ en leur qualité de liquidateurs de la société MA France ;

Déclarons recevable le recours formé par Messieurs [X] [D], [T] [B], [Y] [O], et [H] [U] à l’encontre de l’ordonnance sur requête du 15 octobre 2024 ;

Confirmons l’ordonnance sur requête du 15 octobre 2024, à l’exception de ses dispositions relatives aux salariés protégés, et par conséquent :

Ordonnons l’expulsion de toutes les personnes qui se trouvent dans les locaux de la société MA France situés [Adresse 10] à [Localité 9], à l’exception des salariés protégés non licenciés ;

Disons qu’à défaut de quitter les lieux au vu de la seule minute, lesdites personnes devront régler chacune aux co-liquidateurs, es qualité, une astreinte provisoire de 1.000 euros par jour de retard, dont le juge des référés conserve la liquidation ;

Désignons tout commissaire de justice compétent avec mission de procéder à l’expulsion de tout occupant empêchant l’accès aux locaux de MA France, ou occupant les locaux de MA France, autres que les salariés protégés non licenciés ;

Disons que l’huissier commis pourra se faire assister du commissaire de police ou du commandant de gendarmerie territorialement compétent, et qu’il bénéficiera du concours de la force publique ;

Donnons acte aux défendeurs de leur engagement pris à l’audience du 24 octobre 2024 de ne pas faire obstacle aux opérations de restitution et de mise en sécurité du site ;

Rejetons toutes les autres demandes ;

Laissons à chaque partie la charge des dépens qu’elle a exposés ;

Rejetons la demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonnons que l’exécution de la décision ait lieu au seul vu de la minute.

AINSI JUGÉ AU PALAIS DE JUSTICE DE BOBIGNY, LE 13 NOVEMBRE 2024.

LA GREFFIERE
LA PRÉSIDENTE


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