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Une agence de presse est une entreprise de presse. La commission arbitrale des journalistes se trouve pleinement compétente pour déterminer l’indemnité de licenciement due au salarié d’agence de presse.
La règle posée par la Cour de cassation dans l’arrêt du 19 mai 2021 est dépourvue de toute ambiguïté. La Cour de cassation a pris soin de relever qu’il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas.
Ce faisant, la Cour de cassation s’est interdit de faire la différence entre une entreprise de presse éditant un journal ou un périodique et une agence de presse.
Le critère déterminant apparaît ainsi non pas tant attaché à la qualité de l’employeur ou à sa spécificité, qu’à celle du salarié apportant son travail à cet employeur.
En d’autres termes, le critère déterminant est celui de savoir si le journaliste était salarié et était journaliste professionnel.
Au sens des articles L. 7111-3, L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 :
Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.
Le correspondant, qu’il travaille sur le territoire français ou à l’étranger, est un journaliste professionnel s’il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au premier alinéa.
Si l’employeur est à l’initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d’année de collaboration, des derniers appointements.
Le maximum des mensualités est fixé à quinze.
Lorsque l’ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l’indemnité due.
Pour retenir que la commission arbitrale des journalistes est incompétente pour déterminer le montant de l’indemnité de licenciement due au salarié, l’arrêt retient que la qualité de journaliste qui englobe les journalistes travaillant pour les agences de presse ne saurait pour autant avoir pour effet de faire bénéficier ceux-ci des dispositions des articles L. 7112-2 à L.7112-4 du code du travail réservées aux seuls salariés d’entreprises de journaux périodiques et dont ceux qui le sont par des agences de presse sont donc exclus.
En statuant ainsi, alors qu’il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas et que les dispositions des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail sont applicables aux journalistes professionnels au service d’une entreprise de presse quelle qu’elle soit, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 6 – Chambre 2 ARRÊT DU 1er SEPTEMBRE 2022 Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/17066 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEMXP Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mai 2021 – Cour de Cassation de PARIS RG n° H19-20.851 APPELANT Monsieur [P] [H] [Adresse 2] [Localité 4] Représenté par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075 INTIMÉE Société THE ASSOCIATED PRESS LIMITED [Adresse 1] [Localité 3] Représentée par Me Marine GICQUEL, avocat au barreau de PARIS, toque : R235 COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 02 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de : M. Olivier FOURMY, Premier Président de chambre M. Didier MALINOSKY, Magistrat Honoraire Mme Christine LAGARDE, Conseillère qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Olivier FOURMY dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile. Greffière lors des débats : Mme CAILLIAU Alicia ARRÊT : — contradictoire — mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile — signé par Olivier FOURMY, Premier président de chambre et par Alicia CAILLIAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSÉ DU LITIGE : L’Associated Press (ci-après, la ‘Société’) est une agence de presse mondiale basée à [Localité 7] et dont les activités – fourniture d’informations, photos, vidéos et images à ses clients – sont financées par les journaux américains qui en sont les membres et par les ventes de ses services, soit ad hoc, soit sous forme d’abonnement à travers le monde. M. [P] [H] a été embauché par la Société, en qualité de journaliste attaché au service français, à compter du 24 juillet 1987. Invoquant l’existence de manquements graves de la société à son égard, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris en vue de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur. Par un jugement du 23 juin 2010, le conseil de prud’hommes de Paris a débouté M. [H] de l’ensemble de ses demandes. M. [H] a interjeté appel de cette décision. Par courrier du 22 janvier 2015, la Société a licencié M. [H] pour inaptitude et lui a notamment versé une indemnité de licenciement d’un montant de 81 541,85 euros. Par un arrêt du 28 octobre 2015, la cour d’appel de Paris, autrement composée, a infirmé le jugement du 23 juin 2010, condamnant principalement la Société à payer à M. [H] la somme de 15 000 euros à titre de dommages intérêts pour harcèlement et celle de 160 000 euros pour licenciement nul, au constat d’un avis d’inaptitude du médecin du travail rendu le 10 septembre 2012. M. [H] disposant d’une ancienneté supérieure à quinze ans à la date de son licenciement, il a saisi la commission arbitrale des journalistes, instituée par l’article L.7112-4 du code du travail, en fixation de l’indemnité de licenciement. Le 11 septembre 2017, la commission arbitrale des journalistes s’est déclarée incompétente. M. [H] a formé un recours à l’encontre de cette décision, le 30 octobre 2017 devant la cour d’appel de céans. Par un arrêt contradictoire rendu le 23 mai 2019, la cour d’appel de céans, autrement composée, a : — confirmé la décision entreprise ; Y ajoutant, — rejeté toutes autres demandes ; — condamné M. [P] [H] aux dépens d’appel. Cet arrêt a été déféré à la Cour de cassation. Par un arrêt du 19 mai 2021, la Cour de cassation a cassé et annulé la décision du 23 mai 2019 dans les termes suivants : Vu les articles L. 7111-3, L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail, ces deux derniers dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 : (…) 7. Aux termes du premier de ces textes, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources. Le correspondant, qu’il travaille sur le territoire français ou à l’étranger, est un journaliste professionnel s’il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au premier alinéa. 8. Selon le deuxième, si l’employeur est à l’initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d’année de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze. 9. Suivant le troisième, lorsque l’ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l’indemnité due. 10. Pour retenir que la commission arbitrale des journalistes est incompétente pour déterminer le montant de l’indemnité de licenciement due au salarié, l’arrêt retient que la qualité de journaliste qui englobe les journalistes travaillant pour les agences de presse ne saurait pour autant avoir pour effet de faire bénéficier ceux-ci des dispositions des articles L. 7112-2 à L.7112-4 du code du travail réservées aux seuls salariés d’entreprises de journaux périodiques et dont ceux qui le sont par des agences de presse sont donc exclus. 11. En statuant ainsi, alors qu’il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas et que les dispositions des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail sont applicables aux journalistes professionnels au service d’une entreprise de presse quelle qu’elle soit, la cour d’appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 23 mai 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;(…). M. [H] a par suite saisi la cour d’appel de Paris le 29 septembre 2021. PRÉTENTIONS DES PARTIES Par dernières conclusions transmises au greffe par RPVA le 21 avril 2022, M. [H] demande à la cour de : — dire recevable, par application des dispositions de l’article 1492 du code de procédure civile, le recours en annulation qu’il a formé contre la décision de la commission arbitrale des journalistes du 11 septembre 2017 qui s’est déclarée incompétente pour statuer sur sa demande de fixation de l’indemnité de licenciement qui lui est due par la Société ; — dire que, par application des dispositions de l’article L.7112-4 du code de travail, la commission arbitrale des journalistes était compétente pour statuer sur la demande de fixation de l’indemnité de licenciement due par la Société ; — annuler la décision de la commission arbitrale des journalistes du 11 septembre 2017 qui s’est déclarée incompétente ; — fixer le montant de l’indemnité de licenciement dû par la Société à 207 579,32 euros ; — condamner, après déduction de la somme de 81 541,85 euros déjà versée à ce titre, la Société à lui payer un solde d’indemnité de licenciement de 126 037,47 euros ; — dire que cette somme sera majorée des intérêts au taux légal depuis le 10 juillet 2015, date à laquelle la commission arbitrale a accusé réception de sa saisine ; — condamner, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la Société à lui payer la somme de 10 000 euros ; — rejeter la demande de la Société de condamnation à son encontre au paiement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; — condamner la Société aux entiers dépens. Par dernières conclusions transmises par RPVA le 28 avril 2022, la Société demande à la cour de : ‘ titre principal, — dire et juger que M. [H] est recevable mais mal fondé en son recours en annulation de la décision de la commission arbitrale des journalistes du 11 septembre 2017 ; En conséquence, — débouter M. [H] de sa demande de ce chef, confirmer l’incompétence de la commission arbitrale des journalistes pour statuer sur la demande de M. [H] de fixation du montant de son indemnité de licenciement, confirmer la décision de la commission arbitrale des journalistes du 11 septembre 2017 ; ‘ titre subsidiaire, — fixer le salaire de référence à 5 436,12 euros bruts ; — dire et juger, au besoin constater que M. [H] a été rempli de l’intégralité de ses droits au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ; En conséquence, — débouter M. [H] de sa demande de ce chef ; En tout état de cause, — condamner M. [H] au paiement d’une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code procédure civile. L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 mai 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION A titre préliminaire, il convient d’indiquer que si la question de la révocation de la clôture, initialement prévue au 22 avril 2021, a pu être posée par M. [H], compte tenu de conclusions de la Société en date du 21 avril 2022 de la Société, la clôture a été repoussée au 13 mai 2022 et les parties sont convenues de plaider sur la base de leurs conclusions et pièces respectives déjà déposées à cette date, ce qui a permis, la cour l’apprécie, de ne pas retarder l’examen de ce dossier déjà ancien. Par voie de conséquence, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de révocation de clôture déposée par M. [H] dans ses toutes dernières conclusions. Sur la compétence de la commission arbitrale des journalistes Au soutien de sa demande, M. [H] fait notamment valoir que c’est à tort que la commission arbitrale des journalistes s’est déclarée incompétente, de sorte que son recours en annulation est recevable. En effet, eu égard à l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 mai 2021, il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas, de sorte que les dispositions des articles L. 7112-3 et L.7112-4 du code du travail sont applicables aux journalistes professionnels au service d’une entreprise de presse quelle qu’elle soit. En ce sens, ces dispositions sont lui sont pleinement applicables car il était journaliste professionnel employé par une agence de presse. La Société soutient, en particulier, que, si elle ne conteste pas que M. [H] avait le statut de journaliste professionnel, il demeure qu’il ne peut être considéré qu’il existe une « interprétation jurisprudentielle constante des dispositions législatives contestées refusant au journaliste salarié d’une agence de presse le bénéfice de l’indemnité de licenciement prévue aux articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail », selon l’expression utilisée par la Cour de cassation dans son arrêt du 9 mai 2018 (pourvoi n° 18-40.007). Les dispositions des articles L. 7112-2 et L. 7112-5 du même code renvoient d’ailleurs expressément aux seuls journaux et périodiques. « En conséquence, dès lors que l’employeur n’est pas une entreprise de presse, le salarié, même titulaire d’une carte de journaliste professionnel, n’est pas éligible à l’indemnité prévue à l’article L. 7112-3 du Code du travail, et partant, la Commission Arbitrale n’est pas compétente pour statuer sur la demande d’indemnité dudit salarié » (en gras dans les conclusions). De fait, l’entreprise de presse « est une entreprise qui met à disposition du public en général ou de catégories de public un mode écrit de diffusion de la pensée paraissant à intervalles réguliers » (souligné comme dans les conclusions). L’agence de presse, quant à elle, « fournit de l’information aux médias, qui sont ses clients ». « Sur le plan des principes, l’agence de presse n’a pas contrairement à l’entreprise de journaux et périodiques, de ligne éditoriale » (en gras dans les conclusions). Sur ce, Pour séduisants que puissent être les arguments de la Société, il demeure que la règle posée par la Cour de cassation dans l’arrêt du 19 mai 2021, pris dans le cadre du présent litige, est dépourvue de toute ambiguïté. La Cour de cassation a pris soin de relever qu’il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas. Ce faisant, la Cour de cassation s’est interdit de faire la différence entre une entreprise de presse éditant un journal ou un périodique et une agence de presse. Le critère déterminant apparaît ainsi non pas tant attaché à la qualité de l’employeur ou à sa spécificité, qu’à celle du salarié apportant son travail à cet employeur. En d’autres termes, le critère déterminant est celui de savoir si M. [H] était salarié et était journaliste professionnel. En l’espèce, cela n’est aucunement contesté par la Société. Dès lors, une agence de presse, comme Associated Press, constituant une entreprise de presse qui employait M. [H] en qualité de journaliste professionnel, la commission arbitrale se trouve nécessairement compétente pour déterminer l’indemnité de licenciement due au salarié. La décision de la commission arbitrale des journalistes du 11 septembre 2017 sera donc annulée. Sur le montant de l’indemnité de licenciement S’agissant de la fixation par la cour d’appel de son indemnité de licenciement sur le fondement de l’article 1493 du code de procédure civile, M. [H] plaide d’abord que son salaire de base doit être fixé à la somme de 5 498,79 euros bruts, montant qui n’a pas été contesté par la Société devant la commission arbitrale des journalistes, ni devant la cour d’appel de Paris avant le renvoi après cassation. En outre, plusieurs éléments devront être pris en compte pour déterminer le montant de l’indemnité de licenciement, notamment les agissements fautifs graves de la Société envers lui, qualifiés définitivement de harcèlement moral par la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 28 octobre 2015, le coup d’arrêt irrémédiable que la rupture du contrat a porté à sa carrière professionnelle ainsi que les obstacles pour retrouver un emploi à son âge, étant précisé qu’il n’a toujours pas retrouvé d’emploi. M. [H] souligne le caractère cumulatif de l’indemnité qu’il sollicite avec l’indemnité pour licenciement nul et celle pour harcèlement moral qu’il a déjà perçues. Il relève, enfin, que le projet de protocole portant sur les indemnités de licenciement économique des salariés d’AP-France prévoyait une indemnité calculée, à partir de la 16ème année, sur 1,7 mois de salaire par année d’ancienneté. Compte tenu d’une ancienneté de 27 ans et huit mois et après calcul sur la base d’une rémunération mensuelle moyenne, 13ème mois compris, de 5 498,79 euros, M. [H] sollicite ainsi une indemnité de licenciement d’un montant de 82 481,85 euros au titre des 15 premières années d’ancienneté et d’un montant de 125 097,47 euros pour les année suivantes, soit un montant total de 207 579,32 euros, rejetant les prétentions de la Société qui estime avoir rempli tous ses droits au titre de l’indemnité de licenciement. Il resterait ainsi à la Société, qui a déjà réglé la somme de 81 541,85 euros, à lui payer un solde de 126 037,47 euros. La Société soutient notamment, pour sa part, qu’étant une agence de presse, en application de la jurisprudence, M. [H] n’était pas éligible à l’indemnité de licenciement instituée par l’article L.7112-3 du code de travail. De plus, cela n’a pas pour effet de rendre la commission arbitrale compétente pour statuer sur sa demande de versement d’une indemnité complémentaire. À titre subsidiaire et en tout état de cause, elle estime que la demande de M. [H] présente un caractère exorbitant dans son quantum. En effet, son salaire de référence s’établit à 5 436,12 euros bruts et le montant de son indemnité de licenciement au titre des 15 premières années s’établit ainsi à 81 541,85 euros bruts. Elle n’a donc pas commis d’erreur dans le calcul de ce montant. En outre, l’ensemble des éléments et préjudices invoqués par M. [H] est identique à ceux développés lors de la demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail et a déjà été pris en compte par la cour pour faire droit à se demande. En ce sens, il a d’ores et déjà été indemnisé à ce titre à hauteur de 160 000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L. 1235-1 du code du travail, outre 15 000 euros en réparation du « préjudice moral subi par le salarié du fait du harcèlement moral qui lui a été infligé ». La Société considère que son comportement à l’égard de M. [H] « était totalement justifié par la situation ». Elle avait estimé « de bonne foi avoir répondu aux recommandations et aux exigences légales et jurisprudentielles ». Pour tenir compte des prescriptions de la médecine du travail, elle avait notamment proposé à M. [H] un poste à [Localité 6] ou une autre organisation en relation avec la société FLS, à laquelle nombre de postes étaient transférés, pour permettre à l’intéressé de poursuivre une activité professionnelle au moins temporairement. Un autre poste, à [Localité 5] avait été ensuite proposé, que M. [H] avait également refusé, au motif de la formulation de la lettre que lui avait adressée la Société. La « Cour de céans ne (pouvait donc) que constater que les circonstances de la rupture du contrat de travail de Monsieur [H] ne sauraient en rien constituer du harcèlement à quelque titre que ce soit ». Enfin, l’argument du protocole selon lequel une indemnité de 1,7 mois de salaire par année d’ancienneté aurait été versée est « totalement inopérant », s’agissant d’un document non signé et s’inscrivant dans un contexte d’ « opposition systématique (des) représentants du personnel ». Sur ce, Il convient de relever d’emblée que la Société n’est aucunement fondée à venir contester que le licenciement de M. [H] a été déclaré nul, au motif du harcèlement moral, dès lors que la décision de la cour d’appel du 28 octobre 2015 est définitive, ce qui interdit à quiconque, y compris à la cour de céans, de remettre en cause et le harcèlement et la nullité du licenciement qui en est, nécessairement, résulté. Cela étant, force est de constater que les parties ne s’accordent pas sur le montant du salaire à prendre en compte pour évaluer le montant de l’indemnité due à M. [H]. De fait, chacune des parties s’appuie sur des éléments différents et tout aussi partiellement inexacts, le montant brut de la rémunération de M. [H] sur les 12 derniers mois ayant varié outre qu’il n’est évidemment pas possible de prendre en compte la rémunération incluant le « 13 EME MOIS », versée à fin décembre 2014, puisque l’article 44 de la convention applicable prévoit, justement, que le salaire moyen est calculé sur les 12 (ou 24) derniers mois et qu’on y ajoute un douzième pour tenir compte du 13ème mois conventionnel. Ainsi, le salaire moyen de M. [H] s’établit de la manière suivante, en ajoutant aux seules pièces, fournies par l’intéressé, les mois de février et mars 2014, non produits et donc estimés à 5 048,69 euros chacun : [((5048,69 + 5048,69 + 5048,69 + 5048,69 + 5098,63 + 5073,66 + 5076,47 + 5075,06 + 5075,06 +5075,06 + 5075,81 + 5075,81) / 12 = A)) + (1/12 x A) ] = 5 490,72 euros. Pour les 15 premières années, M. [H] a donc droit à (5490,72 x 15 =) 82 360,80 euros, observation faite qu’il a perçu une somme de 81 541,85 euros. La Société reste donc lui devoir, à ce titre, la somme de 818,95 euros. Contrairement à ce que soutient la Société, s’agissant d’un licenciement nul, M. [H] est fondé à prétendre pouvoir bénéficier à la fois de l’indemnité de licenciement prévue par l’article L. 1235-4 ancien du code du travail (indemnité légale ou conventionnelle, en l’occurrence, conventionnelle), en outre d’une indemnité allouée par le juge sur le fondement de l’article L. 1235-3 ancien du même code. Le juge peut également, pour autant qu’il en soit justifié, allouer des dommages intérêts pour divers types de préjudice (préjudice moral, perte de chance de percevoir une retraite, …). Encore convient-il de rappeler que, dans le cas présent, M. [H] a perçu une indemnité pour licenciement nul, d’un montant de 160 000 euros, outre des dommages intérêts d’un montant de 15 000 euros pour harcèlement moral, ainsi qu’une somme de 81 541,85 euros au titre de l’indemnité due conventionnellement au journaliste privé d’emploi ayant 15 ans d’ancienneté ou plus. Dès lors, de même que la Société n’est pas fondée à remettre en cause le harcèlement moral qui a été retenu définitivement par la cour d’appel, autrement composée, dans son arrêt du 28 octobre 2015, de même M. [H] ne saurait aujourd’hui alléguer du harcèlement moral subi pour obtenir une majoration de son indemnisation à ce seul titre. De plus, la cour d’appel, par le même arrêt, a discuté les « conséquences financières de (la) résiliation judiciaire », dans les termes suivants : « Compte tenu de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (5 484,20 euros), de son âge, de son ancienneté (28 années), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences financières du licenciement à son égard ainsi que cela résulte des pièces et des explications fournies, la cour arrête à la somme de 160 000 euros l’indemnité à lui revenir en application de l’article L. 1235-3 du Code du travail ». Il importe peu que la cour de céans ait retenu un montant de salaire un peu différent, d’autant qu’il est supérieur dans le cadre de la présente décision, ni que l’ancienneté retenue soit un peu supérieure à l’ancienneté réelle. Il demeure que M. [H] maintient devant la cour de céans des demandes qui sont, exclusivement, liées au préjudice moral lié au harcèlement moral et autres préjudices que la précédente cour a, précisément, retenus pour déterminer le montant de l’indemnisation à lui allouer. Par ailleurs, s’il est exact que la Société a défendu initialement que seule la commission d’arbitrage était compétente pour fixer le montant de l’indemnité de licenciement, il n’est pas exact de soutenir, comme le fait M. [H], que la Société aurait soutenu exactement le contraire devant cette commission. Il résulte en effet des conclusions de la Société devant celle-ci, que la Société a essentiellement reproché au salarié de rechercher devant la commission l’indemnisation des mêmes préjudices que ceux dont il avait obtenu réparation par la cour d’appel. Enfin, la référence faite par M. [H] à un protocole qui aurait été appliqué en cas de licenciement économique, est inopérante dès lors qu’il s’est de lui-même, en toute connaissance de cause (et sans, bien évidemment, que ce choix puisse lui être reproché compte tenu des circonstances telles qu’elles ont été définitivement déterminées) placé en dehors de tout contexte d’un éventuel licenciement pour cause économique. En définitive, compte tenu des sommes déjà allouées et sous la réserve du versement complémentaire dû par la Société au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi que discuté plus haut, aucune autre somme n’est due à M. [H], faute pour lui de démontrer l’existence d’un quelconque préjudice qui n’aurait pas déjà été réparé. Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile Chacune des parties succombant partiellement, elles supporteront les éventuels dépens respectivement exposés par elle. Les parties seront déboutées de leur demande respective d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS : La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, Annule la décision de la commission arbitrale des journalistes du 11 septembre 2017 ; Décide que la commission arbitrale des journalistes était compétente pour connaître, pour ce qui la concerne, du litige opposant M. [P] [H] à la société Associated Press à la suite de la rupture de la relation de travail qui liait les intéressés ; Constate que la société Associated Press a versé à M. [H] une somme de 81 541,85 euros en application de l’article 44 de la convention nationale des journalistes ; Fixe à la somme de 818,95 euros le montant restant dû par la société Associated Press à M. [H] à ce titre ; Condamne la société Associated Press à payer à M. [H] la somme de 818,95 euros ; Décide que cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 10 juillet 2015 ; Décide que M. [H] se trouve en conséquence intégralement rempli de ses droits ; Déboute M. [H] de ses demandes d’indemnisation complémentaire ; Décide que chacune parties supportera les dépens éventuellement exposés par elle ; Déboute les parties de leur demande respective d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; Déboute, les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire. La Greffière, Le Président | |