L’insubordination du salarié peut être sanctionnée par le licenciement

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L’insubordination du salarié peut être sanctionnée par le licenciement

L’accumulation sur une période de deux jours de comportements inadaptés et inappropriés et d’actes d’insubordination justifient le licenciement pour faute grave d’un salarié.

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l’employeur débiteur qui prétend en être libéré.

La charge de la preuve de la faute grave incombe ainsi à l’employeur, qui doit prouver à la fois la faute et l’imputabilité au salarié concerné.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c’est au regard des motifs qui y sont énoncés que s’apprécie le bien-fondé du licenciement.

Mais, si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif.

La gravité d’une faute n’est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté.

Résumé de l’affaire :

Engagement et évolution de la relation de travail

M. [D] [N] a été engagé par la société Avon le 21 mars 2016 en tant que préparateur de commande, avec un contrat à durée déterminée jusqu’au 5 juin 2016. La relation de travail a ensuite continué avec la société Pomona, successeur d’Avon, sous un contrat à durée indéterminée à partir du 6 juin 2016, avec une classification employé niveau II échelon 1 et une rémunération mensuelle brute de 1 613,32 euros.

Licenciement pour faute grave

Le 29 juillet 2019, M. [D] [N] a été convoqué à un entretien préalable et a été mis à pied à titre conservatoire. Le 12 août 2019, il a été licencié pour faute grave, en raison de plusieurs comportements inappropriés, notamment une insubordination lors d’une pause non autorisée, des klaxons intempestifs avec son chariot, et un non-respect des consignes de sécurité.

Contestations et recours

M. [D] [N] a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes d’Avignon, demandant la requalification de son licenciement et le paiement de diverses indemnités. Le 24 juin 2022, le conseil a jugé que le licenciement était fondé sur une faute grave et a débouté M. [D] [N] de toutes ses demandes.

Appel et arguments des parties

M. [D] [N] a interjeté appel, soutenant que les témoignages de l’employeur étaient biaisés et que les faits reprochés n’étaient pas prouvés. Il a également contesté l’interdiction de pause et a affirmé que ses comportements étaient mal interprétés. La société Pomona a demandé la confirmation du jugement, arguant que les comportements de M. [D] [N] étaient bien établis et constituaient des fautes graves.

Décision de la cour

La cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, considérant que les comportements de M. [D] [N] constituaient une accumulation de fautes graves justifiant son licenciement. Elle a également condamné M. [D] [N] à payer des frais à la société Pomona, y compris des frais irrépétibles.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

29 octobre 2024
Cour d’appel de Nîmes
RG
22/02443
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/02443 – N° Portalis DBVH-V-B7G-IQFT

MS EB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE D’AVIGNON

24 juin 2022

RG :19/00465

[N]

C/

S.A. POMONA

Grosse délivrée le 29 OCTOBRE 2024 à :

– Me

– Me

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage d’AVIGNON en date du 24 Juin 2022, N°19/00465

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Nathalie ROCCI, Présidente

M. Michel SORIANO, Conseiller

Madame Leila REMILI, Conseillère

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 05 Septembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 29 Octobre 2024.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANT :

Monsieur [D] [N]

né le 21 Novembre 1983 à MAROC (99)

[Adresse 1]

[Localité 3]/FRANCE

Représenté par Me Philippe MESTRE de la SELAS SELAS RIVIERE -MESTRE, avocat au barreau d’AVIGNON

INTIMÉE :

S.A. POMONA venant aux droits de la SA AVON

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Christian MAZARIAN de la SELARL MAZARIAN-ROURA-PAOLINI, avocat au barreau d’AVIGNON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 05 Août 2025

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie ROCCI, Présidente, le 29 Octobre 2024, par mise à disposition au greffe de la cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

M. [D] [N] a été engagé par la société Avon à compter du 21 mars 2016 suivant contrat de travail à durée déterminée à temps complet, jusqu’au 05 juin 2016, en qualité de préparateur de commande.

La relation de travail s’est poursuivie avec la société Avon, à laquelle est venue aux droits la société Pomona, suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 06 juin 2016, en qualité de préparateur de commande, classification employé niveau II échelon 1 de la convention collective nationale des commerces de gros, pour une rémunération mensuelle brute de 1 613,32 euros.

Par courrier en date du 29 juillet 2019, M. [D] [N] a été convoqué à un entretien préalable, fixé au 08 août 2019, et a fait l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier en date du 12 août 2019, M. [D] [N] a été licencié pour faute grave, aux motifs suivants :

‘Nous vous avons convoqué pour un entretien’ nous vous rappelons les faits, que vous avez mené de concert avec M. [M] et donc prémédités :

‘ le 25 juillet 2019 à 16 heures, lors de la réunion de prise de poste, il a été précisé par votre responsable à l’ensemble de l’équipe, que la pause de 18 heures n’était pas autorisée. Malgré cette consigne, vous avez quand même décidé de prendre une pause interdite à 18 heures. Lorsque votre responsable vous a demandé de reprendre votre poste, vous avez refusé et repris votre poste quand vous en avez décidé. Vous étiez dans l’insubordination.

Dans la même soirée à 0h30, vous avez commencé à klaxonner de manière intempestive et permanente avec votre chariot électrique auto porté. Votre responsable a dû intervenir plusieurs fois pour que vous vous arrêtiez. Le fait de klaxonner sans raison, outre la nuisance sonore causée, est dangereux pour vous et le reste du personnel, car le klaxon sert à avertir de sa présence sur les intersections pour éviter les collisions avec des personnes ou d’autres chariots. Par votre attitude, vous mettiez en danger aussi bien votre sécurité que celle des autres. Vous ne respectez pas les consignes de sécurité.

En fin de poste, vous n’étiez pas d’accord avec votre responsable sur l’horaire de fin de travail prévu et vous lui avez dit : « ce n’est pas ton père qui paye et quand tu vois [A], tu te chies dessus. Votre attitude est caractéristique d’un refus du lien de subordination.

Le 26 juillet 2019, à 16h15, peu après votre prise de poste, vous avez commencé à klaxonner violemment de façon continue en poussant des cris. Votre responsable a dû intervenir pour que vous arrêtiez. À 17 heures vous recommencez à klaxonner en poussant des cris. De nouveau, votre responsable a dû intervenir. À 21h50, votre responsable constate que vous ne respectez plus la méthode habituelle de préparation, à savoir prendre les colis sur les palettes en respectant les plats, et donc en descendant une palette de manière régulière. Vous prenez les colis n’importe comment créant par exemple une palette avec des piles de 18 colis (2 m de hauteur), 9 colis, 8 colis, 5 colis, 2 colis et 1 vide. Les conséquences sont multiples. Difficultés de préemption pour les autres préparateurs, perte de productivité et surtout mise en danger par le risque de chute de colis, d’accident avec la présence d’une colonne unique en hauteur de produit. Lorsque votre responsable vous en fait la remarque, vous l’ignorez complètement et continuez votre travail de sabotage. Vous êtes de nouveau dans l’insubordination. À 22h35, vous prenez une pause non autorisée et malgré l’intervention de votre responsable et sa demande de reprise, vous poursuivez votre pause et reprenez selon votre guise. À 23h30, un problème informatique (d’une durée de 15 minutes) ne permet pas d’imprimer les étiquettes à apposer sur les palettes. Votre responsable demande alors à l’ensemble de l’équipe, d’écrire sur des étiquettes blanches le nom des clients pour les apposer sur les palettes. Vous n’en tenez pas compte et partez préparer en disant « je ne sais pas écrire ». À 0h20, votre responsable vous demande de ranger votre chariot, que la journée est finie (vous avez fait 8 heures), vous refusez et continuez de travailler une heure de plus de votre propre initiative, tout en criant : « alors appelle [A], non appelle plutôt la police.’

Contestant son licenciement et formulant divers griefs à l’encontre de l’employeur, M. [D] [N] a saisi le conseil de prud’hommes d’Avignon, par requête reçue le 15 octobre 2019, afin de voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l’employeur à lui payer diverses sommes à caractère salarial et indemnitaire.

Par jugement contradictoire du 24 juin 2022, le conseil de prud’hommes d’Avignon, en sa formation de départage, a :

– Dit que le licenciement de M. [D] [N] par la SA Pomona, venant aux droits de la SAS Avon est fondé sur une faute grave.

– Déboute M. [D] [N] de l’intégralité de ses demandes.

– Condamne M. [D] [N] à payer à la SA Pomona, venant aux droits de la SAS Avon la somme de 1 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamne M. [D] [N] à payer les entiers dépens de l’instance.

Par acte du 20 juillet 2022, M. [D] [N] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 13 octobre 2022, M. [D] [N] demande à la cour de :

– Déclarer recevable l’appel de M. [N] et au fond le dire bien fondé,

– Réformer le jugement du conseil de prud’hommes d’Avignon en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

– Dire et juger que le licenciement de M. [N] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

– Condamner la société Avon prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [N] les sommes suivantes :

*12 619,20 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*1 270,70 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

*4 206,40 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis équivalent à deux mois de salaire,

*420,64 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

*871,38 euros au titre de rappel de salaire relatif la mise à pied à titre conservatoire,

*87,13 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur ce rappel,

*350,53 euros au titre de la quote-part du 13e mois relative la réintégration de l’indemnité de préavis,

*3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Ordonner à la SAS Pomona de remettre à M. [N] les documents suivants :

*Attestation pôle emploi rectifiée conformément à la décision à intervenir,

*Certificat de travail rectifié conformément à la décision à intervenir,

*Bulletin de paie du solde de tout compte rectifié conformément à la décision à intervenir

*Le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, à compter de la signification de l’arrêt à venir.

– Enfin condamner la société intimée aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.

Il soutient essentiellement que :

– pour toute preuve, l’employeur produit uniquement des témoignages des membres de la direction, dont celui de son supérieur hiérarchique qui ne pouvait absolument pas être impartial, étant entendu que ce supérieur affichait ouvertement une animosité envers lui.

– ces témoins ne peuvent refuser de témoigner, sauf à être sanctionnés plus tard pour une raison futile.

– si effectivement les témoignages attestent de l’utilisation intempestive du klaxon du chariot élévateur ou des cris d’oiseaux, aucun n’est capable de certifier que ce comportement ne provient pas uniquement de M. [M].

– M. [M] a témoigné en ce sens et il a toujours nié être l’auteur de ces faits.

– les premiers juges ont rejeté ses témoignages en décidant qu’ils n’avaient qu’une valeur probante très relative, sans pour autant dire en quoi la valeur de ses témoignages serait relative. – aucun témoignage ne vient démontrer qu’il aurait été informé que la pause de 18 heures avait été interdite à 16 heures le jour même.

– il n’était pas présent à la réunion de 16 heures, raison pour laquelle il a, comme tous les jours, effectué sa pause.

– concernant les heures effectuées en plus à la fin du service, il a simplement voulu faire le ménage comme il était coutume à chaque fin de service.

– il s’est toujours inscrit en faux d’avoir créé une palette avec des piles de 18 colis ou en descendant une palette de manière irrégulière.

– concernant le problème informatique ne permettant pas d’imprimer les étiquettes, obligeant les préparateurs de commandes à écrire à la main le nom des clients, s’il a répondu qu’il ne savait pas écrire, c’était uniquement pour plaisanter.

– ce seul grief ne peut à lui seul justifier, non seulement une faute grave, mais non plus une cause réelle et sérieuse de licenciement.

– les autres pièces dont la société intimée se prévaut et qui sont uniquement des photographies, n’apportent absolument rien au débat et surtout ne constituent absolument pas une preuve des faits reprochés, étant entendu qu’il s’agit de photographies où il n’apparaît pas.

En l’état de ses dernières écritures en date du 17 octobre 2023, la société Pomona demande à la cour de :

– Confirmer la décision du conseil de prud’hommes d’Avignon du 24 juin 2022

– Débouter M. [N] de l’intégralité de ses demandes

Y ajoutant

– Condamner M. [N] à payer à la société Pomona une somme de 2 500 euros au

titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

– Le condamner aux entiers dépens

– dire et juger que dans l’hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier le montant des sommes par lui retenu en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 devra être supporté par le débiteur en sus de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait essentiellement valoir que :

– les affirmations de M. [N] sont mensongères et parcellaires.

– les attestations versées au débat démontrent clairement l’implication de M. [N] dans les comportements qui ont conduit à son licenciement.

– les attestations qu’elle produit n’émanent pas que de la direction.

– les attestations produites par M. [N] et non retenues par les premiers juges émanent de personnes qui ont été licenciées en même temps que l’appelant mais également d’une personne qui s’accuse, M. [X], alors qu’aucun témoin ne reprend sa participation.

– concernant la prise d’une pause à 18 heures, lors d’une réunion de prise de poste le 25 juillet 2019 à 16 heures, cette information a été portée à la connaissance des salariés ainsi qu’il résulte des propres attestations de l’appelant.

– elle démontre par les attestations versées au débat que la suppression de la pause était connue de tous et d’autre part que M. [N] n’a pas souhaité respecter les consignes de travail.

– concernant le fait de klaxonner de manière intempestive, l’appelant va reconnaître cette attitude lors de l’entretien préalable en indiquant que cette attitude était en lien avec une volonté de contrarier son responsable M. [S] comme en témoigne M. [F].

– de nombreuses attestations viennent confirmer cette pratique.

– dans les entrepôts le klaxon est utilisé pour signaler une situation de danger.

– klaxonner sans raison est source de problème et même de danger dans la mesure où alerter les autres sans raison est de nature à créer une indifférence du personnel lorsque cela est répété de manière habituelle sans raison par les salariés.

– de plus, les provocations consistant à adopter des cris d’animaux dans l’enceinte de l’entreprise à l’attention du responsable de l’entrepôt est tout bonnement inadmissible.

– concernant le refus de pratiquer la méthode habituelle de préparation, M. [S] atteste que l’appelant prenait les colis sur les palettes n’importe comment, faisant des piles dangereuses en retardant les autres opérateurs.

– les attestations démontrent que les faits ont été commis par M. [M] et M. [N].

– les règles de sécurité relatives aux prélèvements sont clairement expliquées aux salariés afin

d’éviter toute difficulté.

– concernant le refus de préparation des étiquettes, l’appelant a indiqué ne pas savoir écrire et a refusé de le faire.

– sur le refus de partir à l’heure, le salarié l’a contrainte à s’acquitter d’une heure supplémentaire.

Ce n’est pas au salarié de décider de ses horaires de travail.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 10 avril 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 05 août 2024. L’affaire a été fixée à l’audience du 05 septembre 2024.

MOTIFS

Sur le licenciement

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l’employeur débiteur qui prétend en être libéré.

La charge de la preuve de la faute grave incombe ainsi à l’employeur, qui doit prouver à la fois la faute et l’imputabilité au salarié concerné.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c’est au regard des motifs qui y sont énoncés que s’apprécie le bien-fondé du licenciement.

Mais, si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif.

La gravité d’une faute n’est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté.

M. [N] conteste les témoignages produits par l’employeur, s’agissant de membres de la direction qui ne pouvaient refuser de témoigner.

Il ne saurait être fait grief à l’employeur de produire des attestations de personnes placées sous son autorité dès lors que les faits ayant été commis dans le cadre du travail, les autres salariés, supérieurs hiérarchiques ou non de l’appelant, en sont nécessairement témoins privilégiés, les faits qu’ils rapportent n’étant pas contradictoires entre eux et étant, pour certains concordants avec certains témoignages recueillis par M. [N].

Les griefs reprochés à M. [N] sont les suivants :

La prise d’une pause à 18 heures

La lettre de licenciement indique sur point :

‘le 25 juillet 2019 à 16 heures, lors de la réunion de prise de poste, il a été précisé par votre responsable à l’ensemble de l’équipe, que la pause de 18 heures n’était pas autorisée. Malgré cette consigne, vous avez quand même décidé de prendre une pause interdite à 18 heures. Lorsque votre responsable vous a demandé de reprendre votre poste, vous avez refusé et repris votre poste quand vous en avez décidé. Vous étiez dans l’insubordination.’

Pour démontrer ce grief, l’employeur produit les éléments suivants :

– une attestation de M. [S], supérieur hiérarchique de M. [N], ainsi rédigée :

‘Le 25 juillet 2019, M. [N] faisait des cris d’oiseaux et des bruits d’animaux, je suis intervenu à plusieurs reprise pour lui faire comprendre que son comportement était inacceptable, il a quand même continué, il klaxonnait violemment et sans aucune raison pendant qu’il reculait son chariot et il ne voulait pas s’arrêter malgré mon intervention, durant la soirée il prenait ‘café’ non autorisés et refusait de reprendre son poste lorsque je lui demandais…’

– une attestation de M. [K], responsable transport, qui indique :

‘Le 26/07/2019, aux alentours de 16 h 00, j’ai entendu des bruits de klaxon venant du quai pendant plusieurs minites.

Ensuite, au moment où Mr [S] se trouvait à la machine à café, j’ai entendu des cris. Messieurs [M] et [N] lui criaient que ce n’était pas une pause autorisé, ce que M. [S] leurs avait repproché la veille.

Ensuite, il y a encore eu des coups de klaxon et des cris d’animaux fait par Mr [M] et Mr [N], puis cela a cessé.’

– une attestation de M. [F], responsable logistique régional, présent lors de l’entretien préalable, qui reprend les propos de M. [N] en réponse à la question de M. [G] sur la prise de pause :

‘j’ai klaxonné pour embêter Monsieur [S] qui buvait le café comme il nous l’avait interdit de le faire sans autorisation’

M. [N] conteste avoir été mis au courant de l’interdiction de prendre une pause à 18 heures le 25 juillet 2019.

Il produit l’attestation de :

– M. [E], qui l’a assisté lors de l’entretien préalable, au terme de laquelle :

‘Monsieur [N] à nié l’accusation d’effet qui ont été reprocher pour la réunion du 25/07/19 à 16 heures (pour suprétion des poses)

Pour la question du 26/07/19 à 17H, peu après votre prise de travaille vous avez commencé à klaxonner violemment de façon continue en poussant des cris. Votre responsable à dû intervenir.

Réponse de MR [N] : je vois mon responsable prendre la pose avec les autres salariés. J’ai dit que c’est pas l’heure de la pose et que c’est pour tout le monde pareille.

…’

Cette attestation confirme la connaissance par M. [N] de l’interdiction de prendre une pause le 25 juillet 2019, contrairement à ce qu’il soutient. En effet, M. [E] indique dans un premier temps que M. [N] conteste le grief pour ensuite ajouter que ce dernier, à 17 heures, ce même jour, a rappelé à son supérieur hiérarchique qui prenait une pause-café, que ladite pause était interdite et ce, pour tout le monde, ce qui sous-entend qu’il a été informé à 16 heures de la suppression de la pause de 18 heures le 25 juillet 2019.

– M. [M] qui indique :

‘Le 25 juillet 2019 nous avons prit notre poste à 16 heures sans que le responsable soit présent ; donc par conséquent sans réunion préalable. Il est arrivé à 17 H au bureau dont il est sorti à 18 H pour annoncer la suppression des pauses ‘café.’

…’

La cour relève que ce témoignage ne corrobore pas les déclarations de M. [E] et ne concerne que M. [M].

– M. [X], qui indique :

‘J’atteste sur l’honneur que le 25/07/2019 à 16 h 00, que ce jour la il n’y a pas eu de réunion au sujet de supprimer les pause. En sachant que je comme,cer à 17H.

Le responsable m’a pas informer qu’ils avait fait une réunion à 16H

plu tard dans la soirée, le responsable m’a dit que quand les préparateur auront fini, qu’on pourrai prendre les pause quand t’on vouler

…’

Là encore, ce témoignage contredit les déclarations de M. [E] desquelles il résulte que M. [N] était informé de la suppression des pauses, et ce même si ce dernier, ainsi que ses collègues de travail attestant dans son intérêt n’étaient pas présents lors de la réunion litigieuse.

Ce grief est en conséquence établi.

Klaxonner de manière intempestive et pousser des cris

La lettre de licenciement reproche à M. [N] :

‘Dans la même soirée à 0h30, vous avez commencé à klaxonner de manière intempestive et permanente avec votre chariot électrique auto porté. Votre responsable a dû intervenir plusieurs fois pour que vous vous arrêtiez. Le fait de klaxonner sans raison, outre la nuisance sonore causée, est dangereux pour vous et le reste du personnel, car le klaxon sert à avertir de sa présence sur les intersections pour éviter les collisions avec des personnes ou d’autres chariots. Par votre attitude, vous mettiez en danger aussi bien votre sécurité que celle des autres. Vous ne respectez pas les consignes de sécurité.

Le 26 juillet 2019, à 16h15, peu après votre prise de poste, vous avez commencé à klaxonner violemment de façon continue en poussant des cris. Votre responsable a dû intervenir pour que vous arrêtiez. À 17 heures vous recommencez à klaxonner en poussant des cris. De nouveau, votre responsable a dû intervenir.

…’

Pour démontrer ce grief, l’employeur produit les éléments suivants :

– une attestation de M. [S], qui indique :

‘Le 25 juillet 2019, M. [N] faisait des cris d’oiseaux et des bruits d’animaux, je suis intervenu à plusieurs reprise pour lui faire comprendre que son comportement était inacceptable, il a quand même continué, il klaxonnait violemment et sans aucune raison pendant qu’il reculait son chariot et il ne voulait pas s’arrêter malgré mon intervention,

Le lendemain dès sa prise de poste, il a recommencé à klaxonner et à pousser des cris à plusieurs reprises j’ai dû à chaque fois intervenir pour qu’il cesse….’

– une attestation de M. [K], qui indique :

‘Le 26/07/2019, aux alentours de 16 h 00, j’ai entendu des bruits de klaxon venant du quai pendant plusieurs minites.

Ensuite, au moment où Mr [S] se trouvait à la machine à café, j’ai entendu des cris. Messieurs [M] et [N] lui criaient que ce n’était pas une pause autorisé, ce que M. [S] leurs avait repproché la veille.

Ensuite, il y a encore eu des coups de klaxon et des cris d’animaux fait par Mr [M] et Mr [N], puis cela a cessé.’

– une attestation de M. [F], qui indique que M. [N] a klaxonné pour embêter M. [S] qui avait interdit de faire des pauses.

– une attestation de M. [B], responsable trafic, qui indique :

‘J’ai entendu Mr [N] et Mr [M] klaxonner intensément et crier dans tout l’entrepôt…’

– une attestation de M. [O], préparateur de commandes, qui indique :

‘J’ai constaté que le jour des fait il y a eu des klaxons et des cris dans l’entrepot puis le chef d’équipe est aller voir M. [N] [D] et M. [M] [Y] qui fesait du bruit je n’ai pas entendu distinguement la conversation mais il y a eu des énervemt entre le chef et les deux préparateur de commandes et des cris’.

– une attestation de M. [H], préparateur de commandes, qui indique :

‘J’ai vue le 26/07/19 dans la soirée Mr [M] et Mr [N] fesant des bruits genants avec leur chariots claxonant a plusieur reprise et fesant des bruits d’animaux.

…’

M. [N] conteste les faits et produit les attestations suivantes :

– M. [E] qui indique :

‘Pour la question de dans la même soirée, vous avez commencez à klaxonner de manière intempestive et permanente avec votre chariot électrique.

Mr [N] à répondu que ce n’est pas lui qui été sur ce chariot électrique mais c’est un salarie qui s’appelle [P].

Pour la question du 26/07/19 à 17H, peu après votre prise de travaille vous avez commencé à klaxonner violemment de façon continue en poussant des cris. Votre responsable à dû intervenir.

Réponse de MR [N] : je vois mon responsable prendre la pose avec les autres salariés. J’ai dit que c’est pas l’heure de la pose et que c’est pour tout le monde pareille.

…’

– M. [M] qui indique :

‘Le 25/07/19,…

A 0h30 le même jour on discutait [D], [P] et moi-même et [P] c’est mis à klaxoner avec le clark (cases 3), suite à ca le responsable est sortir en criant qu’il nous pointerait pas la bonne heure de départ (en jurant) et [D] lui as ensuite répondu plus tard au bureau que ce n’était pas son père qui payé les heures.

– M. [X], qui indique :

‘…

A 0h30 le responsable à accusé [D] de klaxonner avec le chariot élévateur (caces 3) alors que c’était moi-même qui était sur le chariot et confirmer d’avoir klaxonner avec.

…’

La cour relève que les témoignages produits par le salarié contredisent la version donnée par les témoins de l’employeur, mais uniquement sur les faits du 25 juillet 2019, ceux-là restant taisants concernant les faits du 26 juillet 2019.

Il n’est pas contestable que l’utilisation du klaxon d’un chariot autoporté est limitée à des situations de danger ou pour alerter les autres salariés de sa présence et qu’une utilisation intempestive et sans raison est susceptible de créer une baisse d’attention et peut être source d’accident.

Par ailleurs, M. [N] ne donne aucune explication ni ne conteste aucunement les cris d’animaux qui lui sont reprochés, à l’attention de son responsable, M. [S], ce qui constitue une attitude particulièrement discourtoise et inadaptée.

Ce grief est dès lors établi.

Le refus de pratiquer la méthode habituelle de préparation

La lettre de licenciement précise sur ce point :

‘À 21h50, votre responsable constate que vous ne respectez plus la méthode habituelle de préparation, à savoir prendre les colis sur les palettes en respectant les plats, et donc en descendant une palette de manière régulière. Vous prenez les colis n’importe comment créant par exemple une palette avec des piles de 18 colis (2 m de hauteur), 9 colis, 8 colis, 5 colis, 2 colis et 1 vide. Les conséquences sont multiples. Difficultés de préemption pour les autres préparateurs, perte de productivité et surtout mise en danger par le risque de chute de colis, d’accident avec la présence d’une colonne unique en hauteur de produit. Lorsque votre responsable vous en fait la remarque, vous l’ignorez complètement et continuez votre travail de sabotage. Vous êtes de nouveau dans l’insubordination.’

Pour démontrer ce grief, l’employeur produit les éléments suivants :

– une attestation de M. [S], ainsi libellée :

‘…

Pendant la préparation des commandes, il prenait les colis sur les palettes n’importe comment, faisant des piles dangereuses en retardant les autres préparateurs…’

– une attestation de M. [F], responsable logistique régional, présent lors de l’entretien préalable, qui reprend les propos de M. [N] en réponse à la question de M. [G] sur la préparation des commandes :

‘…

Vous ne respectez pas la méthode habituelle de préparation qui consiste à prendre à prendre à plat pour éviter le risque de chute de colis.

Réponse : je l’ai fait expres devant [T] pour l’embêter.’

…’

– des photographies de piles de colis, qui ne pourront être prises en considération dans la mesure où elles ne peuvent être attribuées de manière certaine à M. [N] qui n’apparaît d’ailleurs pas sur celles-ci.

M. [N] conteste les faits reprochés et produit :

– une attestation de M. [M] qui indique :

‘…

Le 26/07/19 à 21h50, le responsable constate que la prise à plat n’est pas respecter ; c’est moi meme qui n’ai pas pris à plat pour signifier mon mécontentement à mes supérieurs…’

– une attestation de M. [X] qui indique :

‘…

Enfin pour les plats j’ai constaté que c’était [Y] qui prenner pas du tout a plat , et même vue qui m’était les colis l’un sur l’autre. Et que ce n’est pas [D].’

– une attestation de M. [E], qui indique que M. [N] a répondu qu’il s’agissait de [Y] ‘qui travaillait comme ça’.

Ainsi qu’ont pu le relever les premiers juges, le témoignage de M. [M] doit être pris avec une extrème réserve dans la mesure où l’employeur soutient, sans être démenti, qu’il a été licencié pour les mêmes faits que ceux reprochés à M. [N].

Pour autant, les attestations produites par les deux parties se contredisent.

Dès lors, les attestations contradictoires produites par les parties ne permettent pas, en l’absence d’autres éléments au dossier, qui soient suffisamment précis, objectifs et circonstanciés, de démontrer que M. [N] n’a pas respecté la méthode habituelle des commandes.

Ce grief ne sera pas retenu.

Le refus de préparation des étiquettes

La lettre de licenciement reproche à M. [N] :

‘Le 26 juillet 2019…

À 23h30, un problème informatique (d’une durée de 15 minutes) ne permet pas d’imprimer les étiquettes à apposer sur les palettes. Votre responsable demande alors à l’ensemble de l’équipe, d’écrire sur des étiquettes blanches le nom des clients pour les apposer sur les palettes. Vous n’en tenez pas compte et partez préparer en disant « je ne sais pas écrire ».

M. [N] ne conteste pas les faits mais indique, par l’intermédiaire de son conseil qu’il a répondu de cette manière pour plaisanter.

Pour autant, M. [N] ne conteste pas ne pas voir obtempéré à la suite de sa réflexion ce qui constitue incontestablement un acte d’insubordination.

Ce grief sera dès lors retenu.

Le refus de partir à l’heure

La lettre de licenciement précise sur ce point :

‘…

À 0h20, votre responsable vous demande de ranger votre chariot, que la journée est finie (vous avez fait 8 heures), vous refusez et continuez de travailler une heure de plus de votre propre initiative, tout en criant : « alors appelle [A], non appelle plutôt la police.’

M. [N] ne conteste pas les faits mais soutient qu’il est resté une heure de plus pour faire le ménage comme il était coutume à chaque fin de service.

Cependant, cette volonté de faire le ménage vient en opposition avec les ordres donnés par son supérieur hiérarchique, aucune urgence ni nécessité absolue de nettoyer n’étant revendiquée à ce titre par le salarié.

Il s’agit là encore d’un acte d’insubordination.

Ce grief est en conséquence établi.

En définitive, et ainsi qu’ont pu le constater fort justement les premiers juges, l’accumulation sur une période de deux jours de comportements inadaptés et inappropriés et d’actes d’insubordination justifient le licenciement pour faute grave de M. [N], justifiant la confirmation du jugement querellé de ce chef, ainsi que sur le rejet des prétentions financières subséquentes.

Sur les demandes accessoires

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA Pomona les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’exposer en cause d’appel et qui ne sont pas compris dans les dépens, lesquels seront mis à la charge de M. [N].

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 24 juin 2022 par le conseil de prud’hommes d’Avignon en toutes ses dispositions,

Condamne M. [D] [N] à payer à la SA Pomona la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [D] [N] aux dépens,

Arrêt signé par la présidente et par le greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


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