L’implantation d’un franchisé concurrent dans une zone réservée

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L’implantation d’un franchisé concurrent dans une zone réservée
Ce point juridique est utile ?

Les dispositions de l’article 1184 du code civil n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent y déroger, hors interdictions légales, en insérant dans leur convention une clause résolutoire qui n’implique une mise en demeure préalable qu’en l’absence de stipulation contraire, le nouvel article 1225 du code civil inapplicable au litige reprenant à cet égard les dispositions du droit positif antérieur.

L’implantation d’un franchisé concurrent dans une zone réservée, en supposant sa réalité pour les besoins du raisonnement, est une faute à laquelle il ne peut être remédiée : les effets de cette intégration au réseau se déploient inéluctablement dès le début d’activité que la SAS Century 21 France fixe au 1er octobre 2019, soit un mois avant la notification de la résiliation, peu important une éventuelle rupture ultérieure du nouveau contrat de franchise qui n’a d’ailleurs jamais été envisagée.

Aussi, par nature, la faute alléguée autorisait la SARL Agence Immobilière du Cannet à rompre le contrat sans préavis et sans mise en demeure.

Nos Conseils:

1°) Sur la résiliation unilatérale du contrat de franchise:

– Il est important de respecter les conditions de résiliation prévues dans le contrat de franchise, notamment en ce qui concerne les mises en demeure préalables.
– En cas de litige sur la résiliation, il est essentiel de prouver l’inexécution contractuelle ou la déloyauté de l’autre partie pour justifier la rupture anticipée du contrat.
– Veillez à ce que les clauses de non-affiliation soient claires, précises et proportionnées à la protection des intérêts légitimes des parties.

2°) Sur la nullité de la clause de non-affiliation:

– Assurez-vous que les clauses contractuelles, telles que la clause de non-affiliation, soient précises et proportionnées à l’objectif de protection du savoir-faire de l’entreprise.
– En cas de litige sur la nullité d’une clause contractuelle, il est essentiel de démontrer l’imprécision ou la disproportion de ladite clause pour obtenir gain de cause.

Résumé de l’affaire

La SAS Century 21 France a interjeté appel d’un jugement du tribunal de commerce d’Evry qui l’a condamnée à des dommages et intérêts pour déloyauté dans l’exécution d’un contrat de franchises. Elle demande à la cour d’infirmer cette condamnation et de confirmer la condamnation de la SARL Agence Immobilière du Cannet au paiement de redevances de franchise et cotisations au fonds national de publicité. La SARL Agence Immobilière du Cannet demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal de commerce et de condamner la SAS Century 21 France à payer des dommages-intérêts pour violation de l’obligation de loyauté contractuelle. L’affaire est en attente de la décision de la cour après l’ordonnance de clôture rendue le 10 octobre 2023.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 janvier 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/05195
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRET DU 17 JANVIER 2024

(n° , 18 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/05195 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFOIO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Février 2022 -Tribunal de Commerce d’EVRY – RG n° 2020F00241

APPELANTE

S.A. CENTURY 21 FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

imamtriculée au RCS d’EVRY sous le numéro 339 510 695

représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

Assistée de Me Hélène HELWASER, avocate au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.R.L. AGENCE IMMOBILIERE DU CANNET

Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

immatriculée au RCS de CANNES sous le numéro 397 999 764

représentée par Me Cassandre HUCHET de la SELARL CHELLAT-PILPRE-HUCHET, avocat au barreau d’ESSONNE

Assistée de Me Séverine PATRIZIO, avocate au barreau de NICE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre, et M. Julien RICHAUD, Conseiller, chargé du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre,

Mme Sophie DEPELLEY, Conseillère,

M.Julien RICHAUD, Conseiller,

Qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRÊT :

– contraidictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre, et par M.Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

La SARL Agence Immobilière du Cannet et la SAS Century 21 France, qui exploitent un réseau de franchise d’agences immobilières et de cabinets d’administration de biens à l’enseigne Century 21, ont conclu le 8 juin 2015, en continuation de précédents contrats successivement régularisés depuis 1996, un contrat de franchise, prenant effet le 1er août 2015 pour une durée de cinq ans, par lequel la seconde accordait à la première le droit non exclusif d’exploiter au Cannet, où était déjà exploitée un fonds de commerce sous la même franchise depuis 1995, une agence à l’enseigne Century 21 L’espace Habitat AIC pour exercer une activité de transactions immobilières et de gestion locative.

Courant 2019, la SAS Century 21 France, qui estimait insuffisant son taux de pénétration du marché, a agréé au Cannet l’agence Les Clés du Sud qui y était implantée depuis 2013.

Dénonçant cette situation de concurrence entre franchisés du réseau à l’origine  selon elle du départ de deux de ses agents immobiliers générant près de la moitié de son chiffre d’affaires, la SARL Agence Immobilière du Cannet a, après avoir adressé ses réclamations par courriel du 22 août 2019 et rencontré son cocontractant le 22 octobre 2019 :

par courriel du 29 octobre 2019 itéré par lettre recommandée du 31 octobre 2019, notifié la résiliation de son contrat de franchise pour le 31 décembre 2019, soit six mois avant le terme stipulé, ce dont la SAS Century 21 France prenait acte par courrier du 30 octobre 2019 ;

par courrier de son conseil du 27 décembre 2019, mis en demeure la SAS Century 21 France de l’indemniser de la perte de chance de réaliser le chiffre d’affaires escompté en exécution du contrat ainsi que de l’atteinte à sa zone de chalandise à hauteur de 150 000 euros. Contestant toute faute, la SAS Century 21 France s’opposait à ces demandes par lettre du 7 janvier 2020.

Par courrier du 28 janvier 2020, la SAS Century 21 France mettait en demeure la SARL Agence Immobilière du Cannet de lui payer la somme de 31 192 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de résiliation anticipée ainsi que du solde des redevances et des cotisations ainsi que de mettre un terme à son affiliation au réseau Arthurimmo.com qu’elle estimait contraire à la clause de non-affiliation stipulée dans le contrat de franchise. La SARL Agence Immobilière du Cannet, considérant que le paiement de la somme de 4 658 euros TTC soldait les comptes, refusait de s’exécuter par lettre de son conseil du 14 février 2020.

C’est dans ces circonstances que la SARL Agence Immobilière du Cannet a, par acte d’huissier signifié le 4 juin 2020, assigné la SAS Century 21 France devant le tribunal de commerce d’Evry en validation de la résiliation du contrat aux torts de cette dernière, en nullité de la clause de non-réaffiliation et en indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 25 février 2022, le tribunal de commerce d’Evry a, avec exécution provisoire de droit en toutes ses dispositions :

condamné la SAS Century 21 France à payer la somme de 69 000 euros à titre de dommages-intérêts à la SARL Agence Immobilière du Cannet au titre du non-respect de son obligation de loyauté contractuelle ;

débouté la SARL Agence Immobilière du Cannet de sa demande indemnitaire au titre de la contrainte imposée au franchisé, en méconnaissance de sa liberté du commerce, de se soumettre pendant de nombreuses années à une clause de non-affiliation illicite ;

condamné la SARL Agence Immobilière du Cannet à payer à la SAS Century 21 France au paiement de la somme de 2 329,30 euros pour les redevances de franchise et 1 423,28 euros pour la cotisation au fonds national de publicité ;

condamné la SARL Agence Immobilière du Cannet à payer à la SAS Century 21 France la somme d’un euro au titre de l’indemnité de résiliation anticipée ;

débouté la SAS Century 21 France de sa demande indemnitaire au titre de la brusque rupture ;

débouté la SAS Century 21 France de sa demande indemnitaire au titre de la procédure abusive ;

condamné la SAS CENTURY 21 à payer à la SARL IMMOBILIERE DU CANNET la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

débouté les parties de leurs autres demandes ;

condamné la SAS Century 21 France aux entiers dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 73,22 euros TTC.

Par déclaration reçue au greffe le 9 mars 2022, la SAS Century 21 France a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 3 octobre 2022, la SAS Century 21 France demande à la cour, au visa des articles 1240 et 1241 du code civil, 1103 et 1104 du code civil et L 420-1 du code de commerce :

d’infirmer le jugement du tribunal de commerce d’Evry du 25 février 2022 en ce qu’il a condamné la SAS Century 21 France à des dommages et intérêts pour déloyauté dans l’exécution du contrat de franchises et l’a déboutée de sa demande relative à la brusque rupture ;

de le confirmer ce qu’il a condamné la SARL Agence Immobilière du Cannet au paiement des redevances de franchise et cotisations au fonds national de publicité et l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre de la clause de non-affiliation ;

de l’amender en ce qu’il a réduit la clause de résiliation anticipée à 1 euros ;

statuant à nouveau, de :

déclarer que le formalisme de l’article 15 du contrat de franchise n’a pas été respecté en ce qu’aucune mise en demeure préalable n’a été effectuée ;

déclarer qu’en cas de prétendue inexécution contractuelle de l’une ou l’autre des parties au contrat de franchise, la partie, qui s’en prévaut, a l’obligation de mettre en demeure l’autre partie ;

déclarer que la clause résolutoire prévoit que le contrat ne peut être résilié qu’après un délai de 30 jours, s’il n’a pas été remédié à la faute contractuelle ;

prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts et griefs exclusifs de la SARL Agence Immobilière du Cannet ;

déclarer que la SAS Century 21 France, en agréant un nouveau franchisé au Cannet, a respecté son obligation de loyauté à l’égard de la SARL Agence Immobilière du Cannet ;

déclarer valide la clause de non-affiliation contractuelle ;

déclarer que la SARL Agence Immobilière du Cannet n’apporte pas la preuve d’un quelconque préjudice en ne faisant état que d’un préjudice éventuel ;

en conséquence, de :

débouter la SARL Agence Immobilière du Cannet de toutes ses demandes ;

confirmer la condamnation de la SARL Agence Immobilière du Cannet au paiement des sommes de 2329,30 euros pour les redevances de franchise et de 1423, 28 euros pour la cotisation au fonds national de publicité (FNP) selon décompte au 27 janvier 2020 ;

statuant à nouveau, condamner la SARL Agence Immobilière du Cannet au paiement des sommes de :

27 439,42 euros au titre de l’indemnité de résiliation contractuelle ;

20 000 euros de dommages et intérêts pour brusque rupture ;

10 000 euros pour procédure abusive outre 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

à titre subsidiaire, dans le cas où la cour estimerait que la SAS Century 21 France a commis une faute contractuelle pour manque de loyauté en agréant un nouveau franchisé au Cannet, de :

déclarer que la SARL Agence Immobilière du Cannet n’apporte aucune preuve d’un quelconque préjudice ;

fixer le montant des dommages et intérêts à la somme symbolique d’un euro ;

en tout état de cause, de condamner la SARL Agence Immobilière du Cannet aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Maître Bernabe.

En réponse, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 8 juillet 2022, la SARL Agence Immobilière du Cannet demande à la cour, au visa des articles 1134 ancien (devenu 1104) et 1147 ancien du code civil, L 420-3 du code de commerce et 1152 ancien du code civil :

de déclarer recevable mais mal fondé l’appel de la SAS Century 21 France ;

de déclarer recevable et fondé l’appel incident de la SARL Agence Immobilière du Cannet ;

de confirmer le jugement du tribunal de commerce d’Evry du 25 février 2022 en ce qu’il a :

jugé fondée la résiliation anticipée des relations contractuelles entre la SARL Agence Immobilière du Cannet et la SAS Century 21 France à raison des manquements fautifs du franchiseur ;

débouté la SAS Century 21 France de sa demande de paiement de la somme de 27 439,42 euros à titre d’indemnité de résiliation anticipée ;

débouté la SAS Century 21 France de sa demande de dommages-intérêts pour brusque rupture ;

débouté la SAS Century 21 France de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

condamné la SAS Century 21 France au paiement de la somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

d’infirmer le jugement du tribunal de commerce d’Evry du 25 février 2022 en ce qu’il a :

condamné la SAS Century 21 France au paiement de la somme de 69 000 euros à titre de dommages-intérêts à raison de la violation de l’obligation de loyauté contractuelle ;

débouté la SARL Agence Immobilière du Cannet de sa demande de condamnation de la SAS Century 21 France au paiement de la somme de 150 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des divers postes de préjudice résultant d’une part de l’implantation hors concertation préalable, d’un troisième franchisé sur la zone de chalandise de la concluante, et d’autre part de la contrainte imposée au franchisé, en méconnaissance du principe impérieux de la liberté du commerce, de se soumettre pendant de nombreuses années à une clause de non-affiliation illicite ;

condamné la SARL Agence Immobilière du Cannet au paiement de la somme de 2 329,30 euros au titre des redevances de franchise ;

condamné la SARL Agence Immobilière du Cannet au paiement de la somme de 1 423,28 euros au titre de la cotisation au fonds national de publicité (FNP) ;

condamné la SARL Agence Immobilière du Cannet au paiement de la somme d’un euro au titre de l’indemnité de résiliation anticipée ;

a débouté la SARL Agence Immobilière du Cannet de ses autres demandes ;

statuant à nouveau, de :

juger fondée la résiliation anticipée des relations contractuelles entre la SARL Agence Immobilière du Cannet et la SAS Century 21 France à raison des manquements fautifs du franchiseur, tenant d’une part à l’implantation d’un troisième franchisé sur la zone de chalandise de l’intimée, ce hors concertation préalable et en méconnaissance de l’obligation de loyauté, et d’autre part à la contrainte ayant pesé sur l’intimée par suite de l’insertion dans le contrat liant les parties, d’une clause de non-affiliation illicite, ce en méconnaissance du principe impérieux de la liberté du commerce ;

prononcer la nullité de la clause de non-affiliation insérée à l’article 17 du contrat de renouvellement du 8 juin 2015 ;

condamner la SAS Century 21 France à payer à la SARL Agence Immobilière du Cannet la somme de 150 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des divers postes de préjudice subis à raison de la violation par le franchiseur de l’obligation impérieuse de loyauté, ainsi que du caractère illicite de la clause de non-affiliation ;

débouter la SAS Century 21 France de l’intégralité de ses prétentions ;

très subsidiairement sur l’indemnité de résiliation anticipée, réduire à l’euro symbolique l’indemnité de résiliation anticipée, ce compte tenu du caractère manifestement excessif de la clause de résiliation anticipée, laquelle s’analyse en une clause pénale ;

en tout état de cause, de :

condamner la SAS Century 21 France à payer à la SARL Agence Immobilière du Cannet la somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de Maître [G], sous son affirmation de droit.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 octobre 2023. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l’arrêt sera contradictoire en application de l’article 467 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1°) Sur la résiliation unilatérale du contrat de franchise

Moyens des parties

Au soutien de ses prétentions, la SAS Century 21 France expose que la SARL Agence Immobilière du Cannet, qui a résilié le contrat en se fondant sur son article 15 et en invoquant une inexécution contractuelle, a violé ces stipulations en se dispensant de toute mise en demeure préalable alors que la clause résolutoire l’imposait et que l’agence Les Clés du Sud n’a débuté son activité que le 1er octobre 2019. Elle conteste la faute qui lui est imputée en soulignant l’absence d’exclusivité accordée à la SARL Agence Immobilière du Cannet, dont le raisonnement ne repose que sur des conjectures et qui ne justifie ni d’une perte de marché ni du fait que le départ de ses agents trouve sa cause dans l’ouverture d’une nouvelle agence sous franchise, et souligne, outre ses résultats décevants, son désintérêt à l’endroit du réseau (indifférence aux actions qu’il propose, absence de suivi des formations). La SAS Century 21 France explique que l’affiliation d’un nouveau franchisé était rendue nécessaire par la faiblesse du taux de pénétration du marché (6,5 %) et des résultats des agences Century 21 dans le secteur.

En réponse, la SARL Agence Immobilière du Cannet expose que sa résiliation anticipée était fondée sur l’hypothèse d’une inexécution contractuelle explicitement visée par l’article 15 du contrat de franchise, celle-ci résidant dans l’implantation d’un nouveau franchisé à proximité de son agence (moins de deux kilomètres) qui portait atteinte à l’objectif de performance optimale stipulé au contrat et déterminant de son engagement ainsi qu’à son devoir de loyauté. Elle précise que, dans ces circonstances, aucune mise en demeure n’était nécessaire, la violation contractuelle étant irrémédiable, et que le juge, tenu par les termes de la clause résolutoire, n’a pas le pouvoir d’apprécier la gravité du manquement démontré. Contestant tout désintérêt à l’égard du fonctionnement du réseau et les motifs de la SAS Century 21 France qui retient un taux de pénétration largement minoré, elle ajoute que la nouvelle affiliation, dont elle a été informée par un concurrent, a provoqué le départ de ses meilleurs agents et une diminution de son chiffre d’affaires sur sa zone d’activité qui correspond, à défaut d’exclusivité contractuelle, à la sectorisation par îlots que promeut la SAS Century 21 France dans sa politique générale (1 500 à 2 000 boîtes aux lettres par conseiller). Elle explique enfin que, la résiliation étant acquise, son prononcé par une juridiction est impossible.

Réponse de la cour

Conformément à l’article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 fixant son entrée en vigueur au 1er octobre 2016 et prévoyant que les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public, le contrat de franchise conclu le 8 juin 2015 est soumis aux dispositions antérieures.

Conformément à l’article 1134 du code civil (devenu 1103), les conventions légalement formées, qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, doivent être exécutées de bonne foi.

En outre, en application de l’article 1184 (devenu 1224) du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

La SARL Agence Immobilière du Cannet se prévaut de l’application de la clause résolutoire stipulée à l’article 15 du contrat de franchise du 8 juin 2015 et non du principe, désormais consacré par l’article 1226 du code civil inapplicable au litige ratione temporis, selon lequel la gravité du comportement d’une partie à un contrat à durée indéterminée ou déterminée peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important les modalités formelles de résiliation contractuelle (en ce sens, 1ère Civ., 13 octobre 1998, n° 96-21485, Com., 1er octobre 2013, n° 12-20.830, Com., 6 décembre 2016, n° 15-12981, et 3ème Civ., 8 février 2018, n° 16-24.641). Aussi, hors débat sur sa validité, le contrôle du juge est circonscrit, au fond, à son interprétation et à l’appréciation de la réalité de la faute et de la conformité des faits la constituant aux prévisions contractuelles à l’exclusion de toute analyse de sa gravité, ainsi que, sur la forme, à l’examen de la bonne foi ou de l’abus dans sa mise en ‘uvre et du respect du formalisme stipulé : le juge n’exerce dans ce cadre ni contrôle de proportionnalité ni pouvoir modérateur (en ce sens, Com. 14 décembre 2004, n° 03-14.380).

Sur la forme

Les dispositions de l’article 1184 du code civil n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent y déroger, hors interdictions légales, en insérant dans leur convention une clause résolutoire qui n’implique une mise en demeure préalable qu’en l’absence de stipulation contraire, le nouvel article 1225 du code civil inapplicable au litige reprenant à cet égard les dispositions du droit positif antérieur.

Aux termes de l’article 15.2 in fine du contrat, « la résiliation du contrat de franchise sera effective soit immédiatement et sans préavis s’il ne peut être remédié à [la] violation contractuelle, soit dans le délai d’un mois, après mise en demeure restée sans effet, signifiée par LRAR faite par l’une des parties à l’autre et précisant l’intention de faire jouera présente clause résolutoire, s’il peut être remédié à l’inexécution contractuelle pendant ledit délai ».

La répétition de la conjonction « soit » marquant une alternative, la mise en demeure, exclusivement évoquée en incidente dans sa seconde branche, n’est contractuellement requise que si la résolution est fondée sur une violation à laquelle il est susceptible d’être remédiée. Cette interprétation littérale est confortée par l’esprit de la clause : interpellation par laquelle une partie notifie à l’autre le comportement qu’elle attend d’elle, la mise en demeure n’a de sens que si son destinataire peut y satisfaire par son action ; en l’absence de possibilité d’anéantir les effets de la faute, l’article 15 exclut logiquement la nécessité d’une alerte préalable qui serait par hypothèse inutile.

Or, l’implantation d’un franchisé concurrent dans une zone réservée, en supposant sa réalité pour les besoins du raisonnement, est une faute à laquelle il ne peut être remédiée : les effets de cette intégration au réseau se déploient inéluctablement dès le début d’activité que la SAS Century 21 France fixe au 1er octobre 2019, soit un mois avant la notification de la résiliation, peu important une éventuelle rupture ultérieure du nouveau contrat de franchise qui n’a d’ailleurs jamais été envisagée.

Aussi, par nature, la faute alléguée autorisait la SARL Agence Immobilière du Cannet à rompre le contrat sans préavis et sans mise en demeure.

Sur le fond

L’article 15.2 du contrat de franchise stipule que le contrat de franchise peut être résilié de plein droit par l’une ou l’autre des parties en cas d’inexécution par l’une d’entre elles, de l’une des clauses du contrat ou du Manuel de politiques et procédures, et livre une liste d’exemples d’inexécutions contractuelles fondant la rupture.

La SARL Agence Immobilière du Cannet invoque, non un des cas non-limitativement prévus par cette clause, mais la violation par la SAS Century 21 France de « l’obligation d’une recherche optimale de performance au préjudice de la concluante et plus généralement, de l’obligation impérieuse de loyauté » (page 21 de ses écritures). La première, tirée du préambule du contrat (« [le but du contrat] n’est autre que d’assurer la performance optimale de chacune des entreprises contractantes »), n’est pas une obligation mais l’objectif commun que doivent poursuivre les parties sans se nuire, en conciliant notamment l’intérêt particulier du franchisé et celui, plus général, du réseau : elle se confond avec la seconde, prescrite par les articles 1134 et 1135 du code civil.

Pour établir ce manquement, la SARL Agence Immobilière du Cannet, qui reconnaît qu’elle ne bénéficiait contractuellement d’aucune exclusivité territoriale, invoque la violation « de sa propre politique [relative à la sectorisation par îlotage] qu’elle préconise de manière systématique et qui consiste à attribuer à chacun des conseillers CENTURY 21, une “ferme” de 1 500 à 2 000 boîtes aux lettres [‘] avec des répartitions par secteur » (page 32 de ses écritures). Elle s’appuie à ce titre sur des extraits du Manuel des politiques et procédures, qui forme avec le contrat un tout indivisible (préambule et article 1 du contrat) et définit en son article 2.16.1.2 les modalités de règlements des conflits entre collaborateurs d’agences « travaillant sur des secteurs géographiques proches ou superposés » (sa pièce 39), et des passages du Passeport pour l’immobilier qui précise en ses paragraphe 1.4, 1.5 et 2.1.3 (sa pièce 40) que :

l’implantation d’une agence détermine un marché dit « naturel », qui « peut représenter jusqu’à 50 000 habitants, voire plus », au sein duquel chaque agent va choisir sa « zone d’influence », entendue comme un « périmètre proche de l’agence » qui concentrera ses efforts de prospection en vue de la constitution du « stock » de l’agence et du développement de sa notoriété, en considération du type d’habitat, du potentiel de transactions, de l’historique des ventes réalisées et de la demande ;

« l’une des méthodes les plus riches est l’îlotage [qui correspond à] la mise en place d’un système de relations publiques et d’entretien d’une clientèle potentielle dans plusieurs aires géographiques déterminées, les îlots, dont l’ensemble constitue le secteur » dont l’importance est soulignée en ces termes : « Le fonds de commerce des Conseillers CENTURY 21, c’est donc leur secteur, et comme tout fonds de commerce, il faudra le gérer ». Un secteur regroupe 1 500 à 2 000 foyers environ et peut être divisé en dix îlots de 150 à 250 foyers, un îlot pouvant être réduit à « une rue, une résidence, un lotissement » et un secteur devant permettre de réaliser entre 30 et 45 ventes annuelles.

Pour autant que l’importante troncature de ces documents permette d’en comprendre le sens exact, la sectorisation ainsi définie ne s’apparente pas à une exclusivité territoriale, le Manuel des politiques et procédures envisageant d’ailleurs expressément l’hypothèse d’une superposition des secteurs géographiques de différentes agences, mais à une modalité de bonne gestion d’une agence et de répartition de ses conseillers ainsi que de collaboration interagence, la recommandation d’un client se trouvant sur le secteur d’une autre agence sous franchise justifiant la perception d’une somme représentant 20 % de la commission due en cas de transaction (pièce 53 de l’intimée). Si la sectorisation est réelle et fonde des interdictions de prospection entre agences (pièce 54 de l’intimée), elle est éminemment empirique, évolutive et définie en concertation avec les autres franchisés. Notion aux contours flous, elle s’apprécie exclusivement en considération du nombre de foyers, d’habitants ou de transactions réalisées, sans égard pour une superficie ou une distance entre agences. Aucune carte figurant les secteurs en débat n’est néanmoins produite.

Or, pour prouver l’atteinte à ses secteurs, qu’elle ne définit pas concrètement, et la déloyauté de son franchiseur, la SARL Agence Immobilière du Cannet invoque uniquement l’agrément d’une agence implantée à « moins de 2 km » de ses locaux, mais active sous une autre enseigne depuis 2013. Elle ne fournit pas le moindre élément, telle une analyse de la densité de population et de la nature bâti, permettant de convertir une distance en un nombre d’habitants, de foyers, de boites aux lettres ou de ventes, opération pourtant indispensable à la caractérisation du manquement invoqué. Ainsi, rien n’étaye son postulat, repris par le tribunal, d’une « diminution de facto » du nombre de secteurs et de leurs tailles, de l’introduction d’un concurrent sous franchise sur son « aire naturelle » et d’un « rognage » de ses secteurs d’exploitation.

Insusceptible d’être positivement établie, la violation alléguée ne l’est pas non plus par induction ou déduction puisque :

si les meilleurs agents de la SARL Agence Immobilière du Cannet (ses pièces 7 à 12) font un lien direct entre leur départ et l’implantation d’une nouvelle agence sous enseigne Century 21 (ses pièces 14 et 15 et 49 à 50), leur constat remonte au 4 septembre 2019, soit avant le début de l’activité effective de cette dernière, et leur crainte de voir leurs prospections sur les secteurs concernés ne reposent sur aucun élément tangible. Or, une inquiétude ne caractérise pas une atteinte effective, actuelle ou future mais certaine ;

rien ne permet de mesurer l’impact réel de la nouvelle affiliation par rapport à celui de la concurrence menée depuis le même local par la même agence exerçant sous une autre enseigne dès 2013, son activité étant par hypothèse déjà intégrée dans les données non certifiées et non étayées évoquées en pièce 13 ;

la SARL Agence Immobilière du Cannet ayant résilié les contrats dès le 31 décembre 2019 et ayant immédiatement adopté de nouvelles modalités d’exploitation de son agence sous une autre affiliation, les effets économiques de la nouvelle adhésion sont indéterminables : la diminution du chiffre d’affaires attestée par son expert-comptable entre 2019 et 2020 ne peut ainsi être rattachée à la décision de la SAS Century 21 France (pièce 43 de l’intimée). De fait, la SARL Agence Immobilière du Cannet, qui ne fournit pas d’éléments comparés pour la période de préavis dont elle estime qu’elle était exposée aux effets bénéfiques du travail antérieur de ses collaborateurs, souligne la croissance de ses résultats en 2019 et oppose uniquement une baisse de son chiffre d’affaires à compter de janvier 2020, diminution qu’elle enracine explicitement et exclusivement dans le départ subi de ses agents (pages 53 et 54 de ses écritures) dont il est désormais acquis qu’il n’est fondé que sur une projection invérifiable, peu important la sincérité des sentiments exprimés.

L’inexécution contractuelle fondant l’application de la clause résolutoire n’étant pas prouvée, demeure le grief tiré de la déloyauté opposée à la SAS Century 21 France tenant d’une part aux motifs avancés pour justifier l’implantation d’un nouveau franchisé et d’autre part à l’absence d’information préalable de la SARL Agence Immobilière du Cannet.

Sur le premier grief, la SAS Century 21 France fonde sa décision d’accepter l’adhésion d’une nouvelle agence par la faiblesse de son taux de pénétration du marché qu’elle estime à 6,5 %. Elle produit à ce titre des études qui manquent de pertinence puisqu’elles portent sur une aire géographique intégrant la ville de [Localité 5] qui, si elle peut être concernée par l’activité de la SARL Agence Immobilière du Cannet (pièce 24 de l’appelante), n’est pas utile pour apprécier une situation de concurrence au sein de la seule commune du Cannet (ses pièces 14 et 15). Elle verse par ailleurs au débat un extrait d’un simulateur interne confortant son propos en ce qu’il mentionne 1298 transactions en 2019 (sa pièce 16), nombre en réalité peu éloigné de celui avancé par la SARL Agence Immobilière du Cannet sur la base d’un relevé d’informations de la chambre des notaires récapitulant 979 ventes d’appartements anciens et 82 ventes de maisons sur la période du 1er janvier 2018 au 30 juin 2019 mais n’évoquant pas les cessions de biens neufs ou de terrains non bâtis (sa pièce 18). Aussi, même en occultant l’absence de justification de sa part de marché par la SARL Agence Immobilière du Cannet (sa pièce 20, dont les conclusions sont reprises en pièce 19, opérant des redéfinitions de secteurs qui ne sont pas étayées) et en admettant une erreur d’appréciation de la SAS Century 21 France, qui en sa qualité de tête de réseau est tenue de garantir une représentation efficace de l’enseigne sur le marché, celle-ci est très insuffisante pour caractériser sa mauvaise foi ou sa déloyauté, peu important les performances de la SARL Agence Immobilière du Cannet dont le gérant admettait que ses résultats étaient « décevants » en 2018 (sa pièce 16).

Concernant le second grief, relevé par le tribunal sans qu’il soit spécifiquement soutenu par la SARL Agence Immobilière du Cannet et qui relève en réalité de l’application de l’article 1184 du code civil et non du jeu de la clause résolutoire, aucune stipulation n’impose à la SAS Century 21 France d’informer cette dernière préalablement à l’affiliation d’un nouveau franchisé, absence de prévision logique faute de clause d’exclusivité (en ce sens, cité par la SAS Century 21 France, Com. 30 mai 2018, n° 17-14.303). Son examen dépend de surcroît, pour apprécier la pertinence du renseignement recelé, de la détermination de l’impact effectif ou potentiel de la nouvelle adhésion sur l’activité de la SARL Agence Immobilière du Cannet à travers l’atteinte à ses secteurs dont il est désormais acquis qu’ils sont impossibles à identifier en l’état des pièces produites. Par ailleurs, la Cour constate que le préjudice causé par un tel défaut d’information est nécessairement affecté d’un aléa en ce que la détermination de sa mesure suppose la reconstitution rétrospective et fictive du comportement qu’aurait adopté la SARL Agence Immobilière du Cannet une fois munie des données dissimulées : l’absence d’alerte ne cause pas une diminution de chiffre d’affaires mais prive son destinataire de la possibilité d’adapter son comportement en conséquence (e.g. en rompant ou en renégociation avantageusement le contrat). Le préjudice subi serait ainsi une perte de chance qui s’entend de la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable et qui suppose établie la preuve du sérieux de la chance perdue, son indemnisation, qui implique un calcul de probabilité de survenance de l’évènement irrémédiablement impossible, ne pouvant être égale au montant de la chance réalisée. Quoiqu’elle soit expressément dans le débat, cette qualification n’a pas été discutée par la SARL Agence Immobilière du Cannet qui persiste à invoquer un préjudice certain.

En conséquence, à défaut d’inexécution contractuelle et de déloyauté prouvées, les conditions de mise en ‘uvre de la clause résolutoire invoquée prématurément par la SARL Agence Immobilière du Cannet ne sont pas remplies. Le jugement entrepris sera ainsi infirmé en ce qu’il a retenu le contraire et condamné la SAS Century 21 France à payer à la SARL Agence Immobilière du Cannet la somme de 69 000 euros en réparation de son préjudice.

Le principe de la rupture au 31 décembre 2019 n’étant pas contesté par les parties, la Cour, statuant à nouveau, prononcera la résiliation du contrat de franchise à cette date aux torts de la SARL Agence Immobilière du Cannet et rejettera sa demande indemnitaire au titre de la violation des stipulations du contrat et de l’obligation de loyauté.

2°) Sur la nullité de la clause de non-affiliation

Moyens des parties

Au soutien de sa demande, la SARL Agence Immobilière du Cannet expose que la clause de non-affiliation stipulée à l’article 17 du contrat de franchise est nulle à raison de son imprécision, en ce qu’elle vise le département d’implantation de l’agence et non la zone de chalandise réduite à la commune du Cannet ainsi que des « succursales éventuelles », et de sa disproportion par rapport à l’objectif de protection du savoir-faire de la SAS Century 21 France qui n’est pas déterminé.

La SAS Century 21 France répond que la clause de non-affiliation est proportionnée à la protection de ses intérêts légitimes et de son savoir-faire et est limitée dans le temps (un an) et dans l’espace (le département).

Réponse de la cour

Conformément à l’article 1134 du code civil (devenu 1103 et 1194), les conventions légalement formées, qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, doivent être exécutées de bonne foi.

Le contrat de franchise litigieux a été conclu le 8 juin 2015 et rompu le 31 décembre 2019. Aussi, l’article L 341-2 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques est applicable conformément à son article 31 II, interprétation confirmée par les travaux parlementaires et la décision n° 2015-715 du 5 août 2015 du Conseil constitutionnel cités par la SARL Agence Immobilière du Cannet.

Conformément à ce texte, toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L 341-1, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite, sauf si la personne qui s’en prévaut démontre qu’elles remplissent les conditions cumulatives suivantes :

1° Elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux qui font l’objet du contrat mentionné au I ;

2° Elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat mentionné au I ;

3° Elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre du contrat mentionné au I ;

4° Leur durée n’excède pas un an après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L 341-1.

Le débat sur l’application de ce texte est de peu d’intérêt : le droit positif antérieur prescrivait des conditions de validité pour partie moins restrictives mais néanmoins voisines. Ainsi, pour être licite, une clause de non-réaffiliation, qui se distingue de la clause de non-concurrence en ce qu’elle restreint la liberté d’affiliation à un réseau distinct sans limiter l’exercice d’une activité similaire ou analogue à celle du réseau quitté mais dont le régime est similaire (en ce sens, avis n° 12-1-15 du 9 juillet 2012 de l’Autorité de la concurrence, §100), devait être :

limitée dans le temps (par analogie, la durée raisonnable fixée par les règlements communautaires n° 4087/88 et n° 330/2010 pour protéger les droits du franchiseur et la réputation du réseau, ne peut excéder un an) et l’espace ;

proportionnée aux intérêts légitimes dont elle poursuit la protection, notamment en ce qu’elle ne doit pas avoir pour objet ou pour effet d’interdire à son débiteur l’exercice de son activité dans des conditions économiquement rentables (en ce sens, Com. 31 janvier 2012, n° 11-11.071, et Com., 18 décembre 2012, n° 11-27.068).

La clause de non-réaffiliation, stipulée à l’article 17 du contrat, est ainsi rédigée :

Afin de protéger le caractère substantiel, spécifique et secret du savoir-faire de la franchise CENTURY 21, les parties conviennent de stipuler la présente clause de non-affiliation dans les termes suivants :

Dans le cas de cessation pour quelque cause que ce soit du contrat de franchise, le Franchisé et le Dirigeant s’engagent expressément à ne pas s’affilier, adhérer ou participer de quelque manière que ce soit à une chaîne concurrente du Franchiseur, ou en créer une eux-mêmes, et plus généralement à se lier à tout groupe, organisme ou entreprise directement ou indirectement concurrent du Franchiseur.

Cette interdiction sera effective pour une durée d’UN AN pour le ou les départements dans lequel le Franchisé a son agence et ses succursales éventuelles.

Il est ainsi clairement accepté que la présente clause ne fait pas obstacle pour l’ancien Franchisé et/ou l’ancien Dirigeant à la poursuite de son activité en tant que commerçant indépendant dès lors qu’il n’adhère pas à un réseau quelconque tel que défini ci-dessus.

[‘] Cette obligation de non-affiliation ne donnera aucun droit à une indemnité au bénéfice du Franchisé car elle résulte de la nature même du contrat.

Toute violation par le Franchisé de la présente obligation sera sanctionnée par une indemnité de 10.000 € (dix mille euros) par mois pendant toute la durée de l’infraction. Le paiement de cette indemnité ne porte pas atteinte au droit pour la société Century 21 France de poursuivre, le cas échéant solidairement, le Franchisé en paiement du préjudice pécuniaire et commercial effectivement subi et de faire ordonner sous astreinte la cessation de l’activité prohibée.

Le tribunal n’a pas statué sur cette demande. Son omission sera réparée conformément à l’article 462 du code de procédure civile.

Ainsi que le relève la SARL Agence Immobilière du Cannet, si la clause est limitée dans le temps, son périmètre géographique d’application est particulièrement large plus qu’il comprend 163 communes alors que cette dernière est implantée au Cannet où elle concentre l’essentiel de son activité et que le Manuel des politiques et procédures et le Passeport pour l’immobilier déjà cités rappellent qu’une prospection efficace s’exerce à proximité du lien d’implantation de l’agence. Or, alors que ces éléments révèlent en eux-mêmes une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce exercée par la SARL Agence Immobilière du Cannet, personne ne contestant l’importance d’une appartenance à un réseau pour ‘uvrer dans des conditions économiquement rentables, la SAS Century 21 France ne définit pas le savoir-faire à protéger et n’explique pas en quoi, alors que la version révisée de son contrat limite l’obligation de non-affiliation au local du franchisé (sa pièce 33, contrat de franchise conclu le 11 juillet 2019 avec la SARL Les Clés du Sud), une interdiction d’une telle portée serait légitime.

En conséquence, l’article 17 du contrat sera annulé.

3°) Sur la demande indemnitaire de la SARL Agence Immobilière du Cannet

Moyens des parties

La SARL Agence Immobilière du Cannet sollicite l’indemnisation d’un préjudice unique de 150 000 euros résultant d’une part de l’implantation par la SAS Century 21 France d’un troisième franchisé sur sa zone de chalandise, hors concertation préalable et en méconnaissance de son obligation de loyauté, et d’autre part de « la contrainte imposée au titre de la soumission pendant de nombreuses années, à une clause de non affiliation illicite, ce en méconnaissance du principe impérieux de la liberté du commerce ». Elle détermine le quantum de sa demande en considération de la diminution de 45 % de son chiffre d’affaires entre le 1er janvier et le 30 septembre 2020.

En réponse, la SAS Century 21 France oppose le caractère éventuel du dommage allégué, le chiffre d’affaires de l’année 2020, marquée par la crise sanitaire, étant de surcroît équivalent à celui de l’année 2018 et le lien de causalité entre cette baisse et l’implantation d’un nouveau franchisé n’étant pas établi, et, subsidiairement, la qualification de perte de chance du préjudice invoqué à ce titre. Elle ajoute que le préjudice tiré du respect de la clause de non-affiliation est inexistant.

Réponse de la cour

En vertu des dispositions des articles 1147, 1149 et 1150 du code civil (devenus 1231-1 à 3), le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part, les dommages et intérêts dus au créancier étant, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé et le débiteur n’étant tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est point exécutée.

Il est désormais acquis qu’en l’absence de faute contractuelle et de déloyauté imputables à la SAS Century 21 France, la SARL Agence Immobilière du Cannet ne justifie à ces titres d’aucun préjudice indemnisable. Demeure celui né du respect de la clause de non-réaffiliation.

Cette dernière était destinée à prendre effet le lendemain de la cessation du contrat, soit le 1er janvier 2020. Or, la SARL Agence Immobilière du Cannet ne démontre ni qu’elle a dû renoncer à un projet couvert par cette stipulation durant l’exécution de la relation, ni qu’elle l’a respectée postérieurement à la rupture, son affiliation au réseau arhturimmo.com n’étant pas datée et étant présentée dans ses écritures comme parallèle à la cessation des relations commerciales (page 57 de ses écritures), ce que confirme la mise en demeure que lui a adressée par la SAS Century 21 France le 28 janvier 2020 (pièce 24 de l’intimée non contestée en sa teneur). Ainsi, elle ne démontre aucun dommage. En outre, à supposer que le réseau arthurimmo.com ne soit pas réellement concurrent, la SARL Agence Immobilière du Cannet n’explique pas à quelle activité alternative elle entendait se livrer. Et, le préjudice allégué ne pourrait quoi qu’il en soit consister qu’en une perte de chance d’avoir entrepris ou poursuivi une activité sous une enseigne concurrente. Aussi, celui-ci, par ailleurs évalué forfaitairement sans le moindre étayage, est non seulement inexistant mais mal qualifié.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire de la SARL Agence Immobilière du Cannet au titre du respect de la clause de non-réaffiliation.

4°) Sur les demandes reconventionnelles de la SAS Century 21 France

Sur les redevances et les cotisations

En application de l’article 1134 du code civil (devenu 1103), les conventions légalement formées, qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, doivent être exécutées de bonne foi.

Et, conformément à l’article 1353 (anciennement 1315) du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Pour justifier les créances dont elle sollicite le paiement, la SAS Century 21 France produit un unique décompte dressé de sa main (sa pièce 21) qui ne permet pas de comprendre l’assiette des cotisations et redevances litigieuses, de vérifier le respect des articles 8 et 9 du contrat de franchise et d’apprécier le caractère libératoire des montants déjà versés par la SARL Agence Immobilière du Cannet.

En conséquence, faute pour la SAS Century 21 France de justifier du principe et de la mesure de sa créance, sa demande reconventionnelle à ce titre sera rejetée et le jugement entrepris infirmé sur ce point.

Sur le paiement de l’indemnité conventionnelle de rupture

Tandis que la SAS Century 21 France sollicite le paiement par la SARL Agence Immobilière du Cannet du montant stipulée à l’article 15-3 du contrat de franchise en cas de rupture du fait du franchisé en soutenant que cette stipulation n’est pas une clause pénale réductible, son préjudice effectif excluant quoi qu’il en soit une minoration, cette dernière soutient que la clause pénale n’est pas applicable à défaut de manquement qui lui soit imputable et que son montant doit sinon être réduit à l’euro symbolique faute de préjudice subi par la SAS Century 21 France.

En vertu des dispositions des articles 1147, 1149 et 1150 du code civil (devenus 1231-1 à 3), le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part, les dommages et intérêts dus au créancier étant, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé et le débiteur n’étant tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est point exécutée.

Néanmoins, en vertu de l’article 1152 (devenu 1231-5) du même code dans sa version applicable au jour des contrats et de leur avenant, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre, le juge pouvant toutefois, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Et, conformément à l’article 1231 du code civil, lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la peine convenue peut, même d’office, être diminuée par le juge à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’article 1152.

Pour exercer son pouvoir modérateur, le juge doit déterminer le caractère manifestement excessif (ou dérisoire) de la sanction au regard de la réalité du préjudice effectivement subi par le créancier de l’obligation inexécutée, la clause pénale étant, au sens de l’ancien article 1229 du code civil, la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l’inexécution de l’obligation principale, ce qui explique qu’il ne puisse demander en même temps le principal et la peine, à moins qu’elle n’ait été stipulée pour le simple retard.

Ainsi, hors hypothèse d’une majoration de son montant commandée par son caractère dérisoire, soit son insignifiance, qu’il incombe au créancier de prouver, l’application de la clause pénale exclut par principe toute indemnité complémentaire réparant le préjudice qui en est l’objet, sauf si le créancier démontre qu’il subit un préjudice distinct de celui couvert par la clause. A l’inverse, il appartient au débiteur de démontrer le caractère excessif du montant stipulé pour obtenir sa minoration.

L’article 15.3 du contrat de franchise est ainsi rédigé :

En cas de résiliation anticipée du présent contrat de franchise pour quelque cause que ce soit, du fait du franchisé, celui-ci devra, à titre de clause pénale irréductible, et sans que ceci fasse obstacle à l’attribution de tous autres dommages et intérêts pour préjudices prouvés, une indemnité égale à 50 % des redevances dues au cours des 12 derniers mois avant la rupture.

La qualification des parties ne liant pas le juge conformément à l’article 12 du code de procédure civile et les parties divergeant sur ce point, l’interprétation de la clause litigieuse s’impose.

Sur la qualification de la clause

Au sens de l’article 1152 (devenu 1231-5) du code civil, une clause pénale s’entend de la stipulation qui prévoit par avance le montant de la somme allouée à titre de sanction de l’inexécution de l’une de ses obligations par l’une des parties : destinée à assurer l’exécution d’une convention ainsi que le précisait l’article 1226 du code civil, elle est l’évaluation conventionnelle anticipée des dommages et intérêts réparant le préjudice causé par un manquement contractuel quelconque, éventuel au jour de sa fixation, et réprimant le comportement du débiteur défaillant.

La clause pénale se distingue ainsi de la clause de dédit qui fixe, indépendamment de toute inexécution contractuelle, le coût pour une partie de l’exercice d’une faculté de résiliation unilatérale que lui reconnaît la convention (en ce sens, 1ère Civ., 17 juin 2009, n° 08-15.156). La seconde échappe au pouvoir modérateur du juge auquel est soumise la première.

Le contrat conclu entre la SAS Century 21 France et la SARL Agence Immobilière du Cannet était à durée déterminée : il devait être exécuté jusqu’à son terme et sa résiliation anticipée est par principe fautive. Par ailleurs, conformément à son article 15, cette dernière n’est possible que dans deux hypothèses limitativement énumérées résidant dans la survenance d’un évènement (i.e. la perte de la carte professionnelle du franchisé, la suppression de sa garantie financière et un évènement défini par l’article 14A) ou dans l’inexécution d’une stipulation de la convention ou du Manuel de politique et procédures. Il n’existe ainsi aucune faculté de résiliation anticipée dont l’article 15.3 fixerait le prix.

En ce sens, le fait générateur de la créance visée à l’article 15.3 est une faute contractuelle et cette stipulation est destinée, à raison du caractère comminatoire de son montant qui, représentant la moitié des redevances annuellement perçues et correspondant à une évaluation par avance de l’indemnité réparant le préjudice subi, est conçu comme dissuasif, à contraindre le franchisé à respecter le terme du contrat. Aussi ce texte s’analyse-t-il en une clause pénale (pour une approche identique : Com., 25 septembre 2019, n° 18-14.427).

En conséquence, la SAS Century 21 France n’a pas à démontrer la réalité et l’étendue de son préjudice mais uniquement la résiliation anticipée du fait de la SARL Agence Immobilière du Cannet qui supporte la charge de la preuve du caractère manifestement excessif du montant stipulé. La faute tenant à la résiliation du contrat avant son terme par la SARL Agence Immobilière du Cannet étant acquise, demeure la détermination du montant de la clause pénale.

Sur le montant de la clause pénale

La résiliation du contrat avant son terme, fixé au 1er août 2020 (article 2), a :

privé la SAS Century 21 France de la perception des redevances dues pendant sept mois, préjudice certain et non affecté d’un aléa puisque le terme doit être respecté ;

désorganisé le réseau en déchirant brutalement son maillage territorial dans la ville du Cannet, ce dommage étant toutefois minoré par l’affiliation parallèle d’une agence existante.

C’est à l’aune de ce préjudice effectivement subi par la SAS Century 21 France que doit être apprécié le caractère manifestement excessif de la clause pénale dont l’application du montant stipulé est le principe conformément à l’article 1134 (devenu 1103 et 1104) du code civil (en ce sens, Com., 5 novembre 2013, n° 12-20.263, qui précise que le refus de modérer la peine forfaitairement prévue est une application pure et simple de la convention relevant du « pouvoir discrétionnaire » du juge). Or, la SARL Agence Immobilière du Cannet, qui supporte cette charge, échoue à démontrer en quoi le paiement de la moitié des redevances perçues sur une année entière, montant qui ne correspond pas à douze mois de redevances, est manifestement excessif alors que la seule perte des redevances dues jusqu’au terme est de nature à excéder celui-ci.

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a réduit le montant de la clause pénale à un euro et la SARL Agence Immobilière du Cannet sera condamnée à payer à la SAS Century 21 France la somme de 27 439,42 euros qui correspond au montant facturé le 3 janvier 2020 (pièce 21 de cette dernière non contestée en ses calculs).

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

La SAS Century 21 France soutient que le préavis de deux mois accordé lors de la notification de la rupture du 29 octobre 2019 était insuffisant au regard de la durée de la relation commerciale débutée en 1995, quand la SARL Agence Immobilière du Cannet explique que cette indemnisation est identique à celle poursuivie pour « rupture anticipée », le dispositif du code de commerce n’étant par ailleurs pas applicable à la relation débutée en 1996 et la rupture, annoncée lors des échanges d’août 2019, n’étant pas brutale.

En application de l’article L 442-1 II du code de commerce au regard de la date de la rupture et peu important l’ancienneté de la relation commerciale ou la date de conclusions des premiers contrats liant les parties, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels. En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois. Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.

Ces dispositions consacrent un régime spécial de responsabilité de nature délictuelle exclusif de celui du droit commun fondé sur l’article 1382 (devenu 1240) du code civil (en ce sens, Com., 2 octobre 2019, n° 18 15.676) et ouvrent un droit à réparation du préjudice né de la brutalité de la rupture et non d’une inexécution contractuelle. Aussi, le principe de non-option et de non-cumul entre responsabilités contractuelle et délictuelle, qui interdit en particulier au créancier d’une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle, ne fait pas obstacle à la présentation d’une prétention additionnelle fondée sur l’article L 442-1 II du code de commerce (en ce sens, Com., 10 avril 2019, n° 18 12.882). Le moyen tiré de l’impossibilité du cumul des actions opposé par l’intimée n’est de ce fait pas pertinent.

Il incombe à l’appelante, qui se prévaut d’un préjudice distinct né de la brutalité de la rupture, de démontrer :

le caractère établi (ou suivi, stable et habituel) des relations commerciales permettant d’anticiper raisonnablement une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial (en ce sens, Com., 15 septembre 2009, n° 08-19.200 qui évoque « la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation commerciale ») ;

outre l’imputabilité de la rupture, sa brutalité qui résulte de l’absence de préavis écrit ou de préavis suffisant qui, apprécié au moment de la notification de la rupture, doit s’entendre du temps nécessaire à l’entreprise délaissée pour se réorganiser, soit pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement. Les critères pertinents sont notamment l’ancienneté des relations et les usages commerciaux, le degré de dépendance économique, le volume d’affaires réalisé, la progression du chiffre d’affaires, les investissements effectués, l’éventuelle exclusivité des relations et la spécificité du marché et des produits et services en cause ainsi que tout obstacle économique ou juridique à la reconversion.

La SAS Century 21 France ne produit pas le moindre élément permettant de déterminer les caractéristiques de la relation commerciale, avant ou après la conclusion du dernier contrat de franchise, et ainsi d’apprécier tant la suffisance du préavis accordé et la durée éludée, qu’elle ne précise d’ailleurs pas, que l’indemnisation sollicitée, qu’elle évalue forfaitairement alors que le préjudice causé par la brutalité de la rupture consiste en son gain manqué qui correspond à sa marge sur coûts variables, définie comme la différence entre le chiffre d’affaires dont la victime a été privée sous déduction des charges qui n’ont pas été supportées du fait de la baisse d’activité résultant de la rupture, appliquée au chiffre d’affaires moyen hors taxe qui aurait été généré pendant la durée du préavis éludé.

En raison de cette carence argumentative et probatoire totale, le jugement sera, par ces motifs substitués, confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande à ce titre.

5°) Sur la procédure abusive

En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 (anciennement 1382 et 1383) du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Au sens de ces textes, l’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur équipollente au dol.

La SAS Century 21 France ne motive pas sa demande, constat qui commande à lui seul le rejet de sa demande indemnitaire. Surabondamment, la Cour constate que rien ne révèle l’existence d’un abus imputable à la SARL Agence Immobilière du Cannet qui s’est uniquement méprise sur l’étendue de ses droits et de l’obligation de loyauté de sa cocontractante. Par ailleurs, la SAS Century 21 France ne démontre ni le principe et la mesure du préjudice qu’elle allègue, ni qu’il soit distinct de celui né de la nécessité de se défendre en justice qui est intégralement réparé par l’allocation d’une somme en application de l’article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, le jugement entrepris sera, par ces motifs substitués, confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la SAS Century 21 France au titre de la procédure abusive.

6°) Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées.

Succombant, la SARL Agence Immobilière du Cannet, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à supporter les entiers dépens d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer à la SAS Century 21 France la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la Cour sauf en ce qu’il a :

rejeté la demande de la SARL Agence Immobilière du Cannet au titre de la soumission à la clause de non-réaffiliation ;

rejeté les demandes de la SAS Century 21 France au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies et de la procédure abusive ;

STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS,

DIT que les conditions de mise en ‘uvre de la clause résolutoire stipulée à l’article 15 du contrat de franchise n’étaient pas remplies et que la SARL Agence Immobilière du Cannet a commis une faute en résiliant cet acte de manière anticipée ;

PRONONCE la résiliation du contrat de franchise conclu le 8 juin 2015 par la SAS Century 21 France et la SARL Agence Immobilière du Cannet aux torts exclusifs de cette dernière à la date du 31 décembre 2019 ;

REJETTE les demandes indemnitaires de la SARL Agence Immobilière du Cannet au titre de la violation par la SAS Century 21 France des stipulations du contrat et de son obligation de loyauté ;

CONDAMNE la SARL Agence Immobilière du Cannet à payer à la SAS Century 21 France la somme de 27 439,42 euros au titre de la clause pénale stipulée à l’article 15.3 du contrat de franchise ;

REJETTE les demandes de la SAS Century 21 France au titre des cotisations et redevances ;

RÉPARANT L’OMISSION DE STATUER DU TRIBUNAL CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 462 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE,

PRONONCE la nullité de la clause de non-réaffiliation stipulée à l’article 17 du contrat de franchise ;

Y AJOUTANT,

REJETTE la demande de la SARL Agence Immobilière du Cannet au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la SARL Agence Immobilière du Cannet à payer à la SAS Century 21 France la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL Agence Immobilière du Cannet à supporter les entiers dépens d’appel qui seront recouvrés directement par Maître Bernabe conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


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